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Early Modern Parisian Soundscapes

 

Recueil

de

Chansons,

Vaudevilles, Sonnets,

Epigrammes, Epitaphes

Et autres vers

Satiriques & Historiques

avec des remarques curieuses

Années 1698 à 1704

 

Vol. XXVIII

 

Chanson                                  1698                            [1]

Sur l’air: Je suis encore trop jeunete.

A Madame la Duchesse de Barwick retirée dans un Couvent d’Angloises à Pontoise, pendant l’absence du Duc son mary.

 

Pourquoi vivre en solitaire?

Venez rire à Saint Martin;

Vous y ferez bonne chere,

Vous y boirez de bon vin;

            Je ne scaurois;

Quittez cette humeur austere;

            J’en mourrois.

 

Pour bannir vôtre tristesse,

A quoi bon tant de façons?

Venez divine Duchesse;

Venez danser aux Chansons.

            Je ne scaurois.

Moderez vôtre tendresse,

            J’en mourrois.

                                    par Coulanges

 

Chanson                                  1698                            [3]

Sur l’air des Ennuyeux ou du Confiteor

A Madame la Duchesse de Barwick femme du fils natural de Jacques II. Roy d’Angleterre. par Coulanges.

 

Vous me plaisez infiniment,

Duchesse, en êtes vous surprise?

Non; mais vous l’êtes seulement

D’un aveu si plein de franchise;

Si vous trouvés que j’ay tort,

J’en diray mon Confiteor.

 

Epitaphe                                 1698                            [5]

Sur l’air du Confiteor

 

Cy gist le mártir Savary.

Qui périt sous des coups de hache*;

Il fut des Grands le favory,

Leur fournissant Filles et Bardaches;

Il fut aussi fesse Mathieu.

Ȏ! la belle ame devant Dieu!

 

* Il fut assassiné chez luy.

 

Triolet                                     1698                            [6]

Sur la Maison de Savary

Ma* maison est petite; mais,

C’est une maison de débauche.

On y boit toujours du vin frais;

Ma maison est petite; mais,

On y mange de bons Poulets;

Et on y f…à droite et à gauche;

Ma maison est petite; mais,

C’est une maison de débauche.

 

*Jacques Savary Auteur du Parfait negociant, fut assassiné chez lui avec deux de ses domestiques environ 1698 sans qu’on ait pû en découvrir l’auteur.

Son frere Mathurin Savary évesque de Seez ne valoit guiere mieux que lui, il mourut a Seez en 1698.

 

Chanson                                  1698                            [7]

Sur Mademoiselle Bernard

par le Comte de Fiesque.

 

Pour la Bernard j’ay fait le Diable à quatre;

            J’ay prosnay ses vers à la Cour,

            Vous conviendrez qu’hors en amour,

            Il faut la servir et la battre.

 

                                                1698                            [8]

Sur la mort de Monsieur le President Talon, décédé le 2. Mars 1698.

 

On nous dit que la Parque agit aveuglement

            Quant attaquant le Parlement,

Qui, semblable au Serpent, n’a que la teste a craindre

            Elle prend une autre extremité,

            Et d’un dessein mal concerté

Vient d’enlever celui qu’on ne peut assés plaindre.

Je dis, moy, qu’elle en use avec juste raison;

Car scachant que ce Corps a pour chef un Achille,

Afin de ne porter aucun coup d’inutile,

            Elle l’a frapé au Talon.

 

A Rosaliane                             1698                            [9]

Madame des Scaux

A la belle Rosaliane

Un chanoine portant soutane*,

Ce n’est pas grande nouveauté,

Ecrit ces vers de gayeté,

Quooiqu’il ait souvent en penseé

Sa pauvre maman trepassée.

 

Enfin il faut se consoler,

Mes pleurs ne veulent plus couler;

Et dans moy la Philosophie

De jour en jour se fortifie.

Rions, mais je resve, je croi;

Car peut on rire, en bonne foy

Lorsque la petite vérolle,

Tient Caio** la petite folle?

En vient contre droit et raison,

Vous chaser de vôtre Maison?

Quel malheur! si cette insolente

Pour la Niéce, avoit pris la Tante,

Et étamorphosé vos Lys,

En rouges et flambans rubís.

Il est tres vrais que le Chanoine

 

*l’Abé de Meaueroix chanoine de Rheims.

** Niece de Rosaliane.

 

De dépit, s’en seroit fait Moine;                                [10]

Mais changeons un peu de discours.

On m’escrit que dans quelques jours

Vous devez mettre en evidence

Un nouvel habitant de France;

Et que cet enfant fortuné

Danse même Avant qu’il soit né,

Et fait gamba des à douzaines,

Marques*, sans doute, tres certaines,

Qu’il sera Danseur fort dispos,

Et fera la nique aux Chabots;

Suposé toutefois qu’il vive;

Et qu’à bon port la nef arrive,

Ce qu’on croit difficilement;

Car vous le bersez diablement,

Et jamais, dit on, femme pleine,

Ne fit tant que vous, de fredaine.

Que la pauvre Enfant en tout cas,

Se voüe au bon Saint Nicolas.

Plusieurs lui promettent voyage,

Qui ne sont si prés du naufrage.

La belle, gardez vous un peu;

Ce que vous faites n’est pas jeu,

Il y va ma foy de la vie;

Pourtant vous n’avez pas envie

De descendre sitost là bas,

 

*Jeune femme qui quoique grosse sautoit et dansoit toujours

 

Voir si les morts ne dansent pas.                                [11]

Marchés donc comme une épouseé,

Soyez aussi sage et posée,

Que dans l’hostel de Rambouillet,

Où qu’une crieuse de lait,

Si vous faites ce que j’ordonne,

Nous aurons du fruit vers l’Automne.

Ce sera, je crois, vers ce temps,

Que vous crierez helas les dents.

Ainsi croit une Donzelle;

Non pas fort sage, mais fort belle;

Qui, par je ne scay quel hazard,

En ce pays fit un poupart,

S’entend sans être mariée:

Chose qui l’a fort décrieé.

Car icy, non plus qu’à Paris,

Filles ne font rien sans maris;

Comme m’aprit l’autre semaine,

Fille à qui je comptois ma peine,

Qui nonobstant mes yeux mourans,

M’envoya bien chez mes parens;

Dont je fus honteux au possible.

Mais voyant la belle insensible,

Et s’armer d’etranges dedains,

Ma foy je lui baisay les mains.

Belle à vous aussi je les baise;

Car il est tems que je me taise.

 

 

Noel nouveau                          1698                            [13]

Sur l’air. Laissez paître vos bestes.

 

Sus sus Messieus assemblons nous,

Et nous mettons en devoir tous.

Voicy le tems qu’il nous faut tous

Marcher en asseurance,

Et nous réjouir maintenant;

Puisque c’est la naissance,

Du grand Roy tout puissant.

 

Voisin Renard allez devant,

Prenez Patrouillat en passant,

Les Detrots, vous, iront suivant,

Meneront leur famille,

Pour y adorer cet enfant;

Et la vierge Marie

Mere du tout puissant.

 

Jeanno Baudry vous faut partir,

Auparavant qu’il soit minuit,

C’est pour adorer Jesus Christ

Qui est dans une Cresche,

Pour y commencer ses travaux,

Chantez lui d’allegresse

Des chants les plus nouveaux.

 

Voisin Allier, n’irez cous pas?                                    [14]

Benoist ne vous manquera pas,

Non plus que Pierre Marcillac,

Qui offrira de grace

Quelque joly petit present;

Qui será à l’usage

De la mere et de l’Enfant.

 

Et vous Moreau vous faut aller

Chez Rallu, et vous assembler,

Pour ce cher enfant adorer:

Menerez la famille;

Mondery marchera devant,

Et Jean Pierret ensuitte

Presentera l’Encens.

 

Colin Pelletier vous faut marcher,

Avec vos gens, tout le premier,

Et quitter ce joly quartier.

Je scay que dans la Place

Il y a de fort bonnes gens,

Qui de tres bonne grace

Visiteront l’Enfant.

 

Pierre Robillard hâtez vous donc,

Jean le Verrier ce bon garçon;

Viendront prendre la Rose;                                         [15]

Afin qu’estans tous assemblés

Priront Pierre Marolle

D’apeller la Bonté.

 

François Binquet, Pierre Ferrand,

Louvet, Guerin, Bernard, Marchand,

Fourtier qui a la cervelle au vent,

Menera la Charrette.

Avec ses Chevaus tous chargez

De bon vin de Tonnerre,

Pour nous encourager.

 

Tous les Bazins avec Gallier,

Il vous faut aussi assembler;

Car il est tems de s’en aller.

Le Greffier de Chapitre

Nous conduira asseurement,

Où la vierge Marie

Alaite son engant.

 

Nouion-Bautru apelle donc

Modesteton joly poupon;

Qui prendra Jacques et Margoton?

N’oubliera pas sa mere;

Laquelle ira tost avertir,

Le Riche et la Bouvette

Qu’on est prest a partir.

 

Monsieur Barat et sa Maison,

Bouvet, le Moine, et Chambouzon,

Puis Miseré son Compagnon

N’oublieront pas Perrette

Fille de la Dame Blesnon

Qui portera nouvelle

Du voisin le Mignon.

 

Qui par malheur est bien blessé,

Charrette a sur son pied passé,

Ce qui l’a bientost empesché

D’aller joindre les autres,

Pour aller voir ce nouveau né

Avec la Lorillaute,

Sa tres chere moitié.

 

Autre chanson                         1698                            [17]

Sur l’air: Par sa prudence Villeroy.

 

On s’imaginoit que la paix

Dans le sein de la France,

Alloit ramener pour jamais,

Le calme et l’abondance.

 

La voila faite, et cependant

Graces au Ministere,

Tout va plus mal qu’auparavant.

On ne voit que misere.

 

Grand Pontchartrain voila le fruit

De tes ardentes veilles;

C’est ton coeur droit qui nous produit

De si rares merveilles.

 

L’hnneste homme, l’homme de bien,

Prés de toy n’ont que faire.

Est on un scélérat? un chien?

On est seur de te plaire.

 

Je ne suis point un révoqué;

Je parle sans colere;

Et fais de ton portrait croqué                                      [18]

Une ébauche légere.

 

Ne voit on plus les Partisans,

Sous tes heureux auspices,

Plus fripons, et plus insolens,

Faire mille injustices?

 

Quel malheur de voir ces coquins,

Désoler nos Provinces!

Et faire haïr par leurs larcins,

Le plus juste des Princes.

 

Qu’il ait donc soin de ses sujets,

Ce Maître de la terre.

Ou l’on dira que cette paix,

Est pire que la guerre.

 

Chanson                                  1698                            [19]

Sur le petit Air de la Fronde

Par Gacon, Sur Mademoiselle Bernard qui remporta le prix de l’Accadémie.

 

L’Esprit des hommes diminüe,

Et si le Sexe continúe

A remporter sur eux le prix,

Malgré la Loy qui l’en dépouille.

Le Royaume des beaux ésprits

Pourra bien tomber en quenouille.

 

Autre                                       1698                            [20]

Sur l’air…

Sur Monsieur de Pontchartrain Controlleur général des Finances.

 

Il faut payer, la chose est juste,

            On me le dit;

Mais pour quelque tems, Prince Auguste,

            Fais moy crédit:

Ordonne à Pontchartrain, grand Roy,

D’avancer cet Argent pour moy.

 

Sur Louis Quatorze                 1698                            [21]

 

Seigneur, qui soûtient la puissance

            Du Vaillant et sage Louis.

Fais-le vivre longtems pour le bien de la France;

            Fais-le revivre dans son fils.

 

Chanson                                  1698                            [22]

Sur l’air….

Sur les Titres de la Tour-Bouillon.

 

Si de Choisy j’avois la connoissance;

            J’aurois le plaisir

      De scavoir ce qu’il pense;

Car c’est luiqui prit la deffense

      Des Titres de Pierre Bar.

 

Chanson                                  1698                            [23]

Sur l’air de l’échelle du Temple.

A Madame Talon sur son mariage.

 

Vous aurez pour galns au plus,

Chupe, Raviere et Fusimagne *

Qui sont accoûtrez et vestus

Comme au tems du Roy Charlemagne,

Et dont tous les plus beaux discours,

Sont aussi vieux que leurs atours.

 

*Avocat du Parlement.

 

Chanson                                  1698                            [24]

Sur l’air: Depuis janvier jusqu’en avril.

Sur Monsieur de Bouflers.

 

Quand je vois Boufflers dans le Camp,

Crier, Tambours qu’on batte aux champs;

Jouez hautbois, sonnez Trompettes.

Il me paroist plus empressé,

Que ne fut aux Marionnettes

Jamais le fameux Brioché*.

 

*Il me semble voir Brioché fair jouer ses Marionettes sur le bout du Pontneuf.

 

Chanson                                  1698                            [25]

Sur l’air: Il fait tout ce qu’il deffend.

 

            Dans le tems des avantures de Monsieur Tiquet et de la Pivardiere.

Damon finy le mariage;

Il est bien triste aujourd’huy

Tel épousse fille sage,

Qui prend femme pour autruy;

En vain on croit la réduire.

Plaintes  ne l’a font que rire,

Et si l’on prétend gronder

On se fait assassiner.

 

Autre                                       1698                            [26]

Sur l’air de Joconde.

Sur le mariage de Jean le Cornu Seigneur de la Boissiere et de la Queüe en Normandie, avec la cadette Loison.

 

Tu fais en homme fort prudent;

            Ta politique est fine;

Pour ne jamais manquer d’argent,

            D’épouser la Tontine.

Pour éviter d’estre indigent,

            Mon pauvre la Boissiere,

Tu ne pouvois plus galament

            Achever ta carriere.

 

Autre                                       1698                            [27]

Sur l’air: Petits Oiseaux rasseurés vous.

Sur la Réformation de Luxe.

 

            Petits jupons rasseurés vous,

            Ne tremblez point pour vos parures,

            Je n’en veux point à vos dorures,

            N’y retrancher tous vos Bijoux

            Tous les Edits qui vous bannissent,

N’auront jamais ma main pour instrument;

Et bien loin d’en vouloir à tous vos ornemens;

Hélas! les plus punis sont ceux qui vous ravissent.

 

Autre                                       1698                            [28]

Sur l’air Landerirette.

Couplet du Savetier de la rüe Coqueron pour Madame la Duchesse.

Il a fait imprimer ses Poësies, où il prend la qualité de Réparateur des Brodequins d’Apollon.

 

Dés que tu fais une Chanson,

On la chante au sacré vallon.

Tout le Parnasse en retentit.

Landerirette etc.

 

Chanson                                  1698                            [29]

Sur l’air Laire la,laire lanlaire.

Observation faite à l’Observatoire Royale au mois de Juillet 1698.

Sur une promenade de 2. Dames qui y avoient donné rendez-vous à leurs amans.

 

Je diray pour les curieux

Que l’on a veu quatre beaux yeux,

Eclairer une nuit entiere.

Laire la, lairelanlaire,

Laire la, lairelanla.

 

Prés de ces Astres si brillans,

Lés uns petits, les autres grands;

On n’eut pas besoin de lumieres.

Laire la etc.

 

Les Astrologues ont prédit

Que ces quatre Astres seront mis,

Au Firmament près de Cithére.

Laire la etc.

 

Pour favoriser quatre amans.

La lune fit voir son Croissant,

Planette aux maris si contraire                                    [30]

Laire la etc.

 

Je suis Astrologue discret;

Je scais connoitre le secret;

Mais je scais encore mieux le taire.

Laire la etc.

 

Chanson                                  1698                            [31]

Sur le Menuet de l’Opera de ……..

Nôtre espoir alloit faire naufrage.

 

Sur l’Abbé Baltazar.

 

Les trois plus grand boug… qu’on renomme,

Sont Socrate, Alexandre, & Cezar;

Mais ni la Grece ny Rome,

N’ont produit d’aussi grand boug… comme

            L’Abbé Baltazar.

 

Autre                                       1698                            [32]

Sur l’air: la bonne avanture au gué.

 

Princesse vous êtes Reine,

La preuve en est seure;

Car vous êtes couronneé,

La bonne avanture au gué.

La bonne avanture.

 

Dans un Traitté ménagé

De peur de ruptura;

Vous étiez mal partagé;

Le Ciel vous a dégagé

La bonne avanture au gué. Etc.

 

Guillaume l’avoit dicté

Par malice pure;

Mais par imbécilité,

Leopold l’a rejetté.

La bonne avanture au gué etc.

 

Chanson                                  1698                            [33]

Sur l’air de Joconde.

Sur le Comte de Rabodange.

 

Rabodange* ne prétend pas

Qu’on l’assomme à la guerre;

Il est ennemy des Combats,

Il se plaît sur la terre;

Le soin d’acquerir du renom

N’est pas ce qui l’anime.

Tel de qui Cezar a le nom

N’en a pas la maxime.

*il se nomme Cézar

 

Autre

Aux douceurs d’un himen charmant

Il borne son envie,

Las de faire toujours l’amant

Il épouse Julie*:

Nicole** seroit dans ses bras,

Si cette beauté fiere

N’eut répondu: je ne veux pas

Devenir Dindonniere.

 

*Mademoiselle de Meneton fille de Monsieur le Duc de la Ferté

** Mademoiselle de Mongommery.

 

Autre                                       1698                            [34]

Sur l’air…..

 

La Turgere, des Conseillers,

Fontaine-le-pin, des éscuyers,

Et d’Argence, des filles;

Sont tous les Doyens de la ville.

 

Chanson                                  1698                            [35]

Sur l’air de Joconde.

Sur Monsieur de Noailles.

 

Aprés tant de fameux exploits,

Allez, brave Noailles,

Garder le plus puissant des Rois,

Qui vous mande à Versailles;

Prendre Urgel, fortifier Belvert,

Et manger la Sardaigne,

Tenir nôtre païs couvert.

Ah! la belle Campagne!

 

Autre                                       1698                            [36]

Sur l’air……

 

Monsieur Diville est amoureux

            De Madame de l’Epine;

Il en devient tout langoureux;

            On le voit à sa mine.

 

Le Miroir du Capucin             1698                            [37]

Elegie

 

Garoté dans un sac, ne marcher qu’en Laquais,

La teste et les pieds nuds, un trou pour tout Palais.

Coucher dans son harnois durement sur la paille;

Se donner plus de coups, que de morceau qui vaille;

Jeûner huit mois l’anneé, être sans ris, sans jeu;

Veiller toutes les nuits, sans Lumiere et sans feu.

Huit heures tous les jours dans le choeur en priere,

Toujours à ses côtez pour témoin quelque frere.

Voila tout en huit vers mon pauvre Capucin,

Où tu dois ajuster le cours de ton destin.

Et quoique ton esprit élevé sur tout autre,

Te rendre un vrai Phoenix en matiere d’Apostre,

Que tu sois plus scavant que les plus grands Docteurs,

Que le Pape et les Roys, soient tes admirateurs,

Et san savoir jamais fait le moindre desordre,

Tu sois fait Provincial, ou Général de l’Ordre.

Scache qu’avec cela si tu fais l’orgueilleux;

Si ton Ame n’est simple, et ton coeur amoureux.

Pour le moindre frerot qui soit au monastere;

Je fais état de toy comme de la poussiere,

Si je n’entends prescher; tes éloquens discours,

Passeront comme un son de Cloche ou de Tambour; [38]

Et l’on dira de toy, en sortant de visite,

Que tu n’est qu’un superbe, un fourbe et un comite.

Chacun dans sa penseé, aura bien plus d’horreur

Pour toy, pour tes amis, que pour ton propre honneur,

Dieu n’aura point d’egard à ta vie incommode,

Non plus que d’un mondain qui a suivi la mode.

Bien plus; quoi que tu sois exempt de ton orgueil,

Qu’une virginité te conduise au Cercueil,

Que tes Supérieurs ayent pris connoissance

De tes soumissions, de ton zele et silence.

Scache mon Capucin qu’avec ta nudité,

Jeûnes et disciplines et ton austérité,

Qu’au jour du Jugement on n’en tiendra mémoire

Pour t’en récompenser d’une éternelle gloire;

Si dans tes actions tu n’agis dans l’esprit

D’un tres parfait Chrestien vivant de Jesus Christ.

Sans suivre le grand train de ces communes Ames,

Qui vivent sans chaleur, sans rigeur et sans flames

Qui roulent froidement comme font les poissons,

Et se suivent l’un l’autre comme des Oisons.

Il faut que ton esprit vigilant, vigoureux,

Se montre tres fervent, tres zelé, généreux.

Sans affectation, sand fard, et sans grimace,

Agir tout bonnement; mais avec bonne grace;

Aux actions d’autruy donner ton agrément,

Sans flater néantmoins aucun déreglement;                 [39]

Laisse rouler les Cieux,les eaux dans leurs décharges,

Et sur tout garde toy de souhaiter les Charges;

Car de quelque couleur que cette passion,

Puisse couvrir le feu de ton ambition.

Que c’est la volonté de Dieu, et de tout l’Ordre;

Jamais tu ne seras sans vice et sans desordre,

Tant pour t’y avancer, que pour t’y maintenir.

Ton coeur; et ton esprit là se viendront finir

Avec tes actions, et toutes tes penseés.

Presentes et futures, même aussi les passeés;

Et tu te trouveras à l’heure de la mort,

Dans un cuisant regret d’avoir passé ton sort

Malheureux, sans profit de cette vie austere,

Dans la balance égale à la séculiere.

Commence tous les jours en Nouveau Converti,

Vis content en toy, même exempt de tout parti,

De pays, de parens; aprends bien à te taire.

Fuis l’intrigue, et par fois s’il arrive une affaire,

Où par la charité Chrestienne de tes soings,

Tu puisse soulager quelqu’un dans ses besoins;

Fais ce que tu pourras; mais fais sans attache

De peur qu’un médisant, ou un jaloux te tache.

Prie Dieu de tout ton coeur, fuis la dévotion

De ces grands cajolleurs de contemplation,

Qui parlent les yeux bas, et par cette finesse

Vivent superbement par des tours de souplesses,

Attrapent leurs plaisirs, le bon vin, les présens,        [40]

Les plus friants morceaux, les divertissemens;

Sois franc dans tes discours, jamais de médisance;

Fais que l’humilité couronne ta science.

Ne demande jamais rien avec passion,

Ne refuse aussi rien par indignation.

Vis joyeux en pleurant tes péchez de jeunesse;

Le desordre ordinaire à l’humaine foiblesse

Meurs plustost mille fois, que penser seulement

Au moindre des péchez par ton consentement;

Et si l’esprit malin des mortels par suprise,

Ou bien à découvert, veut avoir quelque prise

Contre ton propre honneur, ta vie, ou ton repos,

Détourne adroitement le coup bien a propos;

Souffre et laisse agir Dieu, laisse faire et tout dire.

Ainsi tu tasseras ceux qui veulent médire,

Si quelque séculier ou d’Eglise, ou mondain

Te provoque en gaussant, dis leur que c’est en vain

Qu’un homme bien chaussé, bien couché, bonne table,

Dormant bien, jeûnant peu, puisse être ainsi capable

De parler seulement, d’oser ouvrir les yeux,

Qu’avec de grands respects pour un Religieux.

Qui sérieusement est dedans la pratique

De tout ce que dessus; Et attens Pacifique.

Par grace de ton Dieu, pour le prix de tes voeux,

Une éternelle gloire au plus haut lieu des cieux.

 

Le Tappecu                             1698                            [41]

Du P. François de la Frette

Capucin à Grenoble

 

Je n’aime pas un rimeur effroyable,

Qui dansses vers, blessant la Charité,

Flétrit les moeurs des gens de probité.

De ce deffaut je ne suis point coupable;

Mais quelque fois je badine et je ris;

Sur ce pied là je m’erige en Poëte,

Et je ne viens que pour vanter le Prix

Du Tapecu du Capucin la Frette.

 

J’en admiray la matiere et l’ouvrage,

Quand je le vis pour la 1.re fois.

Tel qu’il êtoit encore je le vois,

Et l’on diroit qu’il est dans son jeune âge.

Quoi! toujours gras! toujours même embonpoint!

Auroit il donc quelque vertu secrete?

C’est un miracle, il ne dépérit point

Le Tapecu du Capucin la Frette.

 

Jadis son maître allant de porte en porte,

Le vit briller de ses plus jeunes ans.

Tout y tomboit, Lapreaux, Ortolans,

Pigeons Ramiers, Gibier de toute sorte.                      [42]

Ȏ que de chiens courans après lui!

Ce tems n’est plus, la moderne Gazette

Est le gibier sous qui plie aujourd’huy

Le Tapecu du Capucin la Frette.

 

Quen’ai-je en main le pinceau d’un apelle,

Pour peindre icy ce Tapecu charmant,

Nanti de vers, chargé du suplément,

Prest a crever sous maint autre Libelle,

De belle épitre et de belle Chanson.

Vous qui cherchés où l’on peut faire emplette,

Ecoutez moy; L’on en trouve à foison

Au Tapecu du Capucin la Frette.

 

Brillants écrits du célebre Gerente,

Prose enchanteé, Oeuvres du grand Buisson,

Vers tous remplis de rime et de raison.

Dignes enfans d’une Lire charmante.

Eh! d’où vient donc que l’on ne vous lit pas?

Vous serez leus au Cours à la Grenette.

Venez, venez, logés vous de ce pas.

Au Tapecu du Capucin la Frette.

 

Si l’on scavoit quel beau feu sent mon ame,

En le loüant comme je fais icy;

Que d’Orateurs! Que de Rimeurs aussi!                     [43]

Voudroient sentir un si belle flame?

A tout momento dans mon petit reduit

Ce bel objet rend mon Ame inquiette;

Le jour je pense, et je songe la nuit

Au Tapecu du Capucn la Frette.

 

Mais quelle voix! quelle bouche infernale!

Ose en ces lieux murmurer contre luy?

Cet admirable et gracieux étuy,

N’est nous dit on, qu’une guenille salle

Sur son odeur on décoche cent traits;

Mais taisez vous, ô langue peu discrete.

Par quel endroit sentiroit il mauvais,

Le Tapecu du Capucin la Frette?

 

Ȏ Tapecu! puissante Gibeciere!

Que Buisson a si souvent flairé;

Toy que les vers n’ont pas même effleuré,

Et que les poux n’ont pû mettre en poussiere.

Tu m’eblouis, et ta vive couleur

Brille malgré ton obscure retraite.

Ȏ Tapecu, des Tapecus la fleur

Ȏ Tapecu du Capucin la Frette.

 

Sur ….. de Montfort               1698                            [44]

 

Aimable et charmante Montfort,

Dont les beaux yeux plaisent si fort;

Et qui font aux ceurs milles breches.

Vos bonnes nuits vont commencer,

Et l’amour s’en va vous perçer

De la plus douce de ses fleches.

                                    Par Maneroix

 

Chanson                                  1698                            [45]

Sur l’air: de Joconde.

Sur Monsieur Cornu qui épousa la Loison pour vivre. Il êtoit Gentilhomme Normand.

 

Christophe Cornu, ce di ton,

Veuf d’une femme sage,

Epousa la brave Loison,

A la fin de son âge.

Ah! pauvre Christophe Cornu,

Tu nous fais bien connoitre,

Que qui n’a pas êté cocu,

Tôt ou tard le doit être.

 

Autre                                       1698                            [46]

Sur l’air…..

Sur N…… Thibault Marquis de la Carte.

 

Monsieur de la Carte, bis

Vous avez incognito dans vôtre noeud de Cravate.

 

Autre

Sur Monsieur de Bethune.

 

Monsieur de Bethune, bis

Comment avez vous passé le dernier quartier de Lune?

 

Chanson                                  1698                            [47]

Sur l’air……

Ont dit que ces Couplets sont de Madame la Duchesse.

C’estoit dans le tems que l’on faisoit des Contes de Feés pour Madame la Princesse aujourdhuy Madame la Duchesse de Bourgogne.

 

Que tout porte envie,

A l’heureuse vie,

Dont nous jouissons,

En faisant toc toc, nous que l’amour guide;

Nous changeons,

En momens rapide,

Les jours les plus longs.

 

Nous que l’himeneé

Retient enchaînée;

A de vieux barbons,

En faisan toc toc sans nulle scrupule;

Nous changeons,

Nos maris crédules,

En colimaçons.

 

De ce saint Caresme                                                    [48]

De longueur extrême,

Nous nous gobergons;

En faisant toc toc sans nulle hipérbole:

Nous changeons,

Nos vives et nos Solles,

En Poulets et dindons.

 

Chanson                                  1698                            [49]

Sur l’air de Joconde

Sur Jean le Cornu qui peu aprés son mariage avec la Cadete Loison devint amoureux de Madame du Bocage.

 

Cornu fut heureux & content

Tout le tems qu’en cachette,

En attendant le sacrament

Il connut sa poulette.

Faut il le faire par devoir?

Son caprice est étrange.

Il quitte le blanc pour le noir,

Et croit gagner au change.

 

Autre                                       1698                            [50]

Sur l’air: des Triolets

Sur le Seigneur Vitement Recteur de l’Université, nommé le 13. Juin 1698. pour être Lecteur de Messieurs les Princes.

 

Il faut donner à Vitement

Un Bénéfice vitement;

Il faut donner à Vitement

De quoi promptement se repaistre;

Autrement du Seigneur vitement

Les poux justement vont renaistre.

Il faut donner à Vitement

Un benefice vitement.

 

Chanson                                  1698                            [51]

Sur l’air: Scavez vous bien la difference?

 

Vôtre beauté belle Princesse*,

Porte les traits dont elle blesse,

Jusques aux plus sauvages lieux;

L’Affrique avec vous Capitule,

Et les Conquestes de vos yeux,

Vont plus loin que celles d’Hercule.

 

Si comme on dit il vous adore,

Que je plains ce pauvre Roy More,

D’estre sensible à vos appas.

Pour vous c’est en vain qu’il s’explique;

L’Europe ne donnera pas

Son Ange au Diable de l’Affrique.

 

Quoi! ce nouveau Pluton aspire,

A réunir pour son noir empire,

La Fille du plus grand des Rois?

Ah! je suis seur, beauté divine,

Qu’on vous gardera mieux cent fois,

Que l’on ne garda Proserpine.

 

*on croit que l’on veut parler icy de la Princesse de Conty B? du Roy.

 

Anneé 1699.                                                                [53]

 

Chanson                                  1699                            [55]

Sur l’air de Lanlurlu.

Sur la Harangue de Monsieur d’Aguesseau lors Avocat général, a l’Ouverture du Parlement en 1699.

 

Aprends Camarade,

Ce que d’Aguesseau

Dit en sa tirade,

Contre le Barreau;

Lorsqu’en la grand Chambre il glapit comme un perdu,

Lanlurlu. lanlurlu.

 

L’Orateur en place,

Se moucha deux fois,

Et fit par grimace

Un signe de Croix;

Puis fit sa harangue, dont voici le contenu

Lanlurlu, lanlurlu.

 

Jadis l’éloquence

Regnoit en ses lieux;

On parloit en France

La langue des Dieux;

Mais dans nôtre siecle on la met a fond perdu

Lanlurlu etc.

 

Le Gaulois antique                                                      [56]

A beaucoup de grand,

Quand on me l’explique

Je vais l’admirant;

Je l’aime, il ressemble a du latin corrompu.

Lanlurluetc.

 

Nouet* cet habile

Orateur François,

Mettoit dans son stile

Beaucoup de Gaulois.

Pleurons-en la perte, l’art oratoire a perdu,

Lanlurlu etc.

 

Cet homme admirable

Bégayoit parfois;

Mais son air aimable

Réparoit sa vois;

Sous sa langue épaisse, il auroit tout confondu,

Lanlurlu etc.

 

Sur ce grand modele

J’ay sceu me former,

Sa parole est belle,

J’ay sceu l’imiter.

Je suis vôtre maître mon argent me la rendu.

Lanlurlu etc.

 

*l’Avocat pere de celi d’aujourdhuy.

 

Une bonne femme                                                       [57]

Entendant cela,

De toute son ame,

Tout haut s’écria.

Ah! la belle chose, je n’y ay rien entendu,

Lanlurlu etc.

 

Il faut la jeunesse

Excuser un peu,

Dit avec justesse,

L’ami plein de feu;

Il fit cette piéce jouant au cheval fondu

Lanlurlu, etc.

 

As-tu veu la piece

Qu’il fit sur Cambray*

J’en scais la finesse,

Dis le nous au vray,

Ce n’est rien qui vaille, c’est du Fébus corrompu.

Lanlurlu etc.

 

J’avois cet ouvrage

Dit un habit bleu;

Mais par mon ménage

Je n’en ay fait du feu:

J’en connoît bien d’autres qui s’en sont torché le cu

Lanlurlu. etc.

 

*l’Archevesque

 

Parlez bas, silence,                                                      [58]

Lui dit un huissier;

Scais-tu l’eloquence

De son plaidoyer?

Il est admirable, toute la hale lá lu.

Lanlurlu, lanlutlu.

 

Chanson                                  1699                            [59]

Sur l’air: Laissez paître vos bestes.

Dialogue entre la Motte & des Touches.

Sur l’Opera de Martesie.

 

Nous en étions les dupes

Du Mousquetaire Musicien,

Nous en étions les dupes,

Il ne vaut pas un chien;/ On le connoît trop bien.

            Quel Opera

            A t’il fait là?

On le prenoit pour excellent;

Le tout est fade et languissant.

Nous en étions les dupes. Etc.

 

            Les gens de Cour

            Trompent toujours;

Ils nous donnoient pour grand auteur

Un tres ignare barbouilleur;

Nous en étions les dupes. Etc.

 

            On nous a dit

            Que son credit,

Surpassoit celui de Lully,

Et jamais il n’en fut de pis.

Nous en étions les dupes. Etc.

 

            Nous dirat’on              1699                            [60]

            Qu’il a du bon;

Dans les Choeurs et dans les Chansons

Qui ne sont pas de sa façon.

Nous en étions les dupes. Etc.

 

            Doresnavant

            Les Partisans,

Ont beau faire sonner partout

Que des Touches à le bon goût.

Nous en étions les dupes. Etc.

 

Autre                                       1699                            [61]

Sur l’air des Triolets.

Critique de l’Opera de Marthesie fait par Monsieur de la Mothe.

 

Tous tes derniers vers sont maudits;

On ne scauroit souffrir tes scites

Deton Opera d’Amadis

Ce ne sont que vaines redites;

Apollon a pour tou tout dit:

Par tout on te siffle, on te drape,

S’il te reste encore quelque esprit

La Mothe retourne à la Trape.

 

Crois-tu que l’on souffre à Paris,

Déguisez par des traits bizarres

Tes Amazones en Laïs?

En Céladons tes Rois barbares?

Tes tours tant de fois rebattus?

Tes vers rampans où rien ne frape?

Va t’envivre où l’on n’escrit plus,

La Mothe retourne à la trape.

 

Tu peins le Dieu Mars en fureur

Brûlant d’amour pour Marthesie.

Cet inceste doit faire horreur,                                                 [62]

C’est Mars qui lui donna la vie.

Crois-tu trouver des auditeurs

A qui ce souvenir échape?

Il le les faut chercher ailleurs.

La Mothe retourne à la Trape.

 

Ton Dieu Mars est peint comme il faut,

Sans doute il fait un joli rolle;

Il paroist comme un grand nigaut

Tout nouveau sevré de l’ecolle;

L’Amazone cache son feu,

Elle le jouë, elle l’attrape;

Pour aprendre à connoître un Dieu,

La Mothe retourne à la Trape.

 

Tu cherches l’horreur des désererts,

Lorsque la fade Comedie*

Receut un si triste revers,

Et fut du Théatre bannie;

Apres ce fatal accident,

Faut il encor qu’on t’y ratrape?

Ce sujet e nest bien plus grand,

La Mothe retourne à la Trape.

 

Tu nous donne pour vers nouveaux,

 

*Il fit une Comedie qui ne reussit pas.

 

Un amas de cent vieux ouvrages,                                [63]

En mettant Quinaut en lambeaux,

Tu veux mériter nos suffrages;

Mais puisque les Clercs les moins fins

Refusent de mordre à la grape,

Crois moy, pour pleurer tes Larcins,

La Mothe retourne à la Trape.

 

Critique                                   1699                            [64]

Sur l’Opera de Marthésie.

 

Voila tes projets

Renversez par terre.

Desja le parterre

S’arme de sifflets.

Des Touches tes sons

Sont d’un froid extrême.

Siffle tes Chansons,

Trousse ton paquet,

Suit la voix publique;

Trousse ton paquet

Quitte la Musique

Reprend le Mousquet.

 

Satire                                       1699                            [65]

en forme de Parodie, au sujet de l’Opéra de Marthesie.

 

la Motte.

Cher des Touches ce jour est un grand jour pour vous.

           

des Touches.

Nous avons part tous deux à la piece nouvelle.

            Le risque est égal entre nous.

 

            la Motte.

Le parterre à cette heure excite son courroux.

 

            des Touches.

L’indifferent la Motte en craindra peu les coups.

 

            la Motte.

Charmé des spectateurs contre mes espérances,

            J’osay sacrifier le bon sens à mes vers;

Mais comptez que mes vers les plus laids de mes vers

            Sont mes dernieres complaisances.

 

            des Touches.

Ȏ! Dieux!

 

            la Motte.

            C’estoit vous seul qui pouviez rejetter

Ce qui dans mon sujet eut êté raisonnable,

Je l’ordonnois en vain vous scaviez tout gaster.

            Qui ne veut plus être sifflable

            Ne scauroit plus vous contenter.

 

            des Touches.

            Je frémis, ma crainte est extrême;

Ami, quoi! d’avec moy faut il vous degager?

 

            la Motte.

            Vous me condamnerez vous même,

            Et vous me laisserez changer.

 

            des Touches.

J’employeray s’il le faut tout le pouvoir suprême.

 

            la Motte.

            Non j’ay ma gloire a vanger.

Je porte ailleurs mes vers, tout m’y doit obliger.

 

            des Touches.

            Quoi vous!

 

            la Motte.

            L’honneur le veut.

 

            des Touches.

                        L’aimez vous?

 

            la Motte

                                    Oui je l’aime.

            Vous me condamnerez vous même,

            Et vous me laisserez changer.

            J’ai mérité qu’on me punisse,

            J’offense un Parterre trop bon;

Qui par ses brou ha ha, m’avoit fait quelque nom;

Mais il me va siffler; Il me rendra justice.

 

            des Touches.

Helas!

 

            la Motte.                                                          [67]

            Vous soupirez; je vois couler vos pleurs.

Du nouvel Opéra craignez vous langeurs?

 

            des Touches.

            Amy que vous seriez a plaindre

            Si vous scaviez tous vos malheurs?

 

            la Motte.

            Si je porte mes vers ailleurs;

            Que puis-je encore avoir a craindre?

 

            des Touches.

C’est peu que vous perdiez un génie excellent;

Vous me perdez la Motte, et j’ay seul du Talent.

 

            la Motte.

            Vous seul, qu’entens-je! estes vous de Gascogne?

 

            des Touches.

            La Cour vante assez ma besogne.

 

            la Motte.

            Paris rejette les témoins

Du Parterre indigné; vous perdez le suffrage;

Mais n’importe à la cour, poussés vous d’avantage.

Deussiez vous à Paris plaire encore cent fois moins.

 

            des Touches.

Il faut encore traitter quelque sujet sublime.

Rimez mon interest vous doit faire la Loy.

 

            la Motte.

            Et comment? et pourquoi,

            Voulez vous que je rime?

            Si vous gâtez tout malgré moi?                       [68]

 

            Ensemble.

Si le bon sens eut joint, et le vôtre.

            Que ses noeuds auroient eu d’attraits!

            Nos talens sont faits l’un pour l’autre.

Faut il que la raison les sépare à jamais?

 

            la Motte.

            Raison impitoyable.

            Ah! quel joug importun!

 

            des Touches.

Aprés cet Opéra, faisons-en encore un.

 

            la Motte.

            Non, point d’egard pour un Diable.

            Je n’en veux avoir aucun,

            Rien n’est plus aimable

            Que le sens commun.

 

            Entre les mêmes Scênes d’Armide.

                        Acte quatriême.

 

            des Touches.

            La Motte vous m’allez quitter.

 

            la Motte.

Le public en cela doit être consulté:

            Mon art ne veut point de contrainte,

Et vôtre mauvais goût doit m’inspirer la crainte,

            Dont mon coeur se sent agité.

 

            des Touches                                                    [69]

            La Motte vous m’allez quitter.

 

            la Motte.

            C’est malgré moy que je vous laisse.

 

            des Touches.

            Croyez vous d’être regreté?

 

            la Motte.

            A cela, tout vous interresse.

 

            des Touches.

            Ah! la plaisante vanité.

 

            la Motte.

Enfin n’en parlons plus, le sifflet m’epouvante,

C’est un afront cuisant que je veux prevenir;

            C’est une raison bien pressante

            Pour être sage a l’avenir.

 

            des Touches.

D’une juste terreur vous avez l’ame atteinte:

Le moyen de guerir, est de ne rimer plus.

 

            la Motte.

            Gardés pour vous ces conseils superflus,

            Vous m’aprenez à connoitre la crainte.

Vous fûtes aplaudi dans vos premiers concerts;

Aussi j’ay bien servi vôtre Muse mutine;

            Mais a present qu’elle decline.

            Je vais porter ailleurs mes vers.

 

            des Touches.

            Que vous êtes insensé de croire

            Que vos écrits me procurent la gloire,            [70]

            D’être écoûté de la Cour et du Roy.

            Vos vers d’ennuyeuse memoire,

            Seroient ils écoûtez sans moy?

            Vous croyez vous un mérite si rare?

Que sur vôtre amitié je fonde mon espoir?

 

            la Motte.

Je voudrois vous servir; mais le sifflet barbare

            Sur les Auteurs, n’a que trop de pouvoir.

 

            des Touches.

J’en suis plus convaincu, plus la raison m’éclaire;

Mais vous seul du public attirez les mépris.

            En vain je prens soin de lui plaire,

            Quand vous révoltez les ésprits.

 

            la Motte.

Espargnez moi, Monsieur, ou craignez ma Satire.

 

            des Touches.

On brave sans peril un semblable rimeur.

 

            la Motte.

Vous n’en trouveriez pas aisement un meilleur.

 

            des Touches.

            Je n’en scaurois trouver un pire.

 

            Ensembles.

            Quittons nous et plus de dispute.

            Faisons encore un Opéra,

            Et le public verra

            Ma gloire et vôtre chute.

 

            des Touches.                                                   [71]

            Non, qu’on me berne si jamais

                        A vous on m’associe.

 

            la Motte.

            Heureux le sort qui nous allie.

 

            des Touches.

            Non, qu’on me berne si jamais

            Vos vers ont pour moi des attraits.

 

Apparition                              1699                            [72]

de l’Ombre de Lully, sur l’Opera de Marthésie.

 

            On dit que le fameux Lully.

                        Evoqué par la Jalousie,

Du séjour où la mort le tient enseveli,

Est venu chez son Gendre écouter Marthesie.

            De peur deffaroucher l’auteur,

Il voulut tout ouir sans se faire connoitre.

            On dit qu’il prit d’un petit maître,

Et l’air impérieux, et le ton imposteur.

 

Déja pour repetter, on accourt, on s’assemble.

Des Touches vient, s’emeut, donne partout la loix,

Grimace, jure, veut que sous lui chacun tremble;

On ne me mentoit pas, dit Batiste, il me semble

            Qu’il tient ses grimaces de moi;

            Mais c’est tout à ce que je voi.

            On prelude, on commence;

            Le Duc enchanté, le Marquis,

Admirent chaque endroit, marquent chaque cadence.

Que cet accord est beau! que ce chant est exquis!

Ecoutez bien, ce répand, écoutez ce murmure.

Que Lully ne peut il sortir du monument,

Il n’auroit dans ces lieux que honte toute pure.

 

Pendant tous ces discours dans un coin rétiré,           [73]

Batiste ressentoit une rage cruelle,

            Son dépit paroissoit égal

A celui qu’il fit voir lorsque dans la chapelle,

            Il eut la Lande pour rival.

Il se leve et cedant à sa juste colere;

            Ventre bleu, Messieurs, me voicy.

C’est donc ce grand auteur, ce sont ses chants icy,

            Que vôtre bon goût, me préfere?

Allez, allez, dit il, indignes connoisseurs.

            Est-cela le fruit de mes veilles?

Je croyois par mes sons, et scavans et flateurs,

            Avoir mieux formé vos oreilles.

Tous ces Colifichets, ces volez, ces répends,

            Vous semblent autant de merveilles;

Lully se fut pendu, s’il en eut fait autant,

Et vous osez, sur moi, lui donner l’avantage;

Vous, qui jugez ainsi, chez Fitte et chez Darlu;

            Allez decider d’un potage,

            Parlez y d’un ton absolu;

            Mais c’est là tout vôtre partage.

     Pour moi, morbleu, je le dis hautement,

Tous ces Colifichets ne valent pas le Diable;

Son récit quelquefois s’exprime heureusement.

            Le reste en est abominable.

Voit on de quelques sens un vers assaisonné?

Mille bizare sons y blessent l’harmonie:                    [74]

            Et si j’etois encore en vie,

            Ses chants m’auroient assassiné.

Je retombe au séjour de l’éternel silence;

Je ne l’entendrai plus. Adieu, vivez contents;

Mais pour vous reprocher vôtre basse ignorence,

Dans le fonds des Enfers, Messieurs, je vous attends.

 

Chanson                                  1699                            [75]

Sur l’air….

 

Le Docte & fameux Chapelle,

Dont le souvenir m’est cher;

Nous diroit bien des nouvelles

De ce que l’on fait en Enfer;

Mais par malheur il ne le dira pas,

Car on n’en revient pas;

Tout finit au trépas,

Ainsi qu’il nous preschoit

Au milieu du repas.

Par ma foy je suis bien aise,

Quand je bois de ce bon vin,

Et qu’assis dedans ma chaise;

Je me moque du destin

Brin, bron brac etc.

 

Chanson                                  1699                            [77]

Sur l’air: Depuis Janvier jusqu’en Avril.

 

Mademoiselle de Scudery fit cette Chanson dans le temps de la Bataille de Fleurus. Les Hollandois avoient fait mettre dans leurs Gazettes, que le Roy manquant de Capitaines avai envoyé un Sorcier à la teste de l’Armeé de Flandre.

 

Le Mareschal de Luxembourg

Avoit êté jusqu’à ce jour

Bon sorcier, mauvais Capitaine;

Mais le Diable qui en prend soin,

En a fait un second Turenne,

Dont la France avoit grand besoin.

 

Autre                                       1699                            [78]

Sur l’air: Petits Oiseaux rasseurez vous.

Un Moine êtant à Versailles se trouvant pressé de quelques nécessités naturelles, se jetta dans la 1.re Chambre, où il rencontra une Demoiselle de Madame la Duchesse.

On l’attribuë à Madame la Duchesse.

 

Charmante Iris rasseurez vous.

Je ne vient point devant vôtre Chambre.

Dans le dessein de vous surprendre,

N’y par aucun transport jaloux;

C’est une tres pressante envie

Qui me conduit dans vôtre appartement.

Helas! enseignez moy s’il vous plaît où on chie!

 

Chanson                                  1699                            [79]

Sur l’air: Tout le long de la riviere.

Sur le feu d’Artifice qui s’est fait sur la Riviere, au sujet de la Statuë de la place de Louis le Grand.

 

Peuple accourrez promptement

Pour voir un Feu charmant,

Qu’on a fait pour Louis le Grand

Au milieu de la Riviere,

Ah! qu’il y va ma bergere,

Ah qu’il y va gayement.

 

Qu’on a fait pour Louis le Grand,

Ah! qu’il y va gayement;

Tous les Princes y seront presents,

Tout le long etc.

 

Tous les Princes y seront presens,

Ah! qu’il y va gayement.

Accompagnés de tous les grands.

Tout le long. Etc.

 

Accompagnés de tous les Grands

Ah! qu’il y va gayement.

Les Ambassadeurs s’y trouvant,                                [80]

Tout le long etc.

 

Les Ambassadeurs s’y trouvant,

Ah! qu’il y va gayement.

En augmenteront l’ornement.

Tout le long etc.

 

En augmenteront l’ornement,

Ah! qu’il y va gayement.

Etant placez superbement.

Tout le long etc.

 

Estant placez superbement,

Ah! qu’il y va gayement.

Au Louvre qui est tout devant

Tout le long etc.

 

Au Louvre qui est tout devant,

Ah! qu’il y va gayement.

Dans les plus beaux appartemens

Qui ont veüe sur la Riviere. Etc.

 

Dans les plus beaux appartemens,

Ah! qu’il y va gayement.

Et les Eschevins mesmement

Tout le long etc.

 

Et les Eschevins mesmement                                      [81]

Ah! qu’il y va gayement.

Qui vont dans des bateaux coulans,

Tout le long etc.

 

Qui vont dans des batteaux coulans,

Ah! qu’il y va gayement.

Remplis de tres bons Instrumens.

Tout le long. Etc.

 

Remplis de tres bons Instrumens,

Ah! qu’il y va gayement.

Qui jouëront de beaux airs galans.

Tout le long etc.

 

Qui jouëront de beaux airs galans.

Ah! qu’il y va gayement.

Qui réjouiront tous les gens

Qui seront sur la Riviere etc.

 

Qui réjouiront tous les gens;

Ah! qu’il y va gayement.

On verra tous les aspirans.

Tout le long etc.

 

On verra tous les aspirans,

Ah! qu’il y va gayement.

Qui sur des Eschaffaux volans                                    [82]

Verront dessus la Riviere etc.

 

Qui sur des Eschaffaux volans

Ah! qu’il y va gayement.

Chacun ira pour son argent.

En y menant sa Comere etc.

 

Chacun ira pour son Argent,

Ah! qu’il y va gayement.

Pour voir ces divertissemens

Qui se font dessus la Riviere etc.

 

Pour voir ces divertissemens

Ah! qu’il y va gayement.

Les fuseés et Canons joüans

Tout le long etc.

 

Aussi des batteliers lutans,

Ah! qu’il y va gayement.

Chacun doit être bien content;

Tout le long etc.

 

Chacun doit être bien content

Ah! qu’il y va gayement.

Allons tous chantans, et dansans.

Tout le long de la Riviere

Ah! qu’il y va me bergere,

Ah! qu’il y va gayement.

 

Epitaphe de Madame Tiquet 1699                            [84]

décapiteé en place de Greve au mois de Juin 1699.

 

Quid hic cogitabundus stas viator?

            Lege et fuge.

In hac urna requiescit unius uxor,

Omnium nisi sponsi amica:

Monstrum genuit non filium,

Filiam alieno foetu conceptam suam accepit.

Masculum non virum dilexit,

Quem insi invenisset in vernis

Quaesivisset in bellius.

Regem non moverunt assiduae sponsi preces,

Irritaverunt Lacrimae.

Quid plura? Angelica Carlier,

Angelus forma, Diabolus mente,

Vir animo, Mulier corpore;

Nusquam bona, nisi truncata,

Origine Picarda, natione Parisina,

            Professione Laïs

Sub signo Tauri anno 1655. nata

Sub sign ……… periit anno 1699.

 

Anagramme de son nom.

Angelique Carlier.

Jarny quelle Garce.

 

Chanson                                  1699                            [85]

Sur l’air depuis Janvier jusqu’en avril

Sur Monsieur le Mareschal de Villeroy

 

Villeroy ce fameux guerrier

Pour toujours va prendre un Brayer.

Ȏ Dieux! la galante parure!

Et pouvoit il mieux regagner,

Qu’avec une telle ceinture

Ce qu’il perd à son Baudrier?

 

Autre                                       1699                            [86]

Sur l’air. Depuis Janvier jusqu’en Avril.

 

A Chamillart si Pontchartrain

Remet les Finances en main;

Ce n’est point que son avarice

Ait perdu de veüe nôtre Argent;

Mais c’est un nouvel artífice,

Pour le tirer impunement.

 

Il a comme Surintendant,

Pris par tout sans ménagement.

En ne scachant plus par où prendre;

Il prétend comme Chancelier

A voir la Justice à nous vendre,

Et nous mettre au dernier dénier.

 

Chanson                                  1699                            [87]

Sur l’air de Joconde.

Sur N…….. Goubert des Ferrieres pendu en Septembre: 1699. Voyez le procés des juges de Mantes aux causes celebres vol. IV.

 

Si Ture eut êté par Hazard

Le pauvre des Ferrieres;

Il n’auroit pas mangé le lard

En verroit la lumiere:

Mais à Mantes un seul morceau,

A la Potence entraîne;

S’il eut mangé tout un Pourceau

La Rouë eut fait sa peine.

 

Autre                                       1699                            [88]

Sur l’air des Triolets.

 

En ce lieu gît la Mazarin*

Qui fut si charmante et si belle.

Un chacun pleure son destin,

En ce lieu gist la Mazarin;

Ses enfants seroient sans chagrín

Si c’estoit leur pere au lieu d’elle.

En ce lieu gist la Mazarin,

Qui fut si charmante et si belle.

 

*Elle se nommoit Hortense Mancini. Elle mourut en Angleterre au mois de juillet 1699.

 

Chanson                                  1699. Septembre         [89]

Sur l’air des Triolets.

Sur le mariage de François de Harville Marquis de Palaiseau, avec ………. de Montmorin-St Heran, fille du Marquis de St Heran, qu’il épousa par Contract du 14. Septembre 1699.

 

Enfin à soixante et dix ans

Le vieux Paloiseau se marie;

Il épouse la Saint Heran

Enfin à soixante et dix ans.

Ce ne sont point jeux d’enfans;

Il ne leur faut plus de bouillie;

Enfin à soixante et dix ans

Le vieux Paloiseau se marie.

 

Que ce couple sera charmant;

Il fera beau voir leurs caresses,

Mary brutal, impertinent,

Que ce couple sera charmant.

Femme qui n’a pas une dent,

Qui mise avec beaucoup d’adresse;

Que ce couple sera charmant;

Il fera bien voir leurs caresses.

 

Qu’à dit de ce monde en partant                                 [90]

Pomponne* ce grand personnage;

De tout ce bel assortiment

Qu’à dit de ce monde en partant,

Il a dit que malaisement,

D’un sot on fait un homme sage.

Qu’à dit de ce monde en partant

Pomponne ce grand personnage.

 

Que dit-on de ce vergalant*

A la Cour ainsi qu’à la ville?

On dit qu’au lit il est vaillant,

Que dit-on de ce vergaland?

On dit qu’au lit il est vaillant,

Comme il le fut à Charleville.

Que dit-on de ce vergaland

A la cour, ainsi qu’à la ville?

 

*Monsieur de Pomponne avoit marié son fils avec une fille du 2d Lir de Monsieur de Paloiseau.

**Monsieur de Paloiseau eut autrefois grand peur à Charleville dont il estoit Gouverneur, craignant d’etre assiegé, Il plia baggage, et sauva d’abord tout ce qu’il avoit dans la place, puis fit le fanfaron quand les ennemis se furent esloignez.

 

Sur le Cheval de Bronze                      1699                [91]

de la Place de Vendôme.

 

A la place Royale on a placé ton pere

            Parmi des gens de qualité;

On voit sur le Pontneuf ton Ayeul debonnaire,

Prés du peuple qui fut l’objet de sa bonté.

Par toy des partisans le Prince tutelaire,

A la Place Vendosme entre eux on t’a placé.

 

Sur le Mercure Galant             1699                            [92]

 

Mercure est le Dieu des filoux;

Visé sans démentir son titre,  

Donne pour de l’Argent la Noblesse au Belistre,

Au Diable de l’Encens, et de l’esprit aux foux.

 

Sur le Carefour du Pilori de Nantes, 1699                  [93]

où 3. Apoticaires sont en l’espace de 4. Maisons prés les Jesuites.

 

Que ce quartier aux Culs me semble dangereux,

Et qu’il s’y doit passer de terribles affaires.

            On y voit trois Apoticaires,

            Et les Jesuites proches d’eux.

 

Anneé 1700                             [95]

 

Critique                       1700                                        [97]

Sur les gars de Finances.

Dialogue d’un vieil Officier, avec son fils.

 

Enfin jusques a quant méprisant mes leçons,

Mon fils, traiterés vous mes Conseils de Chansons?

Despeines que j’ay pris pour vous dés vôtre enfance,

A l’âge où je me vois, est ce là la recompense?

A la gloire, à l’honneur par mon exemple instruit,

De tant de long travaux, est-ce là tout le fruit?

Vous voulez, m’a t’on dit, entrer dans les Affaires,

Vous voulez obscurcir ces grands noms que vos peres,

Avec tant de mérite, et d’eclat, ont porté,

Et qu’ils croyoient transmettre à la postérité.

Depuis Hugues Capet, leur Noblesse connüe,

Sans nul mêlange impur jusques à vous parvenüe,

Par vous verra flétrir, et son lustre, & son nom

D’une si noble souche indigne rejetton?

Qu’est devenu ce feu qui dans cette Bataille,

Que gagna Catinat au Champ de Marsaille,

Vous acquite un renom si grand, si glorieux?

Et fit connoître en vous le sang de vos Ayeux;

Et cette noble ardeur qui prés du Lac de Cosme

Vous attira lesyeux et le coeur de Vendôme.              [98]

Dans mon âge glacé, pour moy je ne suis plus

Ce que j’estois à Lens, à Norlingue, à Tholus;

Mais vous, qui plein encore d’une chaleur guerriere

Couvrés de la valeur la brillante carrier

Pouvés mettre a profit encore plus de trente ans,

Et par vôtre courage atteindre au plus haut rang;

Aurai-je le chagrin dans mon seizieme lustre

De voir de ma Maison obscurcir tout le lustre?

Et de plus d’un héros, trop indigne héritier,

Irez vous exercer l’infame et dur métier

De ces vils Publiquains, maudits d’Evangile,

Méprisés de la Cour abhorés de la ville?

Chez qui je vous ay veu si souvent à grands flots

Répandre avec plaisir vôtre bile en bons mots.

 

                        Le Fils

Ne puis-je pas sans que je vous offense,

Interrompre un moment vôtre vive éloquence?

J’ay sceu dés mon berceaux quels ont êté vos soins

Et vos Conseils encore m’en sont de bons témoins

Oui je scay que bien loing de ces peres perfides,

Et que de leurs enfans eux mêmes paricides,

En flattant leur penchant, leur charchant des Docteurs

Pour former leurs esprits et negligent les moeurs;

Ne sentant point pour moy cette fausse tendresse

Vous fites cultivar ma premiere jeunesse.

Par des gens vertueux, polis, sages, scavans;              [99]

Je n’ay pû profiter sous vos yeux à seize ans

Du dur metier de Mars, je fis l’aprentissage;

Onze après courbé sous le fardeau de l’âge,

Ne pouvant plus server, vous crûte vainement,

Que je succederois à vôtre Régiment.

On vous le refusa, j’eus toute l’Armeé

Contre ce dur refus, justement animeé;

Quant avec mille francs et tout percé de coups,

On vous permis enfin d’aller mourir chés vous.

Quoiqu’en durci trente ans au travaille, à la peine,

Sans pouvoir m’avancer, j’ay resté Capitaine,

Tandis, non sans dépit, que j’ay veu mil fois,

Cent Officiers sans nom, s’avancer par Louvois.

J’eus beau faire éclater ma trop faible colere

Barbezieux ne fut pas plus juste que son pere,

Et sa brutalité puiseé en sa maison

L’empescha d’écoûter la voix de la raison.

Je crus qu’aprés sa mort un nouveau ministere,

Feroit changer mon sort et finir ma misere;

Mais accablé de maux, de chagrin, et d’ennuy,

Je me retrouve encore Capitaine aujourd’huy:

On diroit cependant, sans doute à vous entendre

Qu’au baton dans fort peu, j’aurois droit de pretendre;

Mais sans un protecteur Mars n’offre à ses guerriers

Qu’un honneur chimérique et de maigres Lauriers.

Au sortir d’un combat irai-je plein de gloire               [100]

Mourir à l’hospital, pour vivre dans l’histoire.

Ou moy même au plus, réduit à la moitié

Emouvoir de Louis la stérile pitié.

Suposons toutefois qu’armé de patience,

Sur le Tresor Royal je brigue une Ordonnance;

Qu’obtiendrai-je à la fin? peut être cent écus,

Il faut pour les toucher essuyer des refus.

De Gruin plus féroce, et moins homme qu’un Suisse

Grand et digne loyer de trente ans de service;

C’est bien pis s’il me faut attendre que Poulletier

Succede dans un an à ce Cabaretier.

Qui voudra m’asseurer, qu’altier, dur, inflexible,

Il devienne pour moy honneste et sensible?

Que touché de mon sort, il ordonne à l’instant

A son premier Commis de me payer comptant,

Ce seroit me flater d’une espérance vaine.

Je connois de Poulletier l’humeur aigre et hautaine;

Depuis qu’en Normandie il connut Chamillart,

A peine sur les Grands, jette t’il un regard;

Protégé du Ministre il s’adonise, il s’aime.

Il est vrai qu’en s’aimant, il s’aime sans rivaux.

Que deviendrai-je? helas! si pour comble de maux

A me persecuter, la fortne obstineé,

Va me remettre encore à la troisieme anneé.

Faudra-t-il tous les joues aller bloquer l’hostel

De Turmenis masqué sous le nom de Nointel?

Et du malin au soir enrager à sa parte?                        [101]

Attendre pour le voir, ou qu’il entre, ou qu’il sorte?

Irai-je pour hâter mon triste payement;

L’abordant tout transi, lui dire sottement,

Que j’etois fort amy de feu Monsieur son pere.

A ces mots écumant de rage et de colere;

Prenant mon Compliment pour un cruel affront;

Tantost pâle, tantost la rougeur sur le front,

Me lançant de traver un regard effroyable,

Envoyera l’Officier, et l’Ordonnance au Diable.

Pourrai-je sans argent me soûtenir trois ans?

A mon texte esgaré; revenons il est tems,

De quelque doux espoir que la valeur nous flate,

Pourrai-je esperer au sort de l’heureux Arondatte*?

Vera t’on mes enfans, ainsi qu’on voit les siens,

Accablé sous le faix de l’honneur et des Biens?

Depuis que vous servez, le métier de la guerre,

Vous a t’il procuré quelques Biens? quelques Terres?

Avez vous amassé par tous vos longs travaux

De quoi, l’argent en mains, pouvoir acheter Vaux?

Loin de là vos Combats, vos Exploits militaires

Ont fait évanoüir tous les Biens de vos peres.

Aujourd’huy poursuivi d’un tast de Créanciers,

Les pouvez vous payer en histoires, en Lauriers?

En leur parlant de Norlingue de Lille;

Leur ferez vous de vos fuits un récit inutile?

Croyez vous les avoir satisfait à leur gré,

 

*Villars.

 

En leur citant du Pleix de Serés Mére*?                      [102]

Il leur faut de l’argent, ou malgré vous permettre

Qu’on vende cette terre où vous avez fait mettre

En cent lieux differens le nom de vos Ayeux,

Depuis Hugues Capet toujours Chevaleureux,

Voir malgré vos Tournois pein jusque sur vos vitres?

Passer en d’autes mains, vos Terres et vos Titres,

Et dépouillé de Biens par un retour fatal,

Vous, et vôtre valeur campés à l’hospital.

Pour moy je veux me mettre a couvert des insultes

Que mes parens sur moy fonant tous en tumltes

Que chacun à son tour vienne me reprocher

Que je n’ay qu’un coeur bas et plus dur qu’un rocher

Qu’ils viennent me chanter cent sotises pareilles.

Je laisse crier et bouche mes Oreilles,

Et d’un petit Commis par l’exemple animé,

Je compte qu’en deux ans j’achette mon fame.

 

                        le Pere,

Mon fils, la pauvreté modeste, et vertueuse,

Vaut mieux que la richesse altiere et sourcilleuse.

 

                        le Fils.

J’en conviens; mais enfin c’est toujours pauvreté

Infaillibles moyens pour être rebuté;

Il est vray que du temps de Saturne et de Rheé

La vertu des mortels constamment adoreé,

D’Elle seule empruntoit son lutre et son secours:

 

*Mezeray.

 

Mais n’avons nous pas veu vous & moy de nos jours.[103]

Le Célebre Docteur* dont la plume éloquente

Soûtenir contre Calvin, l’église chancellante,

Errant, abandonné, poursuivi, combattu,

Tomber, mourir de faim sous sa propre vertu?

Pour faire s afortune un bel exemple à suivre!

Oui j’aime la vertu; mais aussi j’aime à vivre,

Et la seule vertu donne fort peu de pain.

Ainsi sans vous chequer vous me preche en vain,

Et de tous vos discours le pompeux étalage,

Loin de m’en rebuter, m’y pousse & m’encourage;

Car pour vous expliquer ma pensé en deux mots

Je veux vivre à mon aise et mourir en repos,

Je le scay comme vous la vertu plaît, console;

Mais quoiqu’en ses essays nous ait presché Nicolle

Avec cette vertu qui consolle et qui plaist,

Personne ne parvient au sort de Bourvallais.

La vertu, je l’avoüe est bonne en l’autre monde;

Mais icy bas, Gruin, Croizet**, Epoise et Prondre,

Baugés, Rancy, Mainon, le Gendre, Thevenin,

Sont plus considerés que Quesnel, et du Pin,

Et quoique Massillon et la Ferté nous die,

La Maltotea du bien et la vertu mandie.

Or moy, qui seurement ne veux point mandier,

A cette inconvenient je veux rémédier;

Et quittant pour jamais le vain métier des Armes.

 

*Arnauld

**je crois que c’est Crozat.

 

Je me mets à couvert de semblables allarmes; [104]

Je conviens avec vous que le nom de Traittant,

Est un nom ôdieux, méprisé, rebutant;

Je scay que le public traite les gens d’Affaires,

De voleurs, de fripons, d’uzuriers de Corsaires;

Mais vous scavez aussi qu’entre ces Uzuriers,

Il est des noms facheux que le mérite efface,

Et l’austere vertu trouve partout sa place.

 

                        le Pere.

Mon fils sur le passé mésuront l’avenir

De soixante et dix ans je puis me souvenir;

Je n’ay veu de Traittans que maison runieé,

Et pour parler ainsi plustost morte que neé;

Où sont les Montauron? où sont les Monerot?

Ou peut être on verra les Rouillé, les Pajot,

Dans l’indigence un jour leur famille entraînée

De celle de Gallet suivra la destineé;

De Galletdone le nom sans l’hostel de Sully,

Depuis plus de cent ans, languiroit dans l’oubly.

Peu de tems de Fermiers, leurs familles fleurissent;

Rarement de leurs biens leurs héritiers joüissent,

Et par mille forfaits leurs Tresors amasses,

Par eux mêmes souvent sont bientost disperses;

Nous n’en scavons que trop les histoires tragiques,

Et sans aller fouiller dans les virilles Chroniques,

La Noüe en fournit seul un exemple à nos yeux

Le miserable, hélas! heureux, trois fois heureux,         [105]

Si comme en sa jeunesse, humble sage et docile,

Il fut toujours resté Laquais d’Armenonville*,

Ou de Laquais enfin Menusier devenu,

Dans le métier honneste, il se fur maintenu;

Mais oubliant bientost, et varlope, et mandille,

L’équipage paroît, lors en ses meubles brille.

On voit sur son Buffet éclater le vermeille,

Et le plus riche Duc n’en ont pas de pareille;

Non content qu’a Paris son Palais magnifique

Attire des passans la maligne critique;

Pour rendre ses désirs pleinement satisfaits,

Il veut à la Campagne un semblable Palais

Il en cherche partout, aucun ne lui peut plaire;

Quant un Sauvion** chanté par la Bruyere

Vint offrir au faquín une Maison, dit on,

Que la leur si conmie dans le Catolicon,

Fit bastir autrefois, lorsque la Sainte Ligue

Et d’honneur et de bien si follement prodigue.

Fit l’noo ne scai coment, d’un petit Procureur

De la triste Bastille, un digne Gouverneur.

Dés le marché conclu, le Comte de Sagonne***

Met son art en pratique; abat, éleve, ordonne,

Et fait tant par ses soins qu’en six mois Taurny,

Obscurcit Liancourt, Sceaux, Dampierre et Berny.

Son luxe pour meubler la campagne et la ville.

 

*Fleurian

**le Clerc de Lesseville

***Mansard.

 

Puise de Quinault le Magazin fragile.                         [106]

Ce ne sont que Miroirs, ce ne sont que Trumeaux;

Ses Cabinets sont pleins des plus rares Tableaux,

qu'ait produit jusqu’icy la France et l’Italie;

Aux Ducs, aux Grands Seigneurs, pardonnable folie

Il a pour contenter sa sotte vanité,

Appartement d’Hiver, appartement d’ésté.

Son épouse autrefois crasseuse Cuisiniere

Veut des Laquais mieux fait que ceux de Lesdiguieres

Pour ses moindres habits, Perichon, Galpin,

N’ont rien d’assez pompeux, d’assés beau, d’assez fin,

Dans un superbe char cette vieille servante

Se fait traîner au Cours en femme non chalante;

Sur elle les Rubis brilles de toute part,

Du peuple toujours dupe, attire les regards;

Ades gens bien senses, la haine & la colere,

Le faquin oubliant sa premiere misere

Pour se délicater invente des aprés.

Et sa table est couverte et servie à grands frais

Il voit des flateurs une troupe agréable

Qu’il abreuve à long trait, d’un nectar délectable,

Et le vin de Champagne afflot précipité

De son riche Buffet coule de tout costé.

Parmi les doux plaisirs le luxe et la molesse

Il sent naître en son coeur l’amour et la tendresse

De l’aimable L…… éperdument épris

Pour en pouvoir jouir n’en fixe point le prix;             [107]

Lors aisement à bout pousse les plus crueles

Avant Danaé même on n’a veu peu de belles

Tenir contreun métail si doux et si charmant.

Enfin pour faire à son nouvel amant

La belle dés longtems au métier aguerie

Reste quelques jours et fait la ranchérie;

Mais pour vingt mil éscus payé vîte et comptant,

Elle rend heureux, satisfait et content.

Sa table en peu de tems, ses Palais, ses maîtresses

Auroient pû de Pathose épuiser les Richessses;

Mais ces vils Partisans sont fécond en moyens,

De refaire aisément leur fortune, et leurs Biens

Du crédule public leur adresse se jouë.

Un bruit sourd se repand à Paris que la Nouë

Prend de l’Argent partout, et prenda au dénier six

Ce que l’hostel de ville ne prend qu’aux dénier dix;

Des Avares Uzuriers, la foule est à sa porte,

On y vient de tous lieux, on s’y presse, on s’y porte;

Et pour avoir l’honneur d’etre son Créancier,

Cet insigne voleur veut se faire prier.

Dans l’art de friponner cet homme peu novice

En prenant vôtre Argent, dit qu’il vous rend service,

Qu’à tout autre qu’à vous qu’il refuseroit;

Et peu de jours après il fuit, il disparoît;

Tout Paris allarmé de la triste nouvelle

Ne scauroit croire encore sa fuite criminelle, [108]

Mais il aprend enfin, le peuple frémissant,

Implore de Thémis le secours languissant;

On le scay, il estpris, la justice avec peine

L’envoye au Pilory, le condamne à la chaîne;

Le croira qui voudra que le public volé,

Par un si belle Arrest se trouve consolé.

Voila mon fils, voila des gens de cette étoffe

Quelqu’un est presque toujours la triste catastroffe;

Le Prosne est un peu long, soit dis sans vous facher

Et les deux tiers au moins s’en pouvoir retrancher;

Mais que concluërons nous de vötre longue histoire.

Que parmi cent Traitans on trouve une ame noire

Un avare, un mareau, un coeur bas, un Coquin,

Et qui se ressentant encore de sa mandille

Par cent tours diffamans enrichit sa famille;

Veut un Duc pour sa Fille, et sur des Fleurs de Lys,

Avec des gens d’honneur, voir ses Enfans assis.

J’en conviens, il est vray, et croit que personne n’en doute

Mais quoi! pour s’en richit ne tient-on qu’une route?

Quelle confusion! Si tout le genre humain

Marche pour s’avancer par le même chemin;

Sans faire le prescheur, ne peut on pas sans crime

Exiger des sujets, un tribute Legitime?

Quant le Prince l’impose, et par ses justes Loix

Il en perçoit lui même, et l’usage, et les droits,

Et soûtient encore que le Traittant peut faire             [109]

Sur quelque Archil obscure un ample commentaire;

Ce n’est pas sans exemple; et j’ay veu maint Arrest

Qui du Commentateur apuyoit l’interrest.

Je pourrois au lieu d’un de vous en citer dix mille;

Mais sans aller plus loin, on voit dand l’Evangile

Le mauvais serviteur paresseux, indolent,

Blâmé pour n’avoir pas fait valoir le talent

A ceux qui par leur art on sceu le faire croître;

Loüé publiquement par la voix de leur maître;

C’est le train d’aujourd’huy, l’homme riche est loué,

Et le pere indigent, du fils desavoüé.

Thevenin méconnoît son épouse indigente.

Et lors que pour le voir des bords de la Charante,

Pleine d’affection elle court à Paris

Elle retrouve enfin le plus dur des maris;

Bien loin de partager sa bonne destineé,

Dans le fond d’un Couvent la pauvre est confineé.

On regle par le bien, le mérite et le rang,

On s’introduit partout, on entre chez les grands;

On fait l’entremeteur, on fait le petit maître;

Qu’importe que le ciel Laquais vous ait fait naître,

Que même avant le tems, tout Paris ait veu

Mandier vôtre pain tremblant et tout nud;

Des Astres bienfaisans, la benigne influence

A vous corriger la premiere naissance;

Enfin pour abréger, je cherche à m’enrichir,                [110]

Et tous vos longs discours, ne scauroient me fléchir.

Avant moi bien des gens en ont frayé la route.

 

                        le Pere.

Mon fils.

 

                        le Fils.

Je vous écoute.

 

                        le Pere.

Pour la derniere fois je vous ouvre mon coeur;

L’homme de bien en soy place le vray Bonheur;

Heureux qui n’est qu’à soy, qui de soy se contente,

Qui par une Ame droite et constante,

Ne recherchant, ny bien, ny plaisir, ny grandeur,

Remplit dupeu qu’il a le vuide de son coeur.

 

                        le Fils.

C’est bien dit, vos leçons sont bonnes dans un Livre;

Mais voit on bien des gens s’empresser de les suivre.

La pratique en paroît peu commune aujourdhuy;

Qui n’a que la vertu pour barre/ base et pour apuy,

Si du sort inconstant, il brave la menace

Il s’eleve pour tous ceux qu’on voit en place;

Par leur seule vertu se sont ils élevés?

Par biens d’autres chemins ils s’y sont trouvés.

Sans un puissant patron, il sert peu d’etre brave,

J’en apelle à témoin le deffenseur de Grave*.

Combien pour le baton à son mérite deu.

 

*Bouton de Chamilly

 

A …… accordé n’a t’il pas attendu?

Moy qui suis sans patron, je renonce à la guerre;

Je scay comment pour rien on achete une Terre.

Je vois des Procureurs, et Chanteau m’a promis

Pour quelqu’argent comptant, d’etre de mes amys.

La valeur, la vertu, n’est que pure fadaise;

Je ne trouve rien tel que de vivre à son aise.

Pour finir, tout compté, tout rabatu

On préfere aujourdhui le bien, à la vertu.

 

Chanson                                  1700                            [113]

Sur l’air……

Sur l’Arriveé de l’Ambassadeur d’Espagne en France, qui vint pour faire part au Roy du Testament de Philippes IV. Par lequel il élisoit pour son successeur à la Couronne d’Espagne, le Duc d’Anjou son petit fils.

 

Un jour qu’il ne faisoit pas beau

Le Roy êtant à Fontainebleau,

L’Ambassadeur d’Espagne arrive

Avec une longue Missive;

Qui aprenoit à tout chacun,

Que le Roy son maître êtoit deffunt.

 

Quand on eut entendu cela,

Chacun cria Jesus Maria!

A qui donne t’il sa Couronne?

L’Ambassadeur dit, il la donne

A Monseigneur le Duc d’Anjou,

Qui est souhaité de tretous.

 

Aussitost il lui prit la main,

Et la baisa pour le certain;

Puis il fit trois pas en arriere

D’une si tant belle maniere,                                        [114]

Qu’il n’y avoit ny petit ny grand,

Qui ne pleura amerement.

 

A la Chapelle on s’en alla,

Et Dieu on y remercia

D’avoir donné une couronne

Au Duc d’Anjou je vous le nomme;

Puis aprés qu’il en fut sorty,

Il êtoit environ midy.

 

Ensuitte on s’en alla diner

Tout le monde êtant là range;

Selon son rang je vous le jure

Dans une tres bonne posture;

Les Princes sur des Tabourets,

Et les Duchesses tout auprés.

 

Louis de France, Louis de Bourbon,

Faisant l’honneur de sa maison,

A son petit fils donne la droite;

D’une maniere fort honneste;

Monseigneur le Dauphin aussi

Quoique ce fut son proper fils.

 

Monsieur le Premier President,

Et les Conseillers mesmement,                                   [115]

Vinrent d’une affection grande,

Luy faire de belles harangues;

L’Academie des beaux Esprits,

Lui fit là celle que voicy.

 

Sire nous venons de Paris,

Tout exprés pour nous réjouir,

De ce que les Espagnols vous donnenet,

La valeur de dix sept couronnes;

A vous qui n’avez pas tant d’ans.

Voila qui êtoit biau asseurement.

 

Il a donné de biaux pendans,

De Perles et de Diamans,

A la Duchesse de Bourgogne,

Qui est la belle soeur de sa personne,

Qui valont bien cent mille Escus,

A ce que disent les ceux qui les ont veus.

 

Ce fut par un lundi matin,

Deux jours avant la Saint Martin,

Qu’ils se irent tous en campagne,

Pour s’en allerent dans les Espagnes;

Ils se sont arrestez à Sceaux

Pour laisser manger leurs chevaux.

 

Quand ils de furent là arresté

Tout le monde êtoit assemblé;

Là, Dame il fallout les entendre,

En larmes et douleurs se fendre;

Le Roy d’Espagne avec esprit

Leur fit les adieux que voicy.

 

Adieu Madame, adieu Monsieur,

Je suis bien vôtre serviteur.

Adieu Monsieur le Duc de Chartres

Avec vôtre épouse tres chaste;

Adieu Princesse de Conty

Et Madame la Duchesse aussi.

 

Adieu donc Louis de Bourbon,

Je vous ay bien de l’obligation

D’avoir élevé ma jeunesse

Dans une si grande sagesse;

Je prierai le bon Dieu pour vous

Qu’il vous garde de son courroux.

 

Or adieu donc tous mes parens,

Et aussi tous les autres gens;

Ayez tous de moy souvenance,

Quand je seray hors de la France;

Escrivez moy je répondray.

Aux Lettres que je recevray.                                       [117]

 

Il n’auroit pas sitost finy;

Mais son carrosse on fit partir,

Où il laisse toute l’assistance

Verser des larmes en abundance

Quant on vit que tout êtoit fait

Chacun s’en retourna chez soy.

 

Le tout de l’Europe                 1700                            [119]

L’Allemagne trouble tout.

L’Espagne craint tout.           

L’Angleterre volle tout.

La France paye tout.

La Hollande ruine tout.

La Savoye profite de tout.

Le Pape veut resoudre de tout.

Les Jesuites se meslent de tout.

Si Dieu ne met la main à tout

Le Diable emportera tout.

 

Chanson                                  1700                            [121]

Sur l’air: Il fait tout ce qu’il deffend.

Sur l’Abbaye de Villers-Coterets.

 

Proche un petit Monastere

Certaine fille accouchant,

Accusa qu’au Presbitere

Avoit êté fait l’Enfant.

On s’assemble, on délibere,

Aucun n’en veut être le pere;

L’Abbé remply de courroux,

Dit, nous le sommes donc tous.

 

Ouy, tous, répliqua la fille,

Et tous vous me l’avez fait;

Que le Chapitre bourcille,

Et se charge du paquet,

Avant que d’icy je sorte,

Quoique ce soit il n’importe;

Delsau, de Retz, ou du Puis,

Il faut un pere à mon fils.

 

Tout d’une voix le Chapitre,

Donne l’Enfant à de Retz,

Qui depuis à juste titre

On l’appelle Merderets*;                                           [122]

J’en pourrois dire la cause;

Mais en vérité je n’ose.

Suffit qu’il a le malheur

D’estre en fort mauvaise odeur.

 

Retz testu comme une mule,

Ne voulut point de l’Enfant.

Il rentra dans sa célule,

Pour son excuse disant,

La soeur de la complaignante,

Est ma chere Pénitente,

Et cultiver les deux soeurs

N’apartient qu’à nos Prieurs.

 

A son refus on propose

De le donner à Pera;

Mais celui cy leur expose

Que fort mal fait ce sera.

Je ne scai, dit il, que boire,

Son pere on pourroit me croire,

Si comme frere Dabaud,

J’estois yvrogne & Ribaud.

 

A l’Escouvet on s’adresse;

Mais fort inutilement.

 

*de Retz revenant un soir yvre au Couvent il se laissa tombre sur un tonneau de Merde.

 

Il portoit une compresse,                                            [123]

Fruit de l’amoureux tourment,

Depuis six mois sa fressure

Souffre ce mal d’avanture;

Ce que sa fille sachant,

Veut qu’on le juge innocent.

 

Mais pere du Puis, dit elle,

A bonne part au gasteau,

C’est lui quand j’estois pucelle:

Du Puis s’ecria tout haut,

N’est-ce pas assez des nostres,

Sans prendre encore ceux des autres?

Que chacun paye sa part,

Je n’y suis que pour un quart.

 

Lors d’un ton plein d’energie,

Le Prieur fit un sermón,

Presche Daelfau, le convie

A se charger de poupon.

Moy, lui dit, le rusé pere,

Moy, de l’Abbé Sécretaire.

Je suis trop adroit vraiment

Pour avoir fait un Enfant.

 

Voyant qu’on ne peut conclure

Dabo qui n’avoit dit mot,                                           [124]

Se leve et leur chante injure,

Dit le Chapitre est un sot,

Qu’on montre, qu’on examine

De l’enfant l’air et la mine,

Ensuitte on le donnera

A qui mieux ressemblera.

 

On aprouve l’industrie,

Il vint, on le contempla.

Puis aprés chacun s’ecrie,

Le laid magot que voila.

A son gros nez à sa bouche.

Que ses deux oreilles touche

A son visage plombé;

Je reconnois nôtre Abbé.

 

L’Abbé que la préférence,

Courrouçoit extremement;

Vouloit mettre en pénitence

Tous les Moines du Couvent;

Mais son prudent sécretaire

L’exhorta de contrefaire

L’honneste homme et le Chrestien,

L’Abbé le fit et le fit bien.

 

C’est a regret que je chante                                         [125]

L’avanture que voila.

Jamais ma muse obligeante

Ce langage ne parla;

Mais il leur fallout quittance

De leur sotte médisance,

Et vanger Villrs-Coterests

Du mal que font ces baudets.

 

Epigramme                              1700                            [127]

 

Un Mandarin de la Société

Chez un Chinois preschoit sa patenotre,

Le Bonze* ayant quelque tems résisté,

Sur plusieurs points convint avec l’apostre,

Dont a par soy fort contenu l’un de l’autre,

Chacun sortit en se congratulant.

Le Moine dit, graces à mon talent

De ce Chinois, j’ay fait un prosélite;

Dieu soit beni, dit l’autre en s’en allant

J’ay converti cet honneste Jesuite.

 

*Prestre de la Chine

 

Chanson                                  1700                            [129]

Sur l’air: Robin turelure.

Sur l’ajustement des femmes.

 

Les Femmes êtant désoleés

Par leurs petites Coëffures.

Se vouloient faire admirer,

                        Turelure.

Dans leur superbe veture,

            Robin turelure lure.

 

Mais un Edit rigoureux*,

Qui réforme leur parure;

Leur donne un air langoureux

                        Turlure.

Sans brilliant, et sans dorure,

            Robin turelure lure.

 

Conseillers Gardenottes

L’Edit est pour vous trop rude,

De n’avoir fait qu’une botte;

                        Turlure.

De vous et de la roture

            Robin turlure lure.

 

Les Procureuses à la Cour

 

*du mois de Mars 1700. qui defend la dorure.

 

Femmes à grosses éclaboussures,

Reprendrons pour leurs atours,

                        Turlure,

Leurs Cottons, serges et guipures,

            Robin turelurelure.

 

Les femmes de gros Marchans,

Gens faisant belle figure;

Pour consoler leurs galans,

                        Turlure.

Se serviront de peinture,

            Robin turelurelure.

 

Moy Procureuse à la Cour

Qui fait si grosse figure;

Fait quitter mon bel atour,

                        Turlure

Et reprendre ma guipure,

            Robin turelurelure.

 

Si le Roy veut de l’Argent,                                         [131]

Donnons-en avec usure;

N’attendons point les Sergens,

                        Turlure,

Et sauvons nôtre dorure,

            Robin turelurelure.

 

Malheur aux pauvres Plaideurs,

Malheur à sa géniture;

Malgré Harlay le grandeur*;

                        Turelure;

Il payera la dorure,

            Robin turelurelure.

 

*1.er President

 

Autre                                       1700                            [132]

Sur l’air: Robin turelurelure

Sur la dffense de la Dorure.

 

Henry quatre gracieux

Avoit permis la dorure

Par un édit judicieux,

            Turelure,

Aux joyeuses Créatures

Robin turelure lure.

 

Les femmes des Avocats,

Font à present la figure,

Que faisoient en ce tems là

                        Turelure.

Les joyeuses Créatures,

Robin turelure lure.

 

L’on vâ donc voir désormais,

Les Carosses sans dorure;

Mais on ne verra jamais,

                        Turelure;

Les visages sans peinture,

Robin turelurelure.

 

Chanson                                  1700                            [133]

Sur l’air de l’Alleluya

Au sujet de l’Edit du mois de Mars 1700. portant deffense de la dorure, tant sur les habits, que sur les carosses. Etc.

 

A nos Bourgeoise, se di ton,

On a deffendu le galon,

Et tout ce qui s’en suivra.

            Alleluya.

 

L’Avocate dans son quartier

En est plus fier de moitié,

De se voir distinguee par là.

            Alleluya.

 

La Gardenotte au désespoir,

Contre l’Edit veut se pourvoir;

Mais c’est en vain qu’elle en crira,

            Alleluya.

 

La Commissaire bien hautement,

Peste contre ce Reglement,

Et croit n’estre pas dans le cas,

            Alleluya.

 

Et vous charmante Coquino,                                       [134]

Qui le portez un peu trop haut

Cela vous humanisera.

            Alleluya.

 

Si vos maris trop attachez,

Croyent en avoir meilleur marché;

Ils ne prendront ma foy qu’un rat,

            Alleluya.

 

Bourgeoises puisque l’on vous deffend

Sur vos habits l’or et l’argent.

Ayez recours au falbala.

            Alleluya.

 

Voila les Clers des Procureurs,

Revenus de tous leurs malheurs;

La cuisine mieux en ira.

            Alleluya.

 

Autre                                       1700                            [135]

Sur l’air: Brunettes mes amours.

 

Sans la Coëffure à beau tignon;

Peut on faire visite?

De nos Dames le beau Chignon

Fait le plus grand mérite,

Et sans ce tignon si charmant,

On ne peut plus faire d’amant.

 

Le battant d’oeil n’est plus joli,

La mode en est passeé;

Il est bon qu’en sortant du lit;

Mais quand on est pareé,

C’est la Coëffure au beau tignon

Qui sert aux Dames de bouchon.

 

Autre                                       1700                            [136]

Sur l’air….

Sur Monsieur de Coursillon

 

Quoi! pour Amant

J’aurois une maîtresse?

Tous les Bambins

En devendroient jaloux.

Conservez vous dans vôtre espece.

Beau Courcillon;

Vous revenez à nous,

Quand on vous a pretintaillé les fesses.

 

Chanson                                  1700                            [137]

Sur l’air: De mon pot je vous répons.

 

Bientost, dira t’on, l’on aura

Un fort bel Opéra;

On y travaille à la sourdine.

Danchet aux vers, Campra aux sons.

De cela je vous en répons;

Mais qu’il soit bon. non non.

 

Ce Danchet, dira, quelqu’un,

Est un homme hors du commun;

C’est un Régent de Réthorique,

Qui n’en fait plus profession.

De cela je vous en répons,

Qu’il ait bien fait, non non.

 

C’est Caune, sa soeur Biblis,

Qu’on met sur le tapis.

Leur inceste fera merveille

C’est pure nouveauté, dit on;

De cela je vous en répons

Mais du succés, non non.

 

Aucun mot ne brochera,

A ce que dit Campra;

Frais débarqué de la Provence,                                    [138]

Il se connoît en diction.

De cela je vous en repons;

Mais qu’il soit vray non non.

 

Avril* dit qu’il est garand

De la beauté du Chant;

Mais tels garands sont du Parterre;

Sifflez à double Carillon.

De cela je vous en répons,

Mais du beau chant non non.

 

*autrefois chanteur à l’opera.

 

Campra trouve tout parfait,

Tout ce qu’il en a fait;

S’il a pillé dans l’Italie,

Il ne peut qu’il ne soit fort bon.

De cela je vous en répons,

Mais s’il l’a fai non non.

 

Regnault jusques à l’excés,

En prosne le succés;

Mais quoiqu’il chante, ou quoiqu’il dice,

Regnault n’a ny goût, ny raison;

De cela je vous en répons;

Mais du succés, non non.

 

Epitaphe                                 1700                            [139]

de Charles II.d Roy d’Espagne.

 

Cy gist Charles second Roy d’Espagne,

Qui ne fit jamais de campagne,

Point de Conqueste, point d’Enfans.

Que fit il donc pendant tente ans?

Que l’on vit regner ce grand Prince?

Il eut une santé si mince,

Qu’à vous en parler franchement;

Il ne fit que son Testament.

 

Chanson                                  1700                            [141]

Sur l’air: Dirai-je mon confiteor.

Sur la nouvelle qui couroit de la grossesse de Madame la Duchesse de Bourgogne.

 

L’est elle, ne l’est elle pas?

Dans neuf mois, là verrons nous mere

Celle en qui brille tant d’appas?

Celle en qui le Royaume espere;

Celle de qui l’on dit tout bas

L’est elle, ne l’est elle pas?

 

Les graces, les ris, et les jeux

Qui sont nez avec la Princesse,

A l’himen faisant mille voeux

Pour éterniser leur espece;

Lui disent tendrement, helas!

L’est elle, ou ne l’est elle pas?

 

Elle même sur ce sujet

Ignorant tout ce qui decide,

Au medecin conte le fait,

D’une voix modeste et timide;

Lui demandant cent fois tout bas,

L’a suis-je? ne l’a suis-je pas?

Elle la sera Dieu mercy.                                              [142]

Que de Dames par complaisance,

A leur mari, pour l’etre aussi,

Feront leurs humbles remonstrances!

Disant qu’au cercle en pareil cas,

On rougit de ne l’estre pas.

 

Tous les époux bons courtisans,

D’hymen repredront la méthode,

Quelques amans agonisans

Revivront pour être à la mode;

Telle qui n’eût jamais d’appas,

Pourra l’estre ou ne l’estre pas.

 

Que de petits Seigneurs jaloux,

Vont précipiter leur naissance;

Chacun voulant par dessus tout

Estre veu de l’Enfant de France,

Criera tendant ses petits bras;

Est-il venu? ne l’est-il pas?

 

Sans doute cet enfant viendra,

Car Nostradamus qu’on revere

Dit qu’un Bourbon d’elle naîtra

Pour le pere de son grand pere.

Et regnera dans six vingt ans

Sur les Enfans de nos Enfans.

 

Sur les Feuillans                      1700                            [143]

qui vont par la ville en hiver.

 

Puisque l’on vous permet chez vous des bas de laine

Et que l’on vous deffend de les porter dehors.

Feuillans, n’avez vous pas le Diable dans le corps

D’aimer mieux les pieds nuds courir la pretentaine?

 

Chanson                                  1700                            [145]

Sur l’air de flon flon, etc.

Sur le Pere Bourdalouc Jesuitte.

 

La devote Nanette,

Disoit à Bourdaloue;

Ai-je l’ame assez nette

Pour faire avec vous?

Flon, flon, flon lariradonaine,

Flon flon flon laridadondé.

 

Triolet                                     1700                            [146]

Sur le Pere Séraphin Capucin qui prescha plusieurs Caresmes à Versailles.

 

La Cour n’a plus le goût si fin;

Soit qu’elle blâme, ou qu’elle loüe.

Témoin le Pere Séraphin,

La Cour n’a plus le gout fin.

Elle met ce bon Capucin

Au dessus du grand Bourdaloue

La Cour n’a plus le gout si fin.

Soit qu’elle blâme, ou qu’elle loüe.

 

Autre                                       1700                            [147]

Sur l’air…..

Sur le P. Tournemine Jesuite.

 

Dieux! que de belles Pellerines,

Disoit le Pere Tournemine!

Vont s’engager dessous mes Loix;

J’engagerois ma discipline

Pour les baiser cinq ou six fois.

 

Autre                                       1700                            [148]

Sur l’air….

Sur le même sujet que la précédente.

 

On dit que le Pere Tournemine,

Doit bien tost partir pour la Chine;

Mais je crains que sa fiere mine,

N’epouvante tous les Chinois.

Que de belles Pellerines!

Vont s’ecarter de sous ses loix.

 

Chanson                                  1700                            [149]

Sur l’air: Aimable vainqueur.

Sur l’Opéra d’Hézionne.

 

Fripiers d’Opéra,

Danchet & Campra;*

Vont dont l’harmonie,

Et le génie,

Font tant de fracas;

Voicy la foire.

Voules vous m’en croire,

Ne l’a manques pas.

Vous cherchez tous deux,

La gloire immortelle,

Pour Polichinelle

Préparés des jeux.

Qu’on y rira,

Qu’on y chantera;

Là l’impertinence,

A sa récompense,

Qu’on vous claquera;

Grands ouvriers

De vôtre ignorance

Cueillés les Lauriers.

 

*Auteurs de cet opéra.

 

Qu’on vante Campra,                                                 [150]

Qu’on louë l’Opéra,

Qu’on le satirise,

Qu’on le méprise,

Qu’on n’en parle pas,

Qu’on s’y entasse;

Qu’on y trouve place,

Qu’on en trouve pas;

Qu’on goûte Danchet,

Qu’on sifle Tamponne,

Qu’on claque Henzionne,

Qu’en en soit touché,

Qu’on en soit content,

Qu’on sorte en grondant,

Qu’on sifle au parterre,

Qu’on les fasse taire,

Francine a l’argent.

            Des ouvriers,

De cette maniere;

Ce sont les Lauriers.

 

Illustre Danchet,

Que je suis touché,

De voir le tonnerre,

Déclarer la guerre

Au peuple Troyen;

Telamon fidelle;                                                          [151]

Venus maquerelle

Avant d’etre putain.

Je suis interdit

De voir en chemise

Le cruel Anchise

Couché sur un lit,

Venus le suit

Pour passer la nuit;

Qu’elle est satisfaite

Que sa paix soit faite!

L’amour la conduit

Prés d’un héros.

La piéce est parfaite

Et finit apropos.

 

Aimable Danchet,

Je suis satisfait

De ton hezionne;

La piéce est bonne;

Rien ne m’y déplaît,

Et quoiqu’on dice

Le songe d’Anchise

N’a rien d’imparfait.

Les Airs de Campra

Charment mon oreille;

C’est une merveille

Que vôtre Opéra!                                                        [152]

Rien ne le vaut,

Il est sans défaut,

Et quoique marmottent

Colasse & la Motte.

Paris dit tout haut

Dans nos Concerts:

Campra pour la notte,

Danchet pour les vers.

 

Qu’il chante Campra,

Bien un Libera,

Qu’il chante un antiene

A Saint Estienne

Si bien qu’on voudra;

Il ne peut plaire

Au goût du Parterre;

Dans un Opéra,

De Fades Chansons

Sur des chants d’église

Ne sont pas de mise;

Il faut d’autres sons/ tons.

Il croit charmer,

Il croit désarmer,

Toute la critique,

Et que sa Musique

Tout doit enflamer; / Doit enfin charmer

Prophane et sot,

Dis nous un cantique,

Ou bien ne dis mot. / Ne nous dis mot

 

Sur la feuë Duchesse Mazarin.           1700                [153]

à Saint Evremont.

 

On passe tous les jours de la vie à la mort,

Personne ne revient de la mort à la vie;

            Tu ne scaurois lour en elle

            Que ce qu’elle fut autrefois;

Hortence, enfin n’est plus qu’une funeste cendre

Que tes pleurs, et tes cris ne scauroient émoouvoir.

            Tu parcours vainement d’un regard curieux,

            Tout ce qui plaist à d’autre yeux

            Hortence le manqué en tous lieux;

Mais aprés le trespas, il est un avenir,

Et tu peus espérer de revivre avec elle.

 

L’Abbé Boileau convertí n’ayant pas presché assez politiquement devant le Roy. le Roy a dit que Bontemps avoit donné Boileau, et que Boileau n’avot pas donné Bontemps, a cause qu’il l’avoit envoyé à sa Cour 1700.

Madame de la Vailliere Avant que d’entrer aux Carmelites, fut demander pardon à genoux à la Reyne, et en larmes, de ce qu’elle lui avoit causé tant de chagrín par ses criminelles amours.

 

                        Année 1701                                         [155]

 

Chanson                                  1701                            [157]

Sur l’air Robin turelure.

Faite sue le Quietisme et le démeslé de Messieurs de Meaux* et de Cambray**, par Monsieur le Duc de Nevers, qui la donna à Madame de Bouillon, et la pria de n’en point parler; Elle parût en Novembre 1701.

 

De Meaux est un grand esprit,

            Et plein de litérature;

Mais quand on le contredit,

            Turlure;

Il a l’ame un peu bien dure,

            Robin turlure.

 

Si l’on soûtient qu’il dit vray,

            il se peut par avanture:

Maisil ne veut de Cambray,

            Turlure.

Que voir la déconfiture,

            Robin turlure.

 

Il a fait comme un tiran,

            A la Guyon une injure.

Disant qu de ce montant,

            Turlure.

 

*Thiard de Bissy évesque de Meaux

**Salagnac de la Mothe Fenelon Archevesque de Cambray.

 

Elle est la pricille impure,                                           [158]

            Robin turlure.

 

Moyse et Saint Paul par lui

Ont eu de la tablature,

Pour avoir comme aujourd’huy;

            Turlure,

Outrepassé la mesure,

Robin turlure.

 

Aimer Dieu sans interrest,

Est dit-on contre nature;

La Charité vous déplaît,

            Turlure.

Que sa flame est toute pure,

            Robin turlure.

 

Faute d’en scavoir le prix,

On dit que c’est imposture;

Et que Dieu sans Paradis,

            Turlure,

Est peu pour la Créature,

            Robin turlure.

 

Tel cite d’un air vainqueur

            Le Concile & l’écriture;

Qui conserve dans son coeur.                                                 [159]

            Turlure.

L’évangile d’Epicure,

Robin turlure lure.

 

Autre                                       1701                            [160]

Sur l’air: Un jour Piarrot voyant Margot.

 

Il faut être fou sur ma foy,

Pour se faire Garde du Roy;

Ce poste cause trop d’Allarmes.

Le trépas est toujours certain;

Car si l’on n’y meurt par les armes,

La paye fait mourir de faim.

 

Estat de l’Europe                    1701                            [161]

en 1701.

 

            Roma.

Hora est jam a somno surgere,

 

            Imperator

Reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari.

 

            Rex Roman?

Venerunt in hereditatem mean et poluerunt templum sanctum meun.

 

            Germania

Eamus, nos et moriamur cum illo.

 

Hispania.

Diviserunt sibi vestimenta mea.

 

            Annover.

Facta est Austria sanctificatrix et Joseph potestas erit.

 

            Baviera.

Letatus sum in his quae dicta sunt mihi, in domum domini habitabis.

 

            Palatino.

Vendite qua possidebis, et date mihi clemosinam.

 

            Magonza.

Cujus haec imago est, responderunt Caezaris.

 

            Colonia.

Si oblitus fuero, oblimoni detur dextera mea.

 

            Polonia                                                            [162]

Et in afflictionibus cordis mei, exultabunt inimici mei.

 

            Moscovia.

Ego veniamet curabo vos.

 

            Brandeburgo.

Unxitme oleo sancto suo, non obliviscar in aeternum.

 

            Suetia.

Vendicabor ex inimicis meis.

 

            Dammaca.

Et fruimur dum recordemur sion.

 

            Ingliterra.

Inimici ejus domestici ejus.

 

            Oranges.

Nolite timere pusilli lorde, ego sum.

 

            Parlemen?

Sine me, factum est nihil.

 

            Olanda.

Timor genitium concupivit me.

 

            Lorrena.

Memento mei domine, dum veneris, in regnum meum.

 

            Luchezi.

Ecce duo gladii, hic.

 

            Italia.

In manus tuas domine comendo spiritum meum.

 

            Venitia.                                                            [163]

Mergimur omnes domine succure nobis.

 

            Mantoua.

Quid vultis mihi dare, et ego vobis omnia tradam.

 

            Milano.

Timor et tremor venerunt super me.

 

            Geneva.

Apropinquabit hora.

 

            Modena.

Si opportuerit memori tecum, non te negabo.

 

            Parma.

Transeat a me calix iste.

 

            Firenze.

Sanguis mens effondetur pro multis.

 

            Francia.

Circuit guerens quem devoret.

 

Chanson                                  1701                            [165]

Sur l’air de la Chaconne d’Amadis.

 

            Dans Paris la grand ville,

            Vivoit au tems jadis

            Un magistrat habille*;

            Mais gouteux, vieux et transi;

Qui de son bon sens tant et tant s’oublia

            Qu’il se maria,

Et ce qui surtout en son cas fit pitié,

            Prit jeune moitié,

De qui les yeux brillans, et le teint vif et frais,

Ne lui parloient rien moins que stile du Palais,

Et ne pouvant souffrir qu’un chicanneur lutin,

            L’arracha du lit du grand matin.

Prés de là logeoit jeune homme avantureux;

A qui d’un cas pareil n’avoir le coeur touché

            Parût un grans peché.

Il n’est foire, ny bal, promenade ou sermón

Où la jeune Bauval ne trouve Lidamon,

Qui d’un air pressant des maux qu’il ressent;

            Faisant le récit languissant,

A chaque moment fort éloquemment,

            Peint son amoureux tourment;

De Bauval le jeune coeur fait résistance,

 

*Beauval

 

La pudeur s’y veut d’abord metre en deffense;          [166]

            Mais il faut toujours que l’etoille

            Regle chaque évement,

            On regarde, on leve son voile;

            On rit à l’heureux amant;

                        On reçoit des poulets,

                        On corrompt les valets,

                        On écrit à son tour.

            On fait voir tout son amour,

            Et le point le plus doux

            On donne un rendés vous,

            Dans un bois charmant.

                        Prés de vangirard.

                        La Dame & l’amant

                        Tous deux à l’écart

                        Le coeur tout transi

                        D’amoureux souci.

Beauval rougit et puis commence ainsi.

            Lidamon cher tiran de mon ame,

            Qu’oses vous arracher à ma flame?

            A quoi bon de ces sombre retraites

            Rechercher les tenebres secrettes?

            Hors vous, de tout ce que j’ay fait,

                        Qui n’eût êté satisfait.

            Et qui prétend ce feu pressant

            De mon amour impuissant?

                        J’entends que le devoir                       [167]

Dans mon coeur soit toujours le maître;

            Mais si l’on pouvoit scavoir

            Le secret de ce rendés vous;

                        Si mon époux

            Ce souvenir lui ravit à la fois,

                        Force et voix,

            Son oeil brillant s’eblouit,

                        La belle s’evanouit;

            Mais le fin Lidamon

Dans ce mal fut un vray Démon

                        Et sans l’aide

                        De l’eau froide,

                        Son secours

                        En borna le cours.

            Oh! qu’il avoit un beau secret!

                        Pour un amant discret!

            Et qu’un sot l’auroit perdu beau,

                        En courant à l’eau.

            Quand Beauval fut revenue,

Se trouvant dans les bras de son amant,

                        De colere toute émeüe,

                        Elle gronda terriblement;

                        Elle eut longtems grondé;

            Mais l’amour tout puissant,

Fait pardoner le crime en le recommençant,

            En tant de fois plus recommencé                    [168]

                        Que tout fut effacé.

            Beauval dans le momento

                        Qu’il fallut se quitter,

                        Dit à son cher amant,

                        Qu’il pouvoit la visiter,

            Quand son époux au Palais

            Dés le matin court aux Procés.

Lors Lidamon de l’avis usoit avec succés;

Assés longtems bien alla tout ce train là;

Mais à la fin par malheur, le Diable s’en mesla;

Certain vieux Cocher sortant avant jour,

Entrevit caché le Substitud d’amour;

                        Et sans héziter,

                        Courut tout conter

                        Au fidel sécretaire.

                        Ce dernier des maudits benets

                        Court en hâte au Palais,

                        Et trouvant Beauval a propos,

                        Souffle en lui dit ces mots.

            Oh! le beau gain que vous faites!

                        Ici d’un écu

            Morbleu, misérable que vous estes,

                        Chez vous on fait cocu.

Dans la Chambre à Madame, un homme s’est fourré,

Maître Martin l’a veu, le fait est avéré:

Il garde le passage, et ce seroit bien fait                      [169]

Si vous allies le prendre sur le fait.

            Ȏ Ciel! quel coup! Quel mal

            Au coeur de Beauval!

                        Il part outré, transi,

                        Ciel! qui m’as précipité

                        Où j’ay bien mérité?

            Si mon mal te peut toucher,

                        Fais-le moy cacher.

                        Entrant dans sa cour

                        En certain détour

                        Fait cacher ses gens

            Armés jusqu’aux dents.

                        Donnés au galant

                        Trespas violent;

                        S’il échape des coups

                        Que s’en va lui porter

                        Mon juste courroux.

                        Il entre, à ces mots,

                        Et l’allumelle au poing;

            Trouve Lidamon au point

            Qui quittoit son pourpoint.

Choisis, toy qui me fait si grand tort,

D’un sault par la fenestre, ou de la mort;

Aussitost le galand saute en bas,

Et croit en être quitte pour un bras;

            Mais l’amour tout puissant

            Le fit cheoir si mollement;                              [170]

            Lors Beauval appellant

            Ses témoins, leur dit, comment,

            C’est donc ainsi, race d’enfer,

            Que vous m’armés de fer,

                        Contre les jours

            De mes fidelles amours?

            Qui donc, icy, s’est pû cacher?

            Montrés moy le galant,

                        Couple insolent.

Ou bientost je vous feray brancher;

Coquins, pandars, demons, à mon courroux,

Coquins pendars, demons dérobés vous.

Ainsi par le bon sens, fut le chagrin vaincû.

Ainsi Beauval mit à couvert l’honneur.

Puissions nous l’imiter! Et qu’ainsi le seigneur

Daigne inspirer tout paisible Cocû.

 

Sur Monsieur le Duc               1701                            [173]

Louis Duc de Bourbon Condé.

par Madame la Duchesse.

 

Doux soupirs qui partes de mes fesses,

Volez, volez au nez de mon mari.

Exprimez lui l’excés de ma tendresse,

Et dites moy ce qu’il aura sentí?

 

Chanson                                  1701                            [174]

Sur l’air….

Sur la Princesse de Conty, par Madame la Duchesse, à qui elle pretendoit reprocher d’aimer le Marquis de Saffenage, faisant allusion au nom, sous pretexte du fromage de ce paye là, en Dauphiné.

 

Vous y viendrez, belle, à la fin,

Un jour vous aimerez le vin;

Desja vous êtes au Fromage

            De Sassenage.

 

Chanson                                  1701                            [175]

Sur l’air: Pour certaine devote fameuse.

Sur Monsieur le Duc, par Madame la Duchesse.

 

Si les prudes vouloient nous dire

            La vérité,

Et que chez elles l’on pût lire,

            En liberté

On verroit peint le Grimaudin*,

Sur la porte du Gaillardin.

 

*Monsieur le Duc.

 

Sur la mort de Monsieur Bontemps   1701                [177]

 

Vivre en faveur sans ostentation,

Faire du bien seulement pour le faire,

Estre équitable au poids du sanctuaire,

Joindre au bonheur la modération,

N’estre jamais au mérite contraire;

Mais d’obliger, aimer l’occasion.

Aux affligés, donner protection

En poste heureux, content du nécessaire,

Des interests fuir la contagion;

Est un sentier que peu d’hommes suivirent,

Sans s’ecarter, surtout en 60. ans.

Ce sont vertus qui de la Cour partirent

Le même jour qu’on vid mourir Bontems.

 

Chanson                                  1701                            [179]

Sur l’air de Main

Camp de Compiegne.

 

On a parlé de camp et de Reveüe;

Bourgeoises sont aussitôt accourüe,

                        Pour

Travailler à des recruës

Qui pourront servir un jour.

 

Chanson                                  1701                            [181]

Sur l’air: Robin turelurelure.

Sur le P. de la Tour Prestre de l’oratoire

 

A la scavante Vieuxbourg*,

Il ordonne pour lectura

De méditer chaque jour, Turlure,

Un chapitre d’Epicure.

Robin turelurelure.

 

A la petite Cayeux

Il interdit la parure;

Mais il permet à ses yeux, Turlure,

Quelque secrete capture.

Robin etc.

 

Ils chantent tous d’une voix

A la fin de leur lecture

Marque/ Nargue de ces saintes Loix, Turlure,

Vive celle de la nature,

Robin turelurelure.

 

*soeur de Monsieur de Harlay de Cely

 

Autre                                       1701                            [182]

Sur l’air Robin Turlurelure.

 

Telle cite d’un air vainqueur,

Saint Augustin l’ecriture;

Qui porte au fond de son coeur,

            Turlure.

L’Evangile d’Epicure,

Robin turelure lure.

 

Autre                                       1701                            [183]

Sur l’air: Réveillez vous belle endormie.

Sur les Jesuites.

 

Demy Moines et demy Prestres,

Qui faites croire aux étourdis,

Que vallant mieuxque vos ancestres:

Vous scavez tout, menteurs hardis.

 

Vous n’êstes que des fouëteurs d’asnes,

Qui préferant aux saints décrets,

Vôtre politique profane,

Révele chez vous les secrets.

 

Des Confessions auriculaires,

Afin d’aprendre exactement

Les intentions, et les affaires

De tous les Princes également.

 

Celui qui vous nomma les Peres

De Jesus auroit mieux parlé

S’il vous eut apellé vipéres,

Ou voleurs du peuple aveugle.

 

Puisqu’avec vos feintes prieres,                                 [184]

Rodant de quartier en quartier;

Vous subornés les simples meres,

Et dépouillés les héritiers.

 

Madrigal au Roy                     1701                            [185]

Pour Mademoiselle d’Alcrac de la Charce.

 

Héros plus grand cent fois que ne fut Alexandre,

En rendant comme lui ce que vous avez pris,

Les coeurs vous sont restés, ils vous sont tous soumis;

            L’Espagne vient de nous l’aprendre.

Pour maître elle voudroit nôtre Auguste Louis.

A ce noble bonheur ne pouvant pas prétendre;

Elle vient à genoux vous demander son fils.

 

                                                1701                            [186]

Nos maux ne finiront jamais,

Soit dans la guerre, ou dans la paix.

Le destin de l’Espane est toujours de nous nuire,

Et les siecles suivans pourront un jour juger,

S’il nous a plus coûté pour vouloirla détruire,

Que pour vouloir la proteger.

 

Ode                                         1701                            [187]

A Monsieur le Duc de Vendôme

 

Toy qui tel que Gaston de Foix,

Soûtiens si bien le nom François

Sur le Po, le Tesin, l’Adigé;

Pendant qu’en des lieux, autrefois

Remplis de nos heureux explois

Un sort contraire Nous aflige:

Toy digne sang d’un de nos Rois

Qui fut de valeur un prodige;

Viens sur l’éscaut, et sur la Lis,

Semant devant toy l’épouvante,

Nous vanger de nos ennemis,

Et rendre selon nôtre attente,

Par une victoire éclatante,

Leur premiere gloire à nos Lis.

 

Viens, par ta guerriere presence

Rendre à nos Soldats étonnez,

Cette martiale asseurance,

Qui les a cent fois couronnez:

C’est sous toy qu’ils sont destinez

A faire triompher la France

De ces ennemis obstinez:

Viens, ceint d’une gloire immortelle                            [188]

En acquérir une nouvelle:

Viens combattre icy sous les yeux

De l’Auguste Roy qui t’apelle:

Et par des exploits glorieux,

En Flandres, ainsi qu’en Italie;

De la Fortune qui s’oublie

Viens nous rendre victorieux.

 

Au bruit de la marche fameuse

Nos ennemis embarrassez,

Tremblent pour les bords de la Meuse,

Déja la mine audacieuse

Disparoît de leurs fronts glacez.

Déja d’une ardeur belliqueuse

Nos soldats se sentent pressez,

Et brûlent de voir effacez

Sous ta consuite glorieuse

Les affronts des malheurs passez.

La victoire à te suivre est preste;

Viens seconder les voeux qu’ils font,

Et nos ennemis te verront

Dépouiller leur superbe teste

Des Lauriers qui ceignent leur front.

 

Chanson                                  1701                            [189]

Sur l’air de Joconde.

Dans le tems du voyage du Roy d’Espagne lorsqu’il passa à Poitiers, où Monsieur de Maupeou d’Ablege êtoit Intendant. sa femme est fille de Courchant Fermier general. Il fit cent sottises.

 

Avez vous veu nôtre Intendant?

Avez vous veu sa femme?

Avez vous veu ses deux enfans,

Chers objets de leur flame?

                        Non.

Si vous ne les avez pas veu,

Ne vous faites point battre:

Je m’en vais vous montre mon cu,

Il est plus beau qu’eux quatre.

 

Autre                                       1701                            [190]

Sur l’air: Les Bourgeois de Châtres etc.

Sur la Harangue prononceé par le curé de Châtres au Roy d’Espagne.

 

Les habitans de Châtres et ceux de Monthéry,

Meinent tous grande feste denous avoir icy;

Petit fils de Louis que Dieu vous accompagne;

            Et qu’un Prince si bon dondon.

            Cent ans et par de là lala,

            Regne dessus l’Espagne.

 

Chanson                                  1701                            [191]

Sur l’air………….

 

            Ambroise Guis*

            Ambroise Guis,

Estoit un saint de l’Amérique

            Ambroise Guis;

Quand il parût en Paradis

Les Jesuites sans autentique,

Se saisirent de la Relique,

            D’Ambroise Guis.

 

*Provençal arrivé en 1701. La veuve Berenger son héritiere qui n’en peut rien tirer a cause du crédit des Jesuittes qui se sont emparez de ses effets.

 

Autre                                       1701                            [192]

Sur l’air J’enavons tant ry.

Couplet de Madame la Comtesse de Saint Geran.

 

Coulange je suis à Marly

            J’en avons tan try.

Hélas! que n’estes vous icy

Le cul dans une hotte

            J’en avons tant ry,

            J’en rirons bien encore.

 

Comtesse je suis à choisy

            J’en avons tant ry.

Hélas! que n’estes vous icy,

Le cul dans une hotte;

            J’en avons tant ri,

            J’en rirons bien encore.

 

Autre                                       1701                            [193]

Sur l’air des Bergers de Châtres.

Toussains Rose Marquis de Coye mourut âgé de 87. ans. Il êtoit President de la Chambre des Comptes, Sécretaire du Cabinet du Roy, et l’un des 40. de l’Accademie Françoise.

 

Le vieux Président Rose

Donnant aveuglement

Dans la métempsicose,

Est mort impenitent

Son Curé l’assistant

Dit, surprit de la chose;

S’il meurt de la façon don don,

Le Diable lui dira, la la,

Ah! Dieu vous gard la Rose.

 

Inscription                              1701                            [194]

pour François de Clermont Tonnerre Evesque de Noyon mort le 15. Fevrier 1701.

 

Cy gist et repose humblement,

De quoi tout le monde s’etonne,

L’illustre Tonnerre en personne,

Dans un si petit monument.

L’on dit qu’entrant en Paradis

Il y fur receu vaille que vaille;

Mais qu’il en sortit promptement,

N’y voyant que de la canaille.

 

Chanson                                  1701                            [195]

Sur l’air, Belle brune, Belle brune

 

Mons de Vendosme, Mons de Vendosme,

            Vous devez beaucoup à Mars,

            Et plus encore à Saint Cosme*;

Mons de Vendosme, Mons de Vendosme.

 

*Il fut traité du mal de Naples par Maison rouge.

 

Autre                                       1701                            [196]

Sur l’air des vandanges de Surenne

Sur le même que la précédente.

 

Ne nous vante plus ta brayette,

Vendosme, tu ne danse plus;

Les femmes t’ont mis au rebut.

Adieu panier vendanges sont faites.

 

                        par la Moreau

 

Sur la mort de Monsieur         1701                            [197]

Duc d’Orleans frere unique du Roy. mort le 9. Juin 1701.

 

Philippe est mort la bouteille à la main;

            Le Proverbe est fort incertain

Qui dit, que l’homme meurt comme il vit d’ordinaire;

            Il nous montre bien le contraire;

Car s’il fut mort comme il avoit vescu,

            Il seroit mort le v… au C…

 

Sur les Jesuites                        1701                            [198]

 

Taisez vous Jesuites,

Respect au sang de le Tellier,

Toutes vos Lettres écrites

Sont frases d’éscoliers.

Le Duc d’Elbeuf écrit bien mieux,

Car sur le front de Barbezieux

En caracteres curieux,

Il prouve, sans grande peine,

Qu’on fait sans se mesallier,

Un petit le Tellier.

 

Replique                                  1701                            [199]

de l’amy de Monsieur des Preaux

 

            La superbe Société

Contre toy fair paroître une sote fierté,

            Ce qu’elle écrit n’est qu’imposture;

L’on te voit égaler Horace & Juvenal.

            Mais croit elle te faire injure

Boileau, de t’apeller le singe de Paschal?

En fait de bel esprit, c’est un original.

 

Epigramme                              1701                            [200]

 

Courage des Preaux, ce Corps si formidable*

            Tremble et pâlit au seul bruit de tes vers;

Il craint pour l’avenir quelques facheux revers,

            Et qu’un pinceau trop veritable.

Ne vienne à le dépeindre affreux, noir, détestable,

Et tel qu’il est, enfin, aux yeux de l’univers.

 

*les Jesuittes

 

Vers                                         1701                            [201]

 

Grand Roy, lorsqu’Eugêne refuse

            De te recevoir a mercy,

Aprens qu’en foudroyant Baluse

            C’est gresler sue le persy.

 

Chanson                                  1701                            [202]

Sur l’air des Ennuyeux.

 

En santé mangeons du Jambon,

De vin exquis beuvons razardes.

Courrons à l’unique Chambon,

Sitost que nous sommes malades;

Et Dieu nous garde dans nos maux,

De Morin, d’Angar, et Finaux.

 

Chanson                                  1701                            [203]

Sur l’air de la faridondaine.

Sur l’Opéra d’Omphalle, par Monsieur Destouches, & de la Motte.

 

Omphale est un bel Opéra,

Il faut que tout lui cede;

Fuyés Danchet, fuyez Campra

Ne donnez plus Tancrede.

La Motte et des Touches sont bons;

La faridondaine la faridondon;

C’est un Quinault, c’est un Lully, biribi,

A la façon de barbarie mon ami.

 

Rendons justice à chaque auteur,

Sans haine, et sans envie;

Le Chant de des Touches est flateur,

La Motte a du génie.

Campra triomphe sur ce ton

La faridondaine etc.

Danchet fait du doux, du joli, biribi,

A la façon etc.

 

On dit que Danchet et Campra,

Vont nous donner Tancrede;

Aréthuse il secondera,                                                 [204]

Car la piece est tres froide.

On chante toujours sur ce ton,

La faridondaine etc.

Et tous les vers n’en sont jolis, biribi,

A la façon etc.

 

Quoi! moi donner un Opéra,

Que le Ciel m’en préserve.

Le plus excellent tombera,

En dépit de Minerve.

On préfere au plus habile ton,

La faridondaine etc.

Le public decide aujourd’huy, biribi,

A la façon etc.

 

Des Touches triomphe aujourd’huy

En redonnant Omphale.

La Cour, n’admirera que luy,

Malgré toute cabale,

Le Roy le trouvera fort bon,

La faridondaine etc.

Il ne connoît plus de Lully, biribi,

Qu’a la façon de barbarie mon ami.

 

Si le grand Lully revenoit,

De l’Empire des Ombres                                            [205]

Plus de goût ne reconnoîtroit;

On croit que tout abonde;

Et l’on préfere à Phaéton,

La faridondaine etc.

Omphale triomphe aujourd’huy, biribi,

A la façon de barbarie mon amy.

 

Autre                                       1701                            [206]

Sur l’air: Les fanatiques que je crains

Sur le Traité d’Amitié, traduit par Monsieur de Saffi.

 

Sur l’amitié paroît au jour

Un agréable ouvrage;

Que l’auteur par son tour

Y brille à chaque page.

Il en a fait pour l’amour

Un qui plaist d’avantage*.

On y voit regner la douceur,

Et la délicatesse;

Chaque trait porte au coeur

L’amour et la tendresse.

Trop heureux est l’imprimeur

Qui le met sous la presse.

 

*sa fille qui se nommoit Madame Lalouette.

 

Madrigal                                  1701                            [207]

Sur les Jesuites.

 

Il paroist chaque jour des vers pour des Preaux,

Et nul ne prend party pour les Révérends Peres.

Il faut donc avouer que ces pieux Corsaires,

Pour être tant haïs, ont fait d’etranges maux.

 

Epitre dédicatoire                    1701                            [208]

A S.A. Mgr le Prince de Conty.

 

Toy, de qui l’univers scait les guerriers exploits,

Toy, qu’admire à l’envi l’éstranger, le Francois;

Qui chéri de la Cour, aimé de la Province.

            Du vrai Dieu suit la sainte loy,

Et qui par ton esprit et ton zele et ta foy;

Fais honneur à ton sang; daigne en secret grand Prince

            Parcourir cet écrit qui met en desaroy

Ce noir et vaste Corps*, turbulant, prest a nuire,

            A quiconque ose escrire,

Et qui porte en tous lieux la vengeance et l’effroy;

Mais si la vérité qui brille en ma Satire

            Alloit déplaire au lieu d’instruire.

Ton coeur est son azile, apuye là, secours moy,

Grand Prince, car tu scais qu’elle n’est bonne a dire

            Que lors qu’on loüe un héros tel que toy.

 

*les Jesuittes

 

Chanson                                  1701                            [209]

Sur l’air: Il a batu son petit frere.

Lorsque l’évesché de Noyon êtoit vaccant.

 

Dans Paris partout l’on publie

L’embarras de l’Accademie,

Pour remplacer le grand Noyon*;

S’ils veulent un fou, quelle est leur peine!

N’ont-ils pas Monsieur de Châlon*,

Qui seul en vaut demie douzaine.

 

*Clermont.

*Jean Baptiste Gaston de Noailles Evesque de Châalon.

 

Sur Dom Boisard                    1701                            [210]

Chartreux qui sorti des Chartreux; comme on le voulut arrester, il se sauva dans les Gourtieres, on l’y surprit, et on le mit en prison.

 

Dom Boisard fatigue de jeusnes et de prieres,

Vouloit comme un Abbé prendre tous ses ébats.

            Ce que la mer et les Rivieres

Pouvoient pout lui fournir dans un repas,

Sans viande, n’avoit point d’appas,

Même il renvoyoit sur les gens a Bréviaires,

Et passant de bien loin les porteurs de rapiers;

            Il faisoit l’amour aux Goutieres;

            Mais on l’a descend plus bas

Qu’il n’estoit monté sans croupieres.

            Requiescat in pace.

 

Sequentia Belgy                      1701 May                   [211]

Confoederati.

 

Dies irar, dies illa

Solvet foedus in favilla.

Teste Scaldo Tago scilla.

 

Quantus tremor est futurus,

Dum Philippus est venturus,

Has paludes aggressurus.

 

Tuba mirum spargens sonum,

Cum terrore Regionum,

Coget omnes ante Thronum.

 

Mars stupebit & Bellona,

Dum Rex dicet, redde bona,

Post hac vives sub corona.

 

Miles scriptus adducetur,

Cum quo Gallus unietur,

Unde Leo subsugetur.

 

Hic Rex ergo eum sedebit,

Papa fides refulgebit,

Nil Calvini remanebit.

 

Quid sum misertune dicturus,                                     [212]

Quem patronum rogaturus,

Cum vix Anglus sit securus.

 

Rex in victor Majestatis,

Tu qui nos fecisiti gratis;

Frui bono liberatis.

 

Recordare nostri pie,

Ne in spiritu Eliae,

Omnes perdas illa die.

 

Pro Leone multa passus,

Ut hic staret eras lassus,

Tantus labor non sit cassus.

 

Ingemiscimus dolentes

Culpam nostrum confitentes,

Exaudi nos poenitentes.

 

Magne Rector Liliorum,

Amor Timor populorum,

Parce terris Batavorum.

 

Qui Hispanum domiuisti,

Lusitanum erexisti,

Nobis quoque spem dedisti.

 

Preces nostrae non sunt dignae                                   [213]

Sed Rex magne fac benigne,

Ne tuo crememur igne.

 

Inter tuos locum praesta

Protégé nos forti dextra,

Ab Hispanis non sequestra.

 

Ne nos reddas pares Brutis,

Sub Romanis institutis,

Lingue nobis spem salutis.

 

Leo suplex et acclinis,

Rogat ne propinquet ignis,

Ne prophanis credituris.

 

Libertatis nostrae dotem,

Vindica contra Nepotem.

 

Lodoice Domine

Major omne homine,

Dona nobis requiem.

 

Chanson                                  1701                            [214]

Sur l’air de voiture que l’anneé est bonne

 

La Presidente Tambonneau,

La mere du Marquis Michau;

Voyez vous comme elle est roujaude;

            C’est qu’elle est chaude,

            C’est qu’elle est chaude.

 

Chanson                                  1701                            [215]

Sur l’air: vous m’entendez bien

 

La Sainte Lue a perdu l’Argent

Qu’elle donnoit à Bastiment;

Il en est en colere,

            Hé bien!

Et ne veut plus lui faire

Vous m’entendez bien!

 

Sonnet                                     1701                            [216]

Au Sérénissime et saint Roy d’Angleterre Jacques IId mort au mois de Septembre 1701.

 

Que ton sort est heureux, Prince, à Dieu si fidelle,

Tu sors d’un double exil, pour regner dans les Cieux

L’impitoyable mort en te fermant les yeux,

Trouve le clair séjour de la gloire immortelle.

 

Tu reprens une vie, et divine, et nouvelle,

Tu bois du pur amour le vin délicieux;

Au comble de tous bien placé dans les hauts lieux

Tu te souviens encore de ton peuple rebelle.

 

La perfide Angleterre est toujours dans ton coeur,

Tu ne peux voir le schisme y regner en vainqueur,

Elle qui fut des saints la terre et le partage.

 

Mais les voeux y feront rentrer la vérité.

Ouiton sceptre et ta foy dans ton triple héritage

Passeront pour jamais à ta postérité.

 

Chanson                                  1701                            [217]

Sur l’air du branle de Metz.

Sur le Prince de Conty.

 

Ton voyage de Pologne,

Pour Neufchastel ton ardeur,

L’affaire du Grand Prieur,

Ton amour pour ta charongne.

Prince …………………

 

Autre                                       1701                            [218]

Sur l’air: Vous m’entendez bien.

Sur ………….. femme de Monsieur Girardin de Vauvré Intendant à Toulon.

 

Un certain Laquais, ce dit on,*

De l’Intendante de Toulon;

A fait à sa maîtresse,

            He bien!

Ce qu’on fit à Lucresse,

Vous m’entendez bien.

 

* ce Laquais a eté pendu.

 

Epitaphe                                 1701                            [219]

de Monsieur de Segrais de l’Académie Françoise;

Par Vendeuvre

 

C’est icy qu’on amis Segrais,

On n’y peut peindre les regrets

Que ce monument nous inspire;

Ni célebrer son coeur, ses vertus, et ses vers;

Passant on n’en peut assés dire,

Je m’en raporte à l’Univers.

 

Sur les Electres                        1701                            [220]

Tragédie de Longepierre.

Representeé à la Cour en l’anneé 1701.

 

Longpierre le Translateur,

De l’antiquité zélateur;

Imite les premiers fideles

Qui combatoient jusqu’au trépas,

Pour des vértiés eternelles,

Qu’eux même ne comprenoient pas.

 

Sur Madame la Duchesse de Gesvres. 1701               [221]

 

La lubrique Messaline

Dont le nom est si vanté,

Moins que vous fut héroine

Dans la tendre volupté.

Comme elle l’assaut de trente

Ne vous rendit pas contente,

Elle en êtoit lasse; mais,

Vous ne vous lassez jamais.

 

            Par Monsieur Ferrant Conseiller au chastelet.

 

Sur Louis XIV.                        1701                            [222]

Et Monsieur.

 

L’Amour de diverses façons

Brûla deux freres de ses flames.

L’un a soupiré pour les Dames;*

L’autre n’aima que les garcons;**

S’il est vrai qu’un d’eux se retire

De son peché, las et honteux;

Il n’est pas mal aisé de dire

Lequel se doit etre des deux.

 

*le Roy.

** Monsieur

 

Madrigal                                  1701                            [223]

d'un amy, à Monsieur des Preaux.

 

            Cher des Préaux, de quoi t’avises-tu

            D’oser menacer les Jesuites?

            Ah! tu n’en prévois pas les suites.

Leur haine épargne t’elle et scavoir & vertu?

Tu t’es veu révéré de tous ces Molinistes

Comme un homme d’honneur, un auteur sans défaut.

Bientost dans leurs écrits tu seras un Perrault,

Qui pis est, mis encore au rang des Jansenistes,

            Et plus persécuté qu’Arnault.

 

Réponse                                  1701                            [224]

des Jesuites, à Monsieur des Preaux.

 

Boileau, l’on ne craint point ta satirique audace,

Il ne reste plus rien dans les beaux traits d’Horace,

            Dont tu puisse te revestir.

            Accablé d’ans prest a partir

            Conserve ta premiere gloire,

            Qu’il ne soit pas dit dans l’histoire,

Qu’ayant depuis longtems copié Juvenal,

Tu devienne à la fin le singe de Paschal*.

 

*fameux auteur des Lettres Provincial.

 

Autre                                       1701                            [225]

Sur l’air de la Fronde.

 

Jamais Numa sans Egerie,*

N’eût réussi dans l’Italie;

Ny Mahomet sand son Pigcon.

Racine mettra dans l’histoire

Que Louis à la Maintenon.

Doit tout ce qu’il a de gloire.

 

Est-ce une Nimphe? est-ce une Feé? / Est elle Nimphe? Estrelle feé?

Seroit-ce une Pimpe sauce? / Elle est un pimpe sauce?

Le cas n’est pas bien evident; / Cela paroist indifferent;

Mais pour qu’ainsi vieille fémelle / Mais qu’une si vieile femelle

Mene par le nez son amant, / Mene par le nez Louis le Grand

Il faut que le Diable s’en mesle. / Il faut que le Diable s’en mesle.

 

Autrement

Jamais Numa sans Egerie

N’eut triomphé de l’Italie;

Ny Mahomet sans son Pigeon.

Et Racine dans son histoire,

Fera voir qu’à la Maintenon

Louis devra toute sa gloire.

 

*on croit cette piece de 1693.

 

Sur le Pere Bours                    1701                            [226]

Jesuite

            La raison peut être séduite

Par les beaux mots du Pere Bours;

            Mais on trouveque ses discours

Sont trop coquets pour un Jesuite.

 

Chanson                                  1701                            [227]

Sur l’air du petit Comtede Tallard.

Sur l’Opera d’Ophale par des Touches.

 

Pourquoi force tu ta cabale

De produire à la cour Omphale?

En attens-tu plus de succés?

Ah! tu devois en homme habile

T’en tenit aux justes sifflets,

Dont on t’honoroit par la ville.

 

Si l’on y garde le silence

Sur ton orgueilleuse ignorance;

N’en tire point de vanité,

C’est un pais où l’on déguise;

Mais à Paris, la vérité

Sur ton mérite à la franchise.

 

Forgeron nous vante ta gloire;*

Mais m’arracha-t’il la machoire?

Je le soutiens mauvais Auteur,

Si ce mot te met en colere.

Sur Paris tourne ton aigreur

Je n’en suis que le sécretaire.

 

Pourquoi presumez vous, des Touches

 

*Neveu de du Bois qui netoye les dents du Roy.

 

Que Louis daignât de sa bouche,                                 [228]

Vous aplaudir avec éclat?

Ah! quelle erreur êtoit la vôtre

Devant un Roy si délicat,

Vous deviés plus trembler qu’un autre.

 

On vante à la Cour ton mérite,*

L’aveugle des Touches s’irrite.

Qu’elle se taise sur le sien

Doit il l’accuser de caprice?

On te louë, on ne lui dit rien,

Peut on rendre plus de justice.

 

En chantant le rolle d’Alcide,**

Ce grand art qui toujours te guide.

Thevenard, qu’est-il devenu?

Tu promettois Mons et merveilles;

Mais comment Diable pourrois-tu

En heurlant, charmer nos oreilles?

 

Si la Cour ne fut pas contente

De ta voix roque et glapissante,

Des Touches a causé ce malheur.

L’asne en voyant tomber son frere

N’auroit il pas manqué de coeur

S’il se fut empesché de braire?

 

*Mademoiselle des Matins.

** Thevenard.

 

La Maupin, dit on, à Versailles                                   [229]

Comme icy, n’a rien fait qui vaille;

La chose ne m’etonne pas,

Elle se regloit sur Hercules;

Ou le Mulet ne passe pas,

Peut on faire passer la Mulle?

 

D’effroi le vieux Marquis de Termes

A fremi jusqu’a l’épidemie,

De voir tomber son Apollon.

Cette chute êtoit necessaire

Pour purger le sacré valon

D’un auteur indigne de plaire.

 

Autre                                       1701                            [230]

Sur l’air du Branle de Metz.

Monsieur de Courcelles ayant perdu un Manteau de Cocher à Bruxelles ce l’est fait payer par le Regiment des Gardes, sur quoi cette chanson fut faite par les Soldats du Régiment, qui alloient tous les matins la lui chanter sous ses fenestres.

 

Vieux Commandeur de Courcelles,

Dittes nous la vérité;

N’avez vous point acheté

Ce vieux Manteau chez Rousselle?

Et combien enle perdant,

Faute d’une sentinelle,

Et combine en le perdant

Gagnez vous sur vôtre Argent?

 

Chanson                                  1701                            [231]

Sur l’air de Joconde.

Sur la mort de Monsieur de Barbezieux, le Tellier Marquis de Barbezieux.

 

Pour avoir au Dieu de l’amour

Trop sceu marquer son zele;

Barbezieux a perdu le jour

D’une façon cruelle.

Si le clairvoyant Pontchartrain

Trouvoit quelque Nanette,

Et qu’elle allast le même train; / Lui le menât le même train,

Ah! la belle défaite.

 

Autre                                       1701                            [232]

Sur l’air: Quand le péril est agréable.

Sur le même sujet que la précédente

 

La Parque par un coup funeste

Vient de nous ôter Barbezieux;

Nos ennemis n’en sont pas mieux,

Puisque Pontchartrain reste.

 

Autre                                       1701                            [233]

Sur l’air: Allons guay.

Impromptu de …….. à qui on venoit d’aprendre la mort de Monsieur de Barbezieux.

 

Charmante Esquinancie,

Aprés un si bon tour,

Tu m’osterois la vie.

Je t’aimeray toujours.

 

Annee 1702                             [235]

 

Chanson                                  1702                            [237]

Sur l’air du Comte de Tallard.

Sur l’Archiduc Leopold.

 

Je suis l’Archiduc Leopold,

Général de tout l’Espagnol;

Quand je marche, la terre tremble;

C’est moi qui arreste le Soleil.

Se trouveroit il dans le monde,

Un homme qui fut mon pareil?

 

Avant qu’il soit le mois d’Avril,

Moy tout seul, je prendrai Paris;

Par dessus les Tours Nôtre Dame,

J’y feray passer la grand Mer,

Et de la teste de ses femmes,

J’en feray paver Saint Omer.

 

Chanson                                  1702                            [238]

Sur l’air lon lan la derirette etc.

 

La Princesse Micomicon,*      bis

A brûlé la fin de son nom.

            Lonlanla derirette,

Ne sentez vous pas le Roussi?

            Lonlanla deriri.

 

* Madame de Nangis dont Monsieur le Comte de Roussi êtoit amoureux. Elle êtoit auprés du feu, les jambles assés écarteés et les jupes un peu levées. Une étincelle de feu sauta à sa Chemise et y mit le feu. Madame la Duchesse fit ou fit faire ce couplet de Chanson sur cette avanture.

 

Sur le Roy                               1701                            [239]

 

Louis ne choisit pas mal,

Louis ne choisit pas mal;

Témoin Monsieur l’Amiral, (1)

Témoin Monsieur l’Amiral;

Témoin le boiteux du Maine; (2)

Témoin Maintenon la Rene. (3)

 

(1) Le Comte de Toulouze fils du Roy et de feüe Madame de Montespan.

(2) le Duc du Maine son frere, qui est boiteux.

(3) …………….. d’Aubigné Marquis de Maintenon.

 

Chanson                                  1702                            [240]

Sur l’air: Tout cede a vos doux apas.

par Madame la Duchesse.

Dans les endroits où vous verrez des points, il faut renifler du Tabac.

 

Le Comte d’Albert* vous f……

            Princesse

Le Comte d’Albert vous f……

Il a quitté la Duchesse**,

Et n’a des yeux que pour vous.

Le Comte d’Alber vous f……

            Princesse,

Le Comte d’Albert vous f….

 

C’est encore à la Princesse de Conty Douairiere à qui elle en veut dans cette chanson.

 

*frere du Duc de Chevreuse

**C’est la Duchesse de Luxembourg dont elle parle.

 

Chanson                                  1702                            [241]

Sur l’air, Car ma maîtresse est des plus belles et fille d’un Marchand de vin.

Sur le differend entre Santeuil et les Jesuites, par l’Abbé Martinet.

 

Santeuil est tres inquieté;

Car la fiere société

Est contre lui fort en colere;

Et prétend par bien des raisons

Lui faire achever sa carriere

Dedans les petites Maisons.

 

Arnauld sortant de son Cercueil,

Dit, en apostrophant Santeuil

D’une maniere formidable

Je suis justement irrité,

Que par une amende honorable,

Tu te sois ainsi retracté.

 

Santeuil avec timidité

Dit, si je me suis retracté

D’avoir élevé tes mérites.

Pardonne moy cette action,

Car en choquant les Jesuittes,

J’allois perdre ma pension.

 

Arnaud s’en allant courroucé                                      [242]

Lui dit, indigne interressé,

Ton ame mercenaire, et vile,

Mérite que mes ennemis

Te traitent comme Théophile,

Et s’il se peut encore pis.

 

Santeuil alors fort interdit

Dit, il faut que je sois maudit

Arnauld, d’avoir pris ta deffense;

Ce qui m’en reste de cecy,

La pénitence, la potence,

Et le Baaillon de Jouvancy.

 

Pardon rare société,

Pardon de ma témérité.

Je suis humble valet d’Ignace,

Et vous promets à deux genoux,

De ne monter sur le Parnasse,

Que pour dire du bien de vous.

 

Voyant ce fonds d’humilité,

La benigne société

Lui dit, l’on reçoit ton excuse;

Mais à la charge desormais

Que tu n’employeras ta Muse,

Que pour préconiser nos faits.

 

Autre                                       1702                            [243]

Sur l’air Catau la belle jardiniere.

 

Seigneur et Dame de Vilette,

Corrigez un peu vos enfans;

Vôtre fille aînée* est girouette;

L’autre** fait des vers médisans;

Pour vôtre fils chacun l’accuse

D’etre le torchecu des Muses.

 

*Madame de Fortmort 2 ou 3 fois catholique.

**Madame de Sainte Hermine.

 

Autre                                       1702                            [245]

Sur l’air. J’ay perdu ma liberté.

 

Qui trousse ton Cotillon,

Dis moy, grosse creveé*?

C’est le Pere Massillon,

La chose est asseureé/ avereé,

Et que la pauvre Tourbillon,

En est désespéreé.

 

*Madame de Bouzole.

**Mademoiselle de Tourbes d’Estreés. Toutes deux grandes devotes du Pere Massillon.

 

                                                par Monsieur le Duc de Bourbon.

Ne faites plus les matins

Au Ciel, tant de demandes;

Ne parez plus tous nos saints

De bouquets, de Guirlandes;

Mais plutost au Dieu des Jardins

Presentez vos offrandes.

 

Pour te faire des Magots

J’ay consulté l’Oracle;

Tous les bouillons de Levraux*

Ne leveront point d’obstacles

Et ce n’est que des dévots

Qu’on attend ce miracle.

 

*Elle prenoit des bouillons de Levraux pour faire des enfans.

 

Sur le retour de Monsieur le Prince de Conty de son voyage de Pologne

                                                1702                            [246]

 

            Quoi! l'on dit que le grand Conty

Sur le trône a trouvé si forte resistance?

            Que de Pologne il est party.

Et qu’on le reverra dans peu de tems en France;

Quel malheur! eut on crû qu’on l’eût voulu tromper?

            Hélas! depuis le Roy Guillaume*

On ne peut plus de droit acquerir un Royaume.

            Pour l’avoir, il faut l’usurper.

 

*le Prince d’Orange.

 

Autre                                       1702                            [247]

Sur l’air: Autrefois je chantois Achille.

 

Revel est un bon Gentilhomme;

Mais son saint Esprit arbore

A ce qu’on dit, Pasquin dans Rome,

Ne l’a point encore esclairé.

 

Autre                                       1702                            [248]

Sur l’air: des flons flons.

Impromptu de Madame la Duchesse à Table.

 

Heureux celui qui trouve

Toujours plaisirs nouveaux,

Qui boit comme une Douve,

Et fait comme un Moineau.

Flon, flon etc.

 

Chanson                                  1702                            [249]

Sur l’air Robin Turelurelure.

 

Placet

presenté au Cardinal de Bouillon par les R.R.P.P. Jesuites.

sur la derniere censure de Sorbonne

 

Toy qui fut des plus scavans

            En toute litterature,

Protecteur depuis longtems,

            Turelure,

De l’Ignace géniture,

Robin turelurelure.

 

Doyen de nos Cardinaux,

Ecoute je t’en conjure.

Le récit de tous nos maux,

            Turelure;

J’en vais conter l’aventure,

            Robin Turelure.

 

Une cabale de gens

            Emmitoufflez de fourure;

Reconnus pour médisans;

            Turelure.

De nous perdre ont fait gageure,

            Robin etc.

 

Ils dissent partout de nous,                                        [250]

            Que devant une figure,

Nous nous mettons à genoux,

            Turelure;

Mais au fonds c’est imposture.

            Robin turelure.

 

Que nous renions le Sauveur

            En faisant telle posture;

Mais helas! c’est une erreur,

            Turelure.

Tu connois nôtre droiture,

            Robin etc.

 

Qu’à la Chine on nous a veu

            Tenir la Magistrature;

En Mandarins revestus,

            Turelure.

Marcher au Temple en droiture.

            Robin etc.

 

Que nous allons tous prêchans

            Contre la sainte écriture;

Qu’en remontant trois mille ans,

            Turelure.

La Chine avoit la foy pure,

Robin etc.

 

Que sans Prophete et sans Loy

            Par l’effort de la nature.

Les Chinois avoient de quoy,

            Turelure.

Tendre à la gloire future,

            Robin etc.

 

Mai sil n’est rien de plus faux

Qu’une telle pourtraiture;

Car nous donnons au tres haut,

            Turelure.

Nôtre coeur je vous asseure,

Robin etc.

 

Si nous donnnons quelquefois

            Selon telle conjuncture,

Dans le culte des Chinois,

            Turelure.

C’est feintise je vous jure.

Robin etc.

 

Nous nous faisons tout à tous,

Pour gagner la Créature;

Nous serions Taupin au bous,

            Turelure;

Pour faire telle capture.

Robin etc.

 

Aprés protestations,                                                   [252]

            D’une conduite si pure;

Sans écouter nos raisons;

            Turelure.

Ils ont fait une censure,

Robin etc.

 

Mais nous esperons de vous

Qu’en voyant leur procedure;

Vous serez beaucoup plus doux,

            Turelure;

Et bifferez la censure,

Robin etc.

 

Chanson                                  1702                            [253]

Sur l’air…..

Sur une Commedie que les Peres Jesuites firent jouer à leurs écoliers, où ils mirent la Palestine aux pieds du Roy.

 

Sire, les Peres sans collet,

Prévoyans qu’en cette Compagnie,

Leurs grands amis sont au Rouet,

Si la guerre dure en Espagne.

 

Vous conjurent par tous les saints,

Pour les garantir de ruine,

De convertir tous vos desseins

A délivrer la Palestine.

 

Secondez la zelle et la Foy,

Des disciples du Pere Ignace,

Qui furent cause qu’au feu Roy,

Le Grand Henry fit sitost place.

 

Et qui par leurs divins travaux,

Et par leur sainte vigilance,

Font Tous les jours tant d’hospitaux,

Et de Cimetieres en France.

 

Sonnet                                     1702                            [254]

Contre les Jesuites.

 

Jesuites vos esprits sont toujoues au ……….. biouuac,

Vous ne dormés non plus que des monstres d’Affrique,

Et toujours plus pensifs qu’un maître de……..musique

Vous resvez quelque crime, ou quelqu’autre…mimac.

 

Marchands de bled, de vin, d’espices de………Tabac

Rien ne peut échaper à vôtre…………………...politique

Vous tireriez ma foy de l’Argent d’une………..brique,

Et vous en scavez prendre et ab hoc et…………ab hac.

 

Péchons tant qu’il nous plait, vous avez le……..remede,

Et l’on traite chez vous Venus et……………….Ganimede,

Ainsi qu’un franc Picart pourroit faire un………rebus.

 

On y vend le pardon, comme on fair une ………éclanche,

On y viole tout, foy, loy, festes, et………………Dimanche,

Et tout cela s’y nome affaire de…………………bibus.

 

Sur les Jesuites                        1702                            [255]

 

Le doigt du tout puissant, qui des mortels se joüe,

Enfin aux deux partis, fait changer de dessein;

            Il met sur le trosne Augustin,

            Et les Jesuites dans la boüe;

Dans le moment fatal, où quatre 1.ers évesques

Alloient souffrir le coup de leur noire tempeste;

            Le Ciel sur leurs coupables testes

En fait retomber les éclats.

Annat regrete en vain, ses efforts superflus;

Il craint tout desormais, tout lui paroît nuisible.

            Il vouloit le Pape infaillible;

            Maintenant il ne le veut plus;

La vérité revit, l’injustive est trancheé,

Lorsque le juste l’ouvre, et le haut vatican,

            Ont mis le furieux Aman

            Dans la place de Mardocheé.

 

Chanson                                  1702                            [256]

Sur l’air Bretonvilliers ma voisine.

Sur le Duc de Vendôme.

 

Vendosme toujours fidele

A quelque Divinité;

Ne fut pas toujours parelle

Egalement bien traité.

Venus si souvent friponne,

Eut peu soin de sa personne,

Et Bacchus l’enyvra; mais,

Mars ne luy manqua jamais.

 

Sur Louis Quatorze,                1702                            [257]

& Phillipe V. Roy d’Espagne.

 

            Vôtre Quatorze n’est qu’un quatorze de dix,

Et puis cela ne fait que vingt neuf d’entreé,

Le point, trois as, trois Rois et le capot d’embleé,

Si vous scavez compter, valent soixante six.

            Et par là dans deux coups vous perdés la partie;

Jugez apres cela pour qui sera le gain?

Quelle affaire ne peut que prendre un mauvais train,

Et qui doit mépriser toute la force unie?

            Avec vôtre beau jeu, la victoire est pour nous,

Votre quinte au valet se trouve fort débile,

Le quatorze de dix vous est fort inutile,

Et même ce quatorze, avoués, l’avez vous?

            Que vous avez peu soin de vôtre renommeé,

Ne mettez vous jamais la flatterie apart?

Car enfin quatorze est toujours à l’écart,

Nous prenons à témoin Paris et vôtre Armeé

            Au reste, avec raison dans vos huit méchans vers,

Vous apellez un jeu, cet apareil funeste,

Puisque chacun de nous y va joüer son reste,

Et que vous le perdrez au gré de l’univers.

            Mais si du sens commun nul de vous ne s’ecarte,

Quand l’un fait de Louis, un quatorze au Piquet,

Et l’autre de Philipe, une quinte au valet;                   [258]

Ne concevez vous pas qu’ils sont des Rois de carte?

            Pour nôtre Jeu sur mer, on s’en tait, car enfin

Ces voyages pour nous sont de trop longue haleine.

En effet, que pourroient contre nôtre balaine,

Vos saumons, vos Rougets, même vôtre Dauphin?

 

Attaque ou Riposte.               1702                            [259]

 

Contre le point, trois as, trois Rois et le Capot

Avec quinte et quatorze on est toujours peanut;

Cependant les sujets de Louis quatorziême

Et la pluspart de ceux de Philippe cinquiême

Font sonner leur quatorze et leur quinte fort haut,

Que leur aveuglement est long, qu’il est extrême

Quinte et Quatorze helas! c’est la foiblesse même.

            Contre le point, trois as, trois Rois et le capot

Le plus hardi joueur n’oseroit dire mot.

On jureroit vingt fois son crême et son batême,

Et Phillipe est autant qu’un dévot en Carême,

Le Francois est si vain, l’Espagnol si bigot,

Que l’un méprise tout, l’autre crie anathême

Contre qui veut douter de leur grandeur suprême,

Et soutiennent tous deux qu’ils gagneront bientôt

Contre le point, trois as, trois Rois, et le capot.

            Pour détruire à jamais leur insolent sistême,

Nous allons nous server icy d’un bel Emblême.

            Les Rats contre le Chat avoient fair un complot

Et mirent sur l’un d’eux qu’ils nommoient Ratanpot;

Un beau plumet tout blanc, c’estoit son Diadême,

Le Chat vint, tous ces Rats se sauverent au trot;

Leur Roy bouffe d’orgueil n’alloit plus qu’en Crapaud.

Il fut pris, craignez donc, car Guillaume troisieme*

Guete vôtre Quatorze; Il ne lui faut qu’un saut;

Vôtre quinte n’est rien, fut elle une sixiême

Contre le point, trois as, trois Rois, et le Capot.

 

*le Roy d’Angleterre

 

Chanson                                  1702                            [261]

Sur l’air…….

A Forges, la Fontaine parle à Comtesse de Feuquieres qui prenoit les Eauës.

 

Buveurs que j’apelle en ces lieux,

Fuyez, pour vous tout est a craindre;

Quand vous verrez Iris, que vous serés aplaindre!

Ses yeux allument plus de feux,

Que mes Eaues n’en peuvent éteindre.

 

Autre                                       1702. Juillet.               [262]

Sur l’air……………….

A Forges.

 

D’un air riant, en Prince (1) habile,

Vous tirez a part la Bastille;

Mais, qu’en dirale Colonel (2)?

J’ay bien peur qu’il ne la souflette,

Et qu’il ne vous fasse un appel.

Prince, prenez vîte une brette.

 

Ne comptez pas belle Comtesse (3),

Sur les Dindons que son Altesse

Vous promit hier galemment;

Car la Girault (4) qui se déguise,

Les reprend, & vend finement,

Plus d’une fois sa marchandise.

 

(1) le Ch.er de Lorraine.

(2) le Bel Fermier général en justeaucorps rouge, la Perruque noueé comme un colonel.

(3) Madame la Comtesse de Feuquieres fille de Mignard.

(4) Madame Girault avoit aporté des Dindons que le Chevalier de Lorraine avoit promis a Madame de Feuquieres. Elle s’etoit déguiseé en paysane, et en descendant elle reprit les Dindons qu’elle venoit de presenter.

 

On dit icy qu’une Comtesse (1),                                [263]

Vient pour certain mal qui la presse;

Peut être pour d’autre desseins;

Mais c’est une triste resource

De n’avoir que des Capucins

Pour la tendresse et pour la bourse.

 

(1) Une avanturiere dite la Comtesse de Montlezun que personne n’alloit voir que les Capucins qui vont partout.

 

Autre                                       1702                            [264]

Sur l’air de Jean de vert.

 

Iris qui vous laissés coëffer*

Du Dom Quichot moderne.**

Cessés de nous le tant vanter,

De peur qu’on ne vous berne;

Et chassés que du tems passé,

Il n’eût pas êté l’Escuier.

            De Jean de vert.

 

* Madame la Duchesse

** le Marquis de Lassé

 

Chanson                                  1702                            [265]

Sur l’air du petit Comte de Tallard, ou des Rochellois.

Sur la mort du Prince d’Orange Roy d’Angleterre.

 

La Parque vient de faire un coup,

Où les Anglois perdent beaucoup;

Elle les a privé d’Orange,

Et depuis ce funeste jour,

Avec Perdrix aucun d’eux ne mange,

Pour lui temoigner son amour.

 

Quand par un caprice fatal,

Il voulut chasser à Cheval,

Feignant de n’etre plus malade;

Pendant qu’il couroit le gibier;

La mort se mit en embuscade,

Pour l’attraper dans son terrier.

 

Comme il avoit rusé toujours,

Il fallout que dans ces détours

Il rencontra les funerailles,

Et le renard adroit et fin,

Qui menaçoit tant nos volailles,

S’y prit dans un trou de lapin.                                                [266]

 

S’il est à présent mal ou bien,

Je ne vous en assure rien,

La chose est trop problématique:

Tout ce que l’on peut raconter,

C’est que pour un pauvre Asmatique,

Le Ciel est bien haut a monter.

 

Les Protestans de Dieu maudits,

Disent qu’il est en Paradis,

Et que ce n’est point une fable;

Mais s’il a cet heureux destin,

Il faut qu’on ait vole le Diable

Quand il le portoit le chemin.

 

Un Lorrain de grand Jugement

Nous a juré par son serment,

Qu’aux Enfers il a fait ses Pasques,

Et que las de ces tristes lieux,

Il songe a chasser le Roy Jacques.

Du trosne qu’il a dans les Cieux.

 

Comme il n’apas gelé l’hiver,

Je crois que ce Prince en Enfer

A peine à se tenir en place;

Car dans l’empire des Démons                                   [267]

On a toujours besoin de glace

Pour se rafraichir les Poulmons.

 

Quoiqu’il soit, en gens de bien;

Donnons lui tous un Requiem,

Afin qu’en paix il y demeure;

Car s’il venoit a retourner

Dans ce bas monde pour une heure;

Il nous y feroit tous damner.

 

Le bruit de son facheux trépas

Etourdit Messieurs des Estats;

Cette nouvelle les intrigue

Chacun d’eux pleurant comme un veau,

Croit que les desseins de la Ligue,

S’en iront bientost a veau l’eau.

 

Quand on l’aprit à l’Empereur,

De dépit son superbe cour,

De vingt gros comme une montagne,

Et comprit que ses grands projets,

Estoient des Châteaux en Espagne,

Où son fils n’entreroit jamais.

 

Mais Brandebourg son héritier,

En eut un desespoir entier,                                         [268]

Pour mieux dire il parut extrême,

Il connut bien qu’au premier bond

L’héritage et le diadême

S’en iroit à Colin Tampon.

 

Hanovre instruit de son malheur,

Fut si pénétré de douleur,

Qu’il a tombé pâmé par terre,

Il vid bien dans son juste ennuy,

Que la Couronne d’Angleterre,

N’etoit pas un morceau pour luy.

 

Le grand Electeur Palatin

En fut si serré de chagrín

Qu’il ne pût faire ses affaires.

Ce Prince malgré son caquet

Sans le secours de deux Clisteres

Il eut crevé comme un mousquet.

 

D’Eugêne ardent pour ce party

Tout le feu fut presque amorty,

On ne lui trouva plus de zele,

Il augura de ce trépas,

Que la Ligue en ayant dans l’aisle,

Elle prendroit son vol plus bas.

 

Le Roy de Pologne à ce bruit                                      [269]

S’imagina qu’il êtoit cuit,

De foiblesse chacun le taxe;

Mais il a de bonnes raisons

Pour croire que bientost en Saxe;

Il ira garder ses Dindons.

 

Les Francois, et le Grand Louis,

Loin d’en paroistre réjouis,

Plaignent sa disgrace fatale.

Qu’il soit, disent ils, vif ou mort,

La chance pour nous est égale,

Et nous aurons un heureux sort.

 

Le Roy Danois est satisfait

Du beau coup que la mort a fait;

De sa joye on vois trop de marques;

Mais il croit trop légerement,

Que son frere au rang des monarques,

Sera placé certainement.

 

Le Prince Georges s’est flatté

D’avoir part à la Royauté;

Mais autrement on en dispose;

Et malgré les droits de l’hymen,

Si la nuit il est quelque chose,

Pendant le jour, il n’est plus rien.                               [270]

 

Autre                                       1702                            [271]

Sur l’air…..

Sur la prise du Mareschal de Villeroy à Crémone.

                                      

Villeroy dedans Crémone,

      Est assoupi

Sur un avis qu’on lui donne,

      Sort de son lit

Pour aller chercher l’ennemi,

      Tout endormie.

 

Un panache sur la teste,

      Sans Baudrier;

Sont les tiltres de Conqueste

      De ce guerier;

Quand il va chercher l’ennemi,

      Tout endormie.

 

Il rencontré un Corps de garde,

      Franc Allemand;

Qui dit, Monsieur, Dieu vous garde,

      Puisque vraiment;

Vous êtes icy chez l’ennemi,

      Tout endormie.

 

Le bruit de cette nouvelle,                                           [272]

      Fait eveiller,

Généraux et Sentinelle

      Qui font crier;

Villeroy est chez l’ennemi,

      Tout endormie.

 

Pendant son sommeil il passe

      Sous l’Aqueduc.

Il reprend sa bonne grace

     Dedans Inspruch;

Et cesse enfin d’etre endormi.

      Chez l’ennemi.

 

Le jeu d’ombre 1702.              1702                            [273]

Sur le Duc de Savoye, lorsqu’il quitta le parti de la France pour se joindre a l’Empereur.

Sur l’air: Vous m’entendez bien.

 

Un Savoyar en trahison

Coupe sur un Roy qui fait bon;

      Sa fausse le dénonce

          He bien!

      Il fait veste et renonce

      Vous m’entendez bien.

 

Les cinq faux Matadors en main

Ne font pas son jeu plus certain,

      Il payera le sans prendre,

            Hé bien?

      Au beau pere et au Gendre,

      Vous m’entendez bien.

 

Il a quitté Dames et Rois

Pour faire un detestable choix;

Un bas coeur qui lui reste,

            Hé bien!

       Lui fait faire la veste;

       Vous m’entendez bien.

 

Les Hollandois ont déja mis                                        [274]

Plusieurs bestes sur le tapis.

      Le furibond Eole.

            He bien!

      Leur fait un coup de vôle,

      Vous m’entendez bien.

 

L’Archiduc perd déja beaucoup

Sans avoir fait jouer un coup;

      Sur la Coste on ramasse,

            He bien!

      L’Argent qu’il perd en passe,

      Vous m’entendez bien.

 

Sur le Journal de Trevoux       1702                            [275]

 

Petits Auteurs d’un fort mauvais Journal,*

Qui d’Apollon vous croyez les Apostres.

Pour Dieu tachez d’escrire un peu moins mal,

Ou vous taisez sur les écrits des autres.

Vous vous tuez à chercher dans les nôtres,

De quoi blamer, et vous le trouvez bien.

Tout au rebours, nous cherchons dans les vôtres

De quoi louer, et nous ne trouvons rien.

 

*les Jesuittes.

                                      

Chanson                                  1702                            [276]

Sur l’air de Joconde

 

L’Espagne fut longtemps en pleurs,

Fort triste et languissante;

Mais a present qu’elle est en fleurs

Quelle sera contente.

Le Ciel par un coup sans pareil,

De ses maux la délivere

Il tire un rayon du soleil

Par la faire revivre.

 

Chanson                                  1702                            [277]

Sur l’air: Toujours mariane qui file.

On l’attribüe à Madamede Bouzolles.

 

Serai-je toujours Andromede ou Rocher,

Ne serai-je jamais Perseé?

Toujours Mariane qui file,

Jamais Catherine qui coud.

 

Serai-je toujours Alexandre ou Cezar,

Ne serai-je jamais Pompeé?

Toujours etc.

 

Serai-je toujours serpe ou Marteau,

Ne serai-je jamais Coigneé?

Toujours etc.

 

Serai-je toujours Cave ou Grenier,

Ne serai-je jamais monteé?

Toujours etc.

 

Serai-je toujours pente ou Rideau,

Ne serai-je jamais couverte?

Toujours etc.

 

Serai-je toujours buche ou fagot,

Ne serai-je jamais bourcé?                                           [278]

Toujours Mariane qui file,

Jamais Catherine qui coud.

 

Serai-je toujours maille ou denier,

Et jamais piece tapeé?

Toujours etc.

 

Serai-je toujours bille ou billard,

Ne deviendrai-je jamais blouse?

Toujours etc.

 

Priere de Santeuil                    1702                            [279]

Au Pave de la Chaise

Jesuitte.

 

Grand Saint que la vertu soutient si haut,

Et qui vois à tes pieds le Soleil face à face.

Héros dont Phaëton eut envié la place,

Au nom de Molina, d’Escobar, de Petaut

Sauve ma penssion, c’est un prest d’Ignace, 

      Avec les secours efficace,

Rien ne nous manque, et j’ay tout ce qui faut

      Pour excommunier Arnaud.

      Et dire anatême à la Grace.

 

Chanson                                  1702                            [280]

Sur l’air: Au grand Condé qui dans la guerre.

Sur le Mareschal de Villeroy.

 

Le bruit court que sur la Frontiere

      Villeroy remplaçant Calliere,

Veut nous rendre heureux à jamais,

      Dieu bénisse son ministere

      Et veuille qu’il fasse la paix;

Autrement qu’il n’a fait la guerre.

 

Chanson                                  1702                            [281]

Sur l’air: Or nous dites Marie.

Sur ………. de Nassau Prince d’Orange.

 

Ce grand Prince d’Orange,

Qu’est-il donc devenu?

Et par quell sort étrange

Nous a t’il disparû?

Son ame entreprenante

Va t’elle avec Schomberg,

Faire quelque descente

Sur le bord des enfers?

 

 

Le Tiran d’Angleterre,

Est réduit au Tombeau,

Ce brouillon de la terre,

Enfin ne dit plus mot.

Un grand coup dans l’éspaule

Lorsqu’il n y pensoit pas,

A fait aller le drôle,

Dit on au Païs bas.

 

Autre                                       1702                            [282]

Sur l’air…………

Sur Mademoiselle de Seri, par Monsieur le Duc d’Orleans.

 

Tircis me disois l’autre jour

Je ne connoîtrois pas l’amour,

Sans vous Philis, je vous le jure,

Sans vous Philis je vous le dis.

 

Quand on a dépeint la beauté,

On n’a jamais representé

Que vous Philis etc.

 

Je ne demande aucun employ,

Je ne voudrois point être Roy;

Sans vous Philis etc.

 

Que sur ma Tombe il soit gravé.

Cy git qui n’eut jamais aimé;

Sans vous Philis etc.

 

Accordez tout à vôtre amant,

Il en sera reconnoissant,

Oui ma Philis etc.

 

Qu’est devenu ma liberté?                                          [283]

Scavez vous qui me l’a osté?

C’est vous Philis etc.

 

Tircis s’ecrioit enchanté,

Vous faites ma félicité,

Oui ma Philis etc.

 

Si l’on parle de sentimens,

Si l’on cite un fidel amant,

C’est moy Philis etc.

 

Depuis que je suis dans vos fers,

Je ne chante plus dans mes vers,

Que vous Philis etc.

 

Mon coeur tout l’empressement,

Est de vous dire ce qu’il sent,

Pour vous Philis etc.

 

Rien ne me plait que mon amour,

Je ne scaurois souffrir le jour

Sans vous Philis etc.

 

Hastez de remplir mes voeux,

Tout dépend pour me rendre heureux,

De vous Philis etc.

 

Si vous differez un moment,                                       [284]

L’amour vangera mon tourment

Sur vous Philis etc.

 

Vers                                         1702                            [285]

pour mettre sous le Portrait du Duc de Vendosme.

 

Ce Heros que tu vois icy representé

Favori de Venus, favor de Bellonne,

      Prit la vérole et Barcelonne*;

      Toutes deux du mauvais coté.

 

*il prit cette ville en 1697.

 

Autre                                       1702                            [286]

Sur l’air: Quand Iris prend plaisir a boire.

Par Madame la Duchesse.

 

Quand Iris* prend plaisir a faire

Ce que faisoit jadis sa mere;

Rien au monde n’est plus charmant.

Elle est si vive a remuer la croupiere,

Qu’on diroit à son mouvement

Que ce qu’on lui met par devant

Va ressortir, va ressortir par le derriere.

 

*Julie de Bourbon, Demoiselle de Chasteaubriant, fille Naturelle d’Henry Jules de Bourbon Prince de Condé et de Francoise de Moutalais, veuve de Jean de Beuil Comte de Marans, Grand Eschanson, naquit en 1668. fut eleveé en l’Abbaye de Maubuisson sous le nom de Mademoiselle de Guenany et legitimeé par Lettres du Roy données à Namur au mois de Juin 1692. Elle epousa le 5. Mars 1696. Armand de l’Esparre de Madaillan Marquis de Lassay, Lieutenant general pour le Roy dans les Provinces de Bresse, Bugey etc. depuis chevalier des Ordres du Roy, dont elle fut la 3.e femme, et mourut à Paris le 10. Mars 1710 en sa 43e anneé. Son corps transfere au Prieuré de Lassay. Dioceze du Mans, y fut inhumé.

 

Chanson                                  1702                            [287]

Sur l’air: Il fait tout ce qu’il deffend.

Pour Monsieur le Duc de Vendosme.

 

De Vénus aux belles fesse,

De Bacchus et du Dieu Mars,

Vendosme dans sa jeunesse

A suivi les éstendars:

Venus quelquefois friponne

Respecta peu sa personne,

Et Bacchus l’enyvra; mais

Mars ne l’oublia jamais.

 

Autre                                       1702                            [288]

Sur l’air du brânle de Metz.

Sur Monsieur de Villeroy.

 

Pendant la nuit que Crémone

Fut livreé aux Allemans

Dans le plus cruel tourmens   bis

De la fureureur de Bellonne;   bis

On vit l’étoille du Roy,

Et celle de Villeroy.

 

Chanson                                  1702                            [289]

Sur l’air des Folies d’Espagnes.

Par Monsieur de Coulanges à sa Toilette, à Madame de Louvois.

 

Quel temps fait il? quelle heure à mes pendulles?

Sortons du lit, je crois qu’il est bien tard;

Diligemment et ma Robe, et mes mulles;

Tout est il prest, m’entendez vous Renard?

 

Quand j’auray fait ma petite priere,

A m’habiller ne perdons point de tems,

La propreté doit aller la premiere.

Viste de l’eau pour mes mains, pour mes dents.

 

Mon chocolat est il là qui mitonne?

Donnez-le moy, je ne puis m’en passer.

Je le veux chaud, que la doze soit bonne.

Et que sans art on le fasse mousser.

 

Quand je l’ay pris, ma machine monteé

Va rondement jusqu’à midy sonné,

Et puis languit faute d’etre humecté;

Mais se remet aprés un bon dîné.

 

C’est un secours utile et necessaire,

A qui ne peut souper comme autrefois:                      [290]

Mais j’ay trouvé l’invention de faire

En bien dinant deux repas à la fois.

 

Ne scait-on pas ce proverbe vulgaire,

Que par la faim les Loups sortent du bois?

Pour moy je dis pour me tirer d’affaire,

Touche cocher à l’hostel de Louvois.

 

Chanson                                  1702                            [291]

Sur l’air: Que la beauté de vôtre esprit m’enchante.

Par Monsieur Foucault Intendant à Caën amoureux de ………… la Ragareu sa femme.

 

Vous connoissez, Iris, que je vous aime,

Je n’ay jamais osé vous en parler.

Si c’est un male que mon amour extrême,

Vos yeux ont fait ce mal eux même.

Ah! devoient ils le reveler!

 

Autre                                       1702                            [292]

Sur l’air: J’ay songé toute la nuit.

 

Que la guerre est un métier

Qui commence a m’ennuyer.

Condé, Turenne aux Enfers,

Et pour Général n’avoir que Bouflers.

Condé, Turenne aux enfers

Nous seront bientost aux fers.

 

Chanson                                  1702                            [293]

Sur l’air: Je gage de boire autant qu’un Suisse.

A Madame la Marquise de Louvois.

A Ormesson le 25. Octobre 1702.

par Coulanges.

 

Pour vivre longtems comme mon grand pere

Venez respire l’air d’Ormesson,

Belle Louvois, que je revere;

Pour vivre longtems comme mon grand pre.

Si nonante ans vous peuvent plaire,

Je vous offer cette Maison.

Pour vivre longtems comme mon grand pere.

Abandonnés vôtre riviere.

Pour vivre longtems comme mon grand pere

Nous avons une source claire,

Qui de l’eau nous donne à foison.

Pour vivre longtems etc.

Nous avons une source claire.                         [294]

Pour vivre longtemps comme mon grand pere,

Au dessus des eaux de Plombiere;

Pour vivre longtemps comme mon grand pere,

Sitost qu’on boit on digére,

Langues de boeuf et saucisson.

Pour vivre longtems etc.

Sitost qu’on boit on digére,

Sitost qu’on boit on digére,

Et plus d’un repas il faut faire,

Car l’appetit est toujours bon.

Pour vivre longtems etc.

Et plus d’un repas il faut faire

Pour vivre longtems comme mon grand pere;

Icy vapeurs et maux de mere,

N’attaquent jamais la raison.

Pour vivre longtems etc.

Icy vapeurs et maux de mere.

Pour vivre longtems come mon grand pere

D’Eau Divine n’ont point affaire,

Pour vivre longtems comme mon grand pere,

N’y de ce remede vulgaire

Qui se prend au bout d’un baston.

Pour vivre longtems etc.                                             [295]

N’y de ce remede vulgaire.

Pour vivre longtemps comme mon grand pere,

L’Opium n’est point nécessaire,

Pour dormir d’un sommeil profound.

Pour vivre longtems etc.

L’Opium n’est point nécessaire.

Pour vivre longtems comme mon grand pere,

C’est icy, Louvois, que j’espere

Vôtre parfaire guérison.

Pour vivre longtemps etc.

C’est icy, Louvois, que j’espere

Pour vivre longtemps comme mon grand pere.

Vous voir dans ce lieu solitaire

Satisfaite en toute saison.

Pour vivre longtems etc.

Vous voir dans ce lieu solitaire

Pour vivre longtems comme mon grand pere,

Faire comme lui bonne chere;

Et comme moy quelque Chanson;

Pour vivre longtems comme mon grand pere.

Venir respire l’air d’Ormesson.

 

Autre                                       1702                            [296]

Sur l’air: Mon mary le plus souvent.

Conseils à Madame de Louvois.

par Coulanges.

 

Rien n’est si bon pour la santé

Que la joye et la liberté.

Honnestement goûtons la vie;

Cerchons la bonne compagnie;

Et renonçans à tous projets

Qui puissent troubler nôtre paix.

 

Faisons toujours de nôtre mieux,

Pour vivre contens & heureux.

N’abandonnons pas nos affaires;

Mais n’allons qu’aux plus necessaires.

Laissons sur la fin de nos ans

Faire la vigne à nos enfans.

 

Autre                                       1702                            [297]

Sur l’air: Quand la bergere va aux Champs.

A Madame de Louvois.

par Coulanges.

 

Je vous le repete en Chanson

J’aime Ormesson,

Quelle Maison!

L’air est si pur et si sain,

Qu’il n’est contraire

Qu’au ministere

Du Medecin.

 

Si je n’ay point en ce pays

De vin exquis

Pour mes amis;

J’ay du moins en toute saison

D’une Eau tres claire,

Et salutaire

Pour leur boisson.

 

Je dors paisiblement la nuit;

Au saule du lit,

Vient l’appétit,

Et je luy sers pour premier plat,

Dont il rend graces.

Une ou deux Tasses                                                    [298]

De Chocolat.

 

Je me promene tout le jour,

Loing de la cour,

Loing de l’amour.

Pour contenter mes seuls désirs

L’agriculture,

Fait, je vous jure,

Tous mes plaisirs.

 

Louvois pour embellir nos champs,

Je vous attends

Au doux printemps.

Je vous promets de clairs ruisseaux,

Un vert ombrage,

Et le ramage

De mil Oiseaux.

 

À Ormesson ce 22. Novembre 1722.

 

Autre                                       1702                            [299]

Sur le même Air.

Réponse par Monsieur Antoine Hamilton aux précedens Couplets, faits à Ormesson, à Monsieur de Coulanges.

 

Toy, pour qui Phoebus toujours rit,

Et qu’il pétrit

De son esprit;

Qui raille, qui scait encenser,

Et sur ta Lyre,

Scais l’art de rire

Sans offenser.

 

Tous les lieux depuis Ormesson,

Changeons de nom.

Jusqu’à Meudon.

Tu nous feras voir tost ou tard,

Par cas étrange,

Couler le gange,

Dans Vaugirard.

 

Peins nous tout a Travers des choux

Tes amans fous;

Toujours jaloux;

Au champs sur le moindre soubçon

Que leur Princesse

Peut dans Gonesse                                          [300]

Estre en prison.

 

Guerriers en Casques & Pavois,

Comme autrefois,

Courans les Bois.

Quel malheur! si quelque géant

Forçant la troupe,

Prenoit en croupe

Ta Saint Geran.

 

Si donc les Dames de la Cour,

Vont quelque jour,

Voir son séjour.

Pour garder ces objets divins.

Outre l’escorte,

Mets à ta porte

Sorciers et nains.

 

Mais avant de les recevoir

Dans ton manoir.

Fais dés le soir

Transférer dans un Pavillon,

A quelques stades

Tous les malades,

De Polemon.

 

Coulanges tout est surprenant

Dans ton Roman;

Mais noblemen.

Fais Jupiter de ton Taureau;

Afin qu’on sache

Qu’au moins ta vache

S’apelle yo.

 

Chanson                                  1702                            [301]

Sur l’air de Monsieur le Duc de Beaufort.

Par Madame la Duchesse.

 

Je scais faire des Bignets

D’une façonne mignonne;

Je faits aussi des Cornets:

Mais si vous voulez des pets,

J’en donne, j’en donne, j’en donne.

 

Autre                                       1702                            [302]

Sur le même Air.

Sur Monsieur de Villeroi quant il fut pris à Crémone.

 

Nous avons êté surpris,

Eugéne avoit la gloire;

Mais Villeroy il nous prit,

Et aussitost nous rendit

La gloire, la gloire, la gloire.

 

Autre                                       1702                            [303]

Sur le mesme Air.

 

Le Prince Eugéne est surpris

D’aprendre que sa mere,

Dit que l’on chante à Paris,

Que dans Crémone il apris,

Son pere, son pere, son pere.

 

Autre                                       1702                            [304]

Sur l’air des Grimaudins des vacances.

On l’attribüe à Madame la Duchesse.

 

La Florenzac se croit jolie,

Il n’en est rien;

Cependant sa plus forte envie

Soir & matin,

C’est de loger mon Grimaudin*

Dans son château de Gaillardin.

 

*Monsieur le Duc.

 

Autre.                            

Sur l’air des Cloches

Sur les amans de Madame de Florenzac, par Madame la Duchesse.

 

Monseigneur

Le Conty,

Le petit Duc mon mary:

Tant d’autres,

Tant d’autres.

 

Sur la Mort                              1702                            [305]

du Prince d’Orange.

 

Cy gist l’Usurpateur du pouvoir légitime,

Jusques au dernier jour favorisé des Cieux,

Dont les vertus méritoient mieux

Que le Trône aquis par le crime.

Par quel destin faut il? par quelle étrange Loy?

Qu’à tous ceux qui sont nés pour porter la Couronne,

Ce soit l’Usurpateur qui donne

L’exemple des vertus que doit avoir un Roy.

 

Sur la Mort                              1702                            [306]

du Marquis de Crequy

blessé à mor tau combat de Luzara.

 

Crequi meurt en héros, les Armes à la main,

Et choisit pour Tombeau le sein de la victoire.

Né dans le champ de Mars, il s’y couvre de gloire,

Seur que par cette mort il doit vivre sans fin.

 

Sur Monsieur de Bouflera       1702                [307]

qui aprés avoir ruiné l’armeé de Flandres, a raporté de grosses Contributions.

 

Sans avoir combatu, ny risqué le destin,

Ayant manqué de pain, et même d’eau pour boire,

Bouflers est revenu plus chargé de butin

Que Turenne jadis, de Laurier et de gloire.

 

Chanson                                  1702                            [308]

Sur l’air des Ennuyeux.

Sur Charles Boucher-d’Orsay Prevost des Marchands.

 

Monsieur le Prevost des Marchands,

Ha! c'est bien se moquer des gens;

Vos peines sont superfluës/ Que de depenses superfluës

A quoi servent tant de Maçons?

A quoi bon élargir les ruës? / Loin de nous élargir les ruës?

Et ne pas retraissir les C…. / Faites Nous retraissir les C….

 

Chanson                                  1702                            [309]

Sur l’air des Ennuyeux.

Sur le Mareschal de Tessé.

 

Grand et beau Général Tessé;

Gardez vous de vous laisser prendre;

Vous êtes vain & méprisé,

Pareil sort vous devez attendre;

Et vous series malgré le Roy,

Aussi peu plaint que Villeroy

 

Autre                                       1702                            [310]

Sur l’air: L’eau ne sent point mauvais

Monsieur de Surlaube qui êtoit dans Mantoüe, fit une sortie dans l’hiver 1702. et remporta un fort grand avantage sur les Troupes Impérialles; Monsieur de Clermont d’Amboise y fut tué Commandant la Cavalerie.

 

Un Suisse d’un fort gros renom,

Rencontrant les Troupes Germaines,

Si fiereent les combatit,

Que sans perdre beaucoup de peine

Surlaube du jour les défit.

 

Sur le Duc d’Anjou Roy d’Espagne   1702                [311]

L’Espagne ayant enfin un Bourbon sur le trône;

Des vespres de Sicile oublions le forfait,

Les Armes de Philippes ont effacé ce trait,

Par les mâtines de Crémone.

 

Medaille                                  1702                            [312]

Sur la ville de Crémone.

 

Saint Denis portant sa teste.

Ablato Capite gloriofior.

 

Autre

 

Pallas couvrant la ville de son Aegide

Cremona dolo subacta virtute liberata.

 

Chanson                                  1702                            [313]

Sur l’air………..

 

Le bonhomme Romainville*

Qui cent fois a veu le Loup,

Fait boire le petit coup

Sans s’en eschauffer la bille,

Laissant le soin à Monteaux**

De tourmenter chaque ville

Laissant le soin à Monteaux

De trente mille Maraux.

 

Aussi quarante mil hommes,

Sont commandez par ses soins,

De venir dans les besoins

Avec leurs gaûles à pommes,

Pour vandanger les Anglois:

S’ils veulent voir qui nous sommes,

Pour vandanger les Anglois

S’ils veulent voir nos minois.

 

Du Rozel homme capable***,

Regarde attentivement

Tous ces Colonels Normans

Comme héros de la fable,

Et les nouveaux Brigadiers.

 

*Mareschal de Camp servant à la Hogue.

**ou Monçeaux. Gascon Brigadier Commandoit les Cadets

*** Mareschal de Camp

 

Comme gens fort peu capables,                                  [314]

Et les nouveaux Brigadiers

Comme de bons écoliers.

 

Marignon se rit du monde

Avec ses Colonels.

En vit on jamais de tels?

A commencer par la Londe,*

Qui ne vit jamais d’exploits

Que ceux du Sergent la Bonde**

Qui ne vit jamais d’exploits

Que ceux qu’on signe des doigts.

 

Le second est la Brissette

Qui parle fot beau francois;

S’il est gracieux et courtois,

Il a la taille bien faire;

Mais d’etre un fort grand guerrier,

Il ne s’en fait point de feste:

Mais d’etre un fort grand guerrier

Ne fut jamais son métier.

 

Le Général de la Coste

Ne reste guere en repos,

Quiqu’il ait de bons Héros;

A veiller sur chaque poste

 

*Colonel, Lieutenant general du Baillage de Carentan

**Sergent…. Commande un Regiment de Milice du paix.

***parle beau francois, Colonel de Milice Gentilhomme de Valogne, attaché à Monsieur de Matignon

 

Il voudroit bien que l’Anglois                                     [315]

Arrivast avec sa Flote.

Il voudroit bien que l’Anglois,

Vint lui montrer ses Exploits.

 

Lieutenans & Capitaines

De ses nouveaux Régimens,

Ont moissonné nos Paysans;

Pour dedommager leurs peines;

Car ils n’ont rien que le pain

Qu’on leur livre la semaine;

Car ils n’ont rien que le pain

Pour passer la grasse faim.

 

L’on ne scauroit pas que dire

De tous ses aides de Camp;

Je crois fort pieusement,

Qu’ils souffriroient le martire

Pour soûtenir dans l’eclat

La gloire de nôtre état.

 

Six Colonels d’importance

Avec leurs Régimens,

Composez de bons Normans,

De ce païs font la difference;

Rien n’est mieux discipliné,                                        [316]

Grace à leur expérience;

Rien n’est mieux discipliné

On y dort l’aprés dîné.

 

Chanson                                  1702                            [317]

Sur l’air du Brânle de Metz.

Thereze Malasou femme de Charles de Mainsant Seigneur d’Anglesqueville en Normandie, ageé d’environ 50. ans, assez bien faite se souciant tres peu de son mari, qu’elle traite fort mal, l’apellant même quelque fois cocu, et lui disant cent injures, qu’il souffre parce qu’il en est amoureux. Est, di ton, devenüe amoureuse de son cocher, avec qui êtant un peu brouilleé le suivit pour se racommoder, et lui disant, Madame, elle lui répondit, hé pourquoi m’apelle tu Madame? regarde moy comme ta Chambriere.

 

Dans une grande Ecurie,

Un cocher, pas des plus beaux,

Entretenoir ses chevaux

Du grand amour de sa mie;

Morbleu si je la tenois

Comme je l’etrille, l’etrille, comme je l’etrillerois.

 

Les menant à la riviere,

Il leur dit, beuvés Messieurs,

A la santé des beaux yeux

De ma grande Chambriere;

Morbleu si je la tenois                                                [318]

Comme je l’etrille etc.

 

Les menant à la riviere,

Soûpirant il leur a dit,

Ha! que n’est-ce là le lit

De ma grande Chambriere.

Morbleu si je la tenois,

Comme je l’etrille etc.

 

Chanson                                  1702 aoust                  [319]

Sur l’air. Reveillés vous etc.

Sur la réception de l’Evesque de Senlis à l’Académie Françoise.

 

Estoit t’elle donc endormie?

Jouoit-elle a colin maillart?

La malheureuse Académie,

Quand elle prit Jean Chamillart?

 

Sera-t’il l’honneur des sciences?

Des Muses sera-t’il l’appuy?

C’est son frere, chef des Finances,

Qui corps pour corps répond pour luy.

 

Chanson                                  1702                            [320]

Sur l’air……..

Sur Jean-Francois Albani Pape sous le nom de Clement XI.

 

Le Pontife Romain par ses faits authentiques,

Surpasse tous les Saints des Legendes antiques;

Il se voit respeté même des hérétiques.

Grand Dieu! n'aurons nous pas bientost de ses Reliques.

 

Chanson                                  1702                            [321]

Sur l’air: A la venüe de Noël

Monsieur de Coulanges pour la Mareschale de Noailles.

 

Voicy la foire Saint Laurent,

Qui va les enfans rejoüir;

Car c’est là qu’on donne aux enfans

Des jouets pour les divertir.

 

Noailles qui pour vos amis,

Ne scavez rien faire à moitié.

Ce n’est point pour vous ces avis,

Je suis seur de vôtre amitié.

 

Mais ne pourriez vous pas sous main,

De cette Foire faisant cas,

En aprendre un peu le chemin,

A ceux qui ne le scavent pas?

 

Brillante Comtesse d’Ayen,

Dites; que me donnerez-vous?

Si par malheur vous dites rien,

D’un doux regard consolez nous.

 

Je compte sur vos belles soeurs                                  [322]

Pour des hochets, pour des cotons,

Et même pour quelques douceurs,

Comme pain d’épices et ratons.

 

Je pretends et Flute et Tambour;

De la Comtesse de Gramont,

Et de Madame d’Heudicourt

Un beau Perroquet de carton.

 

De Saint Geran* un Bilboquet

Qui danse avec un contrepoide.

De Pontchartrain** certain Mousquet

Avec quoi l’on tire des noix.

 

Pour ma Chapelle, volontiers

Je m’adresse à Bouillon***

Il m’y manqué un carillon;

Et j’y voudrois des chandelliers.

 

D’O****, du Chastellet, & Roussy,

Dangeau, Mongon & Nogaret.*****

Pour me jouër quelque jouët.

 

De la sage Dame d’Atour******,

 

*la comtesse

**Madame

***Madame de Bouillon

****N………. de Guilleragues Marquise d’O.

*****les 6. Dames du Palais de Madame la Dauphine

******Madame de Mailly

 

Je ne veux point d’autre faveur,                                  [323]

Que par son moyen quelque jour,

Encore un ruban de Couleur.

 

Pour moy que par vôtre bon coeur,

Scais comme les bons coeurs sont faits,

Adorable Dame* d’honneur

Ne vous mettrez vous pas en frais?

 

De la Princesse me souvenir,

Me transporteroit dans les cieux;

Mais par où peut on parvenir

Au sacré souvenir des Dieux?

 

*la Duchesse du Larde.

 

Autre                                       1702                            [324]

Sur l’air de l’Anneé est bonne etc.

Monsieur de Coulanges fit ces Couplets sur un couteau à lame et manche d’Argent, qui ne tenoient pas bien ensemble.

 

Enfin bien loin d’être indigent

Je possede un couteau d’argent;

Mais sitost que je veux qu’il tranche,

Il branle au manche.

 

C’est ainsi que les vieilles gens,

En usent tous sur leurs vieux ans;

Tel se flate encore qu’il tranche,

Qui branle au manche.

 

Chanson                                  1702                            [325]

Sur un Ancien Air.

Monsieur de Lanjamet pour Madame la Comtesse de Saint Pierre.

 

Ton humeur jolie,                    lie lie.

Qui plaist en tous lieux

Fait voir la folie                       lie lie.

Des gens serieux.

 

C’est l’humeur chagrine          grime.

Qui meine au trépas;

Mais ma Pierrotine,                tine.

Ne l’a connoist pas.

 

Badines sans cesse,                 cesse.

Et ries toujours;

Mais aux ris Comtesse,           tesse.

Joignes les amours.

 

Autre                                       1702                            [326]

Sur l’air de la faridondaine la faridondon.

 

Aprés avoir choisi Livry

La folle Perrotine*;

Elle a mis le jeune Nangis,

Fort prés de son échine; / de sa poitrine

Et pour se reposer, dit on,

La faridondaine, la faridondon,

Elle se sert du gros Donzy, biribi

A la façon de Barbarie, mon amy.

 

*la comtesse de Saint Pierre.

 

Chanson                                  1702                            [327]

Sur l’air…..

Monsieur de Lanjamet pour Mademoiselle du Menillet.

 

                                       eschos

De mon Isabelle,             belle.

Je serois charmé,

Et n’aimerois qu’elle,     qu’elle

Si j’estois aimé.

 

On a beau lui dire           dire

Que l’on meurt d’amour,

Elle n’en fait que rire,     rire

Tout le long du jour.

 

Que dois-je donc faire,   faire

Pour gagner son coeur?

Il faudroit lui plaire,

Pour être vainqueur,       queur.

 

Autre                                       1702                            [328]

Sur l’air de l’Anneé est bonne etc.

Ces Couplets sont de Monsieur d’Hamilton frere de Madame la Comtesse de Gramont.

 

La magnifique Saint Geran,

Ne vous fer plus de present.

Son goût pour vous aujourd’huy change;

Adieu Coulanges.

 

Jadis en petit Apollon,

Vous chantiés en touts lieux son nom;

Son stile avec le vôtre change.

Adieu Coulanges.

 

Prés du beau sexe il n’eût qu’un tems,

Où l’on brille par ses talens;

Il en vient un qui les dérange.

Adieu Coulanges.

 

Autre                                       1702                            [329]

Sur l’air: Scavez vous bien la difference.

Cette Chanson est du Chtr de la Ferté, pour N…… d’Humieres.

 

Un jour l’amour cherchant sa mere,

Embrassa la belle d’Humieres;

Puis soûdain connût son erreur.

Amour n’en ayez point de honte,

Lui dis-je, voyant sa rougeur,

Plus clairvoyant que vous s’y trompe.

 

Autre                                       1702                            [330]

Sur l’air de Lampons.

 

Nostradamus a prédit,

Que dans Crémone de nuit;

Le fils surprendroit le pere,

Eugêne l’a bien sceu faire;

Lampons, lampons,

Camarade lampons.

 

Chanson                                  1702                            [331]

Sur l’air de Mais.

Sur Henry de Nassau Prince d’Orange

 

S’il eut vécu Prince de haut mérite;

Nous l’eussions veu renverser ta marmite;

Mais

Jettons lui de l’eau bénite

Et qu’on ne parle jamais.

 

Autre                                       1702                            [332]

Sur l’air: Reveillez vous etc.

Sur Monsieur de Chamillard

 

Chamillard veut qu’une pucelle,

Passé quinze ans paye un écu.

Et que chaque femme infidelle

En paye autant pour son cocu.

 

Pour la Ferme du cocuage

Il s’offre en foule des Traittans;

Mais pour celle du Pucelage

On ne trouve aucuns Partisans.

 

                                                Anneé 1703                 [333]

 

Epigramme                              1703                            [334]

sur la Rédition d’Orange.

 

Coup surprenant! malheur étrange!

Pauvre Calvin, que ferez vous?

Vous n’aurez plus de bons ragouz,

Puis que vous n’avex plus d’Orange.

 

Geneve, ce dit on, suivra bientost Orange.

Ce double coup, Calvin, vous paroît fort étrange;

Vous en prenez desja quelque petit frisson,

C’est un pressentiment que cela vous acheve.

Quand nous auront pesché dans le Lac de Geneve

Nous ferons un bon plat d’Orange et de poisson.

 

Autre                                       1703                            [335]

Sur la bravade des Huguenots de Nismes qui roderent de nuit par la ville; portant d’une main un flabeau & de l’autre un Orange à la pointe de leur éspeé.

 

Vous aviez dégaîné, mais souvent le sort change,

Rangainez maintenant on a cueilly l’Orange.

Sur la pointe de vôtre fer.

Ainsy cessez de triompher

De cette pompeuse équipeé

Où vous partes en vainqueur,

Il ne vous reste que l’épeé,

Et sans doute la pointe au coeur.

 

Sonnet                                     1703                            [337]

aux Femmes.

 

Vous qui pouvez tout vaincre et n’estes que foiblesse,

Péché de la nature, adorable à nos yeux,

Aimables ennemis, poison délicieux,

Tyran, dont le pouvoir nourris quand il nous blesse.

 

Objets par qui la terre assujeti les Cieux,

Source de nos plaisirs, comme de nos tristesses;

Dont le jaloux orgueil a malgré les Déesses,

Fait gémir sous les fers les plus puissans des Dieux.

 

Cher espoir de nos coeurs, Idoles de nos sens;

Sexe qui bien souvent bravant les plus puissans,

Par un éclat pipeur t’en est rendu le maître.

 

Eceuils contre lesquels il est beau de périr;

Femmes pour une fois que vous nous faites naître;

Hélas! combien de fois vous nous faites mourir?

 

Autre                                       1705                            [338]

en bouts rimez, sur le Téton.

 

Le Téton en Marchant, qui contre l’autre….cloque

Ne plaît point à mes yeux, j’en abhore le….choc;

J’aimerois beaucoup mieux me revêtir d’un.froc

Que d’aimer une Dame à qui le Téton……...floque.

 

La molace du sein horriblement me………   choque;

Il doit être toujours aussi ferme qu’un ……..roc,

Et cette dureté sert à l’amour d’…………….aeroc

Pour attirer un homme à la basse…………...bicoque.

 

Elle anime à la leste un bon et vaillant……..coq

Elle la fait combattre et detaille et d’……….éstoc,

Elle fait que l’on siége, elle fait que l’on…...bloque.

 

Puis on monte à l’assaut, on derouille son….soc;

Mais quand le sein est mol l’on retire son….croq

Et chacun se retire en sa petite……………...coque.

 

Chanson                                  1703                            [339]

Sur l’air: Reveillez vous belle endormie

 

L’on va porter beaucoup envie

Au Guillaumet des Missions,

Puisqu’on voit cette Compagnie,

Faire la barbe aux Massillons.

 

A Mascaron de l’Oratoire

Succede Hebert des Missions;

Si le Prélat l’avoit pû croire

Il eût démeublé ses maisons.

 

Epitaphe                                  1702                            [340]

De Monsieur Saint Evremont

Mort à Londres le 9. sept. 1703.

 

Cy gist Saint Evremont Doyen des beaux esprit,

 

Qui par le sel de ses Ecrits,

Doit vivre à jamais dans l’histoire;

Mais comment a t’il mérité

Un droit à l’immortalité?

Lui qui n’en a point voulu croire.

 

Autre                                       1703                            [341]

Sur le Même.

 

Cy gist Saint Evremont celebre dans l’histoire,

Qui sceut si bien parler, manger, écrire et boire,

Qui proscrit par la France, et dans Londres receu

A mis, comme son bien, son ame à fonds perdu.

 

Sur Louis Quatorze.                1703                            [342]

 

Vous avez surpassé Grand Roy toute la gloire

Des Héros de l’antiquité.

Et toute la postérité:

Ne devroit s’occuper qu’a lire vôtre histoire;

Mais Villeroy, Tallard, la Feuillade, & Tesse

En Espagne, en Piémont, en Allemagne, en Flandres,

Ont fait plus que Cezar, et le Grand Alexandre

Ils vous ont efface.

 

Chanson                                  1703                            [343]

Sur l’air de Lampon.

Sur les Mareschaux de France faits en 1703.

 

Montrevel depuis longtems,

A son maître Louis le Grand,

S’il eut gardé le silence,

Seroit Mareschal de France,

Lampons, Lampons,

Camarades lampons.

 

Chamilly depuis longtems

Souffre bien des contretemps,

Pour avoir en patience,

Il est Mareschal de France.

Lampons etc.

 

Le Manceau Tessé, dit on,

A exroqué le baton;

Ce n’est que par complaisance,

Qu’il est Mareschal de France:

Lampons etc.

 

Le jeune Comte d’Estreés

Au Combat n’a guere êté,

Ce n’est que par survivance,

Qu’il est Mareschal de France.                                   [344]

Lampons etc.

 

Quoi! nous oublions Villars,

Que Bade a pris pour un Mars;

Par sa fiere contenance, / Par sa pure impertinence

Il est Mareschal de France.

Lampons etc.

 

Le Voeu                                   1703                            [345]

sans fruit, fait à Sainte Genevieve, par Madame de Maintenon.

 

Louis ne scachant plus de quel bois faire fleche,

Sans Généraux, sans Conseil, sans Argent,

Sans Soldats, sans poudre, ni meche;

Consulta sa Sibile dans ce besoin urgent.

Tout est perdu, dit il, ma résistance est vaine,

Battu de toutes parts, et des miens le mépris;

Quel parti prendre helas? faisons une neuvaine,

Lui dit elle, a l’instant, pour le tirer de peine,

A la Patronne de Paris.

Cette neuvaine est du Prince approuveé,

Et la veuille ayant pris Lunettes et Psautier

Se charge de cette corveé

Et va droit descender au Moustier.

Appuy de cet Estat, puissante et sainte vierge

Ecoute ma priere et comble mes souhaits.

Je t’offre icy, dit elle, encens, fleurs, et maint Cierge,

Et te demande a deux genoux la Paix,

Sois nôtre protectrice, et conjure l’orage;

La Sainte paroissant alors dans un nuage,

Porte ailleurs Cierge, fleurs, encens,

Tout mon pouvoir se borne à la pluye, au beau tems;

Jamais a d’autre fin l’on n’entre dans mon Temple.

Que n’as-tu suivi mon exemple;

Tous les Francois seroient tranquiles et contens.

 

A Monsieur le Duc de Vendôme        1703                [346]

 

Prince qui méritez bien mieux le nom de Cid

Que l’amant de Chimene, et le vainqueur du maure;

Il faudra que j’aille à Madrid

Faire éclater l’ardeur qui pour vous me dévore.

J’ay beau crier icy comme un crieur d’édit;

J’entends de touts côtez crier plus haut encore,

Elever vos projets et vos exploits sur ceux

Des plus grands Clercs, des plus grands preux

Avec une chaleur, une égale poitrine

A cele de debaune ardent impétueux.

En élévant Corneille au dessus de Racine,

On vous apelle un Cid, un Rodrigue nouveau;

Et les peuples des bords du Tage et de la Seine

Ont détourné sur vous les beaux vers de Boileau.

En vain contre le Cid l’envie arme la haine.

L’Europe pour Rodrigue a le coeur de Chimene.

 

Chanson                                  1703                            [347]

Sur l’air: Laissés paîtres vos bestes.

A Monsieur de Blampignon curé de Saint Merry.

 

Troupeau doux et fidelle,

Beuvons tous à nôtre Pasteur*;

Marquons lui nôtre zele

Avec cette liqueur.

Il est devot et point cagot,

Il n’est ni chagrin, ni bigot,

Il entend et dit le bon mot;

Il fait la guerre au vice;

Il est de la vertu l’appuy;

Et jamais la malice

N’eût de prise sur luy.

Troupeau doux et fidelle etc.

 

*Noailles

 

Epigramme                              1703                            [348]

Allusion aux noms des 3. derniers Papes, Innocent Alexandre, et Clement.

 

Tu dis qu’en regardant de prés

D’Annat (1) avec Arnaud l’affaire formidable;

Tout est surprenant, tout en est remarquable,

La source, la fin et le progress:

Mais quand à moy tout au contraire,

Rien ne m’estonne en cette affaire.

Car qu’un Jesuite ait pû séduire un Innocent (2);

Que la guerre ait êté le plaisir d’Alexandre (3),

Et qu’on tienne la paix du Pontif Clement (4),

Je n’y remarque rien, qui me doive surprendre.

 

(1) Jesuitte COnfesseur du Roy, mort en 1670. agé de 81. ans.

(2) Innocent X. Baptiste Pansilio, eleu Pape le 15 Sept 1644.

(3) Alexandre VIII. Pierre Ottoboni, eleu Pape en 1689.

(4) Clement XI, Jean-Francois Albani eleu Pape en 1700.

 

In Pacen Ecclesia.

Jansenius vicit laetos age Roma truimphos

Victa que victricis conscia nomen habe.

 

Anagramme                             1703                            [349]

Jesuita

Ite vias

 

Ite vias patres, turbas Rex odit et arcet,

Non vestris locus est fraudibus, Ite vias,

Quid juvat insanis complete latrantibus orbem

Invictum verum praevalet ite vias,

Morsibus utendum fuit ast Arnalde truimphas

Illaesus patres proh pudor, Ite vias

Cedere victori sit pro mercede laborum

Praemia turbarum sit pudor, Ite vias.

 

Sur l’Accomodement               1703                            [350]

des 4. Evesques et autres interressez.

 

Invenit finem longos vexata per annos,

Quaestio par pulsis virginibusque data est,

Juri salva fides, factis reverentia sicque,

Quod nunquam fuerat, desijt esse malum.

 

Chanson                                  1703                            [351]

Sur l’air du Confiteor.

 

Voyez d’Uxelles (1) favorisé,

Pour avoir rendu une place,

Boisselot (2) non plus que Tessé (3)

N’ont pas recue la moindre grace.

Ce sont tous vrais Dupes ma foy,

Que ceux qui servent bien le Roy.

 

(1) le Marquis d’Uxelles aujourd’huy Mareschal de France, êtoitdans Mayence en 1689. quand il fut pris; Il l’a deffendit fort mal, s’excusant sur ce qu’il avoit manqué de Poudre.

(2) Monsieur Boissellot en 1690. deffendu si bien Limerick en Irlande, que le Prince d’Orange fut contraint d’enlever le siege.

(3) Le Chevalier de Tessé frere du Mareschal contribua beaucoup à la levée du Siege de cette place (Limerick) qui fut pourtant prise en 1691. quand ils eurent evacué l’Irlande.

 

Autre                                       1703                            [352]

Sur l’air de Joconde

 

Puisque Villars va sur le Rhin

Nous avons espérance;

Si l’on avoit laissé Marsin*,

C’estoit fait de la France:

Tallard et lui sont malheureux,

Avant que de rien faire,

Si on les avoit pris tous deux

Nous serions en Baviere.

 

*c’est Marchin

 

Autre                                       1703                            [353]

Sur le même Air.

 

Villars a laissé les François

Avecque la victoire

Qu’elle differene en six mois!

On les lui rend sans gloire:

Toujours victorieux sous lui,

Battus en son absence.

Il fera voir à l’ennemi

Ce que peut sa prudence.

 

Autre                                       1703                            [354]

Sur l’air de Joconde.

Sur le Mareschal de Villars.

 

Au Mareschal qu’on blâme tant,

Rendons plus de justice:

S’il a ramassé tant d’argent,

Ce n’est point avarice.

En Bavieres de nos écus

Ayant veu l’abondance,

Craignant que nous n’en n’ayons plus

Il les remporte en France.

 

Chanson                                  1703                            [355]

Sur l’air des Rochellois.

Sur le Duc de Savoye qui envoyoit du secours aux Révoltez des Cevennes que l’on apelloit Camisars.

 

Que le superbe Savoyard

S’unisse avc le Camisard;

Que tous les peuples en gémissent,

Pourveu qu’il ait tout nôtre Argent,

Et que les Carpes (1) s’ebaudissent,

Tout lui devient indifferent.

 

Qu’il soit mourrant, qu’il soit guéry,

Qu’il soit amant, qu’il soit mary

De sa Climere (2) décrépite.

Qu’il soit vaillant ou faineant;

Qu’il soit dévot ou hipocrite,

Tout cela m’est indifferent.

 

(1) Le Roy passoit des journeés a voir son basin des Corpes à Marly.

(2) la Maintenon.

 

Autre                                       1703                            [356]

Sur le bransle de Metz.

Sur le passage de l’Archiduc en Hollande à la fin de 1703.

 

L’Archiduc vient en Hollande,

Sans suitte et sans apparat.

Il paroist gueux comme un rat,

Tant son indigence est grande;

C’est un pauvre Potentat,

Quelqu’hommage qu’on lui rend,

C’est un pauvre Potentat

Qui va cherher un Estat.

 

Pour donner à son voyage

Un heureux comencement,

On l’a veu dévotement

Aller en Pellerinage.

A juger de ce début

C’est un grand saint à son âge.

A juger etc.

Il n’a que le Ciel pour lui.

 

En pellerin de Saint Jacques,

Il est parti de chez luy,

Sans en oublier l’étuy,                                                [357]

Le Bourdon et la Casaque;

Il feroit bien du chemin

Sans crainte d’aucune attaque.

Il feroit bien du chemin,

S’il avoit la gourde à la main.

 

Leopold comme sa clique

Grand Ennemy du repos;

Veut que par les Huguenots,

Il soit fair Roy Catholique,

Ce projet est odieux.

Rome le tient pour hérétique.

Ce projet etc.

Rome s’en plaint en tous lieux.

 

Comme il a besoin d’aumône,

Et qu’il n’a pas un teston.

Il queste par tout Canton;

On le recommande au prosne,

Amsterdam scule en pur don

Pour l’elever sur le Trosne;

Amsterdam etc.

Luy promet plus d’un million.

 

On lui prepare au rivage

Un magnifique Vaisseau,                                             [358]

Il ne craint pas que dans l’eau,

On jette son equipage;

A paine a t’il un Manteau

Pour tout meuble et tout baggage.

A peine a t’il un Manteau,

Et n’est pas un grand fardeau.

 

Le Monarque de Lisbonne*

De sa Fille en fait l’époux;

Cet himen lui sera doux,

S’il le mene à la Couronne;

Mais ce pas est délicat,

Malgré l’espoir qu’on lui donne;

Mais etc.

Il pourroit bien prendre un rat.

 

Ha! faudra-t’il qu’il s’en aille

Hazarder de si beaux jours?

Il scait bien qu’ils sont trop courts

Pour hâter ses funerailles.

Son Jardin à des Lauriers

Plus que vingt champs de bataille.

Son jardin etc.

Plus verds que ceux des Guerriers.

 

*Portugal

 

Sa Caballe consternée                                                  [359]

Sur sa valeur compte peu.

Il n’a jamais veu le feu

Que dans une chemineé.

S’il voit celui des combats,

Sa course sera borneé.

S’il voit etc.

Il reviendra sur ses pas.

 

On lui dit qu’en deux Provinces,

Des traitres se feront voir;

S’il fonde là son espoir,

La ressource est des plus minces;

Sous l’etoile de Louis

On ne trahit pas les Princes.

Sous l’etoile etc.

Ces coups là sont inouïs.

 

C’est donc en vain qu’à main forte

Il peut souvrir l’Arragon.

A t’il le feu d’un Dragon

Pour enfoncer la porte?

Non, il va trop mollement,

Pour en user de la sorte.

Non, il etc.

Pour entrer si brusquement

 

Il peut être un Roy de Carte,                                      [360]

Sans paroître un Roy de Cour;

Son feu n’est qu’une vapeur

Que le moindre souffle écarté;

Loin de combattre en héros,

Partout il fuit comme un Parthe.

Loin etc.

Partout il tourne le dos.

 

S’il trouve Philippes en Armes

Quelle peur le saisira!

Tout d’une haleine il courra,

De vienne revoir les Charmes;

Pour luy l’amour est plus doux

Que Bellonne et ses Allarmes.

Pour etc.

On ne meurt pas de ses coups.

 

Autre                                       1703                            [361]

Sur l’air de l’Inconnu.

Madame de Saint Geran grande proneuse du Mareschal de Villars.

 

Tous ces exploits que Saint Geran étalle,

Dans Offembourg* la fortune effaça.

Paix la caballe.

Saint Pierre hola;

Grand Mareschal, vous n’aviez donc pas là

Ni vôtre Argent, ny vôtre Mareschalle**.

 

*Ville prise par le Mareschal de Villars en 1703.

**Il menoit ordinairement sa femme sur la frontiere.

 

Autre                                       1703                            [362]

Sur l’air de Joconde.

Sur le Mareschal de Villeroy.

 

Nous t’avons veu, grand Mareschal,

Tout fier, en grosses bottes,

Deffendre en vaillant general

De Courtray les Carottes.

Ton épeé ne tient plus au bout,

Elle est preste à tout faire.

Nous allons publier partout

Cet exploit militaire.

 

Chanson                                  1703                            [363]

Sur l’air: Or nous dites Marie etc.

Chanté en Sorbonne à la louange de Monsieur le Cardinal de Noailles.

 

Chantons un beau Cantique,

Chantons joyeusement,

Du Prélat pacifique

Le Docte Mandement.

Ce Prélat débonnaire

Pour mettre tout en paix

Décide et nous fait taire.

A lui gloire à jamais.

 

Pour n’estre point parjure,

Il faut croire en signant,

Le droit d’une foy pure;

Mais ce fait, quoi comment?

Sur le fait d’importance,

La variation des grands,

Des Prélats de la France

Va causer de tourment.

 

Le fait inseparable

Du fameux de Marca*,

 

*Archevesque de Paris.

 

Le projet admirable,                                                    [364]

Malgré ses soins manqua;

On vit de Péréfixe

Tomber l’humaine foy,

Et la Loy trop peu fixe,

Ne fut plus une Loy.

 

Enfin le Doux Noailles

Par un rare Bonheur

A fait une trouvaille

Qui le comble d’honneur;

Il veut par préférence

Qu’on voye comme il voit,

Et par obéissance

Qu’on croye comme il croit.

 

Mais surtout il avoüe,

Et rend là ce grand point,

Qu’en signant on se joüe

Lorsqu’on ne croit point.

Signant donc sur la Bible;

Je jure que pour moy

Je le tiens trop faillible,

Je l’asseure et le crois.

 

Autre                                       1703                            [365]

Sur l’air du Confiteor

Impot sur l’entreé à la Comédie.

 

On ne pouvoit voir autrefois

La Comédie en conscience;

A present qu’on paye des Droits,

Les Dévots font tourner la chance.

C’est en faveur de l’hospital

Que l’on n’y voit plus aucun mal.

 

Admirons tous le grand agent;

L’Interrest qui de tout dispose.

Courage, enfans, pour de l’argent

Nous allons bien voir autrechose,

Et sans crainte en d’autres endroits, / Nous pourrons aller au bordel

Nous irons en payant les droits. / Sans faire aucun peché mortel.

 

Autre                                      1703                             [366]

Sur l’air de Mariane

 

Aprés avoir fait à venise

Tous les jours nouvelle sotise.

D’Estrées en Espagne s’enva,

Chacun témoignant sa surprise.

Se dit, que va t’il faire là?

Tout ce qu’il a fait à Venise.

 

Chanson                                   1703                          [367]

Sur l’air: Mon mary le plus souvent.

A Madame la Comtesse de Saint Geran.

A Ormesson le 10. Janvier 1703.

par Coulanges.

 

Babilone dans ce Pays

A mon avis,

Est Saint Denis,

Pour l’éstang de Montmorency.

Ah! je me flatte,

Que c’est Euphrate

En racourcy.

 

Qui regarde bien Ormesson,

Voit la Maison

De Polemon.

Où fut aux abois si longtems,

Cet amant tendre;

Qui pour Cassandre,

Courroit les champs.

 

J’ay veu cette nuit en dormant,

Un autre amant,

Dans le tourment.

J’ay reconnu Lisimacu

Qui de tendresse,                                            [368]

Pour sa Princesse,

N’en pouvoit plus.

 

Finis, ai-je dis au héros

Tes vains propos;

Prends du repos

Aux pieds de ta Parésatis.

Mets bas le casque,

Elle est en masque

Dans ton logis.

 

Par là, j’aymis en un momento

Fin au Roman;

Mais Saint Geran

La peur d’extravaguer dans peu,

Fait que je jette,

La Calprenette*,

Dedans le feu.

 

A ma vache, un jeune Taureau,

Prés d’un Ruisseau,

A fait un veau;

C’est la nouvelle du pays;

Ma ménagere,

En est tres fiere,

Et moy je ris.

 

*Calprenette auteur du Roman de Cassandre

 

Si quand ce veau sera bien gras,                                  [369]

Vous faites cas,

De ses appas.

Venez voir vôtre enfant vieillard,

Qui sans envie,

Passe sa vie,

Toujours gaillard.

 

Comtesse préférez un jour,

Ce beau séjour

A vôtre cour;

Les chemins ensont fort aizés;

La solitude

N’est pas si rude,

Que vous pensez.

 

Autre                                      1703                             [370]

Sur l’air des Bourgeois de Chastres.

Sur la nomination de Monsieur Hebert Curé de Versailles, et Prestre de la Mission, à l’évesché d’Agen; à Noël 1703.

 

Curé de Saint Sulpice

Gardez vôtre fauxbourg,

Vous n’êtes qu’un novice

Prés d’un Curé de Cour;

Aprenez la leçon d’un dévot Missionnaire,

Qui dit qu’Agen est bon,

Don don.

Et qu’on peut en Prélat,

La la.

Mieux servir ses Confreres.

 

                                                 Anneé 1704               [371]

 

Branle                                       1704                          [373]

De Riviere du Freny Auteur de la petite Comedie intitulé l’Esprit de Contradiction.

 

Mere dont la fille est jeunette,

Et qui veut la landerira;

Qui veut voir s afortune faite;

Doit un peu la laderirette

Doit un peu la laderirira.

 

Qui veut voir sa fortune faite,

Doit un peu la laderira;

Doit un peu se rendre coquette;

Car avec la laderirette,

Car avec la laderira.

 

Doit un peu la rendre coquette;

Car avec la laderira,

Avec la vertu la plus nette,

Il faut de la laderirette,

Il faut dela laderira.

 

Avec la vertu la plus nette

Il faut de la laderira;

Il faut de l’attrape minette,

Pour prendre la laderirette,

Pour prendre la laderira.                                              [374]

 

Il faut de l’attrape minette

Pour prendre la laderira.

Pour prendre l’amant qui la guette.

Hola la petite hola la laderirette,

Hola la petite hola la laderira.

 

Chanson                                   1704                          [375]

Sur l’air: Scavez vous bien la différence

Sur le Mareschal de Coeuvres.

 

Coeuvres sur la plaine liquide

Fait des exploits dignes d’Alcide.

France tu lui dois ton repos;

Si Bouflers scavoit la Musique

On pourroit pour ces deux hers

Faire un même Panégirique.

 

Chanson                                   1704                          [377]

Sur l’air: Avez vous veu ce heros.

Sur le Mareschal de Coeuvres.

 

Le Gendre du grand héros

De Rigault.

De Brest faisant sa partance,

Est venu droit comme un jonc,

A Toulon.

Vrai Dieu qu’il a de prudence.

 

Jamais il n’a bataillé

Feraillé,

Non plus que le grand Noailles.

Chez eux pour regle d’éstat

Le combat

N’est bon que pour la canaille.

 

Aussi quand Roock il joignit,

Et qu’il vit,

Les vaisseaux, sa contenance.

Il lui cria, serviteur,

De bon coeur;

Je suis Mareschal de France.

 

Allons mon grand Amiral,

Ce brutal,                                            [378]

Veut venir a l’abordage;

Rentrons tous dans nôtre étuy,

Montrons lui

Que vous êtes le plus sage.

 

On voulut consulter d’O,

Ce dévot

Et toute sa suffisance;

Il fut d’avis d’eviter,

Le danger,

Et s’en retourner en France.

 

Autre                                      1704                             [379]

Sur l’air. A la façon de barbarie mon ami.

Sur la perte de la Bataille d’Hoestet, où le Mareschal de Tallard qui commandoit l’aisle droite de nôtre Armeé, fut fait prisonnier.

 

Tallard que dans tous ses exploits

La victoire accompagne;

Se peut bien dire à cette fois

Vainqueur de l’Allemagne,

Et mettre dans son écusson,

La faridondaine la faridondon;

Veni, vidi, vici, biribi,

A la façon de barbarie mon ami.

 

Autre                                        1704                          [380]

Sur l’air de l’Alleluya.

Sur l’Opéra du Seigneur Campra Maitre de Musique de Notre Dame.

 

Quand nôtre Archevesque* scaura

L’auteur du nouvel Opera;

De sa Cathédrale Campra,

Décampera.

 

*Noailles

 

Chanson                                 1704                             [381]

Sur l’air: La faridondaine, etc.

Voyage de Chaalons en Champagne.

par Coulanges.

 

Dans une Carosse à six chevaux,

D’une tres bonne taille;

D’abord nous embarque pour Meaux,

La Baillif de Noailles:

Et sur le soir nous arrivons

La faridondaine, la faridondon.

Dans un lieu qui n’est point basly, biribi,

A la façon de barbarie mon amy.

 

C’est à dire dans Germiny,

Maison épiscopale;

Où d’un bon souper, d’un bon lit,

Un Abbé nous regale.

Là regna la profusion;

La faridondaine etc.

Nôtre adieu n’y fut point aussi, biribi,

A la façon etc.

 

Triste dans un autre Château

Fut nôtre destineé;

Nous n’avions pas mangé morceau,                            [382]

De toute la journeé.

Le maître êtoit dans sa Maison,

La faridondaine etc.

Mais point de Cuisine, chez luy, biribi,

A la façon etc.

 

Là pourtant un bon logement,

Et lits en broderie;

Pour vivre, il fallut promptement,

Chercher l’hostellerie.

L’on embroche boeuf et mouton,

La faridondaine etc.

Et poulets tuez a demy, biribi,

A la façon etc.

 

Nous délogeons le lendemain,

Pour autre domicile;

Et nous enfilons le chemin

De Châalons la grand ville.

Dans ce lieu l’accueil fut tres bon,

La faridondaine etc.

Et l’on n’y vit point, Dieu mercy, biribi

A la façon etc.

 

L’Evesque, sage, et saint Prélat

Nous a fait grande chere,                                 [383]

Et l’Intendant avec éclat,

N’a songé qu’à nous plaire;

Grands repas en chair et poisson,

La faridondaine etc.

Où s’est rué nôtre apétit, biribi,

A la façon de barbarie, mon amy.

 

Chanson                                 1704                             [385]

Sur l’air l’Anneé est bonne.

A Madame la Comtesse de Saint Geran, qui avoit invité Monsieur de Coulanges a faire des vers sur la naissance de Monsieur le Duc de Bretagne, qui s’en excuse par ses Couplets.

 

Si j’etois un poëte excellent,

Je ferois valoir le talent

Pour chanter l’auguste naissance,

D’un fils de France.                 bis

 

Mais comme helas! j’en suis bien loin,

A Dangeau j’en laisse le soin;

Car c’est un sujet d’importance

Qu’un fils de France.               bis

 

Il faut que par des vers pompeux,

On célebre ces demi Dieux.

Rien n’est moins de ma compétance,

Qu’un fils de France.               bis

 

Un rejetton un petit fils,

D’un Roy dont les faits inouis,

Mettent le monde entier en transe.

Quel fils de France!                  bis

 

Ainsi par incapacité                                                    [386]

Par respect, par timidité,

Ma Muse passe sous silence

Ce fils de France.                     bis

 

A qui ne composa jamais

Que de tres frivols couplets;

Il ne convient point qu’il encense

Ce fils de France.                     bis

 

Comtesse, n’ai-je pas raison?

Une rime de ma façon,

Seroit proprement une offense,

Au fils de France. bis.

 

Il est donc bien plus à propos

Que je m’en tienne aux Lancelots;

Faisant tres humble révérence,

Au fils de France.

 

                           par Coulanges.

 

Autre                                      1704                             [387]

Sur le même Air.

A Madame la Comtesse de Saint Geran.

par Coulanges.

 

Les femmes de l’Isle d’Andros,

Qui faisoient grand cas du repos;

Se mettoient pour reprendre haleine,

An Andrienne.    bis

 

Même les voyoit on souvent,

Laisser aller au gré du vent,

Pour s’exempter de toute peine,

Leur Adrienne.   bis

 

Là regnoit la simplicité,

Dans le printemps et dans l’esté,

Etoit d’une simple sutaine

Leur Andrienne. bis

 

Pour dans l’Autonne et dans l’hiver,

L’accoûtrement estoit plus cher;

Elle êtoit d’une fine laine,

Leur Andrienne. bis

 

La vôtre est d’un fort beau Damas.

Avec un Brocard par en bas,                                       [388]

Ne se fait point à la douzaine,

Telle Andrienne. bis

 

Aussi sous un nom emprunté,

Je scais qu’une Divinité,

Vous a donné par bonne éstreinne,

Cette Andrienne.

 

Un present de si bonne main,

Réjouit fort le coeur humain.

Elle chasse au moins la migraine,

Cette Andrienne.                      bis

 

Plaise à Dieu selon mes souhaits,

Qu’on vous accable de bienfaits,

Et qu’il vous vienne une autre aubenne,

Qu’une Andrienne.                  bis

 

Voila d’assez mauvais couplets,

Il en faudroit de plus parfaits;

Mais c’est tout ce que peut ma veine,

Sur l’Andrienne.                       bis

 

Chanson                                 1704                             [389]

Sur l’air En revenant de Saint Denis, J’en avons tant ry.

C’est un soldat Allemand qu’on fait parler dans cette Chanson à d’autres Allemans.

 

Scavez vous bien mes chers amis?

J’en avons tant ri,

Qu’Eugene et Malboroug ont pris

Le cul dans une hote,

J’en avons tant ri,

J’en rirons bien encore.

 

Les Bataillons du grand Louis,

J’en avons tan tri.

Les Bataillons du grand Louis,

Le cul dans une hote.

J’en etc.

 

Que le grand Tallard* avoit mis,

J’en avois tant ri.

Que le grand Tallard avoit mis,

Le cul dans une hote.

J’en etc.

 

Et tous leurs Généraux ont dit,

 

*Hostun

 

J’en avons tant ri;                                           [390]

Et tous les Généraux ont dit

Le cul dans une hote.

J’en avons tant ri,

J’en rirons bien encore.

 

Tenons un conseil sur ce cy,

J’en avons tant ri.

Tenons un conseil sur cecy,

Le cul dans une hote.

J’en avons tant ri. etc.

 

Mais ils avoient tretous l’esprit,

J’en avons tant ri.

Mais ils avoient tretous l’esprit,

Le cul dans une hote.

J’en avons tant ri.etc.

 

Et Desnonville leur a dit,

J’en avons tant ri.

Et Desnonville leur a dit.

Le cul dans une hote,

J’en avons tant ri etc.

 

Rendez vous, car vous êtes pris                                 [391]

J’en avons tant ri.

Rendez vous, car vous êtes pris

Le cul dans une hotte.

J’en avons tant ri,

J’en rirons bien encore.

 

Chanson                                 1704                             [393]

Sur l’air Monsieur le Prevôt des Marchands.

Sur le Prevost des Marchands de la ville de Lion. cachet de Montezan.

 

Monsieur le Prevost des Marchands

Ne reçoit bien que les Agents;

Ils ont la premiere Audience,

Et Perichon le confident*

N’a dans le Cour rang et scéance

Qu’aprés Monsieur Quinze pour cent.

 

Ne sentez vous point de remords

En persécutant un recors;

Ah! si l’on voit dans l’autre monde

Ce qui se fait dans celui cy;

Je crains que le papa ne gronde

Quand il vous voit agir ainsi.

 

Contre les Loix et la raison,

Vous menacez de la prison

Un honneste homme de Notaire.

Merite t’il punition?

Parce qu’au fils de son confrere,

Il a fait une sommation.

 

*échevin

 

Je souhaiterois que ma Chanson                                 [394]

Vous ramenant à la raison,

Vous fit convenir sans colere

Que ce Renaud, que ce Cornet,

Et que feu Ravat vôtre pere

C’est bonn et blanc et blanc bonet.

 

Aprés cette reflexion,

Bon jour Commandant de Lion;

Faites moins l’homme d’importance,

En vous souvenant du papa;

Et reglez vous sur la prudence

Du Gouverneur Sancho Pansa.

 

Autre                                        1704                          [395]

Sur l’air: Lan la.

Sur le même sujet que la précédente.

 

Quelqu’un me disoit en grondant;

Quand je vois Ravat Commandant;

Du bon Sancho l’histoire

En revient en mémoire. lan la. bis

 

Comme lui Sancho fut fermier,

Ensuitte il fut fair escuyer;

Puis Commandant d’une Isle.

Voila bien nôtre Gile, lan la, bis

 

Pour finir la comparaison,

Il faut lui trouver un grison;

La chose est tres facile

Dans la Maison de ville, lan la, bis

 

Quand Sancho pensa Commanda;

Toujours le bon sens le guida;

Grande est la différence,

Il n’en a que lapense, lan la. bis

 

Chanson                                 1704                             [397]

Sur l’air: Aimable vainqueur.

Au sujet de la Bataille d’Hoschtet

donneé le 13. Aoust 1704.

 

Grand Dieu! c'est à toy

Qu’un coeur plein de foy,

Rend toute la gloire

De sa Victoire,

Sur l’Orgueilleux Roy,

Cet invincible

Sent ton bras terrible,

Il est dans l’effroy,

Tu n’as suporté

Sa fiere insolence,

Et son arrogance,

Que par ta bonté

Tu scais l’armer,

Tu scais t’animer.

Lorsque l’on t’offense,

Et qu’à toute ooutrance,

On veut t’enflamer,

Ton bras est lent

Aprendre vengeance;

Mais trop violent.

 

Autre                                      1704                             [398]

Sur l’air de la faridondaine.

Sur la Maupin pour avoir voulu chanter le Rolle d’Amadis un ton plus bas.

 

Reçois de tes amis Campra

Un Conseil salutaire;

Abandonne de l’Opéra

La conduitte ordinaire;

C’est à Cochereau et Ribon*

La faridondaine, la faridondon.

A réformerle grand Lully, biribi,

A la façon de barbari, mon amy.

 

L’affiche mardi fit mention

De l’Armide nouvelle;

Tous ceux qui vinrent, ce dit on,

Ne vinrent que pour elle;

Si Dimanche on y met son nom,

La faridondaine etc.

On verra venir tout Paris, biribi,

A la facon. etc.

 

Maupin n’a d’autre ambition

Que de chanter Armide;

 

*Acteurs

 

Son port, sa voix, son action                                       [399]

Ont un air intrepide.

Le Rolle montré par Ribaudon;

La faridondaine etc.

Sera aplaudi dans Paris biribi,

A la façon etc.

 

Admirés tous de la Maupin,

La Science magique;

Aprenez que son air divin

S’etend sur la Musique.

Dans un Opéra de Ribon,

La faridondaine etc.

Elle a sceu déguiser Lully, biribi

A la facon etc.

 

Maupin reçois mon compliment,

Le Parterre t’admire;

Il vit jouer la Lallement,

Mais il n’en fit que rire;

De la des Matins, ce dit on,

La faridondaine etc.

Toi seule a consolé Paris, biribi,

A la façon etc.

 

Connois toi mieux pauvre Maupin,

Et ne fais plus Armide;                                               [400]

Laisse joüer la des Matins,

Quelle fureur te guide!

Langloise te passe di ton,

La faridondaine etc.

Et tu ne plais plus à Paris, biribi,

A la façon etc.

 

Vous qui chantez surlevrai ton,

Laissez là la Musique;

Cochereau, la Ferté, Ribon,

Vont avoir la pratique;

Il n’en est d’autres, ce di ton,

La faridondaine etc.

Maupin les a mis en crédit, biribi,

A la façon de barbarie mon ami.

 

Enigme                                  1704                               [401]

Sur Monsieur le Marquis d’O.

 

Cet homme qui dans la Chapelle

Paroist si dévot à son devoir,

Qui se conchia sur la mer,

Qui masque sa crainte de zele

Sur l’éscaut, à Mons en Puelle,

Ce n’est qu’une seule voyelle

Qui compose le nom qu’il a,

Sans E, sans I, sans I, sans A,

Devinez comment il s'apelle?

 

C’est un zero d’Aritmétique

Qu’on met en bas, qu’on met en haut,

Et pour en parler comme il faut,

C’est de la place où l’on l’aplique

Qu’il tire son mérite unique;

Sa place fait tout ce qu’il vaut.

Ce n’est qu’une seule voyelle,

Devinez comment il s’apelle?

 

Chanson                                 1704                             [402]

Sur l’air: des Trembleurs.

Sur Monsieur le Marquis d’O.

 

Scavez vous comment se nomme

Ce Courtisan, ce brave homme?

Qui conchia son vaisseau

Le feu Saint Antoine l’arde,

Il tremble au prés d’Oudenarde,

Et crains toujours pour sa peau.

oooo. oooo.

 

Sur la mer, et sur la Terre,

Il fait voir que dans la guerre,

Il est mou comme un drapeau.

Au Camp de Mons en puelle,

Il marque sa peur de zelle,

Et ne craint que pour sa peau.

oooo. oooo.

 

Epitaphe                                 1704                             [403]

du Pere Constance Jesuite Correcteur des écoliers.

 

Cy gist Pere Constance en ce triste Tombeau,

Qui des jeunes garçons fut le cruel boureau.

Je ne diray point s’il etoit Sodomite;

Mais tu scais bien, passant, qu’il êtoit Jesuite.