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Early Modern Parisian Soundscapes

 

 

  RECUEIL

DE

CHANSONS,

VAUDEVILLES, SONNETS,

ÉPIGRAMMES, ÉPITAPHES

ET AUTRES VERS

Satiriques & Historiques,

avec des remarques curieuses,

suitte de 1690 . à 1693 .

 

Vole. VII.

 

 

 

 

                                                                                                            [1]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l’Air: Il a batu son petit frere .

 

Sur Jacques IId. Roy d’Angleterre, retiré a

St. Germain en Laye : Et sur Claude le Peletier,

Ministre d’Estat.

 

Jacques scachant la suffisance

De Peletier pour la finance ,

Pour {Par} un coup d’Etat sans egal ,

Et pour retablir ses affaires

L’a fait Controlleur general

Des fonds qu’il tire d’Angleterre.

 

Il est aisé de voir combien cette Chanson est ironique

puisque ce Roy ayant êté detroné ne tiroit rien d’angre.

et que Claude le Peletier quitta le Controlle general des

Finances a cause de sa grande incapacité, cela est suffi =

samment expliqué

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                             [3]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l’Air des Ennuyeurs.

 

Sur Louis Phelypeaux Sr. de Pontchartrain,

Ministre et Secretaire d’Etat, Controlleur gnal

            des Finances.

 

Pontchartrain, tu passes partout,

Pour un Ministre fort habile,

De quoi on ne viendra point a bout,

Ton esprit grand, vaste, et facile,

Juste Dieu ! conservez-le nous,

Pour les autres, prenez les tous*

 

* Ces trois Ministres etoient François-Michel le Tellier

Marquis de Louvois. Charles Colbert Marquis de . . .

Croissy et Claude le Peletier .

 

 

 

                                                                                                             [5]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air des Triolets.

 

Sur l'Opera d'Enée et Lavinie, composé

par le Sr. de Fontenelle et mis en Musique

par Pascal Colasse l'un des Mes. de la Musi=

que du Roy; lequel fut representé sur la fin

de l'Année 1690 sans succez.

 

Quelle pitié ! quel Opera !

Depuis qu'on a perdu Baptiste*,

Incessamment l'on redira,

Quelle pitié ! quel Opera !

Personne de longtemps n'ira

Sans être tout a fait triste;

Quelle pitié ! quel Opera !

Depuis qu'on a perdu Baptiste.

 

*Jean Baptiste Lully Surintendant de la Musique du Roy.

 

 

                                                                                                            [7]

Parodie                                                             1690.

 

De la Ve. Scene du II. Acte de l'Opera

d'Enée et de Lavinie, dans laquelle a

l'exemple de Didon qui dans l'Opera sort

des Enfers pour avertir Lavinie de l'infide=

=lité que lui a fait Enée l'auteur fait sortir

un Dindon mis dans le pot après avoir êté

demy roty, pour donner avis de cette irregula=

rité  a ...................... Brulard Sr.du Broussin

fameux Costeau .

 

 

            le Dindon .

Arreste du Broussin, arreste, écoute moy,

            Je fus Dindon, je fus mis au potage

Un Cuisinier rebut d'un tres mince menage ,

Sur mon Corps epuisa ragouts et saupiquets,

La broche ny le gril n'emurent point son ame,

Je rotissois content quand tout a coup l'infame,

            Au pot me plongea pour jamais.

 

            le Broussin .

Ah quelle trahison.

 

            le Dindon.

Que ne vins tu toy même,

Des ragouts arbitre suprême.

Me delivrer des mains de cet Empoisonneur

 

                                                                                                            [8]

            le Broussin.

Le perfide, l'ingrat.

 

            le Dindon.

Cet ingrat, ce perfide,

Est ce même ignorant pour qui ton gout decide,

Dans le fonds de ton cœur.

 

            le Broussin

Maître Jacques*, grand Dieu !

 

            le Dindon.

Je n'ay rien a te dire,

Au destin des Dindons, c'est a toi a songer

J'entends contre eux mon bourreau qui conspire,

Le pot m'appelle, il m'y faut replonger.

 

*Jacques Ravazzi. Cuisinier Italien.

 

 

                                                                                                            [9]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air: vous m'entendés bien.

 

Sur Louis d'Aumont Comte de Chappes, fils de

Louis-Marie d'Aumont, Duc et Pair de France,

1er. Gentilhomme de la Chambre du Roy, Chtr des

Ordres de sa Majesté, Gouverneur du Boulonois,

Ville et Citadelle de Boulogne, et de Françoise -

Angelique de la Mothe-Houdancourt sa 2de.

femme, lequel epousa le 15. May 1690. Julie de

Crevant d'Humieres, fille de Louis de Crevant

de Humieres Duc de Humieres, Maāl de France

Grand Maître de l'Artillerie, Chtr des Ordres du

Roy, Gouverneur de Flandres, des villes Citadelle

de Lille et de Compiegne et de Louise-Antoinette

Thereze de la Châtre, a condition de porter par le [dit].

Louis d'Aumont, les noms, armes, et Livrées de

Crevant de Humieres, et être Duc d'Humieres .

 

Un Jesuitte* devient mary

D'un fort bon, et fort bon party

Il n'eut eu que trois Cornes

            He bien.

Il en aura sans bornes,

Vous m'entendez bien.

 

* Nota Que Louis d'Aumont avois voulu estre Jesuitte.

 

                                                                                                            [10]

Pour être Duc on souffre tout,

Roquelaure* on s'en raporte a vous,

Les Cornes sont brillantes

            He bien;

Lorsqu'un grand Roy les plante,

Vous m'entendez bien.

 

* Antoine-Gaston de Roquelaure pour être Duc, epousa le 20.

May 1683, Marie-Louise de Laval, fille d'honneur de Made.

la Dauphine qu'on soubçonnoit d'avoir eu commerce avec le

Roy. La medisance alloit meme jusqu'à dire qu'elle en etoit grosse,

mais cela se trouva faux par la suite, car il y avait plus d'un

an qu'elle êtoit mariée lorsqu'elle accoucha de son 1er. Enfant,

qui fut une fille, et de plus il est certain que depuis son mariage

elle a eté un modele devertu.

 

 

 

                                                                                                             [11]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air des Triolets.

 

Sur................... Chouin fille d'honneur de

Marie-Anne de Bourbon legitimée de France,

veuve de Louis-Armand de Bourbon Prince

de Conty.

 

            Nota; Que cette Chanson est une Parodie d'une

            autre faite sur le meme air, il y a longtems; laquelle

            commençoit par ces mots.

                        Le premier jour de May

                        Fut le plus heureux de ma vie.

 

Le premier jour du mois de Juin,

Fut le plus vilain de ma vie;

Je pensay baiser la Chouin;

Le premier jour du mois de Juin;

Mais un Gousset un peu trop fin

M'en fit bientost perdre l'envie

Le premier jour du mois de Juin

Fut le plus vilain de ma vie.

 

Cette Chanson n'a pas besoin de commentaire.

 

 

 

 

                                                                                                             [13]

Chanson                                                           1690.

Sur l'Air de la Rochelle.

Sur Louis-François le Tellier Mqs de

Barbezieux Secrétre. d'Etat au departem.t

de la Guerre en survivance de François-

-Michel le Tellier Marquis de Louvois

son pere.

 

Voyés cet air audacieux 1,

Cette rudesse dans les yeux,

Et vous ne conclurez pas mal,

Qu'il n'est pas une regle seure,

Ou Barbezieux est un brutal2.

 

Formé d'un sang sans amitié,

Et sans justice, et sans pitié3.

En lui la vertu de sa mere4,

                                                Eternisa

 

1. Ce vers cy et les 2 suivants sont un portrait assez

fidelle de M. de Barbezieux.

2. Aussi l'etoit il.

3. Le Marquis de Louvois son pere etoit tel que l'auteur

le depeint icy.

4. Anne de Souvré Marquise de Louvois belle et riche lorsqlle.

se maria, et cependant fort sage, quoiqu'elle eut pour mary

                                                                                                un

 

                                                                                                             [14]

Eternisa la cruauté 5.

S'il etoit fils d'un autre pere,

Il auroit quelque humanité.

 

Le desespoir des Officiers 6,

Est ecrit dans ses yeux altiers,

La superbe qui le domine.

Rira de leurs faits éclarants,

Et si sa putain le chagrine

Il cassera vingt braves gens7.

 

un bourgeois desagreable brutal et dont elle etoit assés

meprisée aussi avoit elle peu d'esprit.

5. parceque si elle avoit eté coquette elle se seroit fait faire

des Enfans par un autre que son mary qui auroient

êté plus doux plus polis et plus humains.

6. Les officiers de guerre qui dependoient du Marquis de

Barbezieux.

7. Parcequ'il etoit fort phantasque.

 

 

 

 

 

                                                                                                             [15]

Epigramme.                                                      1690.

 

Sur ce que le Roy Louis XIV. nomma l'an

1690. François de Harlay archevesque de

Paris. Duc et Pair de France, Commandeur

de ses Ordres &ca. pour remplir une place

dans le College des Cardinaux a la 1re. promo=

tion qui se feroit pour les Couronnes.

            Nota. Que cette Epigramme s'adresse a M.

            l'Archevesque de Paris.

 

Vous voila revestu d'un honneur tout nouveau,

Le Roy vous a nommé, vous étes par avance

Bien plus que Cardinal, sans avoir le Chapeau,

            Jouissez sans impatience

D'un choix où tant d'honneur est joint,

Le choix du Roy vous donne une Eminence,

            Que la pourpre ne donne point.

                                                par Boyer de l'accademie.

 

Cette Epigramme n'a pas besoin de commentaire le Lecteur

remarquera seulement que l'auteur (Boyer de l'Accademie Fr.)

y joue sur le mot d'Eminence qu'on donne aux Cardinaux

en leur parlant et en leur ecrivant, et qui signiffie aussi Eleva=

tion, dignité &ca. /.

 

 

 

 

                                                                                                             [17]

                                    [X]

Chanson                                               1690

 

Sur l'Air de Jean de Werth.

 

Sur la Bataille de Fleurus dont le detail

est plus haut gagnée le 1er. Juillet 1690. par

le Mareschal Duc de Luxembourg gnal

de l'Armée de France, sur le Prince de Valdeck

General de l'Armée des Alliez.

 

Le brave Duc de Luxembourg,

Par sa bonne conduitte,

Aux ennemis en moins d'un jour,

A fait prendre la fuite,

Il est mille fois plus vaillant,

Que ne fut jadis en son tems,

Feu Jean de Werth.

 

Ce fut auprès de Charleroy1,

Que ce grand Capitaine2,

Pour le service de son Roy3,

Dit au beau Duc du Maine4

                                                Mon.

 

1. Fleurus n'est qu'a une lieue et demie de Charleroy.

2. Le Mareschal Duc de Luxembourg.

3. Louis XIV. Roy de France.

4. Louis-Auguste de Bourbon legitimé de France Duc du Maine,

Prince Souverain de Dombes, colonel gnal des Suisses, et Grisons,

                                                                                                                        gnal

 

 

                                                                                                             [18]

Mon Prince nous les combattrons,

Eussent ils vingt mil Escadrons,

Et Jean de Werth.

 

Ce Jeune Mars tres digne fils5,

Du plus grand des Monarques,

Courut charger ses Ennemis,

A la barbe des Parques,

Il {est} preux comme un Amadis,

Et se bat comme fit jadis

Feu Jean de Werth

 

Guillaume6 ecrivit à Waldeck,

Combattez je l'ordonne,

Soutenez par là le bonnes7

Dont j'ay fait ma couronne8

Mais par un malheureux eschec,

Luxembourg arossé Waldeck,

En Jean de Werth.

                                                Illiers

 

general des Galeres, Gouverneur de Languedoc, lequel commandoit

la Cavalerie dans l'Armée de France.

5. Il est certain que le Duc du Maine donna de grandes marques de

valeur dans cette journée.

6. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange.

7 & 8 } On a veu plus haut en plusieurs endroits de ce Recueil que le Prince

             d'Orange avoit usurpé les Royaumes d'Angleterre et d'Ecosse

             sur le Roy Jacques IId. son beau pere et s'en etoit fait couronner.

                                                                                                                        Roy

                                                                                                           

                                                                                                             [19]

Illiers9 en perdant son guidon

Ne perdit point courage,

Il s'enfonça dans l'Escadron,

Au milieu du Carnage,

Disant, morbleu rendez le moy,

Que je le reporte a mon Roy

En Jean de Werth.

 

Le Grand Prieur10 dans ce conflit,

Fit rage de se battre

Il occit a ce que l'on dit,

De leurs chefs plus de quatre,

Criant, Coquins allez a bas,

Raconter votre piteux cas,

A Jean de Werth.

 

Il courut viste comme un vent

Dire aux Roy la nouvelle11,

Qui d'un visage fort riant,

                                                Dit

 

 

Roy, auparavant il n'avoit sur ses Armes qu'un bonnet de

Prince de l'Empire.

9. Le Marquis d'Illiers Guidon de Gendarmerie, voyant que les

Ennemis emportoient son Estandart que portoit un Gendarme,

se jetta au milieu d'Eux et le reprit.

10. Philippe de Vendôme Grand Prieur de France &ca. servoit

de Volontaire en cette Armée et fit des prodiges de valeur dans

cette Bataille.

11. Ce fut le Grand Prieur de France qui aporta la nouvelle de cette

                                                                                                Victoire

 

 

                                                                                                             [20]

Dit qu'il l'a trouvoit belle,

Sire, on a bien fait son devoir,

Dix mils hollandois12, s'en vont voir

Feu Jean de Werth.

 

victoire au Roy, et sa M . le fit Mareschal de Camp.

12. L'hiperbole est violente; mais il est certain qu'il y en eut

beaucoup de tuez, et que la victoire fut complette.

 

 

 

                                                                                                            [21]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air; de Joconde

 

Sur le même sujet et les mesmes personnes

que la precedente.

 

 

Pour la marche et le campement,

Waldeck seul en vaut quatre,

Ce Chef scait admirablement

L'art de ne point combattre1,

Mais s'il est forcé d'éprouver

Sa valeur consommée

Tous ses soins ne vont qu'a sauver

Les chevaux de l'armée2.

 

Il a rendu compte aux Estats

De toute sa conduitte,

Et du succès de ses Combats,

Et non pas de sa fuitte

Le nombre des morts, des blessez,

Des prisonniers de guerre,

Et le reste le fait assez

                                    Voir

 

1. M. de Waldeck a toujours passé pour un fort bon General

a la valeur prés

2. La Cavalerie des Alliez s'en fuit a Fleurus et abandonna l'Infanterie.

Nota. Que le Marêchal Duc de Luxembourg aprés le gain

                                                                                                de

 

                                                                                                            [22]

Voir a toute la terre.

 

de cette Bataille voulut en profiter, et pour cet effect proposa

au Roy d'assiéger Charleroy qu'il eut infailliblement prise en

peu de jours avec son armée victorieuse, vue la Consternation

que cette Bataille avoit mise dans les pais bas Espagnols;

Mr. de Louvois Ministre et Secretaire d'Etat de la guerre empe=

cha le Roy d'y consentir de peur d'augmenter la gloire de Mr.

de Luxembourg qu'il haissoit et de peur que cela ne donnast

quelque desir de paix aux Ennemis cequ'il craignoit par dessus toutes

choses par les raisons tant de fois enoncées dans les Commentaires

de ce Recueil. Le Mareschal de Humieres de son costé escrivit a la

Cour qu'il lui fut permis d'assigner Nieuport avec les troupes qu'il

auroit ramassées des Garnisons de Flandres, cette place avoit une

fort petite garnison et etoit dans le plus mechant etat du

monde et la prise en etoit sure; mais la meme peur de voir

la paix s'acheminer fit que Mr. de Louvois, s'y opposa

encore.

 

 

                                                                                                            [23]

Chanson                                               1690.

 

Sur l'Air: de Morguienne de vous.

 

Sur la Bataille de Fleurus dont il est parlé

dans la Chanson precedente.

 

 

Nous avons défait

Waldeck sans cervele1,

Luxembourg2 a fait

Un Jean de Nivelle3,

Morguienne de vous,

Quel Prince, quel Prince,

Morguienne de vous

Quel Prince êtes vous.

 

Lorsque Guillemot4,

Scaura la nouvelle,

Il sera plus sot

Que Jean de Nivelle5

Morguienne &ca

 

1. Le Prince de Waldeck general de l'Armée et des alliez

2. Le Mareschal Duc de Luxembourg gnal de l'Armée de France.

3. Ce terme est equivoque, car Jean de Nivelle veut dire un sot

et il veut dire aussi icy que le Prince de Waldeck après sa defaite

se retira a Nivelle.

4. L'auteur entend par là Guillaume Henry de Nassau Prince

d'Orange &ca. qui etoit alors en Irlande où il faisoit la guerre contre

Jacques IId. Roy d'Angleterre.

5. C'est encore le Prince de Waldeck.

 

                                                                                                            [25]

Chanson                                   [X]                   1690.

 

Ou plainte de Mr. le Prince de Waldeck

            sur la Bataille de Fleurus.

 

Sur l'Air de Morguienne de vous.

 

 

Aussi fort qu'un sourd,

Vous frapez sans doute,

Dit à Luxembourg

Waldeck en deroute

Morguenne de vous,

Quel homme, quel homme,

Morguienne de vous,

Quel homme êtes vous.

 

 

Quel bras vigoureux,

Un seul coup assomme,

J'aimerois bien mieux

Ma foy croire à Rome*              *Le Prince de Waldeck étoit Protestant

Morguenne &ca.                                   

 

Hommes et chevaux,

Par tout on attrape,

Canons et Drapeaux,

Rien ne vous echape,

Morguenne &ca.

                                                                                                            [26]

Avec mes Soldats

J'aurois fait ripaille;

Ils sont tous a bas,

Je perds la Bataille,

Morguenne &ca.

 

Faut'il tout honteux

Que je m'en retourne,

D'un coup si fâcheux,

La teste me tourne

Morguienne &ca.

 

                                                                                                            [27]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air: de Mais.

 

Sur la Bataille de Fleurus, dont il est

parlé dans les Chansons precedentes.

 

Waldeck1 croïoit en son Armée entiere

Avoir affaire au Mareschal d'Humieres2;

Mais,

Gobin3 l'a pris par derriere4,

Il n'en reviendra jamais.

 

1. le Prince de Waldeck general des Confederez.

2. Il les avoient attaquez à son dommage, le 25. aoust 1689.

   dans la ville de Valcour en Hainaut. voyez les Chansons

   de cette année.

3. Le Mareschal {^Duc} de Luxembourg qui est bossu.

4. Ce mot de derriere est icy equivoque, car il veut dire que Mr. de

    Luxembourg est sodomite, et il veut dire aussi que ce general

    prit les Ennemis par derriere a Fleurus.

 

 

                                                                                                            [29]

Chanson                                   [X]                   1690.

 

Sur l'Air: de la Rochelle.

 

Sur Henry de Montmorency-Luxem=

=bourg, Duc de Piney, Pair, et Mareschal

de France &a. aprés la Bataille de Fleurus

dont il est parlé plus haut.

 

 

On avoit crû jusqu'à ce jour

Le Mareschal de Luxembourg

Grand sorcier1, mauvais Capitaine 2;

Mais le Diable en prend si grand soin 3,

Qu'il en fait un second Turenne 4;

Dont la France avoit grand besoin 5.

 

 

1. Le Maāl Duc de Luxembourg. l'an 1680. fut accusé par la

nommée Voisin fameuse devineresse, et brûlée peu après pour

sortileges et empoisonnemens d'avoir êté chez elle lui demander

quelques un de ses pretendus secrets, Il fut obligé pour cela de

se mettre en prison a la Bastille, et tout Pair et Mareschal de

France qu'il etoit, de se laisser juger par une Chambre de Commres.

que le Roy avoit etablie pour connoitre de ces sortes d'affaires.

Il y fut absous par arrest.

2. On a pû voir dans les Chansons precedentes, des années 1676.

et 1678. en qu'elle mechante reputation il êtoit pour sa capacité

a commander les armées.

3. Les Depositions de la Voisin disoient qu'il s'étoient donné au

Diable.

4. On scait quel grand Capite etoit Henry de la Tour d'Auvergne

vicomte de Turenne.

5. Elle avoit alors toute l'Europe sur les bras, et point de

Generaux capables de commander ses Armées.

 

           

                                                                                                            [31]

Chanson

 

Sur l'Air: des Branles de Metz.

 

Sur la Bataille de Fleurus, dont il est parlé

            dans les Chansons precedentes;

Et la victoire remporté sur mer près de l'Isle

Withe par le Comte de Tourville vice Amiral

de France le 10. Juillet 1690. sur les Flottes

Angloises et Hollandoises commandées par

le Comte de Torrington appelé plus communemt.

Herbert Vice admiral d'Angleterre.

 

 

Waldeck avec asseurance,

De nous imposer des loix,

Comptoit desja par ses doigts

Tout ce qu'il feroit en France1,

Il eut fait trembler cent fois,

Avec que cette arrogance,

Il eut fait trembler cent fois,

Tout autre que des François.

 

Mais ce brave Capitaine

S'avancant vers certain Bourg2.

                                                            a rencontré

 

1. Il est certain que les Confederez contre la France esperoient entrer

en France et y prendre au moins des quartiers d'hyver.

2. Fleurus.       

 

 

                                                                                                            [32]

A rencontré Luxembourg,

Aussi vaillant que Turenne,

Qui le poussant rudement

Sans lui laisser prendre haleine,

Qui le poussant rudement

L'a fait compter autrement.

 

Ainsi pendant qu'en Irlande,

Nassau1 fait le fier a bras,

Luxembourg a mis a bas

Malgre Waldeck, la Hollande,

Ce Nassau, ce fin matois,

Et toute sa traître bande;

Ce Nassau, ce fin matois

Pourra se mordre les doigts.

 

De plus j'ay sceu d'un Pilotte

Qui s'est sauvé du danger

Que Tourville2 a fait charger.

                                                Et

 

1. On verra plus bas comme Guillaume Henry de Nassau,

Prince d'Orange passa d'Angleterre en Irlande au mois de

Juin 1690. et le succés qu'y eut son expedition.

2. Le Comte de Tourville Vice admiral de France commandt.

la Flotte du Roy l'an 1690. entra dans la Manche avec ordre

d'attaquer et meme de chercher a cet effet les Flottes d'angleterre

et de hollande commandées par le Comte de Torrington

                                                                                                Vice amiral

 

                                                                                                            [33]

Et vient de battre sa Flotte,

Voila ce Prince a battu,

En tous pais on le frotte,

Voila ce prince abatu

Et de tous cotez battu.

 

Vice amiral d'Angleterre vulgairement appellé l'amiral

Herbert. Elles se joignirent le 10. Juillet, que celles cy ayant

vent arriere virent sur l'armée Navalle de France; mais

ils furent obligés de se retirer après un Combat de 7. heures

et avoir perdu un Vaisseau de 68. pièces de Canon, qui se

rendit aux vainqueurs, 2. autres qui furent coulez a fond

et 2. Brulots; l'Armée de France poursuivant sa Victoire

a la faveur des marées pressa tellement les Flottes Ennemis

que celles cy ne pouvant sauver les Vaisseaux dematez dans

le combat en firent sauter 3. et en coulerent 4. a fonds, le

12. du même mois les Flottes vaincuës êtant sur le travers

du Cap de Ferlay a 30. lieuës de l'Isle de Wigth, où le

combat avoit commencé, et la Flotte de France les poursu=

=ivant toujours, le Comte de Tourville détacha le Marquis

de Villette Lieutenant general avec une Escadre de Vaissx.

qui fit bruler 4. navires Ennemis dematez et eschouer 2.

autres. Tout cela se passa sans dommage considerable

du côté des victorieux qui s'etant ainsi rendus maîtres

de la Manche tinrent la mer longtems après et firent

même une descente a Tilmouth petit port d'angleterre

où ils brûlerent encore quelques vaisseaux

Cependant 40. Officiers des plus fameux de la Marine

a la teste desquels etoit le Sr. Gabaret Lieutenant gnal,

signerent un procez verbal qu'ils envoyerent a la Cour;

par lequel ils soutenoient que si le Comte de Tourville

eut fait ce qu'ils lui avoient conseillé. il ne seroit

pas sauvé un seul vaisseau des Ennemis, cet escrit eut

                                                                                    un

 

                                                                                                            [34]

 

un tel succès que le Comte de Tourville fut aussi mal receu

du Roy et de M. de Seignelay a son retour que s'il eut

êté absolument battu.

Le Comte de Torrington de son côté fut mis a la Tour

de Londres a son retour et la Princess d'Orange qui etoit

restée en Angleterre pendant que son mary etoit en Irlande

lui fit faire son procés sur ce qu'il s'etoit retiré avec les

Vaisseaux Anglois et avoit ainsi abandonné les seuls

hollandois a la Flotte Françoise. Il est vray qu'il fit cette

manœuvre et qu'on l'accusoit d'avoir recu 100. mil Ecus

des François par les mains d'un Juif nommé Alvarez

pour en user ainsi, d'autres vouloient qu'il eut un ordre secret

du Prince d'Orange de ne point exposer les vaisseaux anglois,

quoiqu'il en soit il se tira d'affaire.

 

 

                                                                                                            [35]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air: des Triolets

 

Sur la Bataille navalle gagnée par.........

de Costentin Comte de Tourville vice ami=

ral de France, dans la Manche les 10. 11. et

12e. de Juillet 1690. sur les Flottes d'Angleterre,

et de Hollande commandées par le Comte

de Torringthon, vulgairement appelé l'amiral

Herbert.

 

Nota; que le detail et la suitte de ce Combat sont dans

les Commentaires de la Chanson precedente.

 

 

Prince d'Orange et Hollandois,

Tourville vous tient dans la manche

Il vous a donné sur les doigts;

Prince d'Orange et hollandois,

Vous êtes about cette fois,

Vous avez perdu la revanche,

Prince d'Orange et Hollandois,

Tourville vous tient dans la Manche.

 

 

                                                                                                            [37]

Epigramme                                                                   1690.

 

Adressé a Louis-Joseph Duc de Vendôme

&ca. Chtr des Ordres du Roy, Lieutenant

general des Armées de Sa Mte. Gouvernr.

de Provence; a Philippe de Vendosme.

Grand Prieur de France son frere, et Jean-

Louis Comte de Fiesque; a .................. de

............. Marquis de la Fare Capite. des

Gardes du Corps de Monsieur; a l'Abbé

de Chaurlieu et autres protecteurs de Capis=

=tron poëte attaché au Grand Prieur de Frce.

 

 

Critiques redoutez bien plus que redoutables1,

            Des auteurs les plus miserables,

            Incorrigibles deffenseurs2.

Vous que Racine3 ennuye, et que Pradon4 enchante

                                                                        Pour

 

1. Ces Messieurs censuroient alors tout ce qui se faisoit et qui

n'avoit pas le bonheur de leur plaire, les auteurs etoient obligez

pour reussir de menager leurs suffrages, et celui de cette

Epigramme n'etoit pas prevenu en faveur de leur bon goust

et de leur pretendue capacité.

2. Ils deffendoient de meme les Auteurs attachez a eux.

3. C'est a dire les fameuses Tragedies composées par Jean

Racine de l'Accademie Françoise, Gentilhome ordre.

de la Maison du Roy.

4. Les Œuvres du Poëte Pradon Normand qui sont des

Tragedies tres mauvaises, comme Pirasme et Thisbé, la mort

d'Ajax et autres.

 

 

 

                                                                                                            [38]

 

            Pour qui voiture5 est sans douceur

            Et l'Eneïde6 languissante,

Vous esperez en vain des siecles ignorans

Ou vos fades ecrits pourront servir d'exemples.

Chez nos derniers neveux les Poëtes du Temple.

            Vaudrons moins que ses Diamans.

 

5. Les Lettres, Poësies, et autres ouvrages du fameux

voiture.

6. L'Eneide de Virgile.

7. C'est que Capistron logeoit au Temple chez le Grand

Prieur de France.

8. On faisoit dans le Temple des Piereries fausses.

 

 

 

 

                                                                                                            [39]

Chanson                                               [X]                               1690.

 

Sur l'Air de ...............               

 

Sur ce qu'on pretendoit que la guerre commen=

=cée l'an 1689 avoit êté causée par les mauvais

Conseils du Pere de la Chaise Confesseur du

Roy de France Louis XIV. du pere Peters.

Confesseur du Roy d'Angleterre Jacques

IId. et par l'Opiniastreté du Pape Innocent XI.

 

Trois peres trop à leur aise | {Trois grands fripons tout à l'aise}

Ont brouillé tout l'univers,

L'un est le Pere la Chaise,

L'autre est le Pere Peters,

Le tiers est le Pere Innocent;

Tous trois ont fait pour Guillaume1.,

Jacques en est pour son Royaume2,

Et Louis pour son Argent3.

 

1. Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange.

2. On a vue dans les pieces de 1688. et 1689. comme le Prince

d'Orange detrôna l'an 1688. le Roy d'Angleterre Jacques

2d. son beau pere.

3. Louis XIV. Roy de France fut obligé de vendre son Ar=

=genterie et ses propres Chevaux pour avoir plus d'Argent,

sans compter toutes les impositions qu'il fut obligé de

mettre sur son Royaume pour soutenir les depenses enormes

de cette guerre que lui mettoit presque toute l'Europe sur les bras.

 

 

                                                                                                            [41]

Epigramme                               [X]                                           1690.

 

Sur l'incapacité de Claude le Pelletier

Ministre d'Estat dont il a êté parlé plus

haut et que les plaisans de la Cour apelloient.

par dérision le Ministre Claude, faisant

allusion au fameux Jean Claude Ministre

de la Religion P. R. qu'on nommoit ainsi

et auquel l'auteur de cette Epigramme le

compare.

 

 

L'ancien Ministre Claude1. êtoit un homme habile,

Capable d'enseigner nostre saint Evangile,

            Et de former une nouvelle Loy;

            Mais le nouveau2. qu'a fait notre bon Roy.

            Aqui Dieu donne longue vie

            Ne fera jamais d'heresie.

 

 

1. Jean Claude Ministre de la R. P. R. et le plus laid

homme qui fut jamais, comme le plus scavant.

2. Claude le Pelletier Ministre d'Etat, et le plus puant

homme qui fut jamais, comme le plus ignorant.

 

 

                                                                                                            [43]

Chanson                                               1690.

 

Sur Joseph Jean Baptiste Fleuriau Sr..

d'Armenonville, fait Con.er d'Etat ordre. et

Intendant l'an 1690. qui avoit epousé....

Gilbert fille d'un Marchand de Draps

a Paris, demeurant a l'Enseigne des Rats.

 

Un gros Intendant des Finances,

Que je ne vous nommeray pas,

Pour avoir plus d'opulence,

Et pour faire un {plus} grand fracas,

            Amis des Rats *

            Amis des Rats

Amis des Rats dans sa depense

Amis des Rats dedans ses draps.

 

Nota: Qu'il fut fait intendant des Finances avec 3. autres

qui etoient Constantin Heudebert S.r du Buisson, Urbain-

François-Louis le Febvre de Caumartin et Michel Cha=

=millart Me. des Requeste; Que ces 4. Charges crées en 1690,

furent receues au droit annuel et vendues 400. mil francs

chacune, et que les 2. anciens Intendant des Finances, qui etoient

Michel le Pelletier de Souzy, et François le Tonnelier

de Breteuil aussi Coner. d'Etat demeurerent dans leur employ

bien qu'ils ne fussent que Commissionnaires.

 

* Nota que c'est une plaisanterie a cause de sa femme fille

                                                                                                de

 

                                                                       

                                                                                                            [44]

 

de............................ Gilbert Marchand à l'Enseigne des Rats.

 

Nota; Que cet air de Pierre Bagnolet couroit fort alors

et que cette plaisanterie, de Il y a des rats, a mis des rats.

&ca. couroit fort parmy la Canaille dans ses conversations

comme dans ses Chansons.

 

 

                                                                                                            [45]

Vers                                                                 1690

 

Sur une Theze de Philosophie soutenüe

dans le College des Jesuites de Paris

le 6. Aoust 1690. par le fils aîné de

Chrestien de Lamoignon. Avocat gnal

du Parlement, dans laquelle la Doctrine

du Peché Philosophique dont il a encore

êté parlé plus haut, êtoit encor etablie.

 

 

Gran Dieu que lis-je cy, c'est le Dogme, je croy

            De ce pesché Philosophique,

Qui menace aujourd'huy l'Eglise Catolique,

            Adieu les mœurs, adieu la foy;

Adieu les saints Conseils de la divine Loy.

            Adieu la seureté publique,

            Adieu l'amour de la vertu,

Si cette opinion, ce dogme Diabolique,

D'introduit parmy nous; ma foy tout est perdu,

            Plus de remords de conscience;

Ambition, amour, avarice, vangeance,

Triomphez, les Crestiens vous veront sans horreur,

Les aveugles esprits trompés par cette erreur,

Plus destable encore qu'elle n'est ridicule,

Vont suivre desormais sans le moindre scrupule,

            Les mouvements de leur fureur.

 

                                                                                                            [46]

Tout leur sera permis, c'est assez qu'il leur plaise,           

Ils n'ecouteront plus la raison ny l'honneur,

            N'y l'importune sinderesse,

Mais qui peut soutenir une pareille Theze,

Par curiosité voyons un peu son nom,

            La chose est digne d'etre sceuë;

Mais qu'aperçois-je, ô Ciel, dois-je en croire ma veuë,

            Quoi ! le jeune de Lainoignon,

Soutenir cette erreur si contraire a l'Eglise,

            Et par un trait pernicieux

Démentir aujourd'huy la foy de ses ayeux,

Je ne puis exprimer jusqu'ou va ma surprise,

Qui l'auroit jamais crû, le voila cependant,

Qu'icy le petit fils de ce grand President1,

            Deût soutenir cette Doctrine;

Mais que servent, helas, mes regrets superflus,

            Qu'importe que je m'en chagrine

            Le mal est fait; n'en parlons plus,

Contre un torrent fougueux c'est en vain qu'on s'obstine

            Laissons la chose aller son train,

Si cet enfant soutient ces Dogmes temeraires,

Il aura quelque jour des sentimens contraires,

                                                                        Et

 

 

1. Guillaume de Lamoignon Premier President du

Parlement.

 

                                                                                                            [47]

 

Et devenu peut être un subtil ecrivain;

Il scaura dissiper par ses propres lumieres,

            Et les Erreurs de nos bon Peres2,

            Et leurs dangereux Argumens;

Cela vous paroît il si difficile a croire,

            Avez vous perdu la memoire

De l'Illustre écollier3 du bon Pere Deschamps;

Point d'explication, vous scavez cette histoire4.

 

2. Les Jesuittes.

3. Feu Armand de Bourbon Prince de Conty, et du sang.

qui avoit etudié sous le P. des Champs Jesuitte.

4. Mr. le Prince de Conty etant dans le party des Jansenistes

accusa le P. des Champs de lui avoir enseigné de mediantes

maximes sur la Religion, et il eut la dessus force lettres

du Prince a ce Pere, et de ce Pere a ce Prince, ou le lecteur

peut s'instruire de cette affaire.

 

 

                                                                                                            [49]

 

Epitaphe                                                                       1690.

 

D'une Chatte de Paule-Marguerite-Françoise

de Gondy, de Rets, veuve de Jean-François-

Paul de Bonne de Crequi de Blanchefort

d'Agout-de-Verze de Montlaur, et de Montau=

ban, Duc de Lesdiguieres Pair de France &ca.

a qui cette Duchesse fit faire un Tombeau

dans son Jardin, a l'hostel de Lesdiguieres

à Paris, où cette Epitaphe êtoit ecrite.

 

Nota; Que la mort d'une Chatte n'etant pas un evenement bien

considerable, il doit paroitre surprenant qu'on ait mis cette

Epitaphe dans ce Recueil; mais comme la Duchesse de Lesdi=

guieres avoit l'esprit dereglé en plusieurs choses, et que cela est

bon a scavoir, on a jugé a propos d'en mettre icy le temoignage.

 

 

Cy gît une Chatte jolie,

Sa maitresse qui n'aimoit rien1,

L'aima jusques a la folie,

Pourquoi le dire ? on le voit bien3.

 

 

1. Il est certain que la Duchesse de Lesdiguieres n'aimoit

rien qu'elle.

2. Non seulement elle fit faire un Tombeau pour cette chatte

après sa mort; mais de son............

3. .....................

 

 

 

 

                                                                                                            [50]

Sonnet                                                                         

 

Sur la mort de la Chatte de Made.

de Lesdiguières.

 

Menine aux yeux dorez, au poil doux, gris et fin,

La charmante Menine, unique en son espece,

Menine les amours d'une Illustre Duchesse,

Et dont plus d'un mortel envioit le destin.

 

Menine qui jamais ne souffrit de menin,

Et qui fut en son temps des Chattes la Lucresse,

Chatte pour tout le monde, et pour les Chats tigresse

Au milieu de ses jours en a trouvé la fin.

 

Que lui sert maintenant, que dedaigneuse et fiere,

Jamais d'aucuns mattous sur aucune goutiere,

Elle n'ait ecouté les amoureux regrets,

 

La Parque êtend ses Loix sur tout ce qui respire,

Et de ne rien aimé tout le fruit qu'on retire,

C'est une triste vie, et puis la mort aprés.

 

 

 

 

                                                                                                            [51]

Chanson                                                                                   1690.

 

Sur l'Air de Lampon.

 

Sur le bruit qui courut pour la 2de. fois, que

les affaires de France s'accommodoient à

Rome.

 

 

Le fier Pape Ottobuoni*,

Le fier Pape Ottobuoni.

Est dit on tout rabony,

Est dit on tout rabony,

Nous en aurons mainte bulle

Puisque l'ennemy recule,

Lampon, Lampon, camarade Lampon.

 

 

*Il est dit en plus que le Pape Alexandre VIII s'ap=

=pelloit Pierre Ottobuoni.

 

On a veu plus haut comme le Roy Louis XIV. envoya au mois de

........... 1690. Toussaint de Fourbin Cardinal Evesque et Comte

de Beauvais Pair de France, Commandeur des Ordres de sa M.

a Rome pour y negocier avec le Pape, pour l'accommodement des

demeslez entre la France et la Cour de Rome, le Duc de Chaunes

et le Cardinal de Bouillon qui y etoient pour lors chargez des

affaires de France crurent que celui seroit un grand affront si le

Cardinal de Fourbin les terminoit, pour eviter ce malheur il crurent

avec raison qu'il n'y avoit point d'autre party a prendre que de

conclure un traité avec le Pape avant que cette Eminence fut arriveé.

Ils firent donc un traité que sa sainteté et le Duc de Chaunes signerent.

l'abbé de Polignac amy et parent du Cardinal de Bouillon fut depeché

                                                                                                            pour

 

                                                                                                            [52]

pour l'aporter a la Cour, et quand le Cardinal de Fourbin arriva

a Rome il trouva l'abbé party et crût tout accomodé; mais qui

ne le croyoit pas asseurement pas, c'etoit le vieux Renard de Pape qui

scavoit bien qu'il avoit pris pour dupe son bon et ancien amy le

Duc de Chaunes et le Cardinal de Bouillon; comme la France et le

Piemont etoient en guerre; l'abé de Polignac fut obligé de venir par mer

et d'attendre fort longtems a Livourne une occasion pour passer en

Provence; cependant le bruit se repandit par toute l'Italie, que Rome

et la France êtoient d'accord, le bruit en vint a Paris par Venise, et

l'Abé de Polignac y etoit attendu comme le Messie. Il arriva en fin

et l'on fut bien surpris a la Cour de France de voir que le Pape

consentoit a tout ce que le Roy desiroit pourvu que sa M. et les

Evesques de France se retractassent de tout ce qui avoit eté fait depuis

10. ans pour maintenir les privileges de l'Eglise Gallicane, on sceut

tres mauvais gré au Duc de Chaumes d'avoir signé un tel traité !

comme Ambassadeur, cependant le Roy ayant permis au Cardinal

de Bouillon, et a toute sa famille de revenir a la Cour, cette Eminence

dût etre contente de sa Negociation bien plus que M. de Chaunes

qui resta tristement a Rome, où le Cardinal de Fourbin avoit le

secret de la Cour de France.

 

 

                                                                                                            [53]

Chanson                                                                                   1690.

 

Sur l'Air: Je vous dis et le repete.

 

Sur la maladie dont fut attaqué l'an 1690.

Jean-Baptiste Colbert Marquis de Seignelai

Ministre et Secretaire d'Estat, Tresorier

des Ordres du Roy.

 

Quoique les flateurs puissent dire1,

De Seignelay le mal empire,

Et bientost il aura vescu

Pour te le faire mieux connoitre,

Tourville4 craint d'etre pendu3.

                                                Et

 

1. Quoique Mr. de Seignelay fut grievement malade et

comme desesperé, ses amis ne laissoient pas de dire

toujours qu'il se portoit mieux, il en mourut pourtant

le 3. Novembre 1690.

2. Le Comte de Tourville vice amiral de France, etoit le

favory de Mr. de Seignelay et quoique Jean d'Estrées

Maāl de France Chevalier des Ordres du Roy eut acheté

la charge de Vice Amiral de France et l'eut exercé seul depuis

plusieurs années avec valeur, capacité et bonheur, M. de

Seignelay en fit creer une 2de. l'an 1689. en faveur du Comte

de Tourville et lui procura le commandement en 1690.

le Mareschal d'Estrées eut pour dedommagement le Com=

=mandement de la Province de Bretagne, pendant que le

Duc de Chaulnes qui en etoit Gouverneur, etoit Ambaddadeur

a Rome pour la 3e. fois.

3. On a veu plus haut comme le Comte de Tourville dut mal

                                                                                    receu

 

 

                                                                                                            [54]

 

 

Et Cavois4 cherche un autre maître.

 

 

receu du Roy pour n'avoir pas entrepris l'an 1690. tous

ce qu'il avoit {pû} execcuter s'il avoit suivi les Conseils des

Officiers de la Marine, lesquels au nombre de 40. en

signerent un ecrit qu'ils envoyerent a la Cour contre lui

et qui trouva croyance.

4. Louis Doger Marquis de Cavois grand Maāl des

Logis de la Maison du Roy, intime amy de Mr.

de Seignelay comme on a desja veu plus haut.

5. On remarquoit que de puis que Mr. de Seignelay etoit

malade, Mr. de Cavoys alloit fort souvent chez Louis

Phelypeaux Sr. de Pontchartrain Controlleur general des

Finances, et qui eut la charge de Secretre. d'Estat de

Mr. de Seignelay après sa mort.

 

                                                                                                            [55]

Chanson                                                                                   1690.

 

Sur l'Air de Lampon &ca.

 

Sur Victor Amedée Duc de Savoye.

l'auteur le represente tenant un Conel. avec

Louvigny Me. de Camp general du Milanez

après la Bataille de Staffarde qu'il perdit

comme on verra plus bas le 18. Aoust 1690.

 

Or écoutez les projets,

Or écoutez les projets,

Que le Roy de Chipre1 a faits,

Que le Roy de Chipre a faits,

Après qu'une habile fuite2,

L'eut asscuré dans son giste,

Dodo, dodo. l'amy du Roy Guillemot3.

 

Quoiqu'il eut montré le cus, bis

Il croyoit avoir vaincu, bis

                                                Et

 

1. Le Duc de Savoye prend la qualité de Roy de Chipre, et

c'est pour cette raison que ses Ambassadeurs sont traittez

en France comme ceux des testes couronnées.

2. On a veu plus hait qu'il s'en etoit fuy a la Bataille de Stafforde.

3. C'est Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange Courronné

Roy d'Angleterre avec lequel le Duc de Savoye avoit fait

un traité contre la France {c'est} ce traité decouvert qui a obligé

cette Couronne a luy declarer la guerre.

 

                                                                                                            [56]

 

Et dans cette extravagance

Son cœur devoroit4 la France;

Dodo. &ca.

 

J'ay, dit il, dans son grabat, bis

Triomphé de Catinat5; bis

Par ma foy mon Cimeterre,

Est un vray foudre de guerre;

Dodo. &ca.

 

Il faut mont cher Espagnol6, bis

Nous saisir de Pignerol7, bis

Dans le Dauphiné decendre8,

Y reduire tout en cendre.

Dodo. &ca.

                                    Dans

 

4. Le Duc de Savoye avoit depuis longtems une haine

effroyable contre la France, et comme il etoit peu experimenté,

il ne doutoit pas que son Traité avec le Prince d'Orange et

les autres ennemis de cette Couronne ne le rendit Maître d'une

partie du Royaume.

5. General de l'Armée de France.

6. Louvignyes dont il a êté parlé plus haut Walon de Nation

attaché a l'Espagne dont il etoit  sujet et mestre de Camp.

gnal du Milanez. il etoit venu avec un corps de troupes

Espagnoles au secours du Duc de Savoye, et il etoit a la

Bataille.

7. Place importante a la France, a 7. lieues de Turin.

8. On pretend que dans le Traité fait avec le Duc de Savoye et les

                                                                                    ennemis

 

 

                                                                                                            [57]

 

Dans cette expedition. bis

Il faut saccager Lion9, bis

Et ne pas laisser la maille

D'icy jusques a Versailles10;

Dodo. &ca.

 

Là prenant des chevaux frais,     bis

Nous irons jusques a Calais       bis

D'où l'Angleterre on decouvre,

Et nous passerons a Douvres;

Dodo. &ca.

 

Si Guillemot n'est pas mort.11 bis

Il nous caressera fort. bis

S'il est mort, grand bien lui fasse

Nous regnerons en sa place.

Dodo. &ca.

                                                Ainsi

 

 

ennemis de la France, on lui promettoit que le Dauphiné

lui seroit donné en cas de Conqueste.

9. On pretend aussi qu'il regardoit des lors la ville de Lyon

comme a lui et on asseura qu'il avoit même demande a

ses Financiers combien ils lui donneroient des Fermes de

cette ville.

10. Je doute que son imagination le portât si loin.

11. On a veu plus hait qu'il courut longtems un bruit que le

Prince d'Orange êtoit mort.

 

                                                                                                            [58]

 

Ainsi plus grand que Cesar     bis

La Bataille de Staffard.    bis

Fera voir sous ma puissance,

Savoye, Angleterre, et France.

Dodo. &ca.

 

Pendant qu'il extravaguoit, bis.

Louvignies sôurioit, bis

Ah, dit il, sage Cervelle,

Vôtre entreprise est fort belle.

Dodo. &ca.

 

Comme l'Anglois ne hait pas, bis

Les foux et les scelerats, bis

Vous pourriez bien vous repondre,

D'aller entriomphe a Londres

Dodo. &ca.

 

Mais vos12 soldats sont tuez, bis

Et vos Cavaliers noyez, bis

Catinat a dans sa rage

Pris et Canon et bagage;

Dodo. &ca.

                        Sans

 

12. Ce couplet et les 2. suivans sont un Portrait de l'Etat où

la Bataille de Staffarde avoit mis l'armée du Duc de Savoye.

 

 

                                                                                                            [59]

Sans vos grands coups d'Esperons, bis

Sans doute ses Escadrons, bis

Vous auroient, la malepeste,

Dodo. &ca.

 

Que nous proposez vous donc, bis

Sans troupes, et {sans} Canon, bis

Tente t'on quelque entreprise,

Triomphe t'on en chemise;

Dodo. &ca.

 

Ah, dit il, pour Catinat, bis

Il n'en faut plus faire etat, bis

Il n'osera plus paroistre,

Car il nous apris entraître13;

Dodo. &ca.

 

Vit on jamais General14, bis

Suivre les regles si mal, bis

Loin d'aller droit en besogne;

C'est par les flancs qu'il nous cogne;

Dodo. &ca.

 

13. Mr, de Catinat le jour de la Bataille fit passer un Marais

a son Infanterie; les Savoyards qui croyoient ce marais im=

=praticable, furent tres surpris de se voir attaqués par cet endroit.

14. La Cavalerie Françoise commandée par le Sr. de Silvestre

Maāl de Camp prit la Savoyarde en flanc.

 

 

                                                                                                            [60]

 

C'est tromper ses ennemis, bis

Et non les avoir soumis, bis

Quand je l'ay veu si mal faire,

J'ay presenté mon derriere;

Dodo. &ca.

 

Après de si vilains coups, bis

Quoiqu'il ait fait contre nous bis

Il ne m'oste point la gloire,

D'une si grande victoire;

Dodo. &ca.

 

Les François en sont honteux, bis

Allons fierement contre eux, bis

Quand la fortune est si belle,

Il faut marcher aprés elle

Dodo. &ca.

 

Ce discours plein de grandeur, bis

Toucha Louvignie au cœur, bis

Il veut reprendre courage

Des quatre pieds faire rage

Dodo. &ca.

 

Ouy, dit il, d'un ton zelé, bis

                                                Au

 

 

                                                                                                            [61]

Au Duc15 a timbre feslé, bis

De la France toute entiere

Ne faisons qu'un Cimetiere16;

Dodo. &ca.

 

En Flandres et sur la mer, bis

On aime mieux s'abismer, bis

Que de souffrir la disgrace,

De voir un François en face17,

Dodo. &ca.

 

L'Electeur vôtre Cousin18. bis

Ne veut point voir le Dauphin19. bis

                                                Tant

 

15. Il est certain que ce Duc de Savoye avoit la teste bien

legere.

16. On vient de dire la haine invincible qu'il portoit aux

François, celle de Louvignies n'etoit gueres moindre.

17. L'auteur entend par là la Bataille navale donnée

dans la Manche Britanique près l'Isle de With le 10.

du mois de Juillet 1690. où le Comte de Tourville vice

amiral de France coula a fonds plusieurs vaisseaux

des Flottes Angloise et Hollandoise, le detail en est plus

haut.

18. Le Duc de Baviere.

19. On a veu plus haut que le Duc de Baviere commanda

l'Armée Imperiale sur le Rhin l'an 1690. comme Louis

Dauphin commandoit celle de France, et que la 1re. ne

pût, ou ne voulut pas attaquer la 2 de.

 

 

                                                                                                            [62]

 

Tant cette France ennemie,

En Allemagne est haye;

Dodo. &ca.

 

Ainsi pour l'exterminer, bis

L'Empereur vous va donner, bis

Ce qui sera necessaire20,

N'ayant chez lui rien a faire21.

Dodo. &ca.

 

Par le butin de Fleurus22, bis

Les Etats gorgez d'Escus, bis

Vous feront compter des sommes,

Pour armer deux cent mil hommes;

Dodo. &ca.

                                                Vôtre

 

 

20. L'Empereur avoir promis au Duc de Savoye de le

secourir, et il lui avoit même envoyé des Troupes

commandées par son Cousin le Prince Eugene de

Savoye.

22. Cela est ironique et l'on a veu plus haut la Celebre victoire

que le Marêchal de Montmorency-Luxembourg remporta

le 1.er Juillet 1690. sur l'Armée confederée, commandée

par le Prince de Waldeck près Fleurus.

21. Cela est ironique, car les Turcs faisoient des Conquestes

sur l'Empereur en Hongrie pendant qu'il envoyoit toutes

ses forces sur le Rhin, ils prirent Belgrade d'assaut

le 8. Octobre 1690.

 

 

 

                                                                                                            [63]

Vôtre Orange23 de Concert, bis

Vous garde Milord Herbert24, bis

Qui se tient tout prest en botte,

Pour monter dessus la Flotte;

Dodo. &ca.

 

Mais sa teste ayant tourné bis

Lorsque Tourville25 a tonné, bis

Herbert qui craint la tempeste,

Viendra peut etre sans teste 26,

Dodo. &ca.

 

Avec ces puissans secours, bis

Duc, miracle de nos jours, bis

Le bruit de vos sages veuës,

Montera jusques aux nuës;

Dodo. &ca.

                                                Enfin

 

23. Le Prince d'Orange.

24. On faisoit le proces a Milord Herbert Vice amiral

d'Angleterre par l'Ordre du Prince d'Orange, parce qu'il

n'avoit pas fait son devoir a la Bataille Navalle dont

il vient d'etre parlé on l'accusoit meme d'intelligence avec la

France.

25. Herbert se contenta dans le Combat de faire essuyer sa

bordée a la Flotte Françoise et se retira ensuitte avec son

Escadre, laissant le reste de sa Flotte a la mercy de celle

de France qui la poursuivit 3. jours avec un succès tres avantageux.

26. Milord Herbert couroit risque d'avoir la teste trenchée.

 

 

                                                                                                            [64]

Enfin las de conquerir, bis

Nous nous en irons bastir, bis

Pour achever la campagne,

Mille Châteaux en Espagne.

Dodo. &ca.

 

Quand l'Espagnol fut au bout bis

L'Allobroge aprouva tout, bis

Car l'un et l'autre se pique;

D'etre heros Chimerique27,

Dodo. &ca.

 

Ayant fini le Conseil bis

Le Duc se donne au sommeil bis,

Et le Lutin qui l'exerce

Chante pendant qu'il le berce

Dodo. dodo. l'amy du Roy Guillemot.

 

27. L'Auteur a tort de traitter Louvignies de Chimerique

car c'est un homme tres sage, et d'un merite singulier, passe

pour le Duc de Savoye.

 

 

 

                                                                                                            [65]

                                                                                    1690.

Chanson

 

Sur l'Air Ramonés cy ramonez là.

 

Sur la Bataille de Staffarde {gagnée sur

le Duc de Savoye par Mde. de Catinat.}

 

 

Nous allons femmes et filles,

Vous revendre des Eguilles,

N'en achetterez vous pas,

Ramonez cy, Ramonez là

La Cheminée du haut en bas.

 

Nous avons repris nos gaules,

Ornement de nos Epaules,

Le Mousquet ne nous {sied} pas;

Ramonez cy &ca.

 

Notre Duc mal a son aise,

A senty plus chaud que braise,

Les Boulets de Catinat;

Ramonez cy &ca.

 

S'il n'avoit eu bonne haleine

Pour s'enfuir par mons et par plaine,

On l'eut pris dans le Combat;

Ramonez cy &ca.

 

                                                                                                            [66]

 

Pourquoi faisoit la guerre,

Il êtoit loin du tonnerre,

Paisible dans ses Estats,

 

Croyoit il par son escorte,

Rendre la ligue plus forte,

Il a de trop petits bras.

Ramonez cy &ca.

 

Grand Louis Roy de bonnaire,

Excuse un temeraire,

Qui mal a propos s'engagea{s'arma};

Ramonez cy &ca.

 

Songez que nos Chemineés

Ne seroient pas ramoncés

Si vous donniez deux Combats;

Ramonez cy &ca.

 

Notre Roy par sa Clemence.

Lui donne Surintendance,

Des Fumées de ses Estats;

Ramonez cy &ca.

 

 

 

                                                                                                            [67]

                                                                                    1690.

Chanson

 

Sur l'Air: de Lampon, lampon.

 

Sur la victoire remportée le 18. Aoust 1690. près

l'Abbaye de Staffarde en Piemont, sur Victor-

Amedée Duc de Savoye Commandant son

Armée en personne par le S. de Catinat Gou=

verneur de la ville de Luxembourg, Lieutent.

general de cette Province et des Armées du Roy,

Commandant celle de France en Italie.

 

Nous avons veu le Duc de prés,

Nous avons veu le Duc de prés,

Il avoit de beaux Mousquets,

Il avoit de beaux Mousquets,

Beaucoup de balle et de Mesche

Et une bonne Caleche1

Lampon, Lampon, camarade lampon.

 

Pourquoi dit on dans Paris

Pourquoi dit on dans Paris

Que Catinat m'a tout pris

                                    Que

 

1. On pretend que le Duc de Savoye abandonné par sa Cavalerie

et celle du Milanez venue a son secours, se sauva les 1ers. dans

une chaise roulante.

 

                                                                                                            [68]

 

Que Catinat m'a tout pris2,

Quoique l'on dise et qu'on prêche,

Il me reste une Calesche;

Lampon &ca.

 

 

2. Cette victoire fut complette, car non seulement le champ de

Bataille demeura aux vainqueurs; mais ils firent prés de

mille prisonniers et prirent tous ce que les vaincus avoient

amené de Bagage, car ils en avoient laissé la plus grande

partie a Ville franche dans le dessein de donner Bataille.

 

Nota: Que le Duc de Savoye etoit renforcé de troupes de l'Etat

de Milan, commandeés par Louvigny Mestre de Camp gnal du

Milanez. Ce Gentilhomme Walon nommé lors au Gouvernment de

Hainaut, est un des honnestes hommes et des braves Capitaines de

l'Europe; aussi fut ce contre son avis que M. de Savoye se deposta

de Villefranche où il etoit avantageusement campé pour venir chercher

le Sr. de Catinat qui fit semblant de vouloir passer le Po pour

attirer les Ennemis en un lieu où il pût combattre selon l'ordre qu'il

en avoit receu du Roy. Ce fut Louis XIV. qui declara la guerre

au Duc de Savoye sur l'avis qu'il eut que ce Duc avoit fait un Traité

avec ses Ennemis pour entrer en France par le Dauphiné. Le 1er. avis

qu'en eut le Roy vint par un Maquereau au Duc de Mantoue

nommé Varani qui revenant a Mantouë avec une Putain qu'il etoit

venu chercher a Paris pour son Mer. demeura quelques jours a

Milan, où il entendit parler de cette Ligue. Etant a Venise peu de jours

aprés il en parla a Mr. de la Haye Ambassadeur de France, et

en escrivit en droiture a M. de Seignelaye Secretaire d'Etat, quoiqu'il

ne le reconnut que de reputation. Ensuitte etant revenu encore a Paris

chercher une autre Putain Francoise pour le Duc de Mantoue qui

avoit marié la 1.re parce qu'elle ne lui agreoit pas. Varani fut trouver

M. de Seignelay et lui confirma de bouche qui lui avoit escrit de

Venise, M. de Seignelay le mena au Roy a qui il dit la meme chose,

sa M. lui donna 100 Pistolles et lui asseura 600.livres de pension pourvut

qu'il continua a lui donner avis de ce qu'il apprendroit. M. de Lou=

vois de son côté anima fort le Roy contre ce Duc parce qu'il s'étoit

plaint de ce qu'au lieu d'une simple valise pleine de Lettres qui

passoit d'ord.re par ses Etats pour aller de France en Italie, Mr.

                                                                                                de

 

                                                                                                            [69]

de Louvois a qui le revenu des postes Etrangeres apartenoit

faisoit passer une Charrette pleine de Marchandises, et frustroit

ainsi les Droits du Duc; plusieurs croyoient que c'estoit le vray

motif de la guerre en Italie.

 

 

 

 

                                                                                                            [71]

Chanson                                                                                   1690.

 

Sur l'Air: de Lampon.

 

Sur la Campagne de l'Allemagne de l'Année

1690. dans laquelle l'Armée Imperialle

commandée par les Ducs de Baviere et de

Saxe vint au devant de celle de France Com=

=mandée par Louis Dauphin qui avoit passé

le Rhin, sans la combattre.

 

Le Bavarois ne veut pas,

Le Bavarois ne veut pas,

Au Dauphin ceder le pas,

Au Dauphin ceder la pas,

Voyez comme il devance

Pour esviter sa presence

Lampon lampon, camarade lampon.

 

Quoique [Monseigneur] le Dauphin ne remportât aucune victoire

dans cette Campagne comme avoient fait les armées de

Flandres et d'Italie et celle de mer; la Campagne ne laissa

pas d'etre glorieuse en ce qu'ayant passé le Rhin, il obligea

les Ducs de Baviere et de Saxe devenir au Devant de lui,

Ils furent si proches pendant 15 jours que personne ne doutoit

qu'il n'y eut une sanglante bataille d'autant plus que tous

les Astrologues la promettoient; mais il en arriva autrement:

Car M. le Dauphin marchant toujours en remontant le Rhin

vers Brizac se posta a chaque Camp, de maniere que les

                                                                                    Electeurs

 

 

                                                                                                            [72]

Electeurs, n'osant ou ne pouvant le combattre quoi qu'ils

le suivissent toujours le quitterent a la fin et se separerent

eux memes. Le Dauphin voyant qu'il n'y avoit plus rien

a faire de considerable laissa son armée a Guy de Durfort

Comte de Lorges, Mareschal de France Chtr des Ordres

du Roy, et Capitaine des Gardes du Corps qui en avoit êté

general sous lui toute cette Campagne. Il revint ensuitte

a la Cour accompagné du Duc de Bourbon, et du Prince

de Conty qui avoient servy de Mareschaux de Camp dans

dans son armée, et du Duc de Vendosme qui y avoi servy

de Lieutenant general, il arriva a Fonatainebleau, le 7.

Octobre 1690.

 

 

                                                                                                            [73]

Chanson                                                                       1690

 

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

Sur la Campagne de l'Armée de France,

en Allemagne l'an 1690. et sur la vie qu'on y

menoit.

 

L'ennuy d'une armée inutile1,

Sous un General imbecile2,

Avec deux Bourgeois pour regens3,

La crainte des mauvais offices

De son Espion d'ayde de Camp4,

Me feront quitter le service.

 

1. Cette Armée etoit la seule qui ne faisoit rien, celles de Flandres

d'Italie, et de mer ayant remporté chacune une victoire

comme on a veu plus haut.

2. .........

3. .........

4. .........

 

 

 

                                                                                                            [74]

Autre                                                               

 

Sur le même sujet et le même Air que la prece=

=dente.

 

Estre dans un Camp inutille,

Sous un General imbecille,

Gouverné par ses deux1 Regens,

Exposé aux mauvais offices,

D'un2 raporteur aide de Camp;

Mogrebleu du fuchu service.

 

1. Sr. Pouange, et Chanlay.

2. La Chesnaye.

 

           

 

                                                                                                            [75]

Chanson                                                           1690.

 

Pourquoi me gronder

Si j'ay fait un voyage,

Pour mettre en liberté,

Un Rossignol en Cage,

He mordienne de vous,

Quel homme, quel homme êtes vous.

 

 

                                                                                                            [77]

Chanson                                                           1690

 

Sur l'Air de Jean de Vert

 

Sur le depart de Monseigneur.

 

 

Partez jeune et vaillant heros,

La gloire vous appelle

Devant vous le Roy des Oiseaux,

Ne battra que d'une aisle,

Vous ferez voir aux Allemans

Qu'on scait les vaincre comme autems;

            De Jean de Vert.

 

A vôtre aspect ils diront tous,

Evitons sa colere,

Il va faire tomber sur nous,

Le foudre de son pere,

Nos efforts seront impuissans,

De même qu'ils l'etaient du tems,

            De Jean de Vert.

 

Ils scavent par vos premiers coups

Que tout vous est facile,

Ils vous fuiront comme les Loups,

Sans trouver un azille;

 

                                                                                                            [78]

Et mettant tous les armes bas,

Ils feront comme les soldats;

            De Jean de Vert

 

Vos guerriers pour vous pleins d'amour

Ne cherchent qu'a combattre,

Ils vont ainsy qu'a Philisbourg,

Faire le Diable a quatre,

Ils porteront partout la mort,

Heureux qui n'aura que le sort;

            De Jean de Vert.

 

La Ligue de tant d'ennemis.

Qu'en vain on vous oppose

Va ceder aux travaux du fils,

Quand son pere se repose;

Et l'on vera ce jeune Mars,

Imposer des loix aux Cesars.

            De Jean de Vert.

 

C'est ce qu'on attend de vos faits,

Pendant cette Campagne,

Vous ferez demander la paix,

Aux Princes d'Allemagne,

Et par vous on verra Louis,

Triompher de tout le païs,

            De Jean de Vert.

 

 

 

 

 

                                                                                                            [79]

Chanson                                                           1690

Sur l'Air de Joconde.

 

A Madlle. de Scudery.

 

 

Sapho j'ay longtemps hézité;

Mais il faut que je chante,

Le retour de vôtre santé,

Ce beau sujet me tente,

Quand la fievre vous fait souffrir,

Ce n'est qu'une querelle,

He quoi peut on jamais mourir

Quand on est immortelle.

 

 

 

 

Autre.

 

 

Sapho qui va trop loin se pert,

Je crains un Labirinthe,

Le chemin ne m'est pas ouvert,

Pour aller a Corinthe,

Vous demandez de ma facon

Le portrait du Saint Pere

Pour chanter le grand Ottobon

Il faudroit un Homere.

                                                {par Mr. de Coulanges.}

 

 

 

 

 

 

                                                                                                            [81]

Chanson                                                           1690.

 

Sur l'Air: {Il a battu son petit frere.}

 

 

Flateurs quoique vous en puissiez dire,

De Seignelay, son mal empire,

Et bientost il aura vescu,

Ce qui nous le donne a connoître.

Tourville(1) craint d'etre pendu,

Et Cavoye(2) cherche un autre maître.

 

 

{(1) Le Mal. de Tourville.}

{(2) Cavoye grand Marechal de logis de la maison du Roi.}

 

 

 

 

                                                                                                            [83]

Chanson                                                           1691

 

Sur l'Air de Joconde.

 

Sur Jacques Testu Prestre Abbé de

Belleval Prieur de St. Denis de la Chartre

de Paris.

 

 

Ce grand Abbé au nez pointu,

Dont l'esprit si critique,

Pretend inspirer la vertu

Par sa fade Musique1,

Le public en est fatigué

Et las de sa grimace2,

Voudroit bien être delivré

De son hideuse face.

 

 

1. l'Abbé Testu faisoit souvent chanter chez lui des

Stances Chrestiennes qu'il avoit faites, et qu'un Me. de

Musique a ses gages, nommé Oudot avoit mis en chant avec

des parties et une simphonie d'Instrumens; ce qui faisoit un

Concert, où tous ses amis et ses amies qui etoient en grand

nombre venoient admirer: car jamais homme n'a plus aimé

la louange que luy.

2. Il grimaçoit toujours et de la maniere du monde la plus

desagréable.

 

Nota; Que l'Abbé Testu êtoit un simple Bourgeois de Paris,

dont le frere aîné avoit êté Chevalier du Guet; il avoit de

l'Esprit et du scavoir; mais avec cela de la vanité et de l'opiniastreté.

Il frequentoit la bonne Compagnie de la Cour et de la Ville; mais

principallement les femmes. ce n'est pas qu'il y eut du crime dans

                                                                                                ce

 

 

                                                                                                            [84]

 

ce commerce car il etoit homme de bien; mais c'est qu'il y

dominoit davantage que chez les hommes qui se seroient

pas accoutumez de sa presomption, de son entestement sur

les moindres choses qui ne souffroit ny replique ny repartie

a ses frequentes et precises decisions, et de la Chaleur et de

la hauteur avec laquelle il parloit.

 

 

 

                                                                                                            [85]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air: Je ne scaurois.

 

Sur Charles Comte d'Aubigné Chevalier

des Ordres du Roy: Gouverneur d'Aigues-

mortes.

 

 

Le bonheur qui t'accompagne1,

Devroit te donner du Cœur2,

Buvant ton vin de Champagne3,

D'Aubigné, quitte ta peur,

Je ne scaurois,

Fais du moins une Campagne4;

J'en mourrois.

 

 

1. Le Comte d'Aubigné n'avoit aucun merite personnel

tant s'en faut; car c'etoit un des plus extravagans person=

=nages du monde; mais comme il etoit frere de Madame

Françoise d'Aubigné Marquise de Maintenon favorite

du Roy Louis XIV. le credit de sa sœur lui avoit attiré tous

les honneurs dont il etoit revestu.

2. Il passoit pour être poltron.

3. Il etoit yvrogne.

4. Ce n'est pas qu'il n'eut êté quelquesfois a la guerre. Car il

avait êté Capitaine de Chevaux Legers l'an 1672 mais outre

qu'on l'a censoit de n'y avoir pas trop bien fait son devoir,

c'est qu'il etoit alors sur le pavé de Paris au grand mepris

de tout le monde qu'il importunoit, pendant que toute la

Noblesse du Royaume etoit a la guerre. a la verité ce n'etoit

pas tout a fait sa faute. Car il avoit demandé a servir

au commencement de la guerre, et on le lui avoit refusé.

 

 

 

                                                                                                            [87]

Chanson                                                           1691

 

Sur l'Air: Je ne scaurois.

 

Sur Françoise-Angelique de la Mothe-

Houdancourt 2de. femme de Louis-Marie

Duc d'Aumont, Pair de France, Chtr des

Ordres du Roy, 1er. Gentilhomme de sa

Chambre, Gouverneur de Bologne et du

pais de Bolonois.

 

 

Seras-tu toujours éprise,

De toute sorte de gens,

A ton âge, {est-on de mise} on est rassise,

D'Aumont quitte tes galans;

Je ne scaurois;

Quitte au moins les gens d'Eglise*;

J'en mourrois.

 

 

 

* La Duchesse d'Aumont êtoit devote de profession

et comme elle avoit toujours eu quelque Directeur en affection

qu'etant fort vive, elle etoit toujours avec lui et en parloit

sans cesse, et que d'ailleurs elle etoit aimable, on avoit tou=

=jours medit d'elle et de ses Directeurs; les 2. plus fameux

qu'elle eut en jusques a cette presente année 1691. etoit

le Pere Gaillard Jesuitte qu'elle quitta pour un Prestre

de l'Oratoire appelle le P. de la Roche; mais ce qui avoit

encore plus que tout cela donné lieu a la medisance, c'est

que Charles Maurice le Tellier Archevesque Duc de

                                                                        Reims

 

 

                                                                                                            [88]

 

Reims Pair de France &ca. Prelat tres decrié du côté

de la continence, avoit tres longtems eté amoureux d'elle.

Cette passion avoit d'autant plus fait du bruit que la

Duchesse d'Aumont ayant aigri contre elle quelques

années auparavant le Marquis de Villequier son beau=

fils. Ce lui cy parloit publiquement contre le commerce

de sa belle mere avec l'archevesque de Reims, le public

rencherit encor par dessus et n'epargna pas les Directrs.

et peut etre avoit il raison. Car il faut toujours se deffier

des femmes et surtout des devotes.

 

 

 

 

                                                                                                            [89]

Chanson                                                           1691

 

Sur l'Air: Adieu bontems.

 

Sur............. de Coligny veuve de N......

de Mailly Marquis de Nesle Brigadier

d'Infanterie, Colonel du Regiment d'Infan=

terie de Henry-Jules de Bourbon Prince

de Condé 1er. Prince du Sang &ca.

 

 

Nesle n'a rien de plus petit

Que son esprit,

Que son esprit,

Et la belle n'a rien de grand.

Que l'ouverture,

Que la nature

Lui fit devant.

 

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.

 

 

 

                                                                                                            [91]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air: Quand le peril est agreable

 

Sur............... de Clermont, Comte de Tonnerre

1er. Gentilhomme de la Chambre de Philippes

fils de France, Duc d'Orleans &ca. et sur.......

de ...................... appellée Madlle. de St. Quentin.

 

 

On dit comme chose certaine,

Que Tonnerre aime Saint Quentin,

Il est poltron, elle est putain

Et c'est la meme haleine*.

 

1. Ils sont fort puans l'un et l'autre.

 

 

 

 

                                                                                                            [93]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air.........

 

 

Sur François de Brunet Sr. de Montforant

et Louis-Charles Gilbert, faits Presidents

de la Chambre des Comptes de Paris l'an 1691.

 

Nota; Qu'ils acheterent l'un et l'autre des charges

nouvellement crées, ce qui de onze Presidents de cette

Compagnie en fit treize par cette augmentation.

 

 

Le Roy a fait deux Presidents,

Le Roy a fait deux Presidents,

Jean Gilbert et Montforrant,

L'un jadis fut rat de ville1,

Et l'autre fut rat des Champs2;

Il est President le rat de ville,

Il est President le rat des champs.

 

 

1. ........... Gilbert etoit fils de ......... Gilbert Marchand

Drappier a Paris a l'enseigne des Rats.

2. ........... Montforant avoit eté Commis des aides a la

Campagne a ce que pretend l'auteur, ce qui s'apelle vulgairemt.

Rat de Cave.

 

 

 

                                                                                                            [95]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air: qu'une injuste fierté.

 

Sur ce que le Pape Alexandre VIII. censura

au lit de la mort par un acte particulier

en presence du Sacré College, les propositions

soutenuës par le clergé de France l'an 1682.

dans l'Assemblée generale convoqueé extra=

=ordinairement à Paris et de laquelle il est

parlé en plusieurs pieces de ce recueil de la

meme Année.

 

 

Ottobuon1 qu'on croyoit un Pape d'importance2,

Fit assembler les Cardinaux,

D'un Acte du mois d'Aoust rabillant les morceaux3,

Il en fit en mourant sa piece d'eloquence.

                                                            Fulminant

 

 

1. Le Pape Alexandre VIII. avant que d'etre éleu, s'apelloit

le Cardinal Pierre Ottobuoni, il etoit Venitien.

2. C'estoit un tres habile homme que le Duc de Chaunes

Ambassadeur de France a Rome, avoit extremement

favorisé a son Election parce qu'il etoit fort de ses amis

et qu'il croyoit qu'etant eleu Pape il faciliteroit de tous

son pouvoir l'accommodement des demeslés que la Cour

de Rome et la France avoient ensemble depuis plusieurs années.

3. Le Pape voulant s'accommoder avec la France fit au mois

d'Aoust 1690. un acte qui censuroit les propositions de la

France, resolu de le faire passer pour s'accommoder ensuitte

avec cette Couronne quelque procedure qu'elle pût faire

                                                                                    au

 

 

                                                                                                            [96]

 

Fulminant sur cinq chef4 tout le Clergé de France,

Qu'il sera cause de grand maux5,

Ottobuon, qu'on croyoit un Pape d'importance

Fit assembler les Cardinaux.

 

 

au contraire, et cela dans le dessin de sauver par là

l'honneur et l'interest de l'Eglise, a quoi la France ne

voulut jamais entendre.

4. Les 5. Propositions soutenues par le Clergé de France

et notamment l'an 1682. comme on peut voir dans les

pieces de cette année, qui etoient que le Pape n'est que le

1er. des Evesques; qu'il n'est pas infaillible; qu'il est

soumis aux Conciles Œucumeniques; Qu'il n'a aucune juris=

=diction sur le temporel des Rois qui ne tiennent leur autorité

que le Dieu seul, et que les Provinces de Guienne, Languedoc,

Provence et Dauphiné sont sujetes au droit de regatte

comme le reste de la France.

5. Parce que cela rompoit toutes les mesures d'un accommodemt.

entre la Cour de Rome et la France.

 

 

 

                                                                                                            [97]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air des Ennuyeux.

 

Sur la mort du Pape Alexandre VIII arrivée

à Rome le 1er. de Fevrier 1691.

 

 

Nôtre Saint Pere est décampé1,

Sans avoir rien fait pour l'Eglise2,

L'Ambassadeur3 est attrapé

Et nous n'aurons pour nos franchises4,

Et pour le Comtat d'Avignon5.

                                                Que

 

 

1. C'est a dire mort.

2. Il est certain que ce Pape n'a rien fait du tout pour l'Eglise

pendant son Pontificat, et qu'il ne travailla qu'a l'elevation

de sa Maison.

            +

4. On a veu plus haut dans une Chanson de l'an 1689. qu'une

des Contestations que la France avoit avec le St. Siege, etoit

les Franchises pretenduës par le Roy pour le quartier de

ses Ambassadeurs, sa Mte. les soutint avec chaleur sous

le Pontificat du Pape Innocent XI. qui les abolit par une

Bulle expresse l'an 1687. mais sitôt qu'Alexandre VIII. son

successeur eut êté eleu, le Duc de Chaunes Ambassadeur de

France les lui remit par ordre du Roy gratuitement dans

l'esperance d'engager S. S. a s'accommoder plus facilemt.

sur les autres points contestés avec la Cour {de Rome} ce qui ne produisit

rien.

            +

{ + 3. Le Duc de Chaunes remit en meme temps au Pape le Comtat

d'Avignon dont le Roy s'etoit saisi sur Innocent XI dans

la chaleur de leurs demeslés.}

6. Tout ce qu'Alexandre VIII. fit pour la France, fut de

                                                                                    donner

 

 

 

                                                                                                            [98]

Que le Cardinal de Janson6,

 

Nôtre Ambassadeur7 a passé,

Un peu trop cher la Marchandise,

Pour moy je l'aurois bien laissé

Ace Pantalon de Venize8,

S'il a tant coûté pour Janson9,

Qu'ût on donné pour Chanvalon10.

                                                Bouillon

 

 

donner un Chapeau de Cardinal a Toussaint de Forbin

de Janson, Evesque et Comte de Beauvais Pair de France,

&ca. nommé par Jean II. Roy de Pologne, ce que Innocent.

XI. avoit toujours refusé de faire.

            +

7. Charles d'Albert d'Ailly Duc de Chaunes Pair de France

Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur et Amiral de

Bretagne, lors Ambassadeur pour la 3[---] de France a

Rome.

{+ 5. C'est d'avoir donné les Franchises et le Comtat d'Avignon

sans que le St. Siege de son costé se fût relâché sur rien

en faveur de la France.}

8. Le Pape Alexandre VIII. s'appeloit Pierre Ottobuoni

Maison Plebeienne de Venise, et l'on s'appelle vulgairement

par ironie les venitiens, des Pantalons a cause du per=

=sonnage de Pantalon dans les Comedies Italiennes qui

parle toujours venitien.

9. Toussaint de Forbin Janson, Evesque et Comte de

Beauvais, Par de France Cardl. dont il est parlé à l'article 6.

10. François de Harlay de Chanvalon Archevesque de

Paris &ca. que le Roy venoit de nommer au Cardinalat

pour la 1re. Promotion qui se feroit pour les Couronnes.

11. Emanuel-Theodoze de la Tour d'Auvergne de Bouillon

Cardinal, grand Aumosnier de France.

 

 

                                                                                                            [99]

 

Bouillon11., Camus12., Estrées13., Bonzi14.,

Tous quatre s'en vont au Conclave15.,

Ils serviront tous à l'envy;

Mais pour le Cardinal Landgrave16.

Et son Conclaviste Morel17.

Ils serviront tous à l'envy;

Mais pour le Cardinal Landgrave16.

Et son Conclaviste Morel17.

Ils ne serviront qu'au Bordel18..

 

 

{11. Voyez cy devant.}

12. Estienne le Camus Cardinal, Evesque de Grenoble.

13. Cesar d'Estrées Cardinal Archevesque de Narbonne cydevant

Grand Aumosnier de la Reyne de France Marie Thereze

d'Autriche.

14. Pierre de Bonzi Cardinal Archevesque de Narbonne cydevant

Grand Aumosnier de la Reyne de France Marie Thereze

d'Autriche.

15. Ces 4 Cardinaux partoient de France pour aller a Rome

au Conclave qui se tenoit pour elire un Successeur au Pape Ale=

=xandre VIII.

16. Guillaume Landgrave de Furstemberg Cardinal Evesque

et Prince de Strasbourg Abbé de St. Germain des Prez &ca.

17. Jean Morel Abbé de St. Arnoul de Metz Coner. au Parlement

de Paris, lequel fut Conclaviste du Cardinal de Furstemberg

l'an 1689. dans le Conclave où fut eleu Alexandre VIII.

18. Pour comprendre ce que cy veut dire il faut scavoir deux choses;

la 1re. que le Cardinal de Furstemberg suplia le Roy de le dis=

=penser d'aller a ce Conclave icy, parce qu'il craignoit que la

Maison d'Autriche lors plus puissante a Rome que la France,

ne lui jouast quelque mauvais tour, soit en le faisant empoison=

=ner, soit en le faisant arrester prisonnier, il avoit d'autant plus

lieu de le craindre qu'il avout desja eté mis en prison l'an

1679. par l'Ordre de l'Empereur etant a Cologne, comme on

peut voir par une Chanson de cette année, et qu'il etoit cause

en partie de la guerre presente par ses pretentions a l'Electorat

de Cologne, dont il est parlé plus haut en plusieurs pieces de 1687.,

                                                                                                1688.

 

 

                                                                                                            [100]

 

1688. et 1689. La 2de. est que ce Cardinal avoit toute sa vie fort

aimé les femmes, et qu'il étoit actuellement gouverné par la Comtes=

=se de Furstemberg femme de son neveu; l'Abbé Morel de son

costé etoit homme de debauche; mais au surplus homme de beaucoup

d'esprit et de merite et surtout de capacité pour les affaires Estran=

=geres.

 

 

 

 

                                                                                                            [101]

Epitaphe                                                           1691.

 

Du Pape Alexandre VIII. mort a Rome

le 1er du mois de Fevrier 1691.

 

 

Cy dessous gist tout de son long,

Ottobuoni1 chef de l'Eglise

Plût à Dieu que le Pantalon2,

Nût jamais sorty de Venize3.

 

 

1. Le Pape Alexandre VIII. s'appelloit Pierre Ottobuoni

avant que d'être Pape; il etoit venitien de Maison Plebienne.

2. On appelle les venitiens des Pantalons.

3. C'est que ce Pape non seulement evitat d'accommoder avec la

France les demeslés commencés du tems de son predecesseur

entre cette Couronne et le St. Siege bien qu'il fut obligé de son

exaltation au Duc de Chaunes Ambassadeur de France a Rome

son amy particulier; mais il condamna outre cela, par une Bulle

expresse une Theze de l'Université de Louvain, dans laquelle

etoit exposée la Doctrine de l'Eglishe Gallicane; a l'esgard du

pouvoir des Papes; il fit plus car se sentant mourir il se leva

et s'habilla trois jours avant sa mort, et ayant assemblé le

sacré College il tira de sa Cassette une constitution, d'autres

disent une Bulle qu'il fit publier sur le Champ, par laquelle

il condamnoit tout ce que le Clergé de France avoit fait a cet

esgard, et au sujet de la regle dans son assemblée extraordre.

de l'an 1682. comme il est expliqué plus haut dans une Parodie

de cette année, et la Chanson precedente.

 

 

 

 

                                                                                                            [103]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air: Laissez paître vos bestes.

 

Sur le mariage de Louis de la Tour d'Auver=

=gne, Prince de Turenne Grand Chambellan

de France, en survivance de Godefroy de la

Tour d'Auvergne, Souverain Duc de Bouillon

son pere avec Anne-Gennevieve de Levy

de Ventadour celebré a Paris le 26. Fever.

1691.

 

            Chantons le mariage,

            De Turenne et de Ventadour,

            Dieu leur doint1 bon menage,

            Et repos plus d'un jour.

Chez la tante de la Ferté,2

Le grand repas fut apresté,

Pour maintes gens de qualité.

Parens considerables,

Princes du sang et Ducs et Pairs

Partagent deux Tables,

De cinq fois dix Couverts.3

                                    Les

 

1. Vieille façon de parler, pour dire, Dieu leur donne

2. Marie-Isabelle-Gabrielle-Angelique de la Mothe-Houdancourt femme

de Henry de Senneterre, Duc de la Ferté, Pair de France, tante de Madlle.

de Ventadour; parce qu'elle êtoit sœur de Charlotte-Eleonore de la Mothe-

Houdancourt Duchesse de Ventadour.

3. Ce sont 50. Couverts.

 

 

                                                                                                            [104]

Les Conviez êtant assis,

On leur servit des Mets exquis,

Bisque, Ortolans, Faisans, Perdrix,

Dieux! quelle grande chere,

Les bons vins, qu'on but a longs traits,

Le Festin d'Assuere4,

N'en aprocha jamais.

 

Après souper les violons,

Firent de Charmans Carillons,

Le tout a l'honneur des Bouillons5.

Le concert, la Musique,

Les Airs, les voix les Instrumens,

Un spectacle Comique,

Tout rejouit les sens.

 

                        Dès

 

4. L'Ecriture Ste. au Livre d'Esther parle du festin d'Assuerus

Roy de Perse lorsqu'il repudia Wasthi sa femme qu'il epousa

Esther Niece de Mardochée et fit pendre Aman son favory;

Ce festin est celebre dans l'histoire sainte.

5. La Famille des Bouillons etoit alors fort nombreuse

et composée de Godefroy Maurice de la Tour d'Auvergne

Souverain Duc de Bouillon &ca. Grand Chambellan de

France et Gouverneur d'Auvergne, de Marie Anne de

Mancini Duchesse de Bouillon sa femme, de Louis

de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne leur fils aîné

qui se marioit; de 4. garcons freres du marié, appellez

le Duc d'Albret lors abbé, le Comte d'Evreux, le Chtr

de Bouillon, et le Duc de Chasteauthierry, de deux filles

                                                                        aussi

 

 

                                                                                                            [105]

Dis aussitôt qu'on entendit,

Sonner minuit, on descendit,

Tout le monde en foule sortit,

L'on marche, et chacun tasche,

D'aller voir Langres6 promptement,

Qui siege a Saint Eustache7,

Espiscopalement.

                                    L'Epoux

 

aussi sœurs du marié, nommées Madlle. de Bouillon, et

Madlle. d'Albret. Il y avoit outre cela Frederic-Maurice de la

Tour d'Auvergne, Comte d'Auvergne Colonel general de la

Cavalerie legere, et Gouverneur de Limousin, Henriette-Francoise

de Zollern sa femme, Emanuel-Maurice de la tour d'Auver=

=gne son fils aîné appellé le Prince d'Auvergne. l'Abbé d'Auver=

=gne, le Marqus. de Bergh, et le Comte d'Oliergue, ses autres fils et

trois filles, dont les deux ainées etoient Religieuses, et la 3e.

apellée Madlle. d'Auvergne. Il y a voit encore Emanuel-Theo=

=doze de la Tour d'Auvergne Cardinal de Bouillon Grand

Aumônier de France qui êtoit alors a Rome frere du Duc

de Bouillon et du Comte d'Auvergne. Hypolite leur sœur Re=

=ligieuse Carmelite avec Emilie-Eleonor sa sœur; et enfin

Mauris Febronie, mariée l'an 1668 au Duc Maximilien-

Philippe de Baviere. Tout cela venoit de deffunt Frederic Mau=

=rice de la Tour d'Auvergne Duc de Bouillon mort a Pontoise

le 19. Aoust 1652. et de Eleonore-Febronie de Bergh sa femme

morte le 14. Juillet. 1657.

6. Louis-Marie-Armand de Simiane de Gordes Evesque et

Duc de Langres amy particulier du Duc et de la Duchesse de

Bouillon, fit la ceremonie de ce mariage.

7. Le mariage se fit dans l'Eglise parroissialle de St.

Eustache a Paris.

 

 

                                                                                                            [106]

L'Epoux l'Epouse d'un pas lent,

Arriverent d'un air content5,

Et le peuple dit en chantant,

Ah que la mariée,

Tout ainsi que le marié,

Est bien appariée,

Est si bien aparié.

 

Le grand Prelat9 tres doctement,

Harangua sur le sacrement10,

Et cita le vieux Testament,

Toute la Compagnie,

Admira ses traits eloquens,

Et la Ceremonie

Ne dura pas longtems.

                                    Les

 

8. L'auteur de cette Chanson est mal instruit, car les mariez

n'etoient pas trops contens. le Prince de Turenne etoit eperduement épris

de la Marquise du Roure dont il est parlé en plusieurs

endroits de ce Recueil. Madelle. de Ventadour le scavoit

et ils s'epousoient sans s'aimer.

9. L'Evesque Duc de Langres.

10. Ce Couplet cy est ironique. l'Evesque Duc de Langres, êtoit

un tres bon et tres vertueux Gentilhoome nourry à la Cour

où il avoit êté 1er. Aumosnier de Marie-Thereze d'Autriche

mais l'Eglise Catholique n'a jamais eu un plus ignorant Prelat

et un plus mechant Orateur.

 

                                                                                                            [107]

           

 

Les mariez dans leur logis,

Par la famille et les amis,

Furent pompeusement suivis,

La presse est aux toilettes

Et pour les mettre dans le lit,

L'on dit tans de sornettes

Que l'hymen en rougit ;

 

Estans couchez entre deux draps,

L'Epouse fit beaucoup d'helas,

Dont Turenne fit peu de cas;

Mais l'Amour conjugale,

Enflammant l'Epouse et l'Epoux

La Torche nuptiale,

Brusla par les deux bouts.

 

Le lendemain tous les parens,

De succez parurent contens,

On apporta force presens,

Belles meres12 et Tantes13.

 

                                    Donnerent

 

11. L'auteur veut dire en poëte que le marié et la mariée etoient fort

enflammez l'un pour l'autre; mais cela n'etoit pas vray.

12. Les Duchesses de Bouillon et de Ventadour.

13. Les Duchesses d'Aumont et de la Ferté tantes de la

mariée et la Comtesse d'Auvergne Tante du marié.

 

 

                                                                                                            [108]

 

Donnerent perles et rubis,

Des parures charmantes,

Et des bijoux de prix.

 

Turenne14, tout ce que je dis,

Et qu'en Chanson je vous ecris,

On nous l'a mandé de Paris15,

Il faut en diligence

Un enfant de vôtre façon;

Un heros d'importance,

Digne de vôtre nom.

 

14. Ce Couplet cy s'adresse au marié.

15. L'auteur de cette Chanson est Philippes-Emanuel de Coulanges

qui etoit alors a Rome.

 

 

                                                                                                            [109]

Chanson                                                           1691.

 

Sur l'Air de Lanturlu.

 

Sur François de Clermont de Tonnerre Eves=

=que et Comte de Noyon, Pair de France,

lequel revenant de Versailles a Paris, et se

trouvant pressé de ses necessités, se mit prés

d'un buisson sur le grand chemin, le derriere

tourné du côté des passans pour leur cacher sa

Croix pectoralle; Il passa malheureusement

un Fiacre ou Carrosse de louage dont le Cocher

ne voyant qu'un Cul, lui donna un grand coup

de Fouët, surquoy on pretend que Mr. de Noyon

lui cria qu'il l'excommunieroit.

 

 

Venant de Versailles .

Monsieur de Noyon,

Vuidoit ses Entrailles,

Auprès d'un buisson,

Le Cocher d'un Fiacre,

Claqua du fouët sur son cul

Lanturlu, lanturlu

Lanturlu lanturlure

 

L'Evesque en furie,

 

 

                                                                                                            [110]

Se sentant toucher,

Je t'excommunie,

Dit il au Cocher,

Le Cocher s'en moque.

En criant comme un perdu.

Lanturlu &ca.

 

Si tu veux a laise

Mettre chausses bas,

Dans ton Diocese,

Vas porter ton cas,

Icy ta censure

Ne scauroit sauver ton cul.

Lanturlu &ca.

 

Quel afront insigne,

Le sang des Clermonts,

Sort en droite ligne,

Du Roy Faramond

Il viendroit d'Achiles,

Toutesfois ce n'est qu'un Cu,

Lanturlu &ca.

 

Noyon en colere

Craignant d'autres coups,

                                    Ne

 

 

                                                                                                            [111]

Ne fait ses affaires

Qu'a moitié son sou,

Remet sa Culotte,

Sans avoir torché son cu

Lanturlu &ca.

 

L'Evesque en colere.

De cet attentat,

Va porter l'affaire,

Au Conseil d'Estat;

Le Conseil ordonne,

Qu'on visitera son Cu

Lanturlu &ca.

 

 

                                                                                                            [113]

Chanson                       [X]                               1691.

 

Sur l'Air; Reveillez vous belle

            endormie.

 

 

A............................ Racine Gentilhomme ordinaire

de la Maison du Roy, sur la Tragedie

d'Athalie qu'il avoit composée, et qui parût

au mois de Mars 1691. qu'elle fut imprimée.

 

 

Racine de ton Atalie,

Le public fait bien peu de cas 1,

Ta Famille en est annoblie 2,

Mais ton nom ne le sera pas.

 

 

1. Cela n'est pas tout a fait vray, car cette Tragedie avoit beau=

=coup de partisans, comme elle avoit beaucoup de Frondeurs,

aussi y avoit il de fort belles choses; mais la matiere en

deplaisoit avec raison, et donnoit un grand relief aux defauts

qui y etoient d'ailleurs.

2. Le Roy Louis XIV. donna une charge de Gentilhomme

ordinaire de sa Maison au Sr. Racine dans le temps

que cette Tragedie commença a paroître, et cette piece aussi

bien que la Tragedie d'Esther lui valut ce present. Ce fut

une espece de recompense de les avoir faites pour la maison

de St. Louis a St. Cir où elles furent jouées l'une et l'autre.

Cette maison etoit alors en grande faveur auprès du Roy

par le credit de Madame de Maintenon dont elle étoit

l'ouvrage.

 

 

                                                                                                            [114]

Autre                                                                1691.

Sur l'Air: Il a battu son petit frère.

 

 

[X] Sur la même personne et le même sujet

            que la precedente.

 

 

Quand tu recitois* Atalie,

Je disois d'une ame ravie.

Racine est un poete Excellent1;

Mais quand tout seul, j'ay pû la lire

J'ay dit ! que l'ouvrage est méchant2 !

Comment a t'il pû me seduire.

 

 

* Racine charmé de l'Encens que les courtisans donnoient à son

Atalie, les uns pour plaire a Made. de Maintenon, les autres par

ignorance, ou parce que c'etoit la mode de louer cette piece, l'a

recitée a ceux qu'il a crû pouvoir y donner du credit par leur

aprobation, et comme il recite mieux qu'aucun comedien, il

a seduit les gens les plus capables de bien juger de ces sortes de

pieces, lesquels l'ayant leue en particulier imprimée, ont d'autant

plus sourement condammé la mechanceté de cette piece, qu'ils

etoient fachez de l'avoir louée, seduits par le ton imposeur

dont l'auteur leur avoit prononceé.

1. Le Sr. Racine non seulement fait tres bien des vers; mais il

les recite encore avec un agrement extraordinaire et leur donne une

grace surprenante.

2. On a dit dans le Commantaire de la Chanson precedente que cette

piece n'etoit pas mechante a se recrier ainsy, a la verité Racine en

a bien fait de meilleures; mais elles l'etoient sur une autre matiere

et celle cy etant tirée de l'Ecriture Ste. il etoit difficile qu'elle fut

si bonne cette matiere etant peu propre pour le Theatre.

 

                                                                                                            [115]

Epigramme                               [X]                   1691.

 

Sur Jean Racine Gentilhomme de la

Maison du Roy Louis XIV. de l'Academie

Françoise sur sa Tragedie d'Ester.

 

 

Gentilhomme extraordinaire1,

Poëte. Missionnaire2,

Transfuge de Lucifer3,

Comment Dable as tu pû faire

Pour rencherir sur Esther4.

 

 

1. Il etoit de vray tres extraordinaire que Jean Racine

natif de la Ferté Milon en Champagne, et issu de gens de

neant, eut être gratiffié par le Roy d'une charge de Gentil-

-homme ordinaire de sa Maison.

2. L'auteur apelle le Sr. Racine Poëte Missionnaire

acause des Tagédies Chrestiennes d'Ester et d'Atalie

qu'il avoit composées.

3. C'est qu'il avoit êté fort debauché et etoit devenut fort

devot.

4. Tragedie Chrestienne de Racine dont il est parlé dans une

Chanson de l'année 1689.

 

 

                                                                                                            [117]

Chason                                                             1691.

 

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

A .......................... d'Alongny Marquis de

Rochefort Colonel du Regiment de Bourbonnois

lequel etant yvre se querella a Starabourg au

mois de Mars 1691. et se batt sur le champ

contre Louis-Nicolas le Tellier Marquis

de Souvré Me. de la Garderobe du Roy, Colo=

=nel de Cavalerie son Cousin, et aussy yvre

que lui; qu'il blessa legerement au bras.

 

 

Rochefort ton yvrognerie1,

Enfin passe la raillerie,

Reconnois ton emportement.

Tu vas faire dire a ta mere2,

Ah que mon grand fils est mechant

Il a battu son petit frere.3

 

1. Le Marquis de Rochefort etoit fort yvrogne.

2. Madelene de Laval veuve de Henry-Louis d'Alongny [Marquis]

de Rochefort Mareschal de France, Capitaine des Gardes du

Corps du Roy, et Gouverneur de Lorraine.

3. Pour comprendre ce que veulent dire ces 2. derniers vers. il faut

scavoir 2. choses. la 1ere. que cette Chanson a êté faite sur un air

sur lequel ont êté faits autrefois plusieurs couplets, finissans

par les 2. memes. vers que celui cy. La 2de. que François Michel

                                                                                                le

 

 

 

                                                                                                            [118]

 

le Tellier Marquis de Louvois Ministre et Secretaire d'Etat

et pere du Marquis de Souvré etoit amoureux depuis longtems

de la Mareschal de Rochefort mere du Marquis de Rochefort;

cette passion n'etoit pas a couvert de la medisance, comme l'on

a pû voir dans quelques chansons qui precedent celles cy, Et

l'auteur laisse imaginer que le Marquis de Rochefort

pourroit bien etre fils de M. de Louvois; C'est pourquoy il

dit que le Marquis de Rochefort a batu son frere, en batant

le Marquis de Souvré.

 

 

                                                                                                            [119]

Stances Irregulieres. [X]                                                1691.

 

Sur la guerre commencée a la fin de l'Année

1688. dans laquelle la plus grande partie

de l'Europe êtoit armée conte la France.

 

 

            Pourquoi vous étonner de voir

Toute l'Europe unir contre nous son pouvoir;

            Pourquoi chercher ce qui l'excite,

            Et cause aujourd'huy tant de maux2,

            Vous qui scavez que le merite3,

            N'a jamais parû sans rivaux.

 

            L'Envie a toujours fait la guerre

Aux vertus que ses yeux ont veu trop éclater,

Et dès les premiers tems sans craindre le Tonnerre,

            La gloire du grand Jupiter,

Fit elle pas armer les enfans de la terre4.

                                                            C'est

 

1. Il est certain que toute l'Allemagne, l'Angleterre, les pais bas

des Espagnols hollandois, l'Espagne, et une partie de l'Italie

etoient en guerre contre la France.

2. On croira aisement qu'une telle guerre causoit de grands maux

a la France.

3. L'Auteur veut parler du merite du Roy Louis XIV. a la

louange duquel est cet ouvrage.

4. L'Auteur rapelle icy ce que disoient les anciens Poetes qui est

la fable des Grans enfans de la terre qui voulurent faire la

guerre a Jupiter Dieu du Ciel et de la terre, contre lequel ils

entasserent Montagnes sur Montagnes pour escalader le Ciel

                                                                                                et

 

 

                                                                                                            [120]

 

C'est ainsi que l'on voit vainement s'assembler

            Contre Louis5 et son Empire6,

Tant de Princes jalous unis pour l'accabler7,

            Chacun d'eux contre lui conspire,

            Et tous voudroient lui ressembler.

 

Ces Antiques heros d'immortelle memoire,

Adorez sur la terre et dans le Ciel admis8,

N'auroient jamais trouvé de place dans l'histoire,

            S'ils avoient manqué d'ennemis,

            Et le genereux fils d'Alemene9,

Qui remplit autrefois l'Univers de son nom

            Doit toute sa gloire a la haine

            De l'impitoyable Junon10.

                                                Esperons

 

 

et que ce Dieu foudroya lisez la 5e. fable du 1er. Livre des

Metamorphoses d'Ovide.

5. Le Roy Louis XIV.

6. La France.

7. Ils s'unirent contre la France par la ligue qu'ils signerent a

Ausbourg le .......... .

8. Les anciens croyoient que les heros après leur mort devnoient

des Dieux. les poëtes anciens n'ont chanté autre chose.

9. Hercules fils de Jupiter et d'Alemene, femme d'Amphitrion

general des Thebains selon les Payens. lisez la 5e. fable du 9. Livre

des Metamorphoses d'Ovide.

10. Lisez la même Fable, vous verrez combien les payens disent

que Junon persecutoit Hercules, et comme elle haïssoit ce heros

que Jupiter son mary avoit eu en adultere. ses actions heroi=

=ques sont aussi dans le même Livre ça et là.

 

 

                                                                                                            [121]

 

Esperons sous un Prince aussi brave que sage11,

            Des succès aussi glorieux;

Nous en avons deja trois victoires pour gage,

Qui nous ont repondu de la faveur des Cieux,

            La fureur des audacieux,

            Tost ou tard de honte est suivie

Et la même vertu qui fait naitre l'envie

            Confond enfin les envieux.

 

 

11. Louis XIV.

12. Voyez dans les pieces precedentes de l'an 1690. comme les

Generaux qui commandoient les armées du Roy gaignerent

cette année 3. Batailles; scavoir celle de Fleurus en Flandres

le 1er. Juillet, Celle de Staffarde en Piemont le 18. Aoust, et

celle de mer contre les Flottes angloise et hollandoise le 10.

Juillet.

 

 

                                                                                                            [123]

Imitation                                                                       1691.

 

D'une des Centuries de Michel Nostradamus,

sur la Prise de Mons, ville Capitale du Hai=

=nault, par le Roy Louis XIV. commandant

son Armée en personne.

 

Nota: Que cette place se rendit après 15. jours de tranchée

ouverte le 8. avril 1691. malgré le secours que Guillaume-

Henry de Nassau Prince d'Orange, Couronné Roy d'Angre.

preparoit; s'étant desja avancé jusques a halle.

 

Quand Prince jaune1 pastira2,

Quand gros Fromage3 sechera4;

Sur Mons, un grand Coq5, l'on verra,

Qui malgré Lion6, chantera

Avant Pasques7, Alleluya.

 

1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange.

2. Sera êtonné.

3. Les Etats Generaux des Provinces Unies.

4. Craindra.

5. Le Roy de France, Gallus en latin veut dire Cocq en Francois.

6. Le Prince d'Orange Couronné Roy d'Angleterre, dont les

armes sont des Lions.

7. La ville de Mons capitula le Dimanche des Rameaux 8e. avril

et par consequent, elle fut surprise avant Pasques.

 

 

                                                                                                            [125]

Chanson                                   [X]                               1691.

 

Sur l'Air. des Pelerins de Sr. Jacques.

 

Intitulée le Pelerinage du Prince d'Orange

a Notre Dame de Hall, au mois d'Avril

1691.

 

Nota: Que cette Chanson est une plaisanterie

sur Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange

Couronné Roy d'Angleterre, lequel etant passé en hol=

=lande et venu a la Haye conferer avec plusieurs Princes

d'Allemagne; aprit que le Roy Louis XIV. Roy de France

assiegeoit la Ville de Mons; cela obligea ce Prince a rompre

sa conference et a former un Corps d'Armée avec lequel

s'estant avancé jusqu'a Hall, où est une Image de la

Vierge Marie que les gens du pais bas Espagnol honorent

beaucoup, il n'oza tenter le secours de Mons; c'est pour cela

que l'auteur de cette Chanson traitte cette expedition du

Prince d'Orange de Pelerinage a Ne. De. de Hall.

 

 

Guillaume1 laissant dans Bruxelles

            Castannaga2,

Par le grand chemin de Nivelle3,

            Droit s'en alla,

En Pellerin se presenter,

            A nôtre Dame4;

                                    Ce

 

 

1. Guillaume Henry de Nassay Prince d'Orange.

2. Le Marquis de Castanaga Gouverneur general des pais

bas Espagnols.

3. Le gran chemin de Bruxelles a Nivelle passe a Hall.

4. L'Image de la Ste. Vierge qui est a Hall.

 

 

                                                                                                            [126]

 

Ce fut pour lui recommander

Le succés de ses Armes.

 

Mais en commençant sa neuvaine,

Dieu quel chagrin!

Lorsqu'un courier party de Braine5

            Vint du matin,

Lui dire qu'il falloit plier,

            Visite bagage,

Et son prompt secours6 renvoyer

Pour un autre voyage.

 

Quoi ! s'écria t'il en colere

            Mons7 est rendu,

Pour la ligue8, quelle misere,

            Tout est perdu,

Retournons nous en promptement

            En Angleterre.9

                                    Là

 

5. Braine le Comte petite Ville entre Mons et Bruxelles.

6. Les troupes qu'il avoit amenées pour secourir Mons.

7. La ville de Mons.

8. On verra dans le Couplet suivant quels Princes composoient

cette ligne qui etoit l'ouvrage du Prince d'Orange.

9. Il y avoit peu que le Prince d'Orange en etoit party.

 

 

                                                                                                            [127]

 

Là nous serons plus seurement,

            A l'abry de la guerre10;

 

Castanga11, et vous Baviere12,

            Faut filer doux;

Gros Hollandois13, buveurs de biere,

            Songez a vous,

Leopold14, Hesse15, Brandebourg16,

            Je me retire;

Ma foy, pauvre ligue d'Ausbourg17,

            Tu vas perdre l'Empire18.

 

En vous Dame de délivrance19,

            J'ay grande foy,

                                                De

 

10. Il n'y avoit point de guerre en Angleterre et c'étoit alors le

seul Royaume de l'Europe qui en fut exempt.

11. Antonio Agourto Marquis de Castanaga Gouverneur gnal

des pais bas Espagnols.

12. Maximilien-Emanuel Duc de Baviere.

13. Les Etats generaux des Provinces unies.

14. Leopold-Ignace Empereur.

15. Guillaume VII. Landgrave de Hesse.

16. Frederic Marquis de Brandebourg.

17. La Ligue d'Ausbourg signée en cette ville l'an 1683. contre la

France, entre l'Empereur, l'Empire, l'Espagne, la Suede, les

Etats Generaux des Provinces unies. &ca.

18. Si la Prise de Mons avoit donné {lieu} a la prise des pais bas

par la France, toutes les forces de cette Couronne seroient retombées

                                                                                                            sur

 

 

                                                                                                            [128]

 

De ce terrible Roy de France21,

            Delivrez moy,

Et j'envoyeray devotement

            Mille chandelles.

Qui brûleront incessamment

De dans vôtre Chapelle.

 

sur l'Empire qui ayant encore {la guerre} en Hongrie contre le Ture,

auroit couru risque.

19. C'est ainsi que les Flamans apellent Ne. De. de Hall.

20. Les Flamans ont grand foy a cette Ne. De. et l'auteur veut

donner a entendre que le Prince d'Orange etoit au bout de

son Roollet, par la prise de Mons.

21. Louis XIV. dit le grand, Roy de France.

 

 

 

                                                                                                            [129]

 

Epigramme                                                                               1691.

 

Sur la prise de la ville de Mons le 8.

Avril 1691. par le Roy Louis XIV. comman=

=dant son Armée en personne.

 

 

            A la Haye en vain assemblez1,

Vingt Princes2 Courtisans du Lion d'Angleterre3,

Preparent lentement les projets d'une guerre,

            Dont ils se sentent accablez4,

            Louis armé sort de Versailles,

La terreur et la mort marchent devant ses pas,

Des Bombes, des Canons l'effroyable fracas,

Fait ecrouler de Mons les superbes murailles,

            Que de Forts, de villes, d'Etats,

            Sont sur le penchant de leur chute6.

                                                            Deliberez

 

 

1. Lorsque le Prince d'Orange aprit le siege de Mons, il etoit

a la Haye en Hollande, où les Electeurs de Baviere, de

Brandebourg, le Duc d'Hanover et plusieurs autres Princes

d'Allemagne etoient assemblez prés de lui pour regler

les projets de la Campagne prochaine selon ses ordres.

2. C'est un nombre certain pour un incertain, car il n'y en avoit

pas vingt.

3. Le Prince d'Orange qui etoit couronné Roy d'Angleterre

dont les armes sont des Lions.

4. La guerre etoit tres onereuse aux Princes d'Allemagne par

les depenses ausquelles elle les engageoit et le peu de profit qu'ils

en retiroient.

5. Maison Royalle a 4. lieues de Paris, où le Roy Louis XIV.

faisoit son sejour ordinaire.

6. De plus il est certain que la Prise de Mons, ébranloit le reste

                                                                                                des

 

 

                                                                                                            [130]

 

 

Deliberez toujours, ô sages Potentats

            Pendant que Louis execute.

 

 

des pais bas par sa situation et sa bonté.

 

 

                                                                                                            [131]

Stances [X]                                                                               1691.

 

Irregulieres sur la prise de la Ville de Mons [X]

par le Roy Louis XIV. commandant son

Armée en personne le 8. Avril 1691.

 

 

            Un Roy de nouvelle fabrique1,

Qui tout d'un coup de gloire et de grandeur se pique

            Veut être égal au grand Louis2,

            Et dans le dessein temeraire

            D'imiter ses faits inouis,

Abandonne le Trosne et vient pour le voir faire3,

 

Malgré les flots glacez et les vents furieux,

Comme un autre Cezar, il affronte Neptune4;

                                                            Et

 

 

1. Guillaume Henry de Nassau, Prince d'Orange, Couronné

Roy d'Angre. comme on a veu plus haut en plusieurs endroits.

2. Louis XIV. du nom dit le grand, Roy de France.

3. Le Prince d'Orange avoit quitté l'angleterre et êtoit passé

en Hollande pour assister a une conference de plusieurs Princes.

Il y apprit le Siege de Mons, ce qui l'obligea a la rompre et a

s'avancer avec un Corps de troupes jusqu'a Hall, où il aprit la

nouvelle de la place assiegée et prise ensuitte.

4. Il passa d'Angleterre en Hollande l'Hyver par un temps epou=

=vantable et pensa perir en abordant.

5. L'Auteur compare le Prince d'Orange a Cezar qui traversant

la mer par une effroyable tempeste dans un petit esquif dis

au Pilote epouvanté: Que crains tu. Tu menes Cezar et sa

fortune.

 

 

                                                                                                            [132]

 

Et dans un foible esquif, ce Prince ambitieux

            Commet Guillaume et sa fortune5,

            Pour voir prendre Mons a ses yeux.

 

Ce Heros6, qui croit vaincre un jour toute la terre,

            A pris heureusement son tems

Pour être le temoin d'un grand exploit de guerre7,

            Et retourne des plus contens.

            En faire part à l'Angleterre,8

Dont les Lords9 inquiets n'ajouteroient point foy

            A cette Conqueste incroyable,

            Sans le temoignage d'un Roy.

 

5. {Voyez cette note transcrite a la page cy devant.}

6. C'est toujours le Prince d'Orange.

7. La prise de Mons

8. Il repassa en Angleterre aussitost après la prise de Mons.

9. C'est dire les Milords.

 

 

                                                                                                            [133]

Chanson                                                                                               1691.

 

Sur l'Air: de Pierre Bagnolet.

 

Sur la reception du Sr. de Fontenelle a

l'Accademie Françoise

le 5. May 1691.

 

 

Or écoutez noble assistance

Ce qu'a l'Accademie on fit1,

Dans la memorable seance

Où l'on receut ce bel Esprit2,

            Ce qui fut dit,

            Ce qui fut dit,

Par ce modelles d'eloquence,

A bien merité d'etre escrit;

 

Quand le Novice Accademique 3

Eut salué fort humblement

D'une Normande Rethorique4,

Il commença son compliment,

            Ou sottement,

                                                Ou

 

 

1. L'Academie Françoise.

2. Le Sr. de Fontenelle.

3. Le Sr. de Fontenelle recipiendaire.

4. Fontenelle est natif de Normandie.

 

 

                                                                                                            [134]

            Ou sottement,

De sa Noblesse poëtique5,

Il fit un long denombrement.

 

Corneille6 diseur de nouvelles

Supost du Mercure galand7,

Loua vanta le prix excellent,

            De son talent,

            De son talent,

Non satisfait des bagatelles

Qu'il dit de lui douze fois l'an8.

 

Doyen de pesante {plaisante} figure9,

Qui trouvez le secret nouveau

                                                De

 

5. Il est neveu de Pierre de Corneille si fameux par les

belles tragedies qu'il a composées.

6. Thomas de Corneille frere de Pierre et oncle de Fontenelle

se trouva alors Chancelier de l'Academie, et receut son

neveu.

7. Thomas de Corneille a quelquepars au Livre du Mercure

galant qui se fait tous les moi et que compose avec luy...

N...... Ursé.

8. Dans chaque Mercure galland Thomas de Corneille y mesle

toujours autant qu'il le peut quelque louange de son Neveu

Fontenelle.

9. François Charpentier Avocat au Parlement Doyen de l'Ac=

cademie Françoise; il est fort gros et fort pezant.

 

 

                                                                                                            [135]

 

De parler aux Rois en peinture10,

Et d'apostropher leur Tableau,

            Ah qu'il fait beau,

            Ah qu'il fait beau,

De te voir en cette posture

Faire a Louis le pied de veau.

 

Si tu ne scavois pas mieux faire

Lavau2, falloit il imprimer,

Ne sort point de ton caractere,

Contente toy de declamer12,

            Sans presumer,

            Sans presumer,

                                    Que

 

10. A la reception de Fontenelle Charpentier lût publiquement

une harangue qu'il avoit faite pour prononcer devant le

Roy au retour de la Conqueste de Mons. Sa M. ne voulut

en recevoir aucune, de maniere que Charpentier qui ne vouloit pas

que sa peine fut perdue, la lût en pleine Academie, où est le

Portrait du Roy, et c'est pour cela que l'auteur, dit qu'il ne parle

aux Rois qu'en peinture.

11. Louis Irland de Lavau Bibliothecaire du Cabinet du Roy,

Tresorier de St. Hilaire le Grand de Poitiers, de l'Academie

Francoise, prononça dans cette journée un discours qu'il avoit

composé a la louange du Roy, avant de lire quelqu' autres

ouvrages dont il s'etoit chargé de faire part a l'Accademie

et qu'avoient composé Michel de Clerc, et Charles Perrault

ses Confreres. Ce discours ne fut pas trouvé trop bon, et fut neant=

=moins imprimé dans le Recueil que l'on donna au public de

tout ce qui fut lû dans ce jour.

12. L'Abbé de Lavau lit et declame fort bien, aussi voit on

                                                                                    qu'il.

 

           

                                                                                                            [136]

Que ton ignorance grossiere13,

Sur le papier nous peut charmer.

 

Excepté de ton faux sistesme,

Perraut14, Philosophe mutin,

Discourant d'une force extreme,

Et coeffé de son avertin15,

            Fit le lutin,

            Fit le lutin,

Pour prouver clairement lui même,

Qu'il ne scait ny gréc ny latin.

 

Boyer17, le Clerc18, couple inutile19,

                                                Grands,

 

qu'il fut chargé de lire les ouvrages de Perraut et de le Clerc. Celui

de Perraut etoit un poeme en vers irreguliers intitulé Griselde ou

la patience de Griselidis, l'ouvrage de le Clerc etoit une Action de graces

a Dieu pour la continuation de l'heureux succés des armes du Roy;

l'Abbé de Lavau lût aussi une Epitre envers de Made. des

Houlieres a Mgr le Duc de Bourgogne.

13. L'Abbé de Lavau ne passe pas pour être fort habille.

14. Charles Perrault, Controlleur general des Bastimens du Roy,

de l'Academie Francoise, lequel a composé un ouvrage pour

prouver que les auteurs modernes, historiens, Pactes, orateurs

&ca. l'emportoient sur les anciens.

15. Avertin en Patois Poitevin, veut dire entestement et fantaisie.

16. L'Auteur de la Chanson entend qu'il faut que Perraut ne

scache ny grec, ny latin pour preferer les auteurs modernes aux

anciens.

17. Claude Boyer de l'Academie Françoise.

18. Michel le Clerc Avocat en Parlement, de l'Academie Françoise.

19. Bayer et le Clerc sont 2. Accademiciens fort inutiles a l'Accademie.

 

 

                                                                                                            [137]

 

Grands massacreurs de Hollandois20,

Porteurs de Madrigaux en ville21,

Moitié Gascons, moitié François,

            Vieux Albigeois22,

            Vieux Albigeois,

Allez exercer vôtre stile

Prez du successeur d'Henry trois23,

 

Touchant les vers de Benserade24,

On a fort longtemps balancé,

Si c'est louange ou Pasquinade;

Mais le bonhomme est fort baissé,

            Il est passé,

            Il est passé.

Que l'on lui chante en serenade,

De Requiescat in pace.

                                                Prions

 

20. Boyer et le Clerc sont quantité d'ouvrages a la gloire du

Roy, où ils predisent toujours la ruine des Hollandois et des

autres Ennemis de S. M. c'est pour cela que l'auteur les appelle

massacreurs des hollandois.

21. Boyer et le Clerc font souvent des Madrigaux qu'ils portent

par les maisons, et qui pour l'ordinaire sont fort mauvais.

22. Boyer et le Clerc sont de la ville d'Alby, c'est pour cela que

l'auteur les appelle Albigeois.

23. C'est a dire sur le Pont neuf vis avis la Statue equestre

d'Henry IV. Successeur d'Henry III.

24. Isaac de Benserade de l'Accademie Françoise qui leur aussi

a la reception de Fontenelle des vers burlesques de sa façon.

 

 

                                                                                                            [138]

Prions Dieu, la vierge Marie,

Et tous les Saints de Paris,

Que du Corps de l'Academie.

Tous ignorans soient interdits;

            Comme jadis,

            Comme jadis,

Quan Richelieu25, ce grand genie,

Prit les premiers quatre fois dix26.

 

25. Armand-Jean du Plessis de Richelieu Cardinal, 1er

Ministre sous le Roy Louix XIII. lequel fonda l'an 1637...

l'Accademie Françoise, et en fut le 1er. Protecteur.

26. Le Cardinal de Richelieu la composa de 40. personnes

comme elles est encore aujourd'huy.

 

                                                                                                            [139]

 

Chanson                                                                                   1691.

Sur l'Air: de Pierre Bagnolet.

,

Sur Jacques Testu, Prestre et Abbé, lors

Directeur de l'Accademie Françoise.

 

De l'Epitre de des Houlieres1,

On fait icy2 beaucoup de bruit

Auprès de ses vives lumieres,

Aucune lumiere ne lui,

            Par ce qui suit,

            Par ce qui suit,

On voit que sur quelques matieres,

Trop bien louer quelquefois nuit,

 

De par l'Abbé Testu qu'en Mitre3,

Ne verront jamais ses amis,

On a convoqué le Chapitre,

                                                De

 

1. Madame des Houlieres fameuse par les beaux ouvrages de

Poesie qu'elle a faits, composa une Epitre l'an 1691. adressée au

Roy Louis XIV. sur la prise de la ville de Mons par sa M.

2. Paris.

3. L'Abbé Testu a longtems esperé d'etre Evesque par le

Credit d'Anne Poussart Duchesse de Richelieu Dame

d'honneur de la Reine Marie Thereze d'Autriche, et puis

d'Anne-Victoire Christine de Baviere Dauphine de France;

mais cette Duchesse qui etoit extremement de ses amies ny pût

reussir, et elle morte en 1683 l'abbé Testu n'estoit plus endroit d'y

pretendre.        

 

                                                                                                            [140]

De Noseigneurs les beaux Esprits4,

            Qu'il a repris,

            Qu'il a repris,

Moins pour avoir leu cet Epitre,

Que pour n'en avoir rien obmis5.

 

Ce jour là d'humeur si mutine,

Se trouva le docte troupeau6,

Qu'a sa fatuité blondine7,

On cria de chaque bureau8,

            Dans le paneau,

            Dans le paneau,

Qu'a tendu le devot Racine9,

Il a donné comme Dangeau10,

                                                Quand

 

4. L'Auteur entend par là l'Academie Françoise que l'Abbé

Testu fit assembler en qualité de Directeur.

5. C'est qu'il avoit dans cet Epitre un article tout entier qui ne

parloit que de Mr. de Louvois, et l'Abbé Testu, comme quelques

autres trouvoit mauvais qu'en parlant au Roy on louast un autre

que sa M. il le dit en pleine Academie.

6. L'Academie Françoise.

7. L'Abbé Testu, parce qu'il porte une Perruque blonde.

8. L'Accademie Françoise s'assemble en differents Bureaux.

9. Lisez l'article suivant.

10. Pour scavoir ce que ce cy veut dire, il faut scavoir que Louis de

Courcillon Abé de Dangeau lecteur du Roy, voulant lire cette

Epitre a sa M. l'a lût auparavant au Sr. Racine, si connu par

les belles Tragedies qu'il a faites, et lequel est presentement fort

devot, le Sr. Racine lui conseilla de suprimer l'article qui regardoit

                                                                                                Mr.

 

 

                                                                                                            [141]

Quand un vent de cabale soufle

Il est bon de se tenir droit,

Testu ce doucereux Maroufle11,

Se trompera s'il ne m'en croit,

            Mieux lui vaudroit,

            Mieux lui vaudroit,

Qu'encore de quelqu'autre pantoufle12,

On luy couvrit certain endroits.

 

Cette histoire13 est trop ridicule,

Pour ne l'a pas faire scavoir,

Il offroit a la Dame14 incredule

Sa Chandelle, et la faisoit voir.

            Sans s'emouvoir,

            Sans s'emouvoir,

                                    La.

 

Mr. de Louvois lorsqu'il la liroit a sa M. ce que l'Abbé de

Dangeau executa les speculatifs pretendoient que c'estoit un

paneau que Racine tendoit ou a l'abbé Dangeau, ou a Madame des

Houlieres, et que l'abbé Testu de son costé y avoit donné en con=

=dammant cet article.

11. L'abbé Testu fait quelquefois le doucereux.

12. Lisez l'Article suivant.

13. L'histoire est que l'abbé Testu estant desja sur le retour;

s'avisa d'être amoureux de la jeune Marquise de Leuville, et

qu'en lui contant ses raisons il lui montra son. V....... pour la

persuader. la Marquise qui le meprisoit au lieu de se fscher de

cette insolence tira froidement une de ses mulles de ses pieds et

en couvrit le V........ de l'Abbé.

14. La Marquise de Leuville.

15. Son V....... comparé par l'auteur a une Chandelle.

 

 

                                                                                                            [142]

 

La folette tira sa Mulle,

Et la fit servir d'Esteignoir16,

Au lieu de venger cette injure,

Les amours a malice enclins,

Rioient entre Eux de l'avanture,

Du Doyen17 des Abbez blondins,

            Ces Dieux badins,

            Ces Dieux badins,

Se disoient vois tu la Coiffure,

Qu'on a mise au Dieu des Jardins18.

 

16. L'Auteur compara la mule de la Marquise de Leuville aux

Esteignoirs des Cierges des Eglises parce qu'elle fit le meme effet

sur le N.... de l'Abbé.

17. L'Abbé Testu etoit desja trop vieux pour être amoureux

sans etre ridicule.

18. Priape Dieu des Jardins chez les Payens l'etoit aussi des V.....

si bien que par le mot de priape on entendoit l'un et l'autre.

 

 

                                                                                                            [143]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: de Pierre Bagnolet.

 

Servant de reponse a la precedente, et adressée

a Jacques Testu, Prestre Abbé de Belleval.

 

De cette Chanson que l'on chante,

Testu l'on ne fait pas grand cas,

Elle est sotte, elle est impudente,

Et sent le drille de cent pas,

            Et les esbas,

            Et les esbas,

Que cette vieille impertinence1,

Se donnoit du temps de Gallas2.

 

 

1. L'Auteur pretend parler de Made. des Houlieres femme

d'un esprit admirable qu'il soubçonne estre l'auteur de

la Chanson precedente.

2. General Allemand qui vivoit il y a 50. ans.

 

 

                                                                                                            [145]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: de Joconde.

 

Dans laquelle l'auteur fait parler......

Perrot, laquelle êtant veuve d'Honoré

Barentin Me. des Requestes honoraire, et

President du Grand Conel. dont elle avoit

plusieurs grands Enfans; Epousa par amour

l'an 16...... de Damas Sr. de Courmail=

=lon Ingenieur, et jeune homme sans bien,

{qui fut tué au siege de Namur en 1692.}

 

 

Chacun me dit que mon mary,

Est un foudre de guerre1,

Son grand courage fait grand bruit,

Aux deux bouts de la terre;

Pour moy, je scay fort bien qu'icy2,

Sa valeur est sans bornes;

Car il attaque chaque nuit,

Un grand ouvrage a Cornes3.

 

1. Il y a de l'exageration dans les 4. premiers vers. Courmaillon

avoit de la valeur; mais c'estoit tout son merite, car il êtoit

fou, et tres mediocre Ingenieur.

2. Chez. Made. de Courmaillon.

3. L'Auteur par une tres fade et tres mauvaise équivoque

veut dire le C..... de cette femme qui devoit être fort grand.

 

 

                                                                                                            [147]

 

Chanson                                                                                   1691.

Sur l'Air: Quand Iris prend plaisir à boire.

 

Sur la levée du Siege de la Ville de Conis

en Piemont assiegée par un detachement

de l'Armée de France en Italie l'an 1691.

lequel se retira de devant cette place le 28.

du mois de Juin.

 

Si Conis a secu se deffendre,

Si nos Soldats n'on sceu le prendre,

Ce n'est pas faute de vigueur,

Si Catinat1, n'avoit pas crû Feuquieres2,

Qui vouloit en avoir l'honneur3,

                                                Si

 

1. .......... Catinat Lieutenant gnal des Armées du Roy, Gouver=

=neur de la ville de Luxembourg, et Lieutenant gnal de cette

Province, General de l'Armée Françoise en Italie.

2. ......... de Pas Marquis de Feuquieres Gouverneur des ville et

Citadelle de Verdun, Maāl des Camps et Armées du Roy,

servant dans l'Armée que Commandoit Mr. de Catinat.

3. Le Marquis de Feuquieres persuada a Mr. de Catinat qu'il avoit

une intelligence dans la ville de Conis, et qu'on en ouvroit la porte

des que les troupes Françoises paroitroient; Mr. de Catinat sur

cela y envoya un detachement de son armée commandé par le

Sr. Bulonde Lieutenant gnal, et Feuquieres Maāl de Camp la

place se trouva tres bien munie d'hommes et de munitions, le

Gouverneur qui etoit le Comte de Bernay etoit tres resolu a se

bien deffendre. Feuquieres ny avoit aucune intelligence quoiqu'il

dist, de maniere que bien loin de se rendre assiegez firent

                                                                                    sorties

 

 

                                                                                                            [148]

 

Si Bulonde4 n'eust pas eu peur5,

            Tous les secours,

            Tous les secours,

            Ne servoient gueres.

 

 

sorties où ils tuerent 500. hommes des assiegeans par le peu

de precaution qu'on avoit eu de mettre la trachée en bon êtat

sur la tres perilleuse parolle de Feuquieres qui asseuroit tou=

=jours que l'intelligence qu'il avoit dans la place, l'a feroit rendre.

4. Pierre Bulonde Grand Prieur de l'Ordre de St. Lazare

Lieutenant general des Armées du Roy, et Commandant

le detachement qui assiegeoit Conis.

5. Bulonde ayant eu avis que le Prince Eugene de Savoye

venoit avec 3000 hommes a dessein de secourir Conis eut si

grand peur qu'il leva le siege, quoique Mr. de Catina lui eut

mandé qu'il lui ennoyoit un secours plus fort, sous le Sr.

de St. Silvestre Maāl de Camp, que n'étoit celui du Prince Eugène

de Savoye, aussi Bulonde fut il mis prisonnier dans la

Citadelle de Pignerol par ordre de la Cour.

6. L'Auteur entend le secours du Prince Eugene.

 

                                                                                                            [149]

 

Chanson           [X]                                                                   1691.

 

Sur l'Air: des Echos de l'Opera de .........

 

Sur la Levée du Siege de Conis le 28e. Juin. [X]

dont il est parlé dans la Chanson precedte.

 

 

Partons mes chers amis,

Partons mes chers amis,

Voici venir les Mondovits1,

Les Montecuculli2,

Qui diable, nous amene

Ce maudit Prince Eugene3,

Feuquieres4, eut il crû

Julien5 si testu.

                        Profitons

 

1. Les Milices de Mondovits sujetes du Duc de Savoye qui

venoient au secours de Conis.

2. Le Regiment de Montecuculli au service de l'Empereur

qui etoit en Piemont avec le reste des troupes que sa M. Impe=

=rialle avoit envoyé au secours du Duc de Savoye.

3. Le Prince Eugene de Savoye qui commandoit le secours

destiné pour Conis, comme on a pû voir dans le Commentaire

de la Chanson precedente.

4. Le Marquis de Feuquieres Marêchal de Camp sur la peril=

=leuse parole duquel le siege de Conis avoit êté entrepris comme on

a pû voir dans le Commentaire de la Chanson precedente.

5. Julien Huguenot François de nation et Colonel d'un Regimt

de Barbets qui etoit dans Conis, et qui eut la principalle gloire

dans les trois sorties dont il est parlé dans les Commentaires

de la Chanson precedente.

 

 

                                                                                                            [150]

Profitons de l'obscure nuit6,

Et surtout decampons sans bruit.

 

6. On leva le siege la nuit.

 

 

                                                                                                            [151]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: Quand l'Opera tant vanté,

par la Grille.

 

A Emanuel Theodoze de la Tour d'Au=

=vergne de Bouillon Cardinal Grand Au=

=mosnier de France.

 

Grand Cardinal,

Qu'on aime et qu'on revere,

D'un cœur tout Royal,

Et d'un mérite sans égal,

Qui fais ton Capital,

De toujours plaire,

Envoyons tous nos chagrins en France1,

Oublions la Cours, vivons en liberté.

Un traitement qu'on a pas mérité2,

Laisse au moins le repos de conscience.

 

1. Cette Chanson a êté faite a Rome l'an 1691. ou l'auteur êtoit

avec le Cardinal de Bouillon.

2. On a pû voir plus haut dans une Chanson de 1674. que Mr. de

Turenne Oncle du Cardinal de Bouillon s'etant brouillé avec

Mr. de Louvois; celui cy s'en vengea a loisir sur toute la Famille

de ce grand homme par les mauvais traitements qu'il leur fit

souffrir, ayant animé le Roy Louis XIV. contre leur vanité.

Ils en souffrirent tous en general et en particulier; mais le Cardinal

plus que pas un; Car il fut chassé de la Cour et relegué plusieurs

années dans ses Abbayes. On l'obligea l'an 168... à renoncer a

                                                                                    l'Evesché

 

 

                                                                                                            [152]

 

l'Evesché de Liege dont il etoit asseuré quoique cela fut

prejudiciable aux Interests de la France, et qu'on fut seur

que celui qui seroit Eleu, qui fut le Doyen du Chapitre, nommé

seroit son ennemy, ce qui arriva cette disgrace dura avec fureur

tant que Mr. de Louvois vecut et subsistoit encore a Rome

où le Cardinal de Bouillon etoit pour le Conclave d'Alexandre

VIII. et où il étoit alors, l'an 1691. qu'Innocent XII. succeda

a Alexandre.

 

                                                                                                            [153]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air des Contreveritez

 

Envoyée de Paris a Rome, par Philippe de

Mancini Duc de Nevers Chevalier des

Ordres du Roy &ca. adressée a Philippes Ema=

=nuel de Coulanges qui êtoit dans cette derniere

ville avec Charles d'Albert d'Ailly Duc de

Chaunes, Pair de France &ca. Ambassadeur

de France pendant le Conclave, où fut eleu

le Pape Innocent XII.

 

Nota; Que cette Chanson est une reponse a une autre Chanson

sur le meme air que le Sr. de Coulanges avoit escrite au Duc de Nevers

sur son depart de Rome pour Paris et qu'on n'a pas jugé a propos

de la mettre dans ce Recueil parce qu'elle ne contient rien d'historiq.

mais seulement des regrets de l'absence de ce Duc et de la Duches=

=se sa femme, qui s'en etoit retourné en France.

 

Croyez cher Coulanges,

Que tout l'or du Gange1,

On donneroit pour vous avoir;

Mais si vous voulez voir

Mettre une Eminence3

                                                Au

 

1. Fleuve qui passe dans les Indes d'où vient l'or.

2. Le Duc de Nevers qui étoit a Paris lorsqu'il fit cette Chanson

temoigne au Sr. de Coulanges qu'il desire fort qu'il vienne.

3. Un Cardinal.

 

 

                                                                                                            [154]

Au trosne Papal4,

Bienheureux si vous êtes en France,

Pour le Carnaval5.

 

D'un retour qui traine,

Dieux ! en quelle peine,

Je vois la Venus de Damas6,

Si vous ne veniez pas.

Adieux Chaune7, et Fresne

Beaux lieux pleins d'appas9,

Adieux Temple10, adieu Marne11, adieu Seine12,

Quel malheur helas.

                                    Quoy

 

 

4. On a dit dans l'Argument que les Cardinaux etoient assemblez

dans le Conclave pour elire un Pape en la place d'Alexandre

VIII. qui etoit mort le 1er Fevrier. de cette même année 1691.

5. Le Duc de Nevers prevoyoit avec raison que le Conclave servit

fort long.

6. Diane-Gabrielle de Damas femme du Duc de Nevers, Dame

tres aimable, c'est par cette raison que le Duc son mary lui

donne le nom de la Deesse de la beauté.

7. Maison du Duc de Chaulnes en Picardie a 25. lieues de Paris.

8. Maison du Duc de Nevers a 8. lieues de Paris vers meaux.

9. Ces deux Maisons sont fort belles.

10. Le Temple a Paris où demeuroit Philippe de Vendosme Grand

Prieur de France neveu du Duc de Nevers et où il alloit souvent

manger et se divertir.

11. La Riviere de Marne qui se jette dans la un peu au dessus

de Paris.

12. La Riviere de Seine qui passe a Paris.

13. Le Duc de Nevers avoit a Rome projetté plusieurs parties de

plaisir dans tous ces lieux lorsqu'il seroit a Paris avec le Sr.

                                                                                                de

 

                                                                                                            [155]

Quoi toujours verrai-je

Le sacré College,

En deux factions partagé14,

Saint Pierre est outragé15,

Ce n'est qu'un manege,

Tout est dérangé,

L'interest marche avec grand cortege,

Dans le Saint Clergé.

 

Altieri16 declare,

Qu'il veut la Thiare,

Malgré les zelants17 opposez,

Vous le favorisez18,

Mesme avec fanfare;

                                    Mais

 

de Coulanges, et la peur qu'il a que cela n'execute de

longtemps a cause du long sejour de ce dernier a Rome,

l'obligea a s'en plaindre.

14. Le Sacré College etoit partagé en deux factions dans le

Conclave; scavoir celle des Zelans qui sont les Devots de profession

lesquels vouloient elire un Pape qui n'eut point de neveux

a fin d'abolir le Nepotisme et celle des autres Cardinaux qui

voulaient le conserver.

15. Par St. Pierre l'auteur entend l'Eglise que ces factions desoloient

en regardant de choisir un Pape.

16. Palutio Altieri Romain, fait Cardinal par le Pape Alexandre

VII. le 14. Janvier 1664.

17. C'est la Cabale des Devots, autrement appellée Baghetoni qui

s'opposoient a l'Election du Cardinal Altieri dans la crainte qu'il

ne retablit le Nepotisme.

18. Les Cardinaux François et surtout le Cardinal Cezard d'Estrées,

                                                                                                Camerlingue

 

 

                                                                                                            [156]

Mais gens plus rusez19,

Vous feront trebucher cet Icare20,

Vous vous abusez.

 

L'on ne voit qu'intrigue21,

Tout est fourbe et brigue,

Chacun fait valoir son party22,

Que pour Acciaioli23.

Coulanges se ligue,

Et pour Ginetti24,

Quant a moy je suis pour Barbarigue25.

Et pour Buonvisi26.

                                                            Mais

 

Camerlingue du Sacré College, le favorisoit extremement aussi

bien que toute la Cour de France, et cela avec d'autant plus de

Chaleur que cette Couronne avoit un grand interrest d'avoir

un Pape, sur lequel elle pût compter a cause des demeslez

qu'elle avoit avec la Cour de Rome. Il en est assez parlé dans

ce Recueil.

19. Les Zelants.

20. L'Auteur apelle le Cardinal Altieri Icare parce qu'il aspiroit

a la papauté ! où il ne croit pas qu'il puisse parvenir. Si le lecteur

ignore ce que c'est qu'Icare. Il n'a qu'a lire la 3e. Fable du 8e.

livre des Metamorphoses d'Ovide.

21. Dans le Conclave.

22. Chaque party de Cardinaux qui veut elire un des leurs.

23. Nicolas Acciaioli Florentin fait Cardinal par le Pape Clement

IX. le 29. Novembre 1669.

24. .................. Ginetti ............. fait Cardinal par le Pape.

25. .................. Barbarigo. Venitien fait Cardinal par le Pape.

26. François Buonvili Luquois fait Cardinal par le Pape Innocent

XI. le 1er. Septembre 1681.

 

                                                                                                            [157]

 

Mais puisqu'on differe

Le choix du Saint Pere27,

Après tant de mois ecoulez,

Rapellez, rapellez,

Bacchus28 et Cithere29,

Qui sont exilez30,

Et qu'on scache qu'avec Savonieres31,

Vous vous consolez.

 

 

27. D'un Pape.

28. Le Vin.

29. L'Amour.

30. La longueur du Conclave avoit ecarté tous les plaisirs a Rome.

31. ............... de Savonieres Gentilhomme François qui êtoit à lors

a Rome.

 

 

                                                                                                            [159]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air; des Ennuyeurs.

                                        

Sur l'Election du Pape Innocent XII. faite

a Rome le 12. Juillet 1691.

 

 

Notre Pape est Napolitain;

Mais c'est un Saint, ce qui s'apelle

Qui veut de l'Empire Romain,

Chasser a jamais la Donzelle,

Bannir les jeux, les Opera,

Le Carnaval et cetera.

 

Mais au moins de boire en repos,

Nous permettra t'il le Saint Pere,

Son nom, ses Armes, sont des Pots1,

Une Caraffe êtoit sa mere2,

Pour moy je veux avec éclat

Celebrer son Pontificat.

 

 

1. Ce Pape etoit de la Maison de Pignatelli originaire de Naples

dont il êtoit meme Archevesque lorsqu'il fut elû, et les armes

de cette maison sont d'or a 3. petits pots de sable qui sont

des Armes parlantes. le mot Italien Pignata voulant dire

en François un Pot, et le mot de Pignatelli, de petits pots.

2. La Mere de ce Pape etoit de la Maison de Caraffa aussi

originaire de Naples, et comme par le mot de Caraffe en François

nous entendons une fiole de verre avec laquelle, on donne à boire.

 

                                                                                                            [160]

 

l'Auteur de la Chanson Joue sur ce mot de même que sur

celui de Pignatelli.

 

                                                                                                            [161]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air de Pierre Bagnolet.

 

Sur le Conclave du Pape Innocent XII. elevé

au Pontificat le 12e. Juillet 1691.

 

Abbé1 d'un rayon de Lumiere,

Illuminez mon pauvre esprit,

Helas sur certaine matiere,

Je me trouveray deconfit,

            Si l'on me dit,

            Si l'on me dit.

Contrez nous un peu la maniere,

Dont le Pape Innocent2 se fit.

 

Trouvez bon que je vous demande

D'Ottobuon3 ou d'Odescalchi4,

                                                Quelle

 

1. Cette Chanson est adressée a l'Abbé de Polignac qui étoit dans le

Conclave en qualité de Conclaviste d'Emanuel-Theodoze de la Tour

d'Auvergne et archevesque de Naples. Il fut fait Cardinal le 5. Septemb.

1681.

2. Le Pape Innocent XII. il s'apelloit Antonin Pignatelli. Il etoit Na=

=politain et archevesque de Naples. Il fut fait Cardinal le 5. Septemb.

1681.

3. C'est a dire la faction ou les Creatures du Pape Alexandre VIIIe.

dont on disoit le Successeur; lequel avant que d'etre Pape s'apelloit

Pierre Ottobuoni Cardinal, il etoit Venitien. Il fut eleu Pape le 6e.

Octobre 1689. Il succeda a Innocent XI. et il mourut le 1er. Fevrier

1691.

4. C'est a dire la faction, où les creatures du Pape Innocent XI. qui

du tems qu'il etoit Cardinal, se nommoit Benoist Odescalchi. Il

                                                                                                succeda

 

 

                                                                                                            [162]

Quelle troupe etoit la plus grande

Qui soutenoit Marescotti5,

            Qui Bonvisi,

            Qui Bonvisi,

Aeciaoli7, de quelle bande,

Cibo8, Delfin9, de quel party.

 

Dites moy de quelle Quadrille

Disposoit le bon Altieri10,

N'avoit il pas dans sa famille

De quoi satisfaire Chigi11,

            Et notre amy12

            Et notre amy,

Comment a t'il perdu Codille13,

La Poule14 devoit être a lui.

                                                De

 

{succeda a Clement X. le 27. Septembre 1676. et mourut au mois d'Aoust 1689. Il

etoit Milanois.}

5. Le Cardinal ................. Marescotti crée le ...... .

+

7. Le Cardinal Nicolas Aeciaoli Florentin, crée le 29. 9bre. 1699.

+6. Le Cardinal François Bonvisi Luquois, crée Cardinal le 1er. Sept.

1681.

8. Le Cardinal Alderan Cibo Masseran Evesque d'Ostie Doyen

du Sacré Colege, crée le 6. Mars 1645.

9. Le Cardinal Jean Delfin Venitien crée le 7. Mars 1667.

10. Le Cardinal Palucio Altieri Romain crée le 14er. Janvier 1664

il etoit protegé de la France qui eut bien voulu le faire Pape.

11. Le Cardinal Flavio Chigi Siennois crée le 9. Avril 1657. il

s'opposoit fortement a l'Election du Cardinal Altieri dont il etoit

ennemy. On ne pût jamais les racommoder quelqu'interest qu'on

y fit voir au Cardinal Chigi qui avoit une Niece qu'on auroit mariée

au neveu du Cardinal Altieri, s'il eut êté Pape.

12. C'est a dire ami de la faction Françoise qui le soutenoit.

13/14.} Terme du Jeu de l'Ombre.

 

                                                                                                            [163]

 

De combien êtoit l'assemblée

De nos Seigneurs les Cardinaux15?

Les Zelants16, l'ont ils tant troublée?

Comme ont publié leurs rivaux17,

            Comme en deux mots,

            Comme en deux mots,

Ils ont tant fait par leur menée

Que la Thiare, est sur les pots18.

 

Ils avoient une forte brigue19,

Et se sont demenez longtems

Pour favoriser Barbarique20,

Homme detaché de parents21,

            Mais ne pouvant,

            Mais ne pouvant,

Mettre a bonne fin cette intrigue,

                                                Pignatelle

 

15. C'est que tous les Cardinaux n'etoient pas a ce Conclave.

16. Les Zelants sont les devots de Cabale nommez ainsi, autrement

Baghetoni. Ils vouloient pour Pape un Cardinal qui n'eut

point de Neveu, afin d'abolir le Nepotisme.

17. Ce sont les Cardinaux qui vouloient conserver le Nepotisme.

18. C'est que les Armes de la Maison de Pignatelli sont 3. pots de

sable en champ d'or. Innocent XII. qui êtoit de cette Maison fut

fait Pape par les zelants, aussi n'avoit il point de Neveu, et il

etoit de leur faction.

19. Les zelants.

20. Le Cardinal ................. Barbarigo Venitien, crée le ....... du mois

de ........... 16 ......... et aussi zelant.

21. Il n'avoit point de Neveux.

 

 

                                                                                                            [164]

 

Pignatelle22 étoit de leurs gens23.

 

Au defaut de l'un venoit l'autre24,

Et l'Ambassadeur Autrichien25,

Portoit sous main ce Saint Apôtre26,

Pour exclure le Venitien27,

            Nous sommes bien,

            Nous sommes bien.

Mais pouvons nous appeller nostre

Un Cardinal Innocentien28.

 

Barbarigue29 encore de bon âge30,

Renversoit l'espoir d'Altieri31,

                                                Ottobuon

 

22. Antoine Pignatelli depuis Innocent XII.

23. Voyez l'article 18.

24. Au defaut de Barbarigo venoit Pignatelli.

25. Le Duc de Medina-Celi Ambassadeur du Roy d'Espagne Charles

II. a Rome.

26. Pignatelli.

27. Barbarigo.

28. On appelloit Cardinal Innocentien un Cardinal crée par Innocent

XI. Ils ne convenoient pas a la France parce que ce Pape etoit ennemi

de cette Couronne que la pluspart de ses Creatures etoient zelans

et attachez a ses sentimens. Pignatelli convenoit encore moins a

la France qu'un autre puisqu'outre tout cela il etoit Napolitain

et par consequent sujet du Roy d'Espagne, c'est pour cela que

l'Ambassadeur de ce Prince le soutenoit.

29. Le Cardinal Barbarigo.

30. Il etoit jeune.

31. Le Cardinal Altieri dans l'espoir d'etre Pape aprés la mort de

celui qu'on devoit elire, et voyant qu'il ne le pouvoit être dans ce

Conclave ou les Zelants etoient les plus forts, aimoit mieux. Pi=

=gnatelli que Barbarigo, parceque le 1er. etoit plus vieux que lui. Il

                                                                                                esperoit

 

 

                                                                                                            [165]

Ottobuon32 en cet homme sage33,

Crût voir des plaisirs l'ennemy34

            Donc a l'envy,

            Donc a l'envy,

L'un l'exclu par libertinage35,

L'autre d'ambition farcy36;

 

Moy37, j'avois donné mon suffrage,

Et je postulois pour Conty38,

Son nom, ses vertus et son âge39,

Meritoient qu'il fût bien loty;

                                                Mais

 

esperoit de lui pouvoir succeder, au lieu que Barbarigo êtant plus

jeune il lui survivoit selon toutes les apparences.

32. Le Cardinal N............ Ottobuoni venitien Neveu du Pape

Alexandre XVIII. aimoit fort ses plaisirs et dans la crainte

que Barbarigo homme très devot ne reformast le Sacré College;

Il aimoit encore mieux Pignatelli qu'il croyoit plus accort.

33. Barbarigo.

34. Lisez l'article 32.

35. Le Cardinal Ottobuoni.

36. Le Cardinal Altieri.

37. Philippes Emanuel de Coulanges auteur de cette Chanson qui

êtoit a Rome avec Charles Albert d'Ailly Duc de Chaulnes Pair

de France Chtr des Ordres du Roy. Gouverneur et Admiral

de Bretagne et Ambassadeur de Louis XIV. Roy de France

a Rome.

38. Le Cardinal ................... de Conty Romain crée le .......

de .............. 16.... .

39. C'etoit un homme d'une Illustre naissance de beaucoup de

merite et fort vieux.

 

 

                                                                                                            [166]

            Mais son party,

            Mais son party,

N'a pas reussi d'avantage

Que celui de Pancialici40.

 

 

40. Le Cardinal ............. Panciatici.

 

 

                                                                                                            [167]

Epitaphes                      [X]

 

de François-Michel le Tellier Mqs de Lou=

=vois, Ministre et Secretaire d'Estat, Chef et

sur intendant des Postes et Chevaux de relais

de France, des Bâtimens, Arts et Manufac=

=tures, Chancelier des Ordres du Roy, mort

subitement a Versailles le 16. Juillet 1691.

 

 

Cy gist sous qui tout plioit1,

Que Louis2 honora d'une estime parfaite,

Louvois que personne n'aimoit3

Et que tout le monde regrette4.

 

 

1. Mr. de Louvois êtoit tres absolu et avec cela etoit for brutal;

aussi il n'etoit pas surprenant que tout pliât sous lui aussi etoit

il fort hay; on doutoit meme pas qu'il n'eut êté empoisonné,

car il mourut subitement en un quart d'heure de tems sur les 4.

heures aprés midi revenant de chez le Roy avec qui il avoit tra=

=vaillé. Il se trouva mal chez S. M. En arrivant chez lui, il se

trouva plus pressé; il se fit saigner, et mourut en disant par deux

fois; je m'evanouis, on l'ouvrit. On trouva son cœur fletry la

pointe retournée et quelques taches livides dans son estomach. 5.

Medecins ou Chirurgiens de 8. qui y etoient presens signerent qu'il

êtoit empoisonné, le Roy lui meme le dit, et bruit ne laissa pas

de s'evanouir ensuite.

2. Louis XIV. dit le Grand Roy de France.

3. On vient de voir plus haut pourquoi personne n'aimoit Mr.

de Louvois.

4. Il est certain que tout hay qu'estoit ce Ministre la consternation

fut grande a sa mort a cause de la conjoncture dans laquelle il

mourut et de la place qu'il occupoit dans le Conseil du Roy ayt.

la Clef des affaires de la guerre et même des affaires Estrangeres

dont le secret passoit presque tout par ses mains a cause des Espi=

=ons et des Correspond. qu'il avoit dans les cours de l'Europe.

 

                                                                                                            [168]

Louvois est mort ce ministre tres digne5,

Pour ses amis, c'est une perte insigne6,

Mais pour l'Etat on le compte pour rien,

Car Dieu mercy, le Roy7 se porte bien.

 

5. Il est certain que M. de Louvois etoit un fort habile homme,

c'est trop que de l'appeller Ministre tres digne, car il lui

manquoit ces veues etendues si necessaires au Ministere,

mais c'etoit un excellent secretaire d'Etat pour la guerre

et dont personne ne se trouve capable de remplir la place;

aussi toutes ses charges furent elles alors separées. Francois-

Marie le Tellier Marquis de Barbezieux son second fils

exerça la Charge de Secretaire de la guerre dont il avoit la

survivance des l'année 1685. et eut encore celle de Chancelier

des Ordres du Roy. Paul de Beauvillier Duc de St. Aignan

Pair de France &ca. Chef du Conseil Royal des Finances

et Gouverneur de M. le Duc de Bourgogne fut fait ministre

d'Etat et avec lui Simon Arnauld Sr. de Pomponne lequel

ayant êté destitué l'an 1679. de la Charge de Secretaire d'Etat

des affaires Etrangeres qu'il possedoit depuis 8. ans fut

ainsi rapellé dans le Conseil. Michel le Peletier Coner. d'

Etat et Intendant des Finances succeda a Mr. de Louvois

dans la Direction generale des Fortifications du Royaume

tant de mer que de terre ........... Colbert Marquis de Villacerf

eut celle des Bastimens, la surintendance generale des

Postes fut exercé par Commission par Claude le Pelletier

Ministre d'Etat, les Arts et Manufactures, avec la Direction

generale des haras furent données a Louis Phelipeaux

Sr. de Pontchartrain Ministre et secretaire d'Etat, et Controlleur

general des Finances.

6. M. de Louvois soutenoit fort ses amis; mais il aimoit

tant la Canaille et craignoit tant les gens d'esprit, qu'il ne

protegeoit que des gens de rien ou des sots.

7. C'estoit un grand bien pour l'Etat que le Roy se portast bien,

car tout le Secret du Royaume etoit alors reparti entre sa M. et

Mr. de Louvois; Mr. de Pontchartrain n'en scavoit qu'une

partie. Charles Colbert Marquis de Croissy Ministre et Secretre.

                                                                                                d'Etat

 

 

                                                                                                            [169]

d'Etat pour les affaires Etrangeres etoit une beste, ainsi le

Roy eut manqué l'Estat êtoit perdu veu l'horrible guerre

qu'il avoit sur les bras toute l'Europe generalement etant

armée contre la France.

 

 

La mort a tort d'avoir ravi Louvois,

C'etoit sans doute une teste excellente;

Mais quoi, la mort en l'enlevant au Roy,

Lui rend par la trois millions8 de rente,

La mort n'a pas tort a ce prix

Ce qu'elle rend vaut bien ce qu'elle a pris9.

 

 

8. Outre la Surintendance generale des postes du Royaume

Mr. de Louvois avoit la jouissance du revenu des Postes

Etrangeres. On scavoit bien avant sa mort que ce revenu qu'il

possedoit depuis de 20. ans etoit exhorbitant; mais comme

il avoit l'habileté de n'en tenir aucun Registre, et de brûler

les Comptes qu'on lui en aportoit toutes les semaines, on ne le

pouvoit scavoir au juste; aprés sa mort ce revenu ayant

êté reuni au Domaine, on en offrit jusqu'à 1800m livres. par an

et non pas 3. millions, comme dit l'auteur.

9. L'auteur entend par la Mr. de Louvois.

 

 

Epigramme

 

            Sur le meme sujet que les Epitaphes cy dessus

 

 

On se fait un plaisir de parler et d'escrire,

Pour ou contre Louvois, pour moy je n'en dis rien,

Il a trop bien servi le Roy1 pour en medire;

                                                                                    Il

 

1. Il est confiant que Mr. de Louvois a tres bien servy le Roy;

Il est certain cependant que tout le monde l'accusoit d'estre

                                                                                    cause

 

 

                                                                                                            [170]

Il m'a fait trop de mal2 pour en dire du bien.

 

cause de la Guerre qui desoloit la France quand il est mort;

Made. de Maintenon et le Marquis de Seignelay ses Ennemis

etant plus forts que lui en tems de paix et l'ayant menacé de

le perdre dans l'esprit du Roy.

2. Mr. de Louvois etoit malfaisant, aussi etoit il parfaitement

hay de tout le monde.

 

Nota; Qu'on scent depuis que la mort de Mr. de Louvois avoit

êté causée par le chagrin qu'il eut de se voir a la veille d'estre

perdu; le Roy fut instruit ce dit on par Made. de Maintenon que

ce Ministre etoit l'unique cause de la guerre. Il le reprocha a lui

meme en travaillant avec lui. Mr. de Louvois qui n'avoit jamais

essuyé de pareilles reprimandes et qui etoit fort impatient, se

fascha et dit au Roy qu'il le suplioit de lui permettre de se

retirer dans sa Maison de Meudon jetta brusquemt. les papiers

qu'il tenoit sur la Table de sa M. et sortit; le Roy outré de colere

fut a l'heure même chez Made. de Maintenon et lui dit que le

lendemain il envoyeroit Mr. de Louvois a la Bastille. Made.

de Maintenon qui vit qu'elle avoit poussé la chose trop loin

voulut la raccommoder; pour cet effet dès que le Roy fut sorti de

chez elle, elle envoya jusqu'a trois fois chez Mr. de Louvois

lui dire de lui venir parler et qu'elle avoit des choses importantes

a lui dire. Ce Ministre fort brutal refusa toutes les 3. fois d'y

aller, Elle lui escrivit elle meme, et lui manda que c'estoit pour

ses propres interests qu'elle lui vouloit parler. Ce billet le fit

venir. Elle lui dit que s'il ne retournoit le lendemain au Conseil

a l'ordinaire, et comme si de rien n'eut été, qu'il seroit envoyé

a la Bastille, il en fut outré. Car il croyoit que le Roy dans

la conjoncture presente ne se pouvoit passer de lui; Il suivit

les Conseils de Made. de Maintenon; mais la veue de cette

disgrace lui fit une telle impression qu'il en mourut subitemt

peu de jours après comme il a êté dit; mais on le crût empoisonné

a cause de sa mort precipitée, et de l'ignorance où on êtoit a lors

de cette avanture qui ayant êté fort secrete se decouvrit par la

suite le Roy le regretta peu; Mais se croyant avec raison la

cause de sa mort il laissa a la famille de ce Ministre les

Etablissemens qu'il lui avoit procuré de son vivant, quoique ses

3. fils fussent d'indignes sujets.

 

                                                                                                            [171]

 

Chanson                                   [X]                                           1691.

 

Sur l'Air de Pierre Bagnoles.

 

Sur Claude Peletier Ministre d'Estat

que l'Auteur pretend allarmé pour lui du bruit

qui couroit que Michel le Tellier Marquis de

Louvois Ministre et Secretaire d'Estat êtoit

mort de poison, comme on peut voir dans les

Commentaires de l'Epigramme, et des

Epitaphes precedentes.

 

 

Depuis que par un cas étrange,

On croit Louvois mort de poison,

Peletier pourtout ce qu'il mange,

Amis bon ordre en sa maison;

            Mais sans raison,

            Mais sans raison,

Il a peur du Prince d'Orange1,

Car il a du contrepoison2.

 

 

1. Il y avoit beaucoup de gens qui croyoient que Guillaume

Henry de Nassau Prince d'Orange avoit fait empoisonner

Mr. de Louvois parce qu'etant le plus habile des Ministres

de France, sa perte eut êté tres prejudiciable aux affaires

de ce Royaume dont il avoit la principale conduite et

par consequent tres avantageuse a celle de ce Prince, le plus

cruel ennemy du Roy.

2. Mr. le Peletier auroit eu grand tort de se precautionner

                                                                        contre

 

 

                                                                                                            [172]

contre les attentas de ce Prince d'Orange, car son incapacité

le mettoit a couvert des mauvais desseins que ce Prince auroit

pû avoir contre le ministre de France, dont il etoit un membre

tres inutile.

 

                                                                                                            [173]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: Quand Iris prend plaisir a boire.

 

Sur Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange

Couronné Roy d'Angleterre et commandant

l'Armée des Confederez contre la France l'an

1691. dans les pais bas ne fit autre exploit cette

Campagne que de prendre une petite ville toute

ouverte nommée Beaumont, dans laquelle

il y avoit quelques fantassins.

 

 

Ah! qu'il est digne de louange

Ce genereux Prince d'Orange.

D'avoir fait grace au grand Bourbon1,

Prest d'envahir son riche et vaste empire2,

Il se contente de Beaumont,

Fait tirer deux coups de Canon3,

Voit Luxembourg4.

                                    Voit

 

1. Louis XIV. Roy de France.

2. La France que le Prince d'Orange a ce que disoient les

Confederez, devoit envahir.

3. Le Prince d'Orange aprés la prise de Beaumont fit tirer

deux coups de Canon, comme pour déffier au Combat l'Armée

du Roy qui n'etoit qu'a 2. lieues de luy.

4. Henry de Montmorency-Luxembourg Duc de Piney Pair

et Maāl de France, Chtr des Ordres du Roy, Capite. des

Gardes du Corps de Sa M. Gouverneur de Normandie, gnal

de l'Armée du Roy dans les pais bas.

 

 

                                                                                                            [174]

 

Voit Luxembourg,

Et se retire5.

 

5. Le Prince d'Orange se retira après ce bel exploit, et le

Duc de Luxembourg ne le pût joindre depuis que sur la fin

de la Campagne qu'il batit le 19. Septembre auprès de

Leuse l'arrieregarde de ce Prince aprés 14. Escadrons bien

qu'elle fut de ........... encore, le Prince d'Orange n'y êtoit plus

et avoit laissé le Commandement de son armée au Prince de

Waldeck et êtoit retourné en Hollande pour de la repasser

en Angleterre, où il alla peu après.

 

 

                                                                                                            [175]

 

Epitre                                                                                       1691.

 

Ecrite de Paris a Louis-Joseph Duc de

Vendosme, Pair de France, Chtr des Ordres

du Roy &ca. sur une maladie qu'il eut

en Flandres l'an 1691. pendant qu'il servoit

de Lieutenant general dans l'Armée qu'y

commandoit Henry de Montmorency-

-Luxembourg Duc de Piney, Pair et Maāl

de France.

 

 

            Prince qui faites les délices

            Et de l'Armée et de la Cour1,

            Du vieux soldat et de Milices2,

Et de toute la gent qu'assemble le Tambour,

            Le bruit de vôtre maladie

            A fait trembler pour votre vie;

Il n'est pelerinage où nous n'ayons songé

            Et si personne n'a bougé,

C'est que le Monarque3 luy mesme

                                                Rasseura

 

1. Il est certain que tout le monde aimoit le Duc de Vendôme,

Car il etoit bon, doux, accort, commode &ca. avec beaucoup

d'Esprit.

2. Le Roy Louis XIV, outre ses vieilles et nouvelles trouppes

avoit encore a sa solde plusieurs Regimens de Milice qu'il

avoit fait lever par les Generalitez du Royaume.

3. Le Roy dit en meme temps la maladie et la guerison du

Duc de Vendosme.

 

                                                                                                            [176]

            Rasseura d'abort les esprits,

            Et ce qu'il dit vint à Paris4,

            Avec une vitesse extrême,

            Sans cela tout êtoit perdu,

            Le Poëte avoit l'air d'un rendu,

            Comment d'un rendu d'un hermite,

            D'un Santoron6, d'un Santena7,

            D'un deterré, bref d'un qui n'a

            Veu de longtems plat n'y Marmite

Il sembloit a me voir que je fusse aux abois

            Fieubet auprés de Grosbois8,

            Tient contenance moins contrite,

            Non qu'il se soit du tout privé

            Des commoditez de la vie,

            Mesme on dit qu'il s'est réservé

                                                            Sa

 

4. Le Roy demeuroit a Versailles

5. Cette Epitre a êté faite par Jean de la Fontaine Poëte de l'Academie

Françoise, ainsi c'est de lui même qu'il parle.

6. C'est une plaisanterie triviale du peuple de Paris qui pour dire un

devot, un Beat, un St. dit un Santoron par corruption du mot de

Sanetorum.

7. Le Comte de Santena Piedmontois qui s'etoit attaché au

service de la France où il avoit un Régiment d'Infanterie, leql.

devint tout d'un coup devot apres avoir passé sa vie jusqu'a

lors avec tout ce qu'il y avoit de debauchez a la Cour se retira

a l'Institution des P.P. de l'Oratoire de Paris et enfin se

fit cette année 1691. moine a l'Abbaye de Ne. De. de la Maison

Dieu de la Trape de l'Etroite observance de Citeaux, il est

parlé de cette Abbaye et de son abbé en plusieurs pieces de

ce Recueil.

8. ............... Gaspard Fieubert Coner. d'Etat ordre. cy devant Chancelierr,

                                                                                                de la

 

                                                                                                            [177]

            Sa Cuisine et son Ecurie9,

Des gens pour le servir, le necessaire enfin

            Un peu d'agreable et lui fin,

            Cet exemple est fort bon a suivre

            J'en scay un meilleur, c'est de vivre,

            Car est ce vivre a vôtre avis

            Que de fuir toutes Compagnies

            Plaisans repas, menus devis,

            Bon vin, Chansonnettes jolies,

            En un mot n'avoir goût a rien,

            Dites que non, vous direz bien;

            Je veux de plus qu'on se comporte

            Sans faire mal a son prochain

            Qu'on me quitte aussi tout mauvais train10,

            Je l'entends que de la sorte,

            Tant que vôtre Altesse, Seigneur,

            Et celle encore du grand Prieur11,

            Aurez une santé parfaite.

                                                Je

 

de la Reine Marie-Thereze d'Autriche, s'etoit aussi retiré

par devotion chez les Religieux Camodules de Grosbois a 5. lieues

de Paris la même année 1691.

9. Sa retaite êtoit grande, mais elle etoit douce, car il y avoit fait

bastir une Maison commode et avoit des gens pour le servir son

Carosse et effectivement tout ce que l'auteur marque icy et outre

cela une autre Maison tres jolie a 2. lieues de la nommée

Willeflix.

10. Des garces.

11. Philippes de Vendosme Grand Prieur de France frere du

Duc de Vendosme.

 

 

                                                                                                            [178]

 

            Je renonce a toute retraite;

            Mais dès qu'il vous arrivera

            Le moindre mal, on me verra

            Viste a saint Germain de la Truite12,

            Frere servant d'un autre hermite

            Qui sera l'Abbé de Chaulieu13,

            Sur ce je vous command' a Dieu.

 

 

12. C'est une Abbaye.

13. C'etoit l'Abbé de cette abbaye homme de plaisir attaché

au Duc de Vendosme dont il faisoit même les affaires.

 

                                                                                                            [179]

 

Chanson                                                                                               1691.

Sur l'Air; de Mais. [X]

 

Faite dans l'Armée Françoise qui servoit

en Flandres l'an 1691. sur quelques Officiers

de cette même armée dont les noms et les

qualitez sont et dans la Chanson et dans

les Commentaires.

 

 

D'Aunay1, Tury2, Albergoti3, du Maine4,

Ont attiré des Mortels la haine;

Mais

Si vervins5 vient sur la scene,

Je n'en parleray jamais.

 

 

1. Le Chtr d'Aunay 1er. Escuier de M. le Duc du Maine, et tres

grand fat.

2. .................... de Harcourt Marquis de Tury Colonel Lieutenant

du Regiment d'Infanterie du Maine; il etoit mechant, puant et

poliron. Il etoit d'ailleurs si meprisé que Henry de Lorraine

Prince d'Elbeuf le frappa un jour par le visage d'une Epaule

de Moutton. Tury n'en tira aucune raison et se contenta de la

punition qu'en fit le Roy qui mit le Prince d'Elbeuf à la

Bastille, depuis ce tems là pour distinguer Tury de son pere, un

l'apella Tury l'Epaule.

3. ........ Albergoti Florentin, Brigadier d'Infanterie Lieutent.

Colonel du Regiment Royal Italien, espion et raporteur, ce qui

le faisoit sur de tout le monde.

4. Louis-Auguste de Bourbon Prince legitimé de France, Duc

du Maine, Prince Souverain de Dombes, Colonel gnal des suisses

general des Galeres, Mareschal des Camps et armée du Roy,

Colonel d'un Regiment d'Infanterie et d'un Regiment de Cavalerie,

                                                                                                Gouverneur

 

 

                                                                                                            [180]

Gouverneur de Languedoc. Il commandoit la Cavalerie dans

cette Armée dont le Maāl Duc de Luxembourg etoit General

et faisoit enrager les troupes par sa vivacité et son incapacité.

5. ................. de Comenges Marquis de Vervins, Capitaine de Cavalerie

Grand Polton.

 

 

                                                                                                            [181]

 

Chanson                                   [X]                                                       1691.

 

Sur l'Air .............................

 

Sur Nicolas de Catinat Lieutenant gnal

des Armées du Roy et de la Province de

Luxembourg {Gouverneur de la ville de Luxembourg}, et general de l'Armée de France

en Piemont, lequel ne pût rien entreprendre

contre celle des Confederez pendant la

Campagne de l'Année 1691. jusqu'au siege

de Montmeliant en Savoye qu'il prit le.....

Decembre.

 

 

Scavez vous ce que fait Pierrot1, oh, oh,

De sa formidable armée2,

Il lui met la teste en haut3, oh, oh,

Et les pieds dans la vallée,

Puis il prend de Tabac cinq ou six pincées5,

                                                                        Que

 

1. Les Soldats de l'Armée appelloient le Sr. de Catinat Pierrot

parce qu'il avoit eté longtemps dans le Regiment des Gardes

que les Soldats des autres Regiments appellent par raillerie

des Pierrots.

2. L'Armée de Piedmont etoit assez nombreuse sur la fin de la

Campagne que cette Chanson fut faite.

3./4.} Comme le Sr. de Cotinat étoit obligé de garder des hauteurs et des

vallées pour empescher celle des alliez de passer les alpes et de garder

un grand terrain. Ses trouppes étoient disposées sur des

hauts et dans des fonds.

5. Il prenoit volontiers du Tabac.

 

 

                                                                                                            [182]

 

Que lui donne Clerembault6

Oh, oh, oh, oh,

Voila ce que fait Pierrot.

 

6. .......... de Clerembaut Brigadier et Colonel d'un Regiment

d'Infanterie que le Sr. de Catinat aimoit, quoiqu'il ne fut gerre

aimable de Corps, d'Humour, ny d'Esprit.

 

 

                                                                                                            [183]

 

Parodie                                                                                                 1691.

 

D'une Chanson qui commence par ces mots;

Le Soucy jaunissant la passe Violette.

Sur l'Air: Ah petite Brunette &ca.

 

Sur Marie Elizabeth du Bec Crespin de

Wardes, femme de Louis de Rohan-Chabot

Duc de Rohan Pair de France, laquelle avoit

un bouquet de soucys et de Violettes êtant

en Bretagne aux Estats de l'an 1691.

 

Le soucy jaunissant,

La paste violette,

Sont les fleurs dont la Rohan

Pare sa triste squelette1,

Ah trop maigre Brunette2,

Ah tu mais fais vomir3.

 

 

1. Elle etoit extraordinairement maigre.

2. Elle etoit brune.

3. Elle êtoit mal propre et degoutante.

 

 

                                                                                                            [185]

 

Chanson                                                                                               1691.

 

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

Sur ..................... Comte d'Estrées Viceamiral

de France.

 

Nota. Que cette Chanson a êté faite par Annibal-Jules

de Sennecterre Chtr de la Ferté lequel servant de volontre.

sur le bord du Comte d'Estrée l'an 1691. deroba des assiettes

d'argent de ce general et en fit accuser un soldat qui pensa

être pendû; mais la fripponerie ayant êté découverte

et le Roy Louis XIV. en ayant êté informé, sa M.

fit mettre le Chtr de la Ferté prisonnier au Chateau

de Nantes où il fut plusieurs années.

 

 

Je n'aime pas sa taille droite,

Ny les Cheveux blonds de sa teste,

Ny sa Guitare, ny son Luth,

Ny sa Musique tres parfaite,

Car moy qui vas toujours au but,

Je n'estime que ses assiettes.

 

                                                                                                            [187]

 

Stances Irregulieres                                                                               1691.

 

Et Chrestiennes adressées a Gaspard de

Fieubet Coner. d'Estat ordre. et cy devant Chaner.

et Garde des Sceaux de la feue Reine

Marie-Thereze d'Autriche; sur ce qu'il se

retira l'an 1691. chez les Religieux Cama=

dules prés Grosbois à 4. lieues de Paris

pour y finir ses jours des exercices

de piété y esviter les amorces du monde

et s'y preparer a la mort.

 

Tu fuis la Cour; le monde et par cette conduitte,

Tu fais voir, Fieubet, que tu veux te sauver,

            Sans une si prudente fuite,

Souvent l'on cherche Dieu sans pouvoir le trouver;

 

Un pecheur que la grace et presse et sollicite,

Entre le monde et Dieu, s'il partage ses voeux,

S'il demeure incertain, il se trouble il s'agite

Il est toujours coupable et toujours malheureux;

 

Quant on te voit content, quand on te voit tranquille,

Tu dois, dit on, trembler pour l'avenir

Tel qu'on croit apuyé sur un rozeau fragile,

Croit que la main de Dieu ne peut le soutenir.

 

                                                                                                            [188]

J'entends quelquefois dire, helas que peut il faire,

Dans ce desert sauvage, en un si triste lieu,

Mondains qui le plaignés il plaint votre misere

Le Neant vous occupe, il ne pense qu'a Dieu;

 

Il a compris le sens de ce Divin langage,

Qui de tous les Chrestiens fait deux peuples divers,

Dont l'un suit le chemin, où son erreur lengage

Et l'autre fait le monde, et le siecle pervers.

 

Il a craint les grandeurs la gloire, les richesses,

Il a craint des plaisirs les dangereux appas,

Et n'a pas crû pouvoir, connoissant ses faiblesses

User de tous ces biens, comme n'en usant pas.

 

Peut être son propre naufrage,

Dans son cœur penitent a produit cet effot,

Lassé d'etre battu des vents et de l'orage,

Pour se meure a couvert, il a cherché le port.

 

Mais je combats en vain, ces juges temeraires

Qui blasment sans raison ce qu'on doit admirer,

Qui des coups de la grace ignorant les misteres

Dans leurs raisonnemens ne font que s'égarer.

 

                                                                                                            [189]

 

Comment les detromper de leur erreur extreme,

Puisque contre Dieu même ils oze disputer,

Je ne pense donc plus qu'a m'instruire moi même,

Pour te suivre de loing, ne pouvant t'imiter.

 

Ton exemple souvent combattra ma paresse,

Eschauffera mon zele animera ma foy,

Et pour me soutenir et vaincre ma foiblesse,

J'auray devant les yeux, ce que Dieu fait pour toi.

 

Je te mediterai, je ferai mon estude,

Des bontez du Seigneur de ta fidelité,

Un Saint mepris du monde, et de sa vanité.

 

Heureux qui comme toy, par un grand sacrifice,

S'eloigne pour toujours du tumulte et du bruit,

Qui n'ecoute que Dieu, ne craint que sa justice,

Et de sa sainte Loy, s'occupe jour et nuit.

 

 

Les Stances n'ont pas besoin de Commentaire.

 

 

                                                                                                            [191]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: Il fait tout ce qu'il defend.

 

Sur l'Opera d'Astrée representé a Paris l'an

1691. dont les vers furent faits par Jean de

la Fontaine Poete de l'Accademie Françoise,

et la Musique par ......... Colasse Me. de la

Musique de la Chapelle du Roy Louis XIV.

 

Ah que j'aime la Fontaine

D'avoir fait un Opera,

Je vas voir finir ma peine,

Aussitôt qu'on le jouera

Par l'avis d'un fin Critique

Je vas me mettre en Boutique

Pour y vendre des sifflets1,

Je serai riche a jamais.

 

Reprens Boccace ou d'Ouville,

                                                La

 

1. Il s'etoit depuis quelques années introduit a Paris un usage

tres cruel pour les mediocres et les mauvais auteurs et même

pour les bons, c'est qu'alors qu'un ouvrage de spectacle,

comme Tragedie, Comedie, Opera &ca. ne plaisoit pas, un

nombre infiny de ceux qui etoient dans le Parterre le

siffloient publiquement et quand bien même il eut êté bon

on ne laissoit pas de sifflet aux endroits foibles. C'etoit

une chose tres plaisante que d'entendre la quantité de

                                                                                    sifflets

 

 

 

 

                                                                                                            [192]

La Fontaine2, c'est ton fait,

Crois tu qu'il soit si facile,

D'estre modeste et discret3,

Si ta Muse ne badine,

On verra la libertine,

Plus sotte qu'une putain

Qui fait la femme de bien.

 

Pour régaler la Fontaine,

Apprestons tous nos sifflets,

Celadon4 est sur la scene,

Qui n'y paroîtra jamais,

                                                Il

 

 

sifflets qu'il y avoit de toute espece, et comme par les répétitions

de l'Opera d'Astrée en avoit preveu qu'il ne reussiroit pas

l'autheur de cette Chanson dit ironiquement qu'il veut lever une

boutique de Sifflets pour en vendre a ceux qui en auront besoin

pour siffler cet Opera persuadé que le nombre en sera grand.

2. La Fontaine s'etoit mis en reputation par des fables et des

Contes tirez de Bocace qu'il avoit excellement mis en vers.

Quand a Douville Normand, lequel a fait imprimer des

Contes, l'Auteur se trompe, la Fontaine n'en a point donnés

au public qui ayent êté tirez de là.

3. C'est que les Contes de la Fontaine sont fort libres.

4. Celadon est le heros de l'Opera, comme du Roman,

d'Astrée.

 

                                                                                                            [193]

Il fatigue tout le monde,

Aussi l'Auteur de Joconde5,

Peut il donner de bons tours,

A d'Innocentes amours6.

 

Taisez vous maudit parterre7,

Le malheureux Celadon,

Vous craint plus que le Tonnerre

Et même que le Lignon8,

Il vient de sortir de l'Onde9.

Peut il plaire a tout le monde,

Pourquoi s'écrier d'abord

Qu'il a fait naufrage au port.

 

On peut bien juger sans peine,

Lorsque l'on voit Celadon.

                                                Qu'il

 

1. Joconde est le 1er. des Contes qu'ait fait la Fontaine, et le 1er.

de ceux qui sont imprimez dans son Recueil.

6. Ceux qu'ont leu le Roman d'Astrée fait par Honoré d'Urfé,

d'où l'Opera a êté tiré doivent convenir qu'il n'y a rien de plus

pur que la maniere dont l'amour y est traité.

7. Ce cy s'adresse au Parterre d'où l'on siffloit cruellement ces

Opera.

8. Honoré d'Urfé a mis la scene de son Roman d'Astrée

en forez sur le bord de la Rivière de Lignon, et Celadon

s'y jetta de desespoir d'etre mal avec la Bergere Astrée

qu'il aimoit.

9. Dans l'Opera d'Astrée Celadon paroît chez la Nimphe

Galathée sortant de la Riviere du Lignon où s'etoit precipité

et d'où on l'avoit retiré mourant.

 

                                                                                                            [194]

Qu'il nous vient de la Fontaine;

Mais ce n'est pas d'Helicon10,

C'est de l'Egoût du Parnasse,

Et l'on a choisi Colasse

Afin qu'il y fit des airs

Aussi mechans que les vers.

 

 

1. Fontaine qui êtoit sur le Parnasse.

 

 

                                                                                                            [195]

 

Parodie                                                                         1691.

D'un air detaché de la IV. Scene du IIe. Acte

de l'Opera d'Astrée; sur le Sr. Colasse Me.

de Musique de la Chapelle du Roy Louis

XIV. Compositeur des Airs des Opera depuis

la mort de Jean Baptiste Lully.

 

 

Laissez là Colasse

Et son Opera1,

Aprés lui tel qui viendra,

Met Francine a la bezace;

Laissez là Colasse;

Mais en vain l'on cherchera

Un Lully3 pour cette place;

+ Laissez là Colasse                                          +{Jamois on n'en trouvera}

Et son Opera.

 

 

1. C'est qu'on etoit fort dechaîné contre l'Opera d'Astrée mise

en musique par Colasse.

2. Le Sr. Francine Me. d'Hostel du Roy Gendre de Lully,

avoit eu le privilege des Opera aprés la mort de son beaupere, il se

savoit de Colasse pour les mettre en chant et quoiqu'il ny reussit

pas trop bien l'auteur de cette Chanson etoit persuadé que les autres

Musiciens de Paris a portée d'en faire, n'y reussiroient pas mieux.

3. Jean Baptiste Lully Coner. Secretaire du Roy, maison Couronne

de France et de ses Finances, sur intendant de la Musique du

Roy, et le plus grand Musicien de son siecle.

 

 

                                                                                                            [197]

 

Sonnet                                                                          1691.

 

En bouts rimez sur l'Opera d'Astrée re=

=presenté a Paris l'an 1691. dont les vers

etoient faits par Jean de la Fontaine de

l'Academie Françoise, Et la Musique

par ......... Colasse Maître de Musique

de la Chapelle du Roy.

 

 

Racan4 chante les bois, la fougere et l'herbage.

Saint Amant2 a Faret3 scait vanter un... jambon,

Tel juge bien des vers, tel autre d'un ... potage,

L'esprit hors de sa Sphere a bientost fait.... fauxbon.

 

Colasse dont Paris deteste le .... Ramage4,

Ce ridicule objet d'un crotesque.... chardon5,

Comptoit les Opera parmi son ..... heritage6;

                                                                        Mais

 

 

1. Honorat de Beuil Marquis de Racan qui a composé plusieurs

ouvrages en vers fort galans et entr'autres une Pastorale

apellée les Bergeries.

2. Poete fameux par ses vers où regnoit un esprit de debauche.

3. C'estoit l'intime amy et le Compagnon de debauche de St.

Amant a qui celui cy a adressé une partie de ses ouvrages et

qui a pris soin de les faire imprimer apres la mort de l'Auteur.

4. C'est a dire la Musique.

5. C'est a dire d'une asne qui mange des Chardons.

6. Voyez l'article 2e. de la Parodie precedente.

 

 

                                                                                                            [198]

Mais Celadon7 s'embarque et n'a pas le vent... bon8,

 

Malgré ses partisans9 et leur longue.... rapiere10.

Malgré le fier Pecour11 et la garde.... portiere12,

On entend retenir l'equitable.... sifflet.

 

Pour l'auteur14 on l'envoye a sa pinte, a sa pipe15,

La Musique et les vers aux vendeuses de ... tripes,

Et l'un et l'autre enfin ont un vilain... soufflet.

 

 

7. L'Opera d'Astrée dont Celadon est le Heros, et qui ne reussit

pas.

8. C'est a dire que cet Opera eut un mauvais succés.

9. Cet Opera avoit neantmoins beaucoup de partisans amis de

la Fontaine et de Colasse.

10. Ces partisans etoient gens d'Epée, comme le Comte de Fiesque

&ca.

11. Danseurs fameux de l'Opera, et qui en faisoit les

Ballets.

12. Il y avoit a l'Opera une garde du Regiment des Gardes

Françoises pour y empescher le desordre.

13. Voyez l'Article marqué 1. dans la Chanson precedente.

14. Jean de la Fontaine de l'Academie Françoise.

15. Il aimoit la debauche.

 

 

                                                                                                            [199]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air de Mais.

 

Dans laquelle l'auteur fait parler ..............

d'Alongny veuve de .............. de Brichanteau.

Marquis de Nangis, laquelle disoit on, aimoit

Louis-François le Tellier Mqs de Barbezieux

Secretaire d'Estat, Chancelier des Ordres du

Roy Louis XIV. &ca. son Cousin.

 

Si Barbezieux a sceu l'art de me plaire,

M'en dois-je, helas, faire une grande affaire,

Si

Maman1, baisoit bien le pere2,

J'ay droit de baiser le fils.

 

 

1. Madeleine de Laval de Boisdauphin, veuve de .........

d'Alongny Marquis de Rochefort Mareschal de France

et cy devant Dame d'Atour de feue Marie-Anne-Christine-

-Victoire de Baviere Dauphine de France.

2. François-Michel le Tellier Marquis de Louvois Ministre

et Secretaire d'Estat, Chancelier des Ordres du Roy Louis

XIV. Surintendant des Bastimens, Arts et Manufactures,

Postes et Chevaux de Relais de France.

 

Nota; Qu'il a fallu mettre cette Chanson au rang de

celles de l'année 1691. parce qu'elle paroist etre faite depuis

la mort de Mr. de Louvois qui arriva le 16. Juillet de cette

année, cependant je la crois plus ancienne. Car je n'ay point

ouy dire que M. de Barbezieux ait eu depuis la mort de

son pere d'autre passion que celle qu'il a eue pour ....... de

Crussot fille du Duc d'Uzés qu'il epousa le 12e. Novembre

de la meme année d'ailleurs il est certain que la Marquise

 

                                                                                                            [200]

de Nangis avoit alors un violent attachement puisque

s'etant trouvée grosse du fait de ............ de la Rochefoucault

Marquis de Blanzac, elle accoucha au mois d'Aoust 1692.

et l'epousa immediatement apres, ce qui fit un scandale

terrible a la Cour, cequi est de certain, c'est qu'elle a eu

beaucoup d'amans de toute espece, qu'elle les a tous bien

traitez, et que soit dans l'année 1691. ou dans une autre,

Mr. de Barbezieux peut fort bien avoir eu son tour. Il n'importe

du tems pour le fait, il est tres vray  semblable.

 

                                                                                                            [201]

 

Chanson                                                                                   1691.

Sur l'Air: Quand le peril est agreable.

 

Sur .............. de Mauroy Prestre Missionnaire

de la Congregation de St. Lazare de Paris, et

Curé de l'Hospital des Invalides, lequel fit

banqueroute sur la fin de l'Année 1691. et

se retira hors du Royaume.

 

Il n'est point de vertu solide,

Jusqu'aux devots manquent de foy,

Temoin le Tartuffe Mauroy,

Curé des Invalides.

 

Il emporte de grandes sommes1,

Et l'on peut dire en peu de mots,

Que quoique les gens soient devots,

Ils n'en sont pas moins hommes.

                                                Marchands

 

1. ............. de Mauroy fut toujours un grand fripon, au sortir

du College, Il fut cadet dans les Gardes du Corps du Roy dont

sa Majesté le chassa a cause qu'il etoit un Bardache public,

et ses debauches continuant ses parents le firent enfermer a

Saint Lazare où les P.P. Missionnaires l'ayant converty le

firent prendre parly parmy eux. Il se fit Prestre et eut quelq.

tans aprés la Cure des Invalides; apparemment il fut homme

de bien dans les Commencemens; mais sa vocation ayant

changé, il se servit du voile de l'hipocrisie pour couvrir ses

debauches et ses friponneries, non seulement il donnoit aux

                                                                                                femmes

 

                                                                                                            [202]

 

Marchands2, vous etiez bien les dupes,

Du Missionnaire {P} Gaillard,

D'avoir presté tant de brocard,

Dont il levoit les jupes3.

 

Ô vous diseurs de Patenôtres,

Avec toutes vos Oraisons,

Vous êtes aux tentations,

Plus sujets que nous autres.

 

 

femmes qu'il aimoit l'argent que Mr. de Louvois Ministre

et Secretaire d'Etat lui donnoit de la part du Roy pour faire

des aumônes; mais a titre de Devot, et de Directeur, il empruntoit

des Pierreries, des Etoffes et meme de l'Argent des Marchands

et autres particuliers dont il entrenoit ses Maitresses. Cela

fut longtems caché; mais ayant fini le tems qu'il devoit

etre Curé des Invalides et Mr. de Louvois êtant mort le 16.

Juillet 1691. ses ressources lui manquerent, outre que ses

Confreres les Missionnaires et ses proches parens commencerent

a s'apercevoir de ses Deportement, cela l'obligea a s'enfuir, et il

se trouva qu'il avoit excroqué plus de 40 000. Ecus. sa Cassette

ayant eté prise, on la trouva pleine de Billets de femmes, de

portraits et autres marques de leur tendresse, aussi êtoit il jeune,

beau et bienfait, il les alloit voir comme Directeur le jour et la nuit

deguisé en Cavalier avec une perruque. Il etoit aimé des

femmes de tout etage dont les principales êtoient la Comtesse

du Roure, Mlle. de la Force sa Tante, Made. le Boindre dont

l'histoire est dans la Chanson suivante et plusieurs autres.

Il entretenoit jusques a des femmes de Chambre.

2. Cette apostrophe est aux Marchands chez qui il a pris des Etoffes

sans les payer, et qui le croyant un saint lui auroient confié tout

ce qui etoit dans leurs Boutiques.

3. Cela est aisé a entendre.

 

 

                                                                                                            [203]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air des Ennuyeurs.

 

A ....................... le Boindre Sr. du Groschenet. Coner.

au Parlement de Paris qui avoit épousé .................

Doujat dont l'intrigue suivante aprés la Chan=

=son fut publique aprés la Banqueroute de

................... de Mauroy Prestre Missionnaire

de la Congregation de St. Lazare et Curé des

Invalides de Paris, dont il est parlé dans la

Chanson precedente.

 

 

Serois tu bien seul, Groschenet,

Ignorant du bruit de la ville1,

On dit que dessous ton bonnet

Ton epouse a mis chose utile2,

Si fiant a la bonne foy,

De Rubantel et de Mauroy,

                                                Demande

 

 

1. Toute la ville scavoit l'histoire de Made. du Groschenet avec

M. de Mauroy hors mis son mary cela n'est pas surprent.

2. C'est a dire des Cornes sur sa teste.

3. Le Sr. de Rubantel Lieutenant Colonel du Regiment des

Gardes et Lieutenant gnal des Armées du Roy, etoit amoureux

de cette ......... Doujat avant son mariage et vouloit meme

l'épouser. Il avoit lieu de se louer d'elle dans les commencemens

de sa passion, mais ayant trouvé du changement dans sa

conduitte sans en pouvoir penetrer la cause, il gagna la fille

ou femme de Chambre de Madlle. Doujat qui lui donna la

                                                                                    Cassette

 

                                                                                                            [204]

Demande lui lequel deux

Fit venir ton Dauphin si viste4,

Lequel fut le plus amoureux

Du Cavalier5 ou du Casuiste6?

Par son aveu l'on aprendra

De qui ce pauvre enfant viendra.

 

Si le plus cheri fut Mauroy,

L'enfant deviendra Missionnaire,

Si Rubantel au lieu de toy,

En est le veritable pere,

Loin d'etre foible Magistrat7

L'enfant sera brave soldat8.

 

Cassette de sa maitresse M. de Rubantel fut bien surpris de la

trouver pleine de Lettres amoureuses de Mr. de Mauroy; Il fut trou=

=ver celuy cy aux Invalides lui montra ses Lettres, et l'obligea pour

les ravoir a recompenser la femme de Chambre qui les avoit

derobées; Mlle. Doujat epousa peu aprés M. du Groschenet, et

M. de Mauroy que le public regarda toujours comme un St.

jusqu'a sa fuite, aida a faire trouver l'argent necessaire pour

ce mariage.

Nota que Made. Doujat persuadée de la grande piété de M.

Mauroy l'enfermoit avec sa fille dans la croyance qu'il lui

parloit de Dieu.

4. Elle accoucha peu aprés son mariage sans que personne voulut

que l'enfant fut fils de son mary.

5. Rubantel.

6. Mauroy.

7. Mr. le Boindre Sr. du Groschenet etoit un Magistrat fort

ignorant.

8. Rubantel etoit un brave homme.

 

 

                                                                                                            [205]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: Vous mentendez bien.

 

Sur le Pere Jean-Baptiste Bouhours jesuite.

 

 

Le bon Jesuitte Bouhours,

A dit on pris tout au rebours1,

Infidele aux Novices2,

Eh bien;

Il a fait a Clarice3.

Vous m'entendez bien.

 

Mais de son crime, il est puny,

Car son plaisir a mal finy4,

Clarice trop feconde

Eh bien,

A bientost mis au monde5,

Vous m'entendez bien.

                                                Pere

 

 

1. C'est que les Jesuittes passent pour Sodomites, sur ce pied là le P.

Bouhours a pris les choses au rebours en attaquant cette fille, le C....

etant le rebours du Cul.

2. C'est a dire les novices Jesuittes.

3. C'est la fille en question a qui l'auteur de la Chanson donne le nom

de Clarice; il me semble que quelques gens m'ont dit qu'elle s'apelloit

Madlle. de Bercy.

4. Lisez le Nota qui est cy aprés.

5. Un Enfant.

 

                                                                                                            [206]

Pere, l'on dit en mon quartier,

Que chacun fasse son metier,

Laissez nous donc le nostre6,

Eh bien,

Et reprenez le vôtre7,

Vous m'entendez bien.

 

6. Qu'est de f..... en con.

7. Qu'est de f..... en cul.

 

Nota. Que cette Chanson a êté faite au sujet d'une histoire que

voicy.

Le Sr. de Vauban 1er. Ingenieur du Roy, Commissaire general

des fortifications de France, Gouverneur de la Citadelle de l'Isle en

Flandres, et Lieutenant gnal des Armées de sa M. avoit une Niece qu'il

vouloit faire Religieuse, la mit dans un Couvent de Paris et donna le soin

de sa conduite au P. Boujours son amy particulier; la fille êtoit jeune

et jolie, et plût a ce Jesuitte qui en devint amoureux. Comme le Couvent

dans lequel elle êtoit pratiquoit une regle trop severe; il l'a transfera

dans un autre plus [---] du consentement de Mr. de Nauban sous pretexte

que sa vocation lui viendroit plus aisement, là non seulement il entre=

=tenoit cette fille avec plus liberté; mais il avoit celle de la faire

sortir de l'interieur du Couvent et d'être enfermé avec elle dans une

Chambre exterieur, le tout sous pretexte de Direction. le Pere ne fut

pas le seul a qui cette fille plût. Un Chirurgien du quartier en devint

aussi amoureux, et avança si bien ses affaires qu'elle lui sacrifia une

Cassette qui contenoit une grande quantité de Lettres amoureuses que lui

avoit escrit le Rd. Pere, le Chirurgien ne pût cacher sa bonne fortune

il en fit part a un Procureur au Chastelet son amy et lui fit voir

sa maîtresse, celuy cy endevint amoureux, a son tour, et suplanta

le Chirurgien; mais sur ces contrefaites la fille se trouva grosse;

le Chirurgien et le Procureur en accuserent le Pere Bouhours, et

pour le prouver produisirent les Lettres du Jesuitte. Ce bon Pere

n'eut rien a alleguer la contre. Il chercha au contraire a assoupir

l'affaire par un accommodement. Le Curé de St. Benoît en fut le

mediateur, et les parties convinrent que le Pere donneroit 2000

Ecus a la fille et que les 2 autres luy rendroient ses Lettres, cela

                                                                                                s'executa

 

 

                                                                                                            [207]

s'excuta tres religieusement a l'esgard du Jesuitte; mais

les autres garderent dit on quelques Lettres dont ils firent

part à leurs amis, ce qu'a découvert cette histoire, au suplus

il est difficile décider auquel des trois appartenoit l'enfant

dont la fille etoit grosse. Il est neantmoins vraisemblable

que le Chirurgien ou le Procureur en etoit le Pere puisqu'ils

etoient venus les derniers. Les Jesuittes prirent grand soin

d'etouffer le bruit de cette aventure; mais ils n'en purent venir

a bout quoiqu'ils le massent fortement.

 

 

                                                                                                            [209]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air de flon, flon.

 

Sur l'Amour que Charles de Lorraine Comte

de Marsan faisoit paroistre pour Louise-

-Françoise de Bourbon Princesse legitimée

de France, femme de Louis de Bourbon

Duc d'Enguien, Prince du sang.

 

Nota que cette Chanson est relative a 2. autres qui sont

cy devant; dont elle est une espece de Parodie, etant sur les

mesmes rimes que la 1re. et sur le meme air que toutes

les deux.

 

Condé1 n'est plus tranquille

Depuis qu'un singe nud2,

A fait voir a sa fille3,

Le revers de son cu.

 

1. Henry-Jules de Bourbon, Prince de Condé pere de Louis

de Bourbon Duc d'Anguien, lequel etoit inquiet de l'amour

du Comte de Marsan pour sa belle fille.

2. C'est le Comte de Marsan qui etoit fort petit.

3. L'auteur veut dire sa belle fille.

4. Le V....... et le C....... .

 

 

 

                                                                                                            [211]

 

Chanson                                                                                   1691.

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

A Henry-Jules de Bourbon Prince de Condé

et du Sang, Pair de France, Chtr des Ordres

du Roy, Grand Me. de France, Gouverneur

de Bourgogne.

 

Condé je ne m'en scaurois taire,

Tu declars putain la mere1.

                                                Pour

 

1. Cela n'est pas tout a fait comme cela, mais sa mere apellée

Claire-Clemence de Maillé de Brezé Princess de Condé,

femme d'un esprit fort extraordinaire faisoit l'amour chez

elle avec un de ses Pages nommé Rabutin et un de ses laquais.

ils se batirent l'un et l'autre l'an 16... dans son antichambre

et cet éclat decouvrit cet infame commerce de la Princesse de Condé.

Louis de Bourbon Prince de Condé là fit enfermer dans le

Chateau de Chateauroux en Berry; ainsy ce ne fut pas son

fils lors Duc d'Anguyen qui la fit enfermer; mais loin de s'y

opposer il y consentit et n'eut pas tort le page se sauva en alle=

=magne où il a fait une fortune considerable a la Cour de l'Empr.

Le Valet de pied fut mis tres mal a propos a Moulins entre les

mains de la justice qui le condamna aux Galeres comme ayant

manqué des respect a la Maison Royalle pour avoir tiré l'espée

dans l'antichambre de la Princesse, car on n'aprofondit pas

le sujet de la querelle et pour l'avoir blessée, car elle la fut

en voulant separer ses amans. Le Valet de pied mourut avant

que d'etre arrivé aux Galeres soubçonné d'avoir êté empoisonné

de peur qu'il ne parlât; ce qui est de certain c'est quayant

eté blessée on repandit aussitost dans la Maison qu'un valet

de pied l'avoit voulu assassiner et l'avoit blessée de la Maison

ce bruit se repandit dans la rue, et par Paris, en sorte qu'un

                                                                                    moment

 

 

 

                                                                                                            [212]

Pour avoir son dernier Escu2,

On t'a veu jaloux de ton pere3;

Tu declares ton fils cocu,

Que reste il encore a faire.

 

moment après tout l'hostel de Condé etoit rempli de peuple

qui y venoit croyant voir encore la chose.

2. Le Prince de Condé jouissoit devant depuis la mort

de son pere du bien de sa mere en vertu d'une Donnation

qu'il luy avoit extorquée pendant sa prison et cela êtoit

assez juste.

3. Le Prince de Condé n'etant encore que Duc d'Anguien avoit

êté jaloux du Prince de Condé son pere, et cela le plus injuste=

=ment du monde, car jamais il n'y a eu femme d'une plus

grande vertu que Anne Palatine de Baviere sa femme.

4. Lorsque cette Chanson fut faire le Prince de Condé soub=

=çonnoit Louise Francoise de Bourbon Duchesse d'Enguien

sa belle fille, d'écouter quelques gens, qu'il etoit persuadé qui

luy encontoient et entr'autres, Charles de Lorraine Comte

de Marsan et il en faisoit du bruit.

 

 

                                                                                                            [213]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: Eh allons petit chien de fripon.

 

Sur ............ de la Tour d'Auvergne Chevalier de

Bouillon, faite par lui même.

 

 

S'il veut être cocu

Il tiendra de son pere1,

S'il veut etre foutu,

Il tiendra de sa mere2,

Eh allons petit chien de fripon,

Jean de Werth et Mercy;

Sachez qu'il est de Bouillon.

Meslé de Mancini.

 

 

1. Godefroy-Maurice de la Tour d'Auvergne Duc de Bouillon,

d'Albret et de Chateautierry, Pair et grand Chambellan de

France, Gouverneur d'Auvergne, cocu docile.

2. Marie-Anne de Mancini Duchesse de Bouillon debauchée

outré.

 

 

                                                                                                            [215]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: des Ennuyeurs.

 

Sur ............... de Levy de Ventadour, femme

de Louis de la Tour d'Auvergne Prince de

Turenne, fils aîné du Duc de Bouillon

 

Nota. Que cette Chanson fut faite au sujet d'un

soupé que Louise Françoise de Bourbon femme de

Louis Duc de Bourbon Prince du sang donna dans sa

Chambre à Versailles a quelques femmes, au Duc de

Bourbon son mary et a François-Louis de Bourbon Prce.

de Conty où la Princesse de Turenne s'en yvra et fit cent

extravagances.

 

Bon Dieu que le monde est malin,

Dit la Princesse de Turenne,

Si j'aime l'amour et le Vin,

De quoy se va t'on mettre en peine

Suis-je la seule en ce tems cy1,

Qui parle, boive, baise aussy.

 

Se peut il qu'on ait oublié

Comme j'en usois êtant fille2;

                                                Paris

 

 

1. Il est certain que les femmes de la Cour et de la Ville êtoient

alors fort dereglées.

2. Elle avoit fait parler d'elle dés le tems qu'elle etoit encore

Mademlle. de Ventadour.

 

 

                                                                                                            [216]

 

Paris, la Cour, la publié,

J'ay les vertus de ma famille3,

Je ne pers rien changeant de nom,

Qui dit ventadour, dit Bouillon4,

 

Je ne vois de chaque côté

Que de bons exemples a suivre,

D'Aumont5, ventadour6, la Ferté7

Sont trois femmes qui scavent vivre,

Ma grand mere8, sans fois ny loy

A fait comme elles, et comme moy.

 

3. On verra plus bas ce que c'etoit que cette famille.

4. L'Auteur compare en cet endroit Charlotte Eleonore de la

Mothe-Houdancour Duchesse de Ventadour mere de la Princesse

de Turenne avec Marie-Anne de Mancini Duchesse de Bouillon

mere du Prince de Turennequi etoient toutes deux fort coquettes;

mais il a tort, car la Duchesse de Bouillon etoit bien plus debauchée

que l'autre qui n'a êté que galante.

5. Françoise-Angelique de la Mothe Houdancourt Duchesse d'Aumont

tante maternelle de la Princesse de Turenne devote de profession

et qui malgré cela a donné de grandes prises a la medisance.

6. Charlotte-Eleonore de la Mothe-Houdancourt Duchesse de

Ventadour mere de la Princesse de Turenne tres galantes.

7. Marie-Gabrielle-Isabelle-Angelique de la Mothe-Houdan=

=court Duchesse de la Ferté tante maternelle de la Princesse

de Turenne et grande Coquette.

8. ................ de la Guiche Duchesse Douairiere de Ventadour

grande mere de la Princesse de Turenne.

 

 

                                                                                                            [217]

 

Chanson                                                                                   1691.

 

Sur l'Air: de Lampon.

 

Sur un Sermon presché a Eu devant Madlle.

par l'Abbé Navarre dans lequel il s' etoit

servy de cette expression. Petri de Corps &

d'Esprit.

 

 

Petri de Corps & d'Esprit,

Cela ne s'est jamais dit,

Si ce n'est par homme ignare,

Ainsi dit l'Abbé Navarre,

Lampon, Lampon,

Camarade Lampon.

 

 

                                                                                                            [219]

 

                                                                                                Janvier

Chanson                                                                                   1692.

 

Sur l'Air: Or nous dites Marie.

 

Faite par Merillac Archidiacre de St. Paul

de Leon ou son Oncle est Evesque.

 

 

Que fait a saint Magloire,

Borde le Professeur,

Est il dans l'Oratoire,

Aimé des gens d'honneur;

Tout bas chacun s'en moque;

On n'oseroit tout haut,

Pour celuy qui le choque,

Il y fait un peu chaut.

 

Que dit-on de sa Classe

Ses Cayers sont ils bon,

Les preuves qu'il entasse,

Sont elles de son fonds;

Cet homme avec peine

Escorche Thomassin,

Et donne la migraine,

Avec son chagrin.

 

Vient on de loin l'entendre,

 

                                                                                                            [220]

Fait il beaucoup de bruit

A t'il bien peine a fendre

La presse qui le suit.

Chaque Seminariste

Y paroît malgré lui

Et chacun qui assiste

Dort et baille d'Ennuy.

 

Dites nous des nouvelles

De l'autre Professeur,

on dit qu'il a des belles,

Qu'il est grand Directeur.

Il a pour gentillesse,

La bouche comme un four,

Cependant la Duchesse

Vient lui faire la Cour.

 

A t'il donc quelques charmes

Du costé de l'Esprit

Qui font rendre les armes,

A ce sexe contrit.

Il cajolle, il babille,

Il fait toujours si bien

Que la femme et la fille

N'osent lui celer rien.

                                    Vôtre

 

                                                                                                            [221]

Vôtre pere Econome,

Est il homme de bien

Et du frere Guillaume

S'accommode t'il bien;

Il a la mine fiere,

Il aime les bons mets

Et sans la bonne chere

Il ne riroit jamais.

 

De ce benais de frere.

Vous ne nous parlez pas

Est il si necesaire

En fait il tant de cas;

Il l'a fait au manege

Traitant cet animal

Comme un Cuistre au Colege

Monsieur le principal.

 

Comment va la marmite,

Sous son gouvernement,

Connoît on qu'il imite

Boucher le bon vivant;

On n'a rien veu de pire

Tout le monde s'en plaint

Et pour n'en pas medire,

                                                Il

 

                                                                                                            [222]

Il faudroit être un saint.

 

......

......

......

......

Il a l'humeur critique,

Et pour le moindre mot,

Il se fasche et se pique,

Et vous traite de sot.

 

......

......

......

......

Ce pauvre petit pere

Fait beaucoup le fendant,

Son empire est severe

Et celuy d'un pedant.

 

......

......

......

......

La bouche d'une toise,

                                    Et.

 

                                                                                                            [223]

Et le nez comme un trait,

Et la mine sournoise

Achève son Portrait.

 

A t'il de la conscience

Vôtre superieur,

A t'il bien la prudence

D'un sage Directeur.

A tout moment il crache

Du nouveau Testament

Qu'il caresse, ou se fasche

Ce n'est qu'embrassement.

 

Caresse t'il Nicaise,

Comme ........

Parmy tous ceux qu'il baise

.....

Il veut dans sa tendresse,

Bien du discernement,

Et toujours dans la presse

Il cherche un bel enfant.

 

                                                                                                            [225]

 

Parodie                                                                                     1692.

 

D'une vieille Chanson qui commence par

ces mots; Si c'est un crime que l'aimer:

 

Sur .......... de Senecterre femme de.....

Bullion Marquis de Longchesne; et sur

Jean de Thesut Secretaire des Commandem5.

de Philippes de France Duc d'Orléans &ca.

lequel fut obliger d'enculer cette De. n'ayant

pû bander a l'espect de son C.... qui êtoit

trop grand.

 

Si c'est un crime qu'enculer

On n'en doit justement blasmer

Que le grand C.... qu'on voit en elle1.

La faute en est aux Dieux

Qui nous l'ont donné telle;

Et non pas a Theseux2.

 

1. La Marquise de Longchesne.

2. Le public dit Theseux, mais c'est Thesus.

 

 

                                                                                                            [227]

 

Chanson                                                                                   1692.

Sur l'Air de la Fronde.

            {Sur la Bataille de Nortingue en 1693}

 

Comme Caezar aprés Farsale

D'une maniere triomphale;

Nous voyons Luxembourg icy;

Mais nous aprenons de l'Armée

Que sans Vendosme et sans Conty

On l'y verroit comme Pompée.

 

                                                                                                            [229]

 

Chanson                                                                       Mars 1692.

Sur l'Air : Quand le peril est agreable.

 

Sur les Couches de Made. du Roure dont

Mr. de Turenne est amoureux.

 

L'on dit que tu n'est pas la mere

Des Enfans que fait ton mary,

Pour te venger fais en aussy

Dont il ne soit point pere.

 

                                                                                                            [231]

 

Chanson                                                                                   1692.

 

Sur l'Air : de Joconde.

 

Sur la Prise de Namur. [X]

 

Guillaume fait des Actions.

D'une gloire immortelle,

Lorsqu'il nous a veu prendre Mons;

Il a gardé Bruxelles,

Il vient nous voir prendre Namur

Pour deffendre Liege,

Sa presence est un moyen seur.

Pour terminer un siege.

 

Flamans hollandois vous voyez

Jusqu'où va son courage,

Pour le bien de ses Alliez

Il met tout en usage,

Car voyant Namur aux abois,

Pour contenter Baviere,

N'a t'il pas fait semblant deux fois,

De passer la Riviere.

 

                                                                                                            [232]

Autre

 

Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.

 

Que craignez vous donc Flamans

Ayant pour votre deffense,

Nassau dont l'experience,

A fait tant de Campemens,

Il passe les plus habiles,

Car ce Prince a quarante ans,

A veu prendre plus de villes

Que les plus vieux conquerans.

 

                                                                                                            [233]

 

Autre                                                                                        1692.

Sur l'Air: Ah qu'il y va ma bergere, Ah

qu'il y va gayement.

 

Bergere et Berger en allant,

Ah! qu'il y va gayement,

Mener les moutons a Dinant,

Tout le long de la Riviere,

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

Se disoient en chemin faisant

Ah qu'il y va gayement,

Guillaume sur sa grande Jument,

Tout le long de la Riviere,

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement

 

Guillaume sur sa grand Jument

Ah qu'il y va gayement,

Vient avec un grand Armement

Tout le long de la Riviere

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayment.

 

                                                                                                            [234]

 

Vient avec un grand Armement,

Ah qu'il y va gayement,

Secourir le peuple flamant;

Tout le long de la Riviere,

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Secourir le peuple Flamant

Ah qu'il y va gayement

Devant Namur Louis l'attend;

Tout le long de la Riviere,

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement;

 

Devant Namur le Roy l'attend

Ah qu'il y va gayement;

Et Luxembourg en fait autant,

Tout le long de la Riviere,

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Luxembourg en fait tout autant,

Ah qu'il y va gayement,

S'il peut chasser Louis le grand

Tout le long de la Riviere,

                                                Qu'il

 

                                                                                                            [235]

Qu'il y va {ma} bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

S'il peut chasser Louis le grand,

Ah qu'il y va gayement,

Je luy donneray un merle blanc,

Tout au long de la Riviere

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

S'il peut chasser Louis le grand,

Ah qu'il y va gayement,

Je luy donneray un merle blanc,

Tout le long de la Riviere

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

Je lui donnerai un merle blanc

Ah qu'il y va gayement,

Le dessus un homme courant,

Tout le long de la riviere,

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

La dessus un homme courant,

Ah qu'il y va gayement,

Leur a dit en les abordant,

Tout le long de la riviere.

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

Leur a dit en les abordant.

 

                                                                                                            [236]

 

Ah qu'il y va gayement,

Namur est pris asseurement,

Tout le long de la riviere

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Namur est pris asseurement

Ah qu'il y va gayement,

Et Guillaume a perdu son tems

Tout le long de la riviere

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Et Guillaume a perdu son tems,

Ah qu'il y va gayement,

Notre Roy revient triomphant;

Tout le long de la riviere,

Qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement;

 

Nôtre Roy revient triomphant,

Ah qu'il y va gayement;

Allons, riant, chantant, dansant,

Tout le long de la riviere;

Qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

 

                                                                                                            [237]

 

Chanson           [X]                                                                               1692.

 

Sur l'Air: d'une main je tiens mon pot.

 

Flamans à vôtre secours

Voyez comme je cours,    {bis ----}

S'agit il pour vôtre deffense

De depenser des Patagons,

De cela je vous en repons,

Mais d'un Combat non non.

 

Faut il battre le Tambour

Pour braver Luxembourg,

Faire marcher en sa presence,

En bon ordre mes Escadrons,

De cela je vous en repons,

Mais d'un combat non non.

 

Si Namur est aux abois

Croyez bon hollandois,

Que sur la Mechaigne en diligence,

Je feray construire un pont,

De cela je vous en repons,

Mais d'un combat non, non.

 

                                                                                                            [238]

Basiere contez sur moy,

Je vous jure ma foy

De ne point quitter cette place,

Qu'a la Capitulation;

De cela je vous en repons,

Mais d'un combat non non.

 

Mais bien que Namur soit pris

Rasseurez vos Esprits,

Je feray pour garder Bruxelles

Ce que je fis pour garder Mons,

De cela je vous en repons;

Mais d'un combat non non.

 

                                                                                                            [239]

 

Chanson           [X]                                                                              1692.

 

Sur l'Air: Je jette mon cœur a la gribouillette.

 

Le Prince d'Orange est un homme habille

Il scait les tours les plus fins

Pour ne pas perdre a sa barbe une ville

Il se fait raser tous les matins.

 

                                                                                                            [240]

 

[X] Chanson                                                                                         1692.

 

Sur l'Air: Je te le dis et te le repette.

 

Nassau vous avez la victoire

Rien n'est egal a vôtre gloire,

Vous triomphez aux yeux de tous

Et pouvez vous vanter a la Liege

Que Louis moins scavant que vous,

N'a jamais sceu lever de siege.

 

 

                                                                                                            [241]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Je suis la Violette moy.

 

Sur la Justification du Pere Recteur de

Namur.

 

 

Au Roy Guillaume en France, on fait la guerre,

Pour la cause de Dieu,

Moy qui de tout fais mon profit sur terre

Je m'en soucie fort peu,

Et je soutiens que cela m'est licite

Car je suis Jesuitte moy, je suis Jesuitte.

 

Si l'on demande estes vous Catholique

Avez vous de la foy

Ou si l'on dit etes vous heretique

Qu'elle est donc vôtre Loy;

A ce discours ma reponse est subite

Car je suis jesuitte moy, car je suis Jesuitte.

 

Lorsque je crois que le Prince d'Orange

Peut me servir d'Appuy,

De son côté aussitôt je me range

Je travaille pour luy,

                                                J'ay

 

                                                                                                            [242]

J'ay pour les grands une telle conduitte,

Car je suis Jesuitte moy, car je suis Jesuitte.

 

Contre Louis en depit de sa foudre

Et de ses Interrets,

Dans mon Couvent je cache de la poudre,

Des Bombes et des Boullets,

Sans m'inquieter qu'elle en sera la suitte,

Car je suis Jesuitte moy, car je suis Jesuitte.

 

J'entens crier que c'est un crime enorme,

Que c'est un vray forfait.

Que l'on devoit pour me punir en forme

Me conduire au Gibet;

Mais je me ris quoique ce coup merite

Car je suis Jesuite moy, car je suis Jesuitte.

 

                                                                                                            [243]

 

Chanson                                                                                   1692. Avril

 

Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.

 

 

Qu'est devenu le Printemps,

Où sont les zephirs et Flore,

L'afreux hyver regne encore,

Et j'entens gronder les vents*,

Quel Astre vient aprés Pasques

Troubler la belle saison !

C'est l'estoille du Roy Jacques

Soutenu de Bellefonds.

 

 

* Les vents et le vilain temps ont retardé l'embarquement du

Roy d'Angleterre.

 

                                                                                                            [245]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere

 

Sur .................. de Montgommery veuve

de ................... Goyon Comte de Quentin.

 

 

Du débris du grand de la Feuillade1,

Bouflers a profité des Gardes2,

Aubusson du Gouvernement3,

Tout le monde a pris patience,

Et Roussillon4 a l'agréement

De la Quintin en decadence5.

 

 

1. François d'Aubusson de la Feuillade Duc de Roannes

Maāl de France, Chevalier des Ordres du Roy, Colonel

du Regiment des Gardes Françoises et Gouverneur de

Dauphiné, mort a Paris en son hostel le ...... 1691.

2. Louis-François de Bouflers, Mareschal de France

Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur de Tourraine

fut receu Colonel du Regiment des Gardes Françoises en

la place du Mareschal Duc de la Feuillade le 4. Fevrier=

1692. au milieu du Regiment assemblé proche Versailles, où

le Roy lui mit en main haussecol et le sponton.

3. .......... d'Aubusson Duc de la Feuillade fils du deffunt

eut le Gouvernement de Dauphiné vaccant par la mort de

son pere.

4. .......... de Clermont de la Chatte Comte de Roussillon.

5. Pour l'intelligence de ce cy, il faut scavoir que le Maāl

Duc de la Feuillade etoit amoureux de la Comtesse de

Quintin qui etoit desja vieilles et passée, et que le Comté

                                                                                    de

 

 

                                                                                                            [246]

de Roussillon en êtoit aussi amoureux, de sorte que

par la mort de Feuillade qui etoit le tenant, il servit

mieux au prés de sa Maitresse qu'elle commença a le

traiter plus favorablement.

 

                                                                                                            [247]

 

Vers                                                                                                     1692.

 

Où Proso papée, ou l'Auteur introduit

N.......... de Beauvoir Comte du Roure

revenant de l'autre monde pour reprocher

a ........... de Caumont de la Force sa

veuve l'amour qu'elle avoit pour Louis de

Tour d'Auvergne Prince de Turenne receu

en survivance de la Charge de Grand Cham=

=bellan de France, que possedoit Godefroy-

-Frideric-Maurice de la Tour d'Auvergne

Duc de Bouillon son pere.

 

 

Ecoute chere Epouse, un Epoux malheureux,

Qui sur les sombres bords brûle de mêmes feux,

Qu'allumoient autrefois tes beaux yeux dans son ame1

Le Fleuve de l'oubly, n'a point eteint sa flame,

Et malgré le mepris dont tu payes sa foy,

Detaché des mortels2, il tient encore a toy,

Un interrest si cher le rend a lumiere,

Son amour a focé l'eternelle barriere.

                                                            Daigne

 

1. Madame du Roure êtoit tres aimable son mary êtoit

fort sot et l'amoit tendrement quoiqu'elle eut pour lui beau=

=coup de mepris.

2. Il fut tué a la Bataille de Fleurus le 1er. Juillet 1690.

n'etant encore que Capitaine de Cavalerie.

 

                                                                                                            [248]

Daigne donc écouter sa languissante voix,

Tu vas l'entendre icy pour la derniere fois,

D'un funeste malheur le destin te menace,

Trop de facilité va causer ta disgrace,

Eviter s'il se peut une fatale Tour3,

Elle te doit couster, et la gloire et le jour,

Profite encor un coup d'un avis si fidelle,

Je rentre pour jamais dans la nuit eternelle.

 

3. Les Armes de la Maison de la Tour d'Auvergne

sont semé de France a la Tour d'Argent maçonnée de

sable.

 

 

                                                                                                            [249]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur ....... du Gué, femme de ...... du Gué

Sr. de Bagnols, Coner. d'Estat son Cousin;

Et sur ............. de Laigues Marquise de

Leuville.

 

 

Entre Bagnols et la Leuville,

Les deux plus grands C..... de la villle1,

Pauvre gascon2, que feras tu,

Croy moy, tourne ces deux tigresses3,

Ton v..... est autant de perdu,

S'il ne sauve entre deux fesses.

 

1. de Paris.

2. Henry Charles de Foix Duc de Rendan Pair de France

Chevalier des Ordres du Roy, d'autres vouloient que le

Gascon fut François de Poudenx nommé Evesque de Tarbes.

3. C'est par contreverité.

 

 

                                                                                                            [251]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: des Branles de Metz

 

Sur .......... de Bautru femme de Jean de

Rohan Prince de Montauban.

 

 

Vous avez vieille Princesse

Un visage assez pointu,

Point de gorge, point de cu,

On tomberoit en foiblesse

Si l'on venoit ce dit on,

Le maigreur de vôtre fesse,

Si l'on voyoit ce dit on

La largeur de vôtre C..... .

 

Votre esprit mal agreable,

Le luisant de vôtre teint,

Barbouillé dés le matin,

Feroient bien donner au Diable,

Ceux qui verroient ce dit-on,

La maigreur de vôtre fesse,

Si l'on voyoit ce dit on,

La largeur de vôtre C.... .

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.

 

 

 

 

                                                                                                            [253]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

A Augustin Servient Abbé. {par l'Abbé de

Chaulieu.}

 

 

Aimable Abbé dont la maniere

Est si douce et si debonnaire1,

Que fais-tu de les deux neveux2,

On dit qu'en imitant Dom Cosme3,

Tu te fais repondre par eux

Quand tu fais l'Office a Sodome4.

 

 

1. Ce cy n'a quasi pas besoin de Commentaire, l'Abbé Servient

etait tres doux, et tres poly.

2. Maximilien-Pierre-François Nicolas de Bethune de Sully

Prince d'Enrichemont, et Maximilien Henry de Bethune

Chevalier de Sully, freres et neveux de l'Abbé servient parceqls.

etoient fils de Marie Antoinette Servient Duchesse de Sully

sœur de l'Abbé.

3. Dom Cosme êtoit un feuillent lors Evesque de Lombés

fameux Predicateur, et disoit on grand Sodomite, l'Abbé

Servient l'imitoit en cette dernière partie.

4. L'auteur veut dire que l'Abbé Servient sodomisoit avec

ses neveux, et il y a grande apparence qu'il dit vray.

 

 

                                                                                                            [255]

 

Chanson                                                                                               1692.

Sur l'Air: Tranquilles cœurs

 

Sur ............. de Madaillan Marquis de

Lassay.

 

 

Impie, devot1, jaloux amant,

Courtisan, heros de Province,

Tu n'es encor a cinquante ans

Que maquereau d'un jeune Prince2,

Le merite toujours n'est pas recompensé

Adieu mon cher Lassé.

 

 

1. Il avoit êté fort devot, et puis il etoit revenu impie et

debauché.

2. Louis Duc de Bourbon Prince du Sang.

 

 

                                                                                                            [257]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Jardinier ne vois tu pas.

 

Sur Louise-Anne de Noailles femme de

Henry-Charles de Beaumanoir Marquis

de Lavardin, Marie-Victoire d'Albert

femme de ........ Prince de Bournonville,

et de .......... de Maigron, veuve de ......

de ......... Comte de la Motte.

 

Sur ce qu'on pretend que soupant l'an 1692. chez jacques

de Noailles Chevalier de Malte, Lieutenant general

des Galeres de France, frere de la Marquise de

Lavardin, avec .......... de Vintimille, Comte du Luc

Capitaine de Galere et le Marquis de Broglio, et êtant

yvres, elles firent mettre chausses bas au Comte du Luc,

mirent des Cornettes et du rouge a son cu, lui marquerent

des yeux avec du Charbon, mirent un morceau de pain

dans l'anus pour marquer un nez, et le baiserent tous

trois en cet etat disant qu'il ressembloit au visage de

............ de Meaux du Fouilloux veuve de Paul

d'Escoubleau de Sourdis, Marquis d'Alluye.

 

 

Lavardin n'est pas cocu,

Sa femme est trop modeste,

Quant son amant1 est tout nud

Elle court plustot au cu

Qu'au reste, qu'au reste, qu'au reste.

 

1. Il n'est pas vray qu'elle eut d'amant.

 

 

                                                                                                            [258]

Bournonville et Lavardin,

La Motte la Comtesse, } sont deux bonnes Boug.....ses,

Quand elles sont dans le Vin,

Elles prennent leur blondin

Aux fesses, aux fesses, aux fesses.

 

Lavardin qui le croiroit

Baiser le cu d'un homme,

Pourquoi choisir cet endroit,

Est-ce ainsy qu'on vous faisoit

A Rome2, a Rome, a Rome.

 

2. Elle fut a Rome avec son mary qui y fut Ambassadeur

sous le Pontificat d'Innocent XI.

 

Nota; Que toute cette histoire etoit fausse et fut inventée

par la Marquise d'Alluye dont il est parlé dans l'Argu=

=ment pour se vanger de ce qu'elle avoir dit que le visage

de la Marquise d'Alluye ressembloit a un cu.

 

 

 

                                                                                                            [259]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air; Quand le peril est agreable

 

A .............. de Levy de Ventadour, femme

de Louis de la Tour d'Auvergne, Prince

de Turenne, sur le bruit qui couroit que ....

de Caumont de la Force Comtesse du

Roure, et veuve, êtoit grosse du fait du

Prince de Turenne qui en êtoit eperduement

amoureux.

 

 

On dit que tu n'est pas la mere,

Des Enfans qu'a fait ton mary,

Fais en pour te vanger de lui

Dont il ne soit pas le pere.

 

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.

 

 

                                                                                                            [261]

 

Chanson                       [X]                                                                   1692.

 

Sur l'Air: des Ennuyeurs.

 

Sur Charles de Lenox Duc de Richemont,

fils naturel de Charles II. Roy d'Angleterre

lequel s'etant attaché a la France aprés la

mort du Roy son pere l'abandonna l'an

1692. et se retira en suisse, d'où il alla

trouver le Prince d'Orange.

 

 

Le Duc de Richemont s'enfuit

Bon Dieu, quel accident etrange.

La gloire qui partout le suit1,

Va l'offrir au Prince d'Orange,

Les Bordels et les Cabarets2,

Ne s'en consoleront jamais.

 

1. Cela est mis par ironie.

2. C'est qu'il etoit fort debauché.

 

Nota. Que dés que le Roy d'Angleterre fut mort, Jacques

II. son frere {qui} lui succeda osta au Duc de Richemont la

charge de Grand Escuier qu'il avoit; que ce Duc êtant passé

en France avec Louise Renée de Penencouet de Keroual

Duchesse de Porsmouth sa mere, il y fut d'abord traitté

en Prince, ce qui lui fut ôté par la suitte; Qu'ayant perdu

dans la revolution arrivée en Angre. l'an 1689. ce qu'il y avoit

de revenu, qui etoit tres considerable, et etant mal payé

d'une mediocre pension que le Roy de France Louis XIV.

                                                                                    lui

 

                                                                                                            [262]

lui donnoit; Que s'etant plaint sans fruit de l'un et de

l'autre a sa M. et n'ayant même pû avoir de Regiment,

car il n'etoit que Capitaine de Cavalrie, il prit le party

de s'en retourner en Angleterre.

 

                                                                                                            [263]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air; Reveillez vous belle endormie.

 

Sur .......... Mauroy Prestre Missionnaire

dont il est parlé dans deux dernieres Chan=

sons de l'an 1691. et duquel l'Official de

Paris et le Lieutenant Civil instruisoient

le Procés.

 

 

Si Mauroy le Missionaire,

Rentre jamais dans son Couvent1,

On le punira par derriere2,

Des fautes qu'a fait son devant3.

 

 

1. St. Lazare.

2. C'est a dire on le fouettera.

3. Voyez les Chansons de 1691. faites sur lui et sur .........

le Boindre Sr. du Groschenet.

 

Nota. Que quelques gens au lieu de ce vers, Rentre jamais

dans son couvent, metoient, Etoit Jesuitte au grand Couvent.

faisant entendre par ce dernier vers et la suitte, la sodomie

dont les Jesuittes sont accusez.

 

                                                                                                            [265]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air; Adieu Bontemps.

 

Sur .................. de .................. de Creuilly, fe[m]me

de ................. de Carbonnel Comte de Canisy

Lieutenant de Roy en Normandie.

 

 

La Comtesse de Canisy,

S'en va d'icy1,

S'en va d'icy

Son bel esprit, ny ses atraits2,

N'ont pû lui faire,

D'autres affaires

Que son Laquais3.

 

 

1. Elle partoit de Paris pour s'en retourner dans ses terres

de Normandie.

2. Elle avoit un fort beau visage; mais sa taille etoit

si monstrueusement grosse qu'elle faisoit peur.

3. Je crois que c'est une hiperbole.

 

 

                                                                                                            [267]

 

Quatrain                                                                                               1692.

 

Sur une legere maladie qu'avoit Henry

de Montmorency-Luxembourg, Duc de

Piney, Pair et Mareschal de France, Chtr

des Ordres du Roy, Capite des Gardes

du Corps de sa M. Gouverneur de

Normandie.

 

Certain de mon jaloux, du bonheur de nos Armées1,

Y mesle quelques fois de soudaines allarmes,

Et se complaît avoir Luxembourg alité,

Tandis que de Dangeau2 regorge de santé.

 

1. Le Duc de Luxembourg avoit commandé l'Armée du Roy

en Flandres, l'an 1690. et 1691. avec succez et avoit gagné

la Bataille de Fleurus et le Combat de la Catoire ou de

Leuse, il devoit encor commander la mesme Armée l'an

1692. quand il etoit malade.

2. Philippes de Courcillon Marquis de Dangeau Chevalier des

Ordres du Roy, Gouverneur de Touraine estimé mauvais soldat.

 

 

                                                                                                            [269]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air, Tranquilles cœurs.

 

Sur Marie-Anne de Bourbon Legitimée

de France, veuve de Louis-Armand de

Bourbon, Prince de Conty, et sur quelques

gens qu'on soubçonne être amoureux d'elle.

 

Rocheguyon1, Albergoti2,

Vous allez repandre des larmes,

Vous ne plairez plus a Conty,

Villeroy3, n'aura plus de charmes,

Adieu pauvres amans et la Chastre4, et Tracy5.

Richard6 revient icy.

 

1. François de la Rochefoucault Duc de la Rocheguyon

Grand Veneur de France, et Grand Me. de la Garderobe

du Roy Louis XIV. en survivance de François Duc de la

Rochefoucault Pair de France son pere, Colonel du Regime.

de Navarre.

2. ........ Albergotti Florentin Brigadier d'Infanterie,

Lieutenant Colonel du Regiment Royal Italien sous

Bardo Bardi Magaloti son Oncle.

3. François de Neufville Duc de Villeroy Pair de France

Chevalier des Ordres du Roy, Lieutenant general de ses

Armées, Gouverneur de Lion, Lionnois, Forest et Beau=

=jolois.

4. ......... Marquis de la Chattre Colonel d'un Regiment

d'Infanterie.

5. ......... Sr. de Tracy Exempt des Gardes du Corps du Roy.

6. Richard Hamilton Ecossois, s'etoit attaché au service de

                                                                                    France

 

                                                                                                            [270]

 

France, et avoit Regiment d'Infanterie, le Roy Louis XIV.

le lui avoit oté, et l'avoit chassé de France l'an 168., parce qu'on disoit

qu'il aimoit la Princesse de Conty, et en êtoit aimé. Il etoit en Angre.

lorsque le Prince d'Orange usurpa ce Royaume, et comme il fut

toujours fidele au Roy Jacques II. il suivit ce Prince en Irlande;

il y fut pris prisonnier par les troupes du Prince d'Orange, et

emmené dans la tour de Londres où il fut enfermé jusqu'a ce qu'il

fut Echangé contre Milor Montjoye Anglois du party de l'Usurpa=

=teur, qui de son costé êtoit prisonnier à Paris à la Bastille, lorsque

cette Chanson fut faite; Hamilton sorty de la Tour de Londres

revenoit en France trouver le Roy d'Angleterre, et c'est sur ce retour

d'Hamilton que l'Auteur dit que tous les gens cy dessus, ne

plairont plus a la Princesse de Conty.

 

 

                                                                                                            [271]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Tranquilles Cœurs.

 

A Philippes de Vendosme Grand Prieur

de France qu'on soubçonnoit être l'auteur

de la Chanson precedente.

 

Quand on veut faire des Chansons

Où l'on mesle trente personnes,

Il faut scavoir si la Fanchon1,

Merite l'argent qu'on lui donne2,

Une duppe, {en amour} un menteur3, est un mauvais railleur,

Qu'en dis tu Grand Prieur ?

 

1. Françoise Moreau. Chanteuse de l'Opera vulgairement

appellée Fanchon que le Grand Prieur entretenoit.

2. On pretend qu'elle ne lui estoit pas fidelle, et qu'elle avoit

accordé ses faveurs a plusieurs autres, comme le Chevalier

de Sully &ca. on disoit même qu'elle en donnoit actuellement

a un Financier appellé la Touanne qui etoit Tresorier de

l'Extraordinaire de la guerre, et puissamment riche.

 

 

                                                                                                            [273]

 

Chanson                                                                                               1692.

Sur l'Air: Je vous le dis et le repete.

 

Sur ................. de Meaux du Fouilloux

veuve de Paul d'Escoubleau de Soudis

Marquis d'Alluye; Et sur................ de St.

Remy, veuve de .......... Comte d'Entragues, {et sœur de mere de

                                                                        Mde. de la Valliere Mai-

                                                                        tresse du Roi.}

 

Quand on voit à la Comédie1,

D'Alluye, d'Entragues suivie,

Au bordel qui ne se croiroit,

Ah la {plaisante} puissante maquerelle2,

Que son metier lui produiroit

Si la putain êtoit plus belle3.

 

 

1. Elles alloient tres souvent aux spectacles et êtoient toujours

ensemble.

2. La Marquise d'Halluye qui ayant été fort Coquette, tant

qu'elle avoit eu assés de charmes pour soutenir la galanterie, et

etant sur le retour aidoit volontiers de ses Conseils et de ses

soins en matiere d'amour celles de ses amies qui en avoient besoin

Madame d'Entrages êtoit la principale et au metier qu'elle

faisoit, elle en avoit plus de besoin qu'une autre. Car elle n'etoit

point sans amans.

3. Made. d'Entragues n'etoit plus jolie.

 

                                                                                                            [275]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air ............................

 

Sur ........ Gilbert, femme de .........

Fleuriau Sr. d'Armenonville Intendant

des Finances.

 

Ah qu'elle est Laide,

L'affreuse Intendante des rats1,

Contre l'amour le seur remede, {De l'amour c'est le vrai remede}

Malheur a qui l'a dans ses bras {Surtout quand elle est dans ses draps}

Ah qu'elle est laide.

 

1. C'est qu'elle etoit fille de ....... Gilbert, Marchand de

linge demeurant a Paris prés de St. Innocent a l'Enseigne des

Rats.

 

 

                                                                                                            [277]

 

Vers                                                                                         1692.

 

Sur Dom Armand-Jean Bouthillier

de Rancé, Abbé Regulier de Nostre De.

de la Maison Dieu de la Trape de l'etroite

observance de Cisteaux.

 

Estre Moine sans dépendance1,

Et solitaire sans silence2,

Souffrir humblement à ses pieds

Ses confreres humiliez3,

Les élever dans l'ignorance4,

Scavoir les secrets de la France5.

                                                Faire

 

1. L'Abbé de la Trappe êtoit moine puisqu'il etoit regulier; mais

sa dignité jointe a la parfaite soumission dans laquelle il

tenoit ses Religieux lui donnoit un pouvoir si absolu dans sa

maison, qu'il se ressentoit peu ou point de la dependance mona=

=cale.

2. Il faisoit garder un silence si etroit a ses Moines, que loin de

parler aux Estrangers, ils ne se parloient pas les uns les autres,

mais comme ils avoient la liberté de luy parler quand il leur

plaisoit, et qu'outre cela lui seul recevoit et entretenoit les

survenans qui etoient attirez en grand nombre chez lui, tant

par la curiosité que donnoit la nouveauté de cette reforme

que par les relations qu'il conservoit dans le monde et les

amis qu'il y avoit encore, le silence ne lui etoit pas onereux.

3. Quelque humilité que l'Abbé de la Trappe fit paroitre. Il

etoit soubçonné de beaucoup de vanité; mais celle de ses Religs.

etoit parfaite, et il l'entretenoit avec grand soin.

4. Non seulement il les elevoit dans l'ignorance; mais ils ne

lisoient que dans les heures de recreation, encore n'etoit-ce que

dans les Livres qu'il leur donnoit.

5. Les relations qu'il avoit conservées avec ses amis, et qu'il entre=

=tenoit partout le Royaume, nonobstant sa retraite, lui donnoient

                                                                                                une

 

 

                                                                                                            [278]

 

Faire de ses ecrits retentir l'univers6,

            Juger de la prose et des vers

            Comme des cas de conscience7,

            Escrire aux Prelats8, voir les Rois9,

Reformer la reforme, et lui donner des loix10,

            Damner de sa pleine puissance,

Tous Moines se flattans de faire penitence,

                                                            Sans

 

une parfaite connoissance de tout ce qui s'y passoit.

6. Non seulement l'Abbé de la Trappe escrivoit en beaucoup d'en=

=droits; mais il faisoit imprimer ses ouvrages, comme la vie et

mort de plusieurs de ses Religieux et entr' autres un gros traité

de la vie Monastique, et des Commentaires sur la regle de St.

Benoit, qui firent beaucoup de bruit.

7. Il avoit beaucoup d'esprit et de scavoir, et il decidoit aussi

hardiment sur les Ouvrages d'esprit, que sur les Cas de Consci=

=ences qu'on lui proposoit.

8. Voyez l'Article 5.

9. L'auteur veut parler icy de Jacques II. Roy d'Angleterre

lequel s'etant retiré en France aprés que Guillaume

Prince d'Orange, son gendre eut usurpé ses Royaumes, alla

plusieurs fois voir l'Abbé de la Trappe.

10. Par le Traité de la Sainteté et des devoirs de la vie Monas=

=tique et surtout par sa reponse au Traitté des Estudes Monas=

=tiques, l'Abbé de la Trappe faisoit voir qu'hors lui et ses

Religieux pas un Moine ne pratiquoit la regle de St. Benoît

a cet esgard, et ne scavoit les Engagemens de sa profession.

Ce dernier Livre offensa tous les Reformez de l'Ordre de

St. Benoit, et la Congregation de St. Maur y fit repondre

par un de ses Religieux appellé Dom Jean Mabillon

auteur du Traitté; l'Abbé lui repliqua, et ils escrivirent

longtems l'un contre l'autre.

 

                                                                                                            [279]

 

Sans aimer comme lui le pain bis et les pois11,

            Declarmer contre la science,

            Et secretement dans les bois

            S'etudier a l'eloquence12.

            Dans des termes purs et fleuris,

            Parler de cilice et de chaisne13,

            Prescher dans un fauteuil assis,

            Le travail des mains, et la peine14,

            Voila Monseigneur, le portrait

            Du Saint Abbé, de ce grand homme15

            Plus juste que celui qu'a Rome,

            Le Camus16 vous en aura fait.

 

 

11. L'Abbé et les Religieux de la Trappe ne vivoient que de

Legumes, et le 1er. pretendoit que c'estoit un des points de la regle

de St. Benoist.

12. L'Abbaye de la Trappe etoit dans un bois, et l'auteur est

persuadé que cet Abbé y etudioit l'eloquence, étant impossible

qu'une si longue retraite que la sienne lui eut laissé celle qui

parroissoit dans ses Livres, s'il ne l'avoit cultivée.

13. Tous ses ouvrages etoient de devotion, et preschoient une

affreuse penitence; mais en termes tres choisis.

14. Il faisoit travailler ses Religieux a la terre plusieurs heures

par jour, et l'auteur pretend s'exemtoit de cette peine

et des plus austeres qu'il faisoit pratiquer a ses Religieux.

15. L'Abbé de la Trappe.

16. Estienne le Camus Cardinal Evesque de Grenoble

fut l'an 1691. a Rome au Conclave Pape Innocent XII.

et comme il êtoit fort des amis de l'Abbé de la Trappe et

de la meme Cabale de Devotion qui est celle du Jansenisme,

                                                                                    l'auteur

 

 

                                                                                                            [280]

 

l'Auteur presupose qu'il y aura parlé de cet Abbé aux

Cardinaux et qu'il l'aura depeint autrement qu'il n'est

icy.

 

 

                                                                                                            [281]

 

Vers                                                                                         1692.

 

Servant de reponse aux precedens, et sur les

mesmes Rimes; au sujet d'Armand-Jean

le Bouthillier de Rance Abbé regulier

de Ne.De. de la Maison Dieu de la Tape

de l'etroite observance de Citeaux.

 

 

Gouverner avec dependance1,

Scavoir parler et garder le silence2,

Ne penser qu'a la Croix, soumetant a ses pieds

Ses Confreres humiliez3,

Au fond d'un Cloître eviter l'ignorance4.

Edifier toute la France5,

De ses pieux ecrits remplir tout l'univers6

Des Saints Peres scavoir, et la prose et les vers,

Decider scavamment des Cas de conscience

Instruire les Prelats7, et consoler les Rois8,

                                                            Reformer

 

 

1. L'auteur de cette reponse pretend que pour etre moine l'Abbé

de la Trappe ne dispensoit d'aucune des Obligations, a quoi

la vie Religieuse l'engageoit.

2. L'auteur veut dire qu'il ne parloit que quand la necessité le

requeroit qu'il le faisoit fort bien, et qu'au surplus il gardoit le

silence,

3. Qu'il êtoit humble quelques soumis qu'il tint ses Religieux

devant lui.

4. Il le loue d'etre scavant, malgré son austere retraite.

5. Que toute la France êtoit ediffiée de la vie qu'il menoit, neant=

=moins les vers precedens temoignent le contraire.

6. Il est vray qu'il ecrivoit beaucoup.

7. Par son exemple.

8. Voyez l'Article 9 des Commentaires des vers precedens.

 

                                                                                                            [282]

 

 

Reformer la reforme en subissant ses Loix9,

Abandonner, honneurs, biens, fortune, puissance10,

            Pour faire penitence

            Manger du pain bis et des pois11,

            Etre confiné dans les bois12,

Imiter saint Bernard avec son eloquence13,

Parler de son état en des termes choisis,

            Porter toujours le Cilice et la chaisne14

Et coucher sur la terre et sur la cendre assis15,

                                                                        Sacrifier

 

 

9. L'Auteur pretend qu'il preschoit encore plus la reforme par la

vie qu'il menoit que par ses Lettres, ses Livres et ses discours.

10. Il avoit autrefois possedé beaucoup de Benefices, et avoit esté

1er. Aumosnier de Gaston-Jean-Baptiste de France Duc d'Or=

=leans, il quitta tout, et ne garda que l'Abbaye de la Trappe

où il se retira l'an 1663. ayant obtenu du Roy Louis XIV. un

Brevet pour la tenir en regle. Il prit l'habit de Religieux de

l'Etroite observance de Citeaux le 13. Juin 1663. agé de 37.

ans, dans le Monastere de Me. De. de Perseigne, le 26. Juin

1664. il y fit profession ayant receut ses Bulles pour tenir la

Trappe en regle. Le 3e. Juillet en suivant il fut beni Abbé dans le

monastere de St. Martin de Sées par Patrice Plunquet Evesq.

d'Arda en Irlande, et le 14e. du meme mois. Il se retira dans

son Abbaye.

11. On ne mange que des Legumes a la Trappe. {Voyez l'article 11.

des Commentaires precedents.}

13. L'Auteur justifie l'Abbé de la Trappe de son Eloquence en

disant que St. Bernard êtoit aussi fort eloquent.

14. L'auteur pretend qu'il porte toujours un Cilice et une Chaisne

de fer sur son corps pour se mortifier.

15. Je ne scay ce que l'auteur entend par là, si ce n'est que lorsqu'un

Religieux de la Trappe est prest de mourir, on le met sur de la

paille sur laquelle on a jetté de la cendre, et qu'il meure en ces

état revetu de tous ses habits.

 

 

                                                                                                            [283]

Sacrifier son corps au travail, a la peine16,

            C'est là seurement le Portrait,

            De Rancé17, de ce Divin homme,

Qui meriteroit bien qu'on fit pour lui dans Rome

            Ce qu'Innocent18 pour le Camus a fait19.

 

16. On travaille de ses mains 3. heures par jour a la Trappe,

et l'auteur comme les sentimens de l'auteur des vers prece=

=dens, pretend que l'Abbé travaille comme le moindre de ses

Religieux.

17. Lorsque l'Abbé de la Trappe êtoit dans le monde, on

l'appelloit l'Abbé de Rancé.

18. Le Pape Innocent XI.

19. Estienne le Camus Evesque de Grenoble fut fait Cardinal l'an

1689. par le Pape Innocent XI. pour avoir mené une vie tres

austere depuis qu'il êtoit Evesque; les medisans vouloient qu'il

dût le Chapeau plustost aux Intrigues qu'il avoit a Rome

qu'a la vie qu'il menoit, et dont on pretendoit qu'il ny avoit

que les Sots qui fussent la duppe.

 

 

 

                                                                                                            [285]

 

Chanson                                                                                               1692.

Sur l'Air de la Rochelle.

 

Sur .............. de Caumont Duc de Lauzun,

Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere, et sur

Denis Talon President du Parlement de

Paris.

 

Deux hommes jadis de renom,

L'un est Lazun, l'autre est Talon;

En montant1 sont tombez par terre2,

Ils devoient s'ils avoient bien fait

                                                L'un

 

1. Ils s'etoient elevez l'un et l'autre; Le 1er. aprés sa disgrace, ayant

passé en Angleterre en 1688. comme on a veu plus haut, et en ayant

sauvé la Reine, et le Prince de Galles, ce qui lui donna l'an 1690.

le commandement des Troupes d'Iralndes, où il ne fit rien qui

vaille, et depuis l'Ordre de la Jarretiere, que lui donna Jacques

IId. Roy d'Angleterre dont il etoit comme le favory en France lequel

lui procura depuis la dignité de Duc en France auprés du Roy

Louis XIV. qui ne le fit que malgré lui. Quand a Mr. de Talon il fut

fait President a Mortier du Parlement l'an 1690. aprés avoir êté

longtems Avocat general.

2. C'est a dire que l'un et l'autre êtoit dechu, car le Duc de Lauzun

qui malgré toutes les imperfections avoit conservé une grande repu=

=tation de valeur, se decria tellement de ce costé là dans {son} expedon.

d'Irlande, qu'il acheva de s'attirer le mepris infini, dans lequel

il a êté depuis et qu'il meritoit parfaitement. Mr. Talon de son

côté s'estoit acquitté avec un aplaudissement universel de la

Charge d'Avocat general, et etoit un mediocre President.

 

 

 

                                                                                                            [286]

 

L'un n'aller jamais a la guerre3,

L'autre demeurer au Parques4.

 

3. Cela est relatif a ce qui a êté dit plus haut de l'expedition

d'Irlande, où M. de Lauzun etoit general sous Jacques

IId. Roy d'Angleterre.

4. Lieu ou les Avocats generaux et le Procureur general

appellez les gens du Roy reçoivent dans le Palais la

communication des procés pour prendre leurs Conclusions.

 

 

 

                                                                                                            [287]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: de la Rochelle.

 

Sur Henry de Montmorency-Luxem=

=bourg, Duc de Piney, Pair, et Mareschal

de France, Chevalier des Ordres du Roy,

Capitaine des Gardes du Corps de sa M.

Gouverneur de Normandie, et general des

Armées du Roy en Flandres, en cette

presente année 1692. comme il avoit esté

les deux années precedentes qu'il les avoit

commandées avec beaucoup de gloire, et

avoit remporté les Victoires de Fleurus

et de la Catoire.

 

D'Athlas je ne suis point surpris,

Porteur du Celeste lambris1,

Comme dit la Metamorphose2,

                                                Puisque

 

1. Les Payens croyoient qu'Athlas Roy de Mauritanie

ayant refusé a Persée de se reposer en ses Estat, avoit êté

change en Montagne par l'aspect de la teste de Meduse

que celui cy lui presenta, et que les Dieux le voyant ainsi

metamorphosé le firent croitre si haut qu'il devint l'apuy du

Ciel, et des Etoilles, faisant reposer sur son dos l'essieu de

tous les Cercles Celestes.

2. Cette fable est dans le 4e. Livre des Metamorphoses d'Ovide.

 

 

 

                                                                                                            [288]

 

 

Puisque nous voyons en ce jour,

Que toute la France repose,

Sur la bosse de Luxembourg.

 

3. Le Mareschal Duc de Luxembourg êtoit bossu, et

comme le commandement des Armées de Flandres qu'il

avoit, etoit dans la conjoncture presente le plus important

employ de l'Etat. l'Auteur dit que toute la France se

reposoit sur la bosse de ce general, comme le monde sur

le dos d'Atlas. Il est certain que si general n'eut pas

êté aussi habile et aussi heureux qu'il l'etoit la France

eut êté accablée par les prodigieuses Armées que nos Ennemis

nous presentoient de tous cotez.

 

                                                                                                            [289]

 

Parodie                         [X]                                                                   1692.

 

De la VIe. Scene du IId. Acte de la Ire. Scene

du IVe. Acte de l'Opera de Bellerophon.

Sur les preparatifs que Louis XIV. faisoit

au commencement de l'an 1692. tant par

mer, que par terre, contre ses Ennemis.

 

Nota: Que l'Auteur fait icy parler Guillaume Henri

de Nassau Prince d'Orange Couronné Roy d'Angre.

 

 

Mon Royaume1 se change en un desert affreux2,

Gros habitans du sejour Fromajeux3,

Pour empescher ma triste decadence,

Redoublez s'il se peut pour moy votre finance4

Et vous qui soutenez mes perfides exploits5,

Princes mes alliez6 accourez a ma voix.

 

Quel spectacle effrayent se presente a mes yeux,

Tant de Vaisseaux sur mer7, tant d'hommes dans la plaine8,

                                                                                    Me

 

1. l'Angleterre.

2. l'Auteur pretend, mais tres mal a propos que les Anglois abandon=

=noient le Prince d'Orange pour le Roy legitime Jacques IId.

3. Les hollandois.

4. Ils lui donnoient de grans secours d'argent.

5. l'Auteur, par perfides exploits, entend l'invasion de l'Angleterre en

1688 par le Prince d'Orange, où il detrona le Roy Jacques II. son beaupere.

6. L'Empereur et l'Empire, le Roy d'Espagne et presque toute l'Europe.

7. La France faisoit alors un armement fort considerable sur la

mer, le detail et le succés en sont expliquez dans les pieces suivantes.

8. La France faisoit aussi un Armement de Terre epouvantable, dont

le succes se verra encore plus bas.

 

                                                                                                            [290]

 

Me sont de seurs garants de ma perte prochaine,

Louis9 vient lui même en ces lieux,

Baviere10, paroissez pour calmer mes alarmes.

Mais rien ne resiste a ses armes,

Tous les Escadrons que je voy

Sont autant de sujets de desespoir pour moy.

 

Ah c'est fait de ma Couronne11,

Mon regne, mon regne finit

Quoi donc je seray detruit

Ma constance m'abandonne

Louis me fait trembler, ma gloire evanouit.

Ah c'est fait de ma Couronne

Mon regne, mon regne finit.

 

9. Le Roy Louis XIV. se preparoit alors pour aller commander

son Armée en personne en Flandres on le Prince d'Orange êtoit

passé.

10. L'Electeur de Baviere a qui le Roy d'Espagne avoit donné

le Gouvernement general des pais bas Espagnols, pour toute

sa vie.

11. La prediction contenuë dans ce dernier couplet ne se trouve

que trop fausse. on le verra par la suitte.

 

                                                                                                            [291]

 

Chanson                                                                                               1692.

Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.

 

Sur le mauvais tems et le vent qu'il faisoit

au mois de May 1692. lorsque Jacques II.d

Roy d'Angleterre attendoit sur les Costes de

Normandie un vent et un temps propre pour

descendre en Angleterre, et tascher  avec les

Troupes et l'Argent de Louis XIV. Roy de

France de conquerir son Royaume, que Guil=

=laume-Henry de Nassau Prince d'Orange

son Gendre avoit usurpé sur lui l'an 1688.

comme on a pû voir plus haut.

 

Qu'est devenu le printems,

Où sont les zephirs et Flore,

L'affreux hyver regne encore.

Et j'entends gronder les vents,

Quel Astre vient aprés Pasques

Troubler la belle saison?

C'est l'Estoille du Roy Jacques1,

Et celle de Bellefonds2.} Soutenu de Bellefonds.

 

1. Il est certain que l'Estoille de ce Prince n'etoit pas heureuse veu

toutes les revolutions qui lui etoient arrivées des le berceau et le triste

etat, où il etoit alors.

2. Bernardin de Gigaut de Bellefonds, Mareschal de France &ca.

                                                                                                etoit

 

 

                                                                                                            [292]

 

êtoit general sous le Roy d'Angleterre des Troupes qui y

devoient passer et il avoit êté malheureux presque dans toutes

ses entreprises. D'ailleurs il etoit homme, tres capable de

commander. Il avait pour Lieutenant generaux, Claude Comte

de Choiseul, René de Froulay Comte de Tessé Colonel

general des Dragons, et Mylord Sarrfield Irlandois. Les Ma=

=reschaux de Camp êtoient le Comte de Vaubecourt, Vignant et

le Chevalier de Gassion, l'Armée etoit composée de 3. Regiments

de Cavalerie et de 2. Regiments de Dragons Francois, de 1400.

Chevaux Anglois, Irlandois, et Escossois, parmy lesquels etoient

le Garde du Roy d'Angleterre. L'Infanterie etoit de neuf

Bataillons François et de 12 000. Fantassins Irlandois. Tous

ces Estrangers qui avoient suivy le party du Roy d'Angleterre

etoient venus d'Irlandes lorsqu'on avoit êté forcé d'abandonner

et Royaume au Prince d'Orange.

 

Nota: Qu'on verra plus bas quel fut le succes de cette

Entreprise.

 

 

                                                                                                            [293]

 

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur le même Air que la precedente.

 

Sur ce que le tems devint calme, et par conse=

=quent favorisoit d'avantage l'embarquemt.

du Roy d'Angleterre Jacques IId. et des

troupes destinée a le suivre, dont le nombre

et les Officiers generaux sont expliquez

dans le precedent Commentaire.

 

 

Enfin l'Orage et les vents

Qui nous declaroient la guerre,

Tournent contre l'Angleterre1,

Et menacent les Flamans2.

                                    Malgré

 

 

1. Le vent etoit beaucoup plus favorable, tant pour passe en Angletrre.

que pour faciliter l'arrivée de la Flotte de France commandée par

le Comte de Tourville Vice amiral qui devoit venir de Brest a la

Hague en Normandie y soutenir les Bastimens qui portoient les

troupes, lesquelles s'y embarquoient et au havre de Grace. Cette

Flotte n'etoit pas seulement necessaire pour favoriser le trajet;

mais meme pour combattre celles d'Angleterre et de Hollande

qui s'etoient avancez au nombre de 49. voiles pour empescher

le passage au Roy d'Angleterre, ainsi un Combat naval êtois

d'une necessité indispensable, sans le mauvais tems on eut pû

passer avant que le Prince d'Orange eut êté en etat d'y opposer

ses vaisseaux qui n'etoient pas prets et que nôtre retardement

mit en etat de venir au devant des nôtres.

2. Il y avoit des gens persuadez que la menace que nôtre armement

faisoit au Roy d'Angleterre Guillaume, n'etoit qu'une feinte

que c'etoit un paneau qu'on tendoit au Prince d'Orange et que le

                                                                                                veritable

 

                                                                                                            [294]

 

Malgré les frimats de Pasques3,

Nos Champs sont tous rejouis,

Et l'Estoille du Roy Jacques4,

Cede a celle de Louis5.

 

 

veritable dessein qu'avoit le Roy Louis XIV. êtoit que les

troupes embarquées soutenues de son armée navalle, vinssent

mettre pied a terre en Flandres ou en Hollande pour y executer

les entreprises de sa Majesté qui y êtoit allée en personne

commander ses Armées de terre le 10. May 1692.

3. On a veu dans la Chanson precedente le mauvais tems qu'il

fit aprés Pasques.

4. Cela est relatif a ce qui est dit dans la Chanson precedente

que la malheureuse etoille de Jacques Second Roy d'Angleterre

etoit la cause du mauvais tems qu'il faisoit.

5. Louis XIV. Roy de France que le bonheur n'a jamais abandonné.

 

Nota. Qu'on verra plus bas quel fut le malheureux succez

de cette Entreprise.

 

 

                                                                                                            [295]

 

Chanson                                   [X]                                                       1692.

 

Sur l'Air d'une Gigue Angloise qu'on

chantoit, et sur laquelle on dansoit en France,

comme sur un Menuet.

 

Sur Guillaume-Henry de Nassau Prince

d'Orange.

 

 

Monsieur le Prince de Nassau,

Apris son vol un peu trop haut1,

De cet Icare2,

De ce Barbare3,

De cet Icare

La Cire fond4,

                                    Nostradamus

 

 

1. On veu plus haut comme le Prince d'Orange passa l'an

1688. en Angleterre, et s'en fit couronner Roy avec Marie sa

femme l'année suivante.

2. L'auteur compare ce Prince a Icare fils de Dedale dont la

fable est contée dans le VII. Livre des Metamorphoses d'Ovide

lequel le sauvant des prisons de Minos Roy de Crete par le

moyen des aisles que le Pere avoit fait pour lui et pour son fils,

tomba dans la mer, qui depuis a porté son nom, pour avoir

volé trop haut, et trop aproché du Soleil contre les preceptes

de Dedale, ce qui fit fondre la Cire qui tenoit les plumes de ses

aisles, et fut cause de sa mort. l'Auteur pretend aussi que le

Prince d'Orange le prenant trop haut, et s'aprochant trop prés

de Louis XIV. qui a le Soleil pour Devise. perira comme un second

Icard.

3. Il avoit detrôné Jacques IId. Roy d'Angleterre son beaupere

qui ne lui avoit jamais fait aucun mal.

4. Lisez l'Article IId.

 

                                                                                                            [296]

Nostradamus repond5,

Que dans peu Bellefonds6,

Luy creuse un abîme profond7.

 

5. Il y a dans Nostradamus, Centurie 2e. le quatrain

68. qui suit.

            De l'Aquillon les efforts seront grands,

             Sur l'Ocean sera la porte ouverte,

            Le reigne en l'Isle sera reinte grand,

            Tremblera Londres par voile decouverte.

Cette Prophetie reveillot lors tous ceux qui croyent a ces

sortes de predictions, et ils l'appliquoient a l'entreprise que

faisoit le Roy Jacques II. par le secours du Roy. Voyez

sur cela les 2. Chansons precedentes et leurs Commentaires.

6. Bernardin Gigault Marquis de Bellefonds Mareschal

de France, Chevalier des Ordres du Roy, et general sous le

Roy d'Angleterre des troupes qui s'embarquoient en Nor=

=mandie, lequel avoit le veritable secret et le veritable

autorité du Roy Louis XIV. Car le Roy Jacques n'etoit

que le phantosme, et n'etoit pas capable qu'on lui pût rien

confier.

7. Comme on ne doutoit point que l'Entreprise ne fut contre

l'Angleterre et qu'on esperoit quelle reussiroit, on en regar=

=doit le succés comme la perte infaillible du Prince d'Orange.

 

Nota. Que cette Entreprise manqua tres malheureusement

comme on verra dans la chanson.

 

 

                                                                                                            [297]

 

Chanson                       [X]                                                                   1692.

 

Sur l'Air des Ennuyeurs.

 

Sur la Bataille Navalle, que Anne-Hi=

=larion de Costentin Comte de Tourville

Viceamiral de France, perdit dans la

Mache d'Angleterre le 19. May 1692.

contre les Flotes d'Angleterre et de Hol=

=lande, dans laquelle avec 42. Vaisseaux

de guerre, il combatit contre 85. des Ennemis

suivant l'Ordre de la propre main du Roy

de France Louis XIV. que lui ordonnoit

d'aller chercher l'Armée Navalle des Enne=

=mis, et de la combatre fort ou faible.

 

Ma foy vous êtes un peu trop vif,

Ecrit le Comte de Tourville,

A ce Ministre decisif1.

                                    Qui

 

1. Louis Phelypeaux Sr. de Pontchartrain Controlleur general

des Finances, Ministre et Secretaire d'Estat, ayant la Marine

dans son Departement, et fort decisif. Comme il se mesloit

de ce qui regardoit la mer, l'entreprise sur l'Angleterre dont

il a êté parlé dans les Chansons precedentes rouloit sur luy.

Il scavoit que le Comte de Tourville n'avoit avec lui que 42.

Vaisseaux, parce que ceux que le Comte d'Estrées viceamiral

lui amenoit de la Mediterrannée ne l'avoient pû joindre

non plus que ceux que Chasteaurenaut Lieutenant general

et le Marquis de la Porte Chef d'Escadre amenoient de

                                                                                    Brest

 

                                                                                                            [298]

 

Qui n'a jamais veu que la ville3,

De la mer, laissez l'a le soin,

                                                Et

 

Brest, et de Rochefort. Il scavoit de plus que le mauvais

tems qui ayant duré longtems empeschoit les uns et les autres

de joindre l'embarquement du Roy d'Angleterre a la Hogue

en Normandie, et ce Roy de passer le trajet. Ce qui avoit donné le

tems aux Anglois et aux Hollandois d'assembler une flotte

de plus de 80. voiles, et de venir s'opposer a cette Entreprise.

Cependant faute d'en avertir le Comte de Tourville qui avoit

ordre exprés de la propre main du Roy d'attaquer les Enne=

=mis fot ou foible et qui etant a la mer, ne pouvant estre

instruit de la superiorité des alliez. celuy cy ayant joint

dans la Manche a la hauteur de harfleur; les combatit quoique

plus faible de la moitié le 29. et 30. May, le Combat fut

furieux; mais le Comte de Tourville fut obligé de ceder au

nombre. Sa division fut poussé a Cherbourg, où faute de

port, il fit obligé de faire echouer 3. de ses vaisseaux, dont le

sien nommé le Soleil Royal et le plus beau vaisseau de la mer

en etoit un. Les Ennemis les brulerent tous trois sans qu'on en

pût sauver que les hommes. Ils suivirent le reste au nombre de

13. jusques a la Hogue, où la Maée les poussa, et les y bras=

=lerent aussy. aux hommes prés, que le Comte de Tourville qui y

estoit, fit sauver. Le Roy d'Angleterre et toutes ses Troupes

qui y etoient sur des Bastimens legers se sauverent de l'Incendie,

les vaisseaux de guerre des alliez n'ayant pû aller jusques a Eux

et ils debarquerent en sureté. Pannetier Chef d'Escadre, et il Chtr

de Nesmond se scauverent avec leurs vaisseaux derriere les souffles

de St.Malo. Gabaret. Lieutenant general prit une autre

route. Enfin tout fut bruslé ou dispersé, sans qu'on sceut au

vray la perte que firent les Alliez dans cette sanglante journée.

Les amis de Mr. Pntchartrain, disoient qu'il avoit envoyé

3. Barques d'avis, l'une aprés l'autre, pour avertir le Comte de

Tourville de ne point combatre, et qu'elles ne l'avoient point trouvé.

Cependant le public s'en prenoient a lui, d'autant plus que le Roy

etant lors a la teste de son armée qui assiegeoit Namur, dont

la ville Capitula le 5. Juin, car le Château tint jusqu'au dernier

jour de ce mois.

2. Mr. de Pontchartrain êtoit nouveau dans la Marine, et dans

                                                                                                le

 

                                                                                                            [299]

Et gouvernez le port au foin3.

 

le Ministere, n'ayant êté fait Controlleur general des

finances qu'au mois de Septembre 1689. par la Demission

de Claude le Peletier, {et} Ministre et Secretaire d'Etat qu'au

mois de Novembre 1690. par la mort de Jean Batiste Colbert

Marquis de Signelay. Il etoit fils de ............... Phelypeaux

Sr. de Pontchartrain President de la Chambre des Comptes de

Paris et tres pauvre homme. Il fut d'abord Conseiller dans

la seconde Chambre des Requestes du Parlement de Paris,

d'où il fut fait 1er. President de celui de Bretagne, charge

dont il s'aquitta avec beacuoup de capacité et de hauteur. Claude

le Pelletier ayant êté fait Controlleur general des Finances, l'an

1683: fit venir Mr. de Pontchartrain peu aprés, et le fit faire

par le Roy Intendant des Finances, tant parce qu'il êtoit son

amy que parce qu'il haissoit Michel le Pelletier son frere cadet

en la place duquel il vouloit etablir l'autre dans le Controlle

general des Finances qu'il avoit dès lors resolu d'abdiquer.

Il est aisé de voir par là que Mr. de Pontchartrain n'avoit

jamais veu que la ville, ou pour mieux dire, rien veut, ny apris

de ce qu'il falloit pour s'acquitter avec une entiere capacité

de ce qui lui etoit necessaire dans les Emplois dont il êtoit

chargé. Cependant il est constant que s'il n'etoit le 1er.

Ministre du Roy Louis XIV. Il êtoit alors son Ministre

de confiance, et chargé des premieres affaires, a la verité il

avoit un esprit superieur et decisif, et capable de devenir habile

par l'experience qui lui manquoit.

3. Par ce mot l'auteur entend tous les menus details de la Charge

de Controlleur general des Finances, touchant les droits qui

sont deus au Roy pour les douannes, Entrées, aydes &ca.

non seulement sur le port au soin de Paris; mais partout le

reste du Royaume.

 

 

                                                                                                            [301]

 

Chanson                       [X]                                                                   1692.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur Louis XIV. dit le Grand Roy de Frce.

 

Nota. Que cette Chanson est ironique qu'elle fut faite

aussitôt après la Bataille navalle donnée les 29. et 30.

May 1692. et que l'auteur y fait parler Guillaume Henry

de Nassau Prince d'Orange, qui se moque de ce que le

Roy sans suivre aucun Conseil, ordonna au Comte de

Tourville son vice amiral de combatre la Flotte Ennemie

comme il est plus amplement deduit dans les Commentres.

de la Chanson precedente, ce qui fut cause de la perte

de 16. vaisseaux François qui furent bruslés.

 

 

A quoi servent dans un Royaume,

Les Ministres, disoit Guillaume1?

Voyez le grand Roy des François2,

Fier de la nouvelle disgrace,

Qui vient d'arrester nos exploits3,

                                                Nous

 

1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange, Couron=

=né Roy d'Angleterre.

2. Louis XIV. dit le grand Roy de France.

3. Cela est dit ironiquement, car bien loin que ce combat naval

eut retardé les Exploits du Prince d'Orange, et de ses alliés

contre la France, cette Bataille empescha que Jacques IId.

Roy d'Angleterre passast dans ses Royaumes, selon le

projet dont il a êté parlé dans les chansons precedentes

ainsy se fut au contraire ceux du Roy de France qui

furent retardés.

 

                                                                                                            [302]

Nous fait assez voir qu'il s'en passe4.

 

4. L'auteur veut dire par là que s'il avoit pris un bon Conel

de quelque sage Ministre il n'eut pas hazardé si legerement

de faire combatre sa Flotte contre celle de ses Ennemis plus

forte de moitié que la sienne; mais ce Prince outroit la crainte

qu'on ne le crut gouverné, et sur ce principe il entreprit cette

année 1682. de plus grands desseins que les autres parce que

M. de Louvois Ministre et Secretaire d'Estat etoit mort le

16. Juillet de l'année precedente qu'on luy attribuoit la

plus grande partie des projets et des succés de la France,

et que le Roy vouloit faire voir a l'Europe qu'il entreprenoit

encore de plus grandes choses depuis la mort de ce Ministre

que devant.

 

                                                                                                            [303]

Chanson                                                                                               1692.

Sur l'Air: Tranquilles cœurs.    [X]

 

A Louis XIV. Roy de France, sur ce que

le dessein qu'il avoit de retablir Jacques

II. Roy d'Angleterre dans son Trosne,

comme il a êté dit plus haut, echoua par la

perte du combat naval donné les 29. et 30.

May 1692. dont il est parlé dans les deux

Chansons precedentes.

 

 

Si tu n'as pû quoique vainqueur1,

Retablir Jacques en sa place,

Pour un effet de ton bonheur,

Compte grand Roy cette disgrace,

C'est un profit tout clair d'espargner ce transport

Il ne vaut pas le port2.

 

1. On a veu dans les pieces de 1690. et 1691. les victoires que le

Roy avoit remportées sur les Ennemis.

2. On a veu aussi plus haut en plusieurs endroits l'incapacité

du Roy d'Angleterre.

 

 

 

                                                                                                            [305]

 

Chanson                       [X]                                                                   1692.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Au Roy Louis XIV. aprés la perte du Combat

naval, donné par son Ordre le 29. et le 30. May 1692.

duquel il est {parlé} dans les trois Chansons precedentes,

sur le peu de capacité et d'experience des Ministres

de ce Prince.

 

Grand Roy par ce revers sinistre1,

Tu vois qu'il {te} faut un Ministre2,

A Saint Cir laisse Maintenon3,

Mets Pelletier à la Cuisine4,

Que Barbezieux reste a Meudon6,

                                                Et

 

1. La perte du Combat naval.

2. C'est a dire un Ministre capable, car le Roy n'en avoit que trop d'autres.

3. Françoise d'Aubigné Marquise de Maintenon que le Roy menoit

partout avec lui, et qui etoit alors avec sa Majesté, puisqu'elle êtoit

dans la ville de Dinan, et que le Roy assiegeoit Namur, on a veu en

plusieurs endroits de ce Recueil le pouvoir qu'elle avoit sur l'esprit

de ce Prince, et les bruits qui couroient. On a veu aussi dans une

Chanson de l'an 1689. que c'etoit a sa priere et proprement pour

elle qu'il avoit fait batir et fondé une maison a St. Cyr prés

Versailles, a laquelle ce Prince avoit reuny et fait reunir par le

Pape la Manse Abbatiale de l'Abbaye de St. Denis en France, on

y elevoit de jeunes filles, la plus grande partie Demlles. sous les Ordres

de Made. de Maintenon qui y alloit tous les jours, et y avoit un superbe

appartement.

4. Claude le Pelletier Ministre d'Etat tres inepte et tres meprisé.

5. François-Marie le Tellier Marquis de Barbezieux secretre. d'Etat

au Departement de la guerre, jeune homme sans experience.

6. Maison de Francois Michel le Tellier Marquis de Louvois Ministre

                                                                                                            et

 

 

                                                                                                            [306]

Et prends quelqu'un pour la Marine7.  { (I) }

 

et Secretaire d'Etat &ca. et pere du Marquis de Barbezieux.

7. Louis Phelyppeau Sr. de Pontchartrain Ministre et Secretre.

d'Etat avoit la Marine dans son Departement, et l'auteur de la

Chanson pretend qu'il ny êtoit fort expert.

 

{ (I) alias }

{Que Beauvilliers(I) aille à matines.}

{ (I) Gouverneur des Princes. }

 

 

                                                                                                            [307]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.

 

 

Adressée aux peuples de Flandres, pendant que le

Roy de France Louis XIV. aprés avoir assiegé

et pris en personne la ville de Namur le 5. Juin

1692. en assiegeoit le Château, et sur Guillaume

Henry de Nassau, Courronné Roy d'Angleterre,

lequel avec une Armée de cent mil hommes des

puissances Alliées contre la France, qu'il comman=

=doit, s'étoit avancé sur le bord de la petite riviere

de Mehaigne pour secourir cette place, qui fut

prise le 30. du même mois.

 

Nota. Que Henry de Montmorency-Luxembourg, Duc

de Pincy, Pair et Mareschal de France, Chevalier des Ordres

du Roy, et Capitaine des Gardes de son Corps &ca. Couvroit

le Siege de Namur avec une Armée de François aussi forte

que celle du Prince d'Orange, et que celui cy aprés avoir fait

semblant de le voir combattre, ne l'attaqua neantmoins pas.

 

Que craignez vous {bons} Flamans,

Ayant pour vôtre deffense

Nassau1 dont l'experience

A fait tant de campemens2?

                                                Il

 

1. Guillaume-Henry de Nassau, Prince d'Orange &ca.

2. C'est que ce Prince n'ayant presque rien entrepris a la teste des

armées qu'il a commandées en toute sa vie, n'a fait que des cam=

=pemens.

 

                                                                                                            [308]

Il passe les plus habiles,

Car ce Prince a quarante ans3.

A veu prendre plus de villes4,

Que les plus vieux conquerants.

 

3. Il avoit a peu prés cet age l'an 1692.

4. L'auteur entend toutes les villes que les François ont

prises a sa veue comme Condé, Mons, St. Omer &ca. et

quiconque aura leu ce Recueil, en sera suffisamment instruit.

 

 

                                                                                                            [309]

Chanson                                                                                               1692.

Sur l'Air: de Joconde                 [X]

 

Sur la prise des villes et Chateau de

Namur dont il est parlé dans la Chanson

precedente, les 5. et 30. Juin 1692. par le

Roy Louis XIV. en personne, et sur ce que

Guillaume-Henry de Nassau Prince

d'Orange, Couronné Roy d'Angleterre

ne les secourut pas, quoique ces places

fussent assiegez a sa veue.

 

Guillaume a fait des Actions

D'une gloire immortelle,

Lorsqu'il nous a veu prendre Mons2,

Il deffendoit Bruxelles3,

Il vient nous voir prendre Namur,

Pour deffendre Liege4,

                                                Sa

 

1. le Prince d'Orange.

2. On peut voir dans le Recueil de 1691. comme le Roy Louis

XIV. prit le 8. Avril de cette Année la Ville de Mons Capitalle

de Hainaut Commandant son Armée en personne.

3. On peut voir dans les pieces de 1691. que le Prince d'Orange

s'avanca jusqu'a la ville de Hall a 3. lieues de Bruxelle, du coté

de Mons avec une Armée sans pouvoir secourir cette derniere

place ce qui etoit proprement couvrir Bruxelle.

4. Il vint {avec} une Armée de 100000 hommes a dessein disoit on de

secourir Namur. Il se posta entre liege et l'Armée du Duc de

                                                                                                Luxembourg

 

 

                                                                                                            [310]

Sa presence est un moyen seur;

Pour terminer un siege5;

 

Flamans, Hollandois6, vous voyez.

Jusqu'ou va son courage,

Pour le bien de ses alliez,

Il met tout en usage,

Car voyant Namur aux abois,

Pour contenter Baviere7,

N'a t'il pas fait semblant deux fois

De passer la riviere8.

 

 

Luxembourg qui couvroit le siege sans la combattre; ainsi il

couvroit plustot Liege qu'il ne se mettoit en etat de secourir la

place assiegée.

5. Ce Prince a eu le malheur de voir souvent prendre au Roy

Louis XIV. desplaces a sa veue dés l'an 1672.

6. Ce Couplet s'adresse aux peuples du pais bas.

7. Maximilien-Marie Duc de Baviere Electeur de l'Empire, et

Gouverneur perpetuel des pais bas Espagnols, dont il prit le Gou=

=vernement au commencemt. de 1692. avoit interest que Namur

fut secouru n'ayant plus de ce coté là aucune place forte dans

son gouvernement et il pressoit fort, disoit on, le Prince d'Orange

de combattre le Duc de Luxembourg.

8. On a veu que le Prince d'Orange avoit posté son armée sur les

bords de la petite Riviere de Mehaigne qui la separoit de l'Armée

Françoise Mr. de Luxembourg qui avoit ordre du Roy de ne point

faire un combat de postes, mais un general, lui laissa faire des

Ponts sur cette Riviere qu'il fit sembland de passer deux fois pour

desposter les Francois qui etoient avantageusement postez; Mais

il ne passa pas, et quitta meme cette Riviere pour s'aprocher

de Charleroy.

 

 

 

                                                                                                            [311]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: d'une main je tiens mon pot

            {ou, De mon pot je vous en repons.}

 

Sur la prise des ville et Chasteau de Namur

dont il est parlé dans les Chansons preceden=

=tes; dans laquelle l'auteur fait partler Guil=

=laume-Henry de Nassau Prince d'Orange

 &ca.

 

Flamans1 à vôtre secours

Voyez comme je cours

S'agit il pour vôtre deffense

De depenser vous Patagons2,

De cela je vous en reponds;

Mais d'un Combat non, non3.

 

Faut il battre le Tambour

Pour braver Luxembourg4,

                                    Faire

 

 

1. Les peuples des pais bas Espagnols et Hollandois.

2. Ces peuples avoient donné et donnoient tous les jours des sommes

immenses pour l'entretien de la guerre.

3. Il n'avoit tenu qu'au Prince d'Orange de combattre l'Armée

Françoise et qui l'attendoit de pied ferme, mais il ne voulut,

ou n'osa jamais hazarder une Bataille.

4. Henry de Montmorency Luxembourg, Duc de Piney,

Pair et Mareschal de France, Chtr des Ordres du Roy, Capite.

des Gardes du Corps de sa Majesté &ca. general de l'Armée

                                                                                    Francoise

 

 

                                                                                                            [312]

Faire marcher en sa presence

En bon ordre mes Escadrons5,

De cela &ca.

 

Si Namur est aux abois,

Croyez moy, Hollandois,

Sur la Mehaigne6 en diligence,

Je feray construire des Ponts7,

De cela &ca.

 

Baviere8 comptez sur moy,

Je vous jure ma foy,

De ne point quitter cette place,

Qu'a la Capitulation9,

De cela &ca.

                                                Mais

 

 

Françoise qui couvroit le siege de Namur; prés de laquelle le

Prince d'Orange avoit posté celle des Alliez contre la France

qu'il commandoit.

5. Le Prince d'Orange changea plusieurs fois de poste.

6. Riviere qui separoit les 2 armées et qui se jette dans la Meuse

au dessus de la ville de Namur.

7. Le Prince d'Orange avoit fait faire des Ponts sur la Mehaigne

qui faisoient croire qu'il la vouloit passer. Il passa meme du

Canon et quelqu'Infanterie dessus cette Riviere. Mais elle en

fut chassée par le Regiment de Dragons de Sailly et ce fut toute

la tentative que fit ce Prince pour secourir Namur.

8. Maximilien-Marie Duc de Baviere, Electeur de l'Empire

Gouverneur perpetuel des pais bas Espagnols, lequel commandoit

les Troupes Espagnoles, et les siennes dans l'Armée des alliez.

9. Le Prince d'Orange fut en presence du Duc de Luxembourg

                                                                                                tant

 

 

                                                                                                            [313]

Mais bien que Namur soit pris10,

Rasseurez vos Esprits11,

Je feray pour garder Bruxelles12,

Ce que j'ay fait quand on prit Mons13,

De cela &ca.

 

tant que le Siege de Namur dura.

10. La ville de Namur fut prise le 5e. Juin 1692. et le

Chateau le 30e. du meme mois.

11. Il est certain que la Prise de cette place allarmoit fort tous

les pais bas Espagnols, qui n'avoient plus de places de guerre

de ce coste là. Bruxelles et Louvain villes sans fortifica=

=tions, etant deveneues leurs frontieres par la Prise de Namur.

12. Cette ville etant frontiere comme il vient d'etre dit, et etant

la capitale des pais bas Espagnols, le sejour de leur Gouvernr.

et de tous ses Conseils couroit risque d'etre assiegée, et

n'auroit pas pû resister.

13. On peut voir dans les pieces de 1691. que le Roy de France

Louis XIV. ayant assiegé en personne et pris la ville de

Mons le 8e. d'Avril de cette année, le Prince d'Orange,

s'avança seulement avec un corps d'armée jusqu'a Hall

trois lieues en deça de Bruxelles ce qui etoit plustost couvrir

Bruxelles, que tenter le secours de Mons.

 

                                                                                                            [315]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: de Joconde     [X]

 

En dialogue sur la Prise de Namur,

dans laquelle l'Auteur fait parler ........

Prince de Barbanson Gouverneur de cette

place pour Charles IId. Roy d'Espagne

lorsquelle fut assiegée, et Guillaume

Henry de Nassau Prince d'Orange &ca.

qui commandoit l'Armée des Alliez contre

la France, et qui devoit la secourir.

 

            le Pr. d'Orange.

Gouverneur vous avez grand tort.

Vous deviez vous deffendre

 

            le Pr. de Barbançon

Prince, qui n'est pas assez fort2,

Doit prudemment se rendre.

 

            le Pr. d'Orange.

Mais ne me comptiez vous pour rien

Je vous voyois combattre3.

 

            le Pr. de Barbançon

Ouy, mais Nassau je voyois bien

Que vous n'osiez vous battre4.

 

 

1. Il est certain que Namur fut for mal deffendu, et que la longueur

                                                                                                de

 

                                                                                                            [316]

 

de ce Siege ne fut donc qu'a la bonté des Fortifications du

Chateau, a son assiette et au mauvais tems qu'il fit pendant

le siege.

2. C'est une erreur de dire que le Prince de Barbançon ne

fut pas assez fort pour se bien defendre, puisqu'il avoit 15.

Bataillons.

3. On peut voir dans les Commentaires des Chansons precedentes

comme le Prince d'Orange s'etoit avancé avec son Armée jus=

=ques sur le bord de la Mehaigne prés Namur.

4. On peut voir dans les memes Commentaires qu'il ne tit qu'au

Prince d'Orange de combattre l'armée du Duc de Luxembourg

qui couvroit.

 

 

                                                                                                            [317]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Ah qu'il y va gayement

 

Sur la Prise des ville et Chateau de Namur

 

Nota. Que les Commentaires des Chansons precedentes

sufisent pour celle cy; ainsy on n'y en mettra point.

 

 

Berger et bergere allant,

Ah qu'il y va gayment

Mener leurs troupeaux a Dinan,

Tout au long de la Riviere1,

Ah qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

Mener leurs troupeaux a Dinan,

Ah qu'il y va &ca.

Se disoient chemin faisant

Tout le long &ca.

 

Se disoient chemin faisant

Ah qu'il y va &ca.

Guillaume2 sur sa grand' Jument.

Tout le long &ca.

                                                Guillaume

 

1. L'auteur entend la Riviere de Meuse ou celle de Sambre qui

se joignent toutes les deux à Namur.

2. Le Prince d'Orange.

 

 

                                                                                                            [318]

Guillaume sur sa grand Jument,

Ah qu'il y va &ca.

Vient avec un grand Armement,

Tout le long &ca.

 

Vient avec un grand Armement,

Ah qu'il y va &ca.

Secourir le pais Flamand,

Tout le long &ca.

 

Secourir le pais Flamand,

Ah qu'il y va &ca.

Devant Namur le Roy3 l'attend,

Tout le long &ca.

 

Devant Namur le Roy l'attend,

Ah qu'il y va &ca.

Et Luxembourg4 en fait autant,

Tout le long &ca.

 

Et Luxembourg en fait autant,

Ah qu'il y va &ca.

S'il peut chasser Louis le Grand,

Tout le long &ca.

                                                S'il

 

 

3. Le Roy de France.

4. Le Duc de Luxemboug.

 

                                                                                                            [318]

 

 

S'il peut chasser Louis le Grand,

Ah qu'il y va &ca.

Je lui donnerai un Merle blanc.

Tout le long &ca.

 

Je lui donnerai un Merle blanc.

Ah qu'il y va &ca.

La dessus un homme courant

Tout le long &ca.

 

La dessus un homme courant

Ah qu'il y va &ca.

Leur a dit en les abordant

Tout le long &ca.

 

Leur a dit en les abordant

Ah qu'il y va &ca.

Namur est pris asseurement

Tout le long &ca.

 

Namur est pris asseurement

Ah qu'il y va &ca.

Et Guillaume a perdu son temps

Tout le long &ca.

 

                                                                                                            [319]

 

Et Guillaume a perdu son temps,

Ah qu'il y va &ca.

Notre Roy revient triomphant

Tout le long &ca.

 

Notre Roy revient triomphant

Ah qu'il y va &ca.

Allons nous en dançant, chantant,

Tout le long &ca.

 

 

5. Le Roy de France.

 

 

                                                                                                            [321]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Lerela, lere lan lere.

 

Sur la Prise de la ville et Chateau de Namur

 

 

Les François ont donc pris Namur

Malgré la force de son mur

En dépit d'Orange et Baviere,

Lere la, lere lan lere,

Lere la, lere lan la.

 

Si cent mil hommes n'avoient veu

Comme a Louis, il s'est rendu,

On n'eut jamais crû cette histoire

Lere la, lere lan lere,

Lere la, lere lan la.

 

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire pour qui a

veu les precedentes.

 

 

 

                                                                                                            [323]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Mon Chapeau de Paille.

 

 

Sur ce qu'aprés la Prise de la ville de Namur

et pendant le Siege du Chateau, on trouva force

Bombes, Grenades, et autres Munitions

de Guerre dans la Maison des P.P. Jesuites

de cette ville que les Espagnols y avoient

cachez, et dont ces Peres n'avoient pas donné

d'avis.

 

Nota: Que l'Auteur fait icy parler le Pere Recteur des

Jesuittes de Namur que le Roy Louis XIV exila a Dole

pour n'avoir pas declaré ce depost, dont on croit que les Ennemis

se vouloient servir pour assieger Dinan qui eteoit alors a la France

si on n'eut pas repris Namur.

 

 

Au Roy Guillaume1 en France on fait la guerre,

            Pour la cause de Dieu2,

Moy qui detout fais mon profit sur terre3,

            Je m'en soucie fort peu,

Et je soutiens que cela m'est licite

                                                Car

 

1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange.

2. Il y avoit des gens qui regardoient cette guerre comme une guerre

de Religion a cause qu'il s'agissoit un peu de restablir sur son

trosne Jacques II. Roy d'Angleterre destroné par le Prince

d'Orange l'an 1688. sous pretexte qu'il etoit Catholique voyés

les Pieces de cette année.

3. C'est que les Jesuittes font d'ordinaire leur profit de tous.

 

                                                                                                            [325]

            Car je suis Jesuitte4 moy,

            Car je suis Jesuitte.

 

Si l'on demande êtes vous Catholique

            Avex vous de la Foy

Où si l'on dit, êtes vous heretique,

            Quelle est donc vôtre Loy;

A ce discours ma reponse est subite,

            Car je suis Jesuitte moy,

            Car je suis Jesuitte.

 

Lorsque je croy que le Prince d'Orange5

            Me doit servir d'appuy6,

De son costé aussitost je me range.

            Je travaille pour luy7.

J'ay des garands d'une telle conduitte3;

                                                            Car

 

4. On peut voir par la maniere dont ce refrain est appliqué dans ces

Couplet cy et dans les autres, l'opinion que l'Auteur a de la Compnie.

de Jesus, qui a dire le vray, est assez generale.

5. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange &ca.

6. Ce Prince êtoit venu au secours des pais bas Espagnols, et

Hollandois ainsi il etoit le suport de tous les habitans de ce pais.

7. Lisez la 2de. partie de l'Argument, et vous verrez a quoy les

Munitions de guerre chachées par les Jesuittes de Namur êtoient

destinées.

8. L'Auteur veut parler des Espagnols, ou des Jesuittes même qui

passent pour se soûtenir les uns, les autres dans les infidelitez.

 

                                                                                                            [326]

 

            Car je suis Jesuitte moy,

            Car je suis Jesuitte.

 

Contre Louis9 en depit de la foudre,

            Et de ses interêts,

Dans mon Couvent je cache la poudre,

            Des Bombes, des Boulets

            Sans m'inquieter quelle en sera la suitte;

            Car je suis Jesuitte moy,

            Car je suis Jesuitte.

 

Jentends crier que c'est un crime enorme11,

            Que c'est un vray forfait

Que l'on devroit pour me punir en forme,

            Me conduire au gibet;

Mais je m'en ris quoique ce coup merite;

            Car je suis Jesuitte moy,

            Car je suis Jesuitte.

 

9. Louis XIV. du nom dit le Grand, Roy de France.

10. Lisez l'Argument de cette Chanson.

11. Tout le monde croyoit avec raison contre cette action des Jesuittes

de Namur.

 

 

                                                                                                            [327]

Stances Irregulieres                                                                               1692.

Au Roy Louis XIV. aprés la Prise des

ville et Château de Namur, dont il est

parlé dans les pieces precedentes.

 

            Sire les Muses desolées,

            Aujourd'huy sans force et sans voix,

Viennent vous remontrer qu'elles sont accablées,

            Par le nombre de vos Exploits

            Fournier à tout ce que vous faites,

            Est un Employ trop mal aisé,

            Tant de siege ont epuisé

            Nos Orateurs, et nos Poëtes1.

 

Nos parterres2 n'ont plus de fleurs a vous donner,

            Ou s'il en reste quelques unes.

            Ce ne sont que les plus communes,

            Indignes de vous couronner

                                                            Dans

 

 

1. Le Roy Louis XIV. avoit pris un tres grand nombre de

places depuis l'an 1667. Tous les Poëtes et les Orateurs François

les avoient Celebrées a un tel excés qu'il etoit surprenant comment

il restoit encore des louanges pour sa Majesté.

2. Il faut se souvenir icy et dans tout le reste de cette piece que l'auteur

est Poete et qu'il parle pour lui et pour tous les poetes François ses

Confreres et pour les Orateurs.

 

 

                                                                                                            [328]

 

Dans cette extremité, que voulez vous qu'on fasse,

            Il n'est plus de Lauriez chez nous,

Quoique depuis trente3 ans sur le Mont de Parnasse

            On n'en ait Cueilli que pour vous.

 

Nous chantasmes jadis la Conqueste de Troye4,

Et l'Univers encore s'obstine a l'admirer;

Mais ceux dont cette Ville enfin devint la proye5.

Nous donnerent dix ans pour nous y preparer6,

Puis retournans chez eux au sortir de l'Asie

            Ces bons et paisibles heros.

Passerent en Bourgeois le reste de leur vie,

            Et nous laisseront en repos.

 

Content d'une unique victoire,

Autrefois le brave Jason7.

Crût qu'il suffisoit pour sa gloire,

                                                S'il

 

 

3. L'Auteur veut dire que depuis trente ans le Roy etoit victorieux.

4. Homere a parlé de la guerre de Troye dans son Iliade qui est

faite sur ce sujet. Le Lecteur ignorant y est renvoyé. Car il n'y

a pas moyen de d'escrire icy le siege de la guerre de Troye.

5. Les Grecs.

6. Le Siege de Troye selon les poëtes dura dix ans.

7. Lisez les II. 1res. Fables du VII. Livre des Metamorphoses d'Ovide

et vous verrez comme Jason envoyé à Colchos pour conquerir

la Toison d'or, par Pelias Roy de Thessalie son Oncle vint

a bout de cette entreprise. Cela ne se peut mettre icy.

 

                                                                                                            [329]

S'il pouvoit obliger les Filles de memoire

A chanter une fois Colchos et la Toison,

A vous seul aujoud'huy nous ne pouvons suffire

Quittes de Mons8, Namur vient nous embarasser,

            Nous avons beau faire et beau dire,

            C'est toujours a recommencer.

 

Nous ne connoissons que l'histoire

Sire qui puisse y resister,

Sa maniere de raconter;

Est plus propre a se faire croire

Nous prendrons seulement le soin

De la rendre exacte et fidele,

C'est tout ce que peut nôtre zele

Et dont vôtre gloire a besoin.

 

 

8. Mons fut pris par le Roy le 8. Avril 1692. aprés 15 jours de

tranchée ouverte. lisez les pieces de cette année là sur le sujet.

 

 

                                                                                                            [331]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air de la Rochelle.

 

 

Sur Guy de Durfort Comte de Lorge, Duc

de Quintin Maāl de France, Chevalier des

Ordres du Roy, Capitaine des Gardes du Corps

de sa M. general de ses Armées en Allemagne

l'an 1692. lequel les 4. 5. et 6. Juillet de cette

année laissa echaper plusieurs occasions de

combattre avantageusement celle de l'Emperr.

a de l'Empire commandée par le Prince

Christian Ernest de Brandebourg Bareith.

 

Depuis le Combat d'Altenheim1,

Jusqu'aux fautes2 de Feversheim3,

L'on croyoit quelque experience.

                                                A Lorge

 

 

1. L'an 1675 aprés la mort de Henry de la Tour d'Auvergne vicomte de

Turenne le Comte de Lorge son neveu duquel il est parlé dans cette Chan=

=son, se trouva commandant de l'Armée de ce General en Allemagne, il jugea

a propos de repasser le Rhin sur un Pont de batteaux, qu'on avoit fait

construire a Altenheim, et quoique le Comte de Vaubrun eut desja fait

repasser tres mal a propos cette Riviere a la 2de. ligne de l'Armée, le Comte

de Lorge soutint avec la 1re. tout l'effort de l'armée de L'Empr. et de

L'Empire commandée par le General Montecuculli qui l'attaqua le 1er.

aoust a la teste de son pont. Il repoussa meme les Ennemis et en fut fait

Mareschal de France.

2. Le Maāl de Lorge fit plusieurs fautes, car non seulement il laissa echaper

plusieurs occasions de combattre avantageusement les Ennemis qui avoient

passé le Rhin prés de Worms et devant lesquels il fut en presence les 4.

5. et 6. Juillet; mais il laissa meme piller une partie de ses baggages par

les Hussards de l'Armée Ennemie.

3. Ce fut prés la ville de Feversheim, et le long du ruisseau qui en porte

                                                                                                            le

 

 

                                                                                                            [332]

A Lorge; mais nous voyons bien,

Qu'il epuisa là sa science,

Ou que jamais, il ne sceût rien.

 

le nom que le Mareschal de Lorge fit toutes ces fautes.

4. Le Mareschal de Lorge.

 

 

 

                                                                                                            [333]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Lere, la, lere lan lere.

 

Sur le Combat donné a Stenkerke prés

Enghien en Haynault le 3e. Aoust 1692. entre

l'Armée de France commandée par Henry

de Mommorency-Luxembourg Duc de Piney,

Pair et Mareschal de France, Capitaine des

Gardes du Corps du Roy Louis XIV. Chtr des

Ordres de sa Majesté, et general de ses

Armées en France, commandée par Guillaume-

-Henry de Nassau Prince d'Orange Cou=

=ronné Roy d'Angleterre.

 

Nota. Que la victoire de ce sanglant combat demeura a la

France son année etant demeuré maitresse du champ de bataille

de huit pieces de Canon, de 7. a 800. prisonniers, et de beaucoup

de Drapeaux, car il ny eut que l'Infanterie qui combatit.

 

Bavière1 à la sanglante humeur

Dit a Guillaume2 ayons du cœur,

Il faut tous ces Coquins3 de faire;

                                                Lere

 

1. Maximilien-Marie Duc de Baviere Electeur de l'Empire, Gouvernr.

perpetuel des pais bas Espagnols Prince fort chaud, et fort violent

lequel commandoit les troupes Espagnoles dans l'Armée des Confederez.

2. Le Prince d'Orange.

3. La veille de ce Combat de Duc de Baviere appelloit les François

                                                                                                des

 

                                                                                                            [334]

Lere la, lere lan lere.

Lere la, lere lan la.

 

Ils parurent le lendemain4

Ayant un assez bon dessein;

Mais cette ardeur devint moins fiere5;

Lere la &ca.

 

Au moment que nos Bataillons,

A coups d'Espée et de Spontons,

Leur firent tourner le derriere;

Lere la &ca.

 

Enfin le Brave Luxembourg,

Baviere, Orange, et de Brandebourg6,

Vous a donné les Estrivieres.

Lere la &ca.

 

 

des coquins, mais le lendemain il changea de langage.

4. Ils marcherent toute la nuit a dessein d'attaquer les François le

lendemain et Mr. de Luxembourg ne fut avertir de leur marche

que peu d'heures avant qu'ils attaquent, ce qui causa d'abord

du desordre dans l'armée Françoise.

5. Parce qu'ils furent repoussez et battus.

6. Il y avoit des troupes de ces 3. Princes dans l'armée des confe=

=derez.

 

 

 

                                                                                                            [335]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: de la Rochelle

 

Sur le Combat de Stenkerke prés Enghien,

&ca. de même que l'Argument precedent

ainsy que le Nota.

 

 

Scavez vous brave Luxembourg,

Tout ce que l'on dit à la Cour,

De vôtre derniere bataille1,

Chacun publie hautement

Que vous n'avez rien fait qui vaille

Non de cœur, mais de Jugement2.

 

On scait que tous vos Bataillons

On fait de belles Actions3,

Qui brilleront dans nos histoire;

Mais aujourd'huy je vous dis

                                                On

 

1. N'en deplaise a l'auteur, ce n'est qu'un Combat, car l'affaire

ne fut pas generale, l'Infanterie seule ayant combattu.

2. On pretend que Mr. de Luxembourg etant superieur en Cavalerie

aux Ennemis, et Inferieur en Infanterie, s'etoit mal posté, ce qui

donna envie au Prince d'Orange de l'attaquer. D'ailleurs il ne fut

averti au dessein des Ennemis que le matin et ils etoient en

marche dés minuit pour le venir chercher, aussi fut il d'abord

poussé et perdit 4. pieces de Canon.

3. l'Infanterie Françoise fit des prodiges de valeur, et reprit

                                                                                                non

 

 

                                                                                                            [336]

On mesle a vos chants de victoire,

Un peu trop de deprofundis4.

 

Quoiqu'en disent les medisants,

Vôtre lettre5 a ses partisans,

Vous louez les gens a merveille6;

Mais il eut fallu sans façon

N'en deplaise a Monsieur Abeille7

Retrancher le Joly Garçon8.

 

 

non seulement le Canon perdu; mais 8. autres pieces aux Ennemis

comme il est dit dans l'Argument.

4. {La} Perte fut grande du costé du vainqueur; mais a la verité plus grande

du côté des vaincus.

5. C'est une Lettre que Mr. de Luxembourg escrivit au Roy, sur cette

Action et qui fut imprimée.

6. Mr. de Luxembourg y louoit beaucoup de gens.

7. L'Abbé Abeille est un auteur et un bel Esprit qui suivoit Mr. de

Luxembourg a l'Armée. Il est parlé de lui plus haut.

8. Mr. de Luxembourg dans sa Lettre au Roy en parlant du Mqs

de Rochefort Colonel du Regiment de Bourbonnois, dit que c'etoit

un fort joly garçon et l'auteur trouve cette louange bien seche en

comparaison de celles qu'il y donne aux autres officiers , cela fut

blamé du public.

 

                                                                                                            [337]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Il a battu son petit frere

 

Sur le retour à la Cour de Henry de Mont=

=morency Luxembourg, Duc de Piney, Pair

et Mareschal de France &ca. aprés la Campa=

=gne de Flandres, où il commandoit les Ar=

=mées du Roy Louis XIV. et dans laquelle

se donna le 3e. Aoust le Combat de Steinkerke

dont il est parlé dans la Chanson precedente.

 

D'une maniere triomphale,

Comme Caezar vient de Pharsale1,

Luxembourg doit venir icy2,

Mais on nous ecrit de l'Armée3,

Que sans vendosme4 et sans Conty5,

Il revenoit comme Pompée6.

 

1. Jules Cezar vainquit Pompée dans la Pharsale], et revint triomphant

a Rome.

2. A la cour.

3. L'Armée de Flandres que Mr. de Luxembourg commandoit.

4. Louis-Joseph Duc de Vendosme Pair de France, Chtr des Ordres du

Roy, Gouverneur de Provence &ca. lequel servoit de Lieutenant general

dans cette Armée.

5. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du sang, Chtr des

Ordres du Roy, lequel servoit de Lieutenant general dans cette

armée.

6. L'auteur veut dire que comme Pompée fut batu par Cezar, a

Pharsale, le Duc de Luxembourg l'eut êté au combat de Steinkerke,

                                                                                                            par

 

 

                                                                                                            [338]

 

par le Prince d'Orange, n'eut êté la valeur du Prince de Conty et

du Duc de Vendosme. Il est certain que ces Princes firent des

merveilles; mais surtout le Prince de Conty qui retablit absolument

l'aisle gauche qui plioit; comme il vit que le Regiment de Bour=

=bonnois etoit presque tout dispersé. Il prit lui meme le Drapeau

Colonel de ce Regiment et le porta du costé des Ennemis pour y faire

revenir les officiers et les soldats, ce qui reussit. Il fit plusieurs

autres actions heroiques, ce qui reussit. Il fit plusieurs

autres actions heroiques, ce qui faisoit dire a toute l'armée que l'ame du

Prince de Condé son oncle, avoit combatu ce jour là, avec luy.

 

                                                                                                            [339]

Stances                                                                                                 1692.

 

Sur Louis-Joseph Adhemar de Monteil

de Grignan Evesque de Carcassonne, leql.

êtoit à la teste d'une deputation que les

Estats de Languedoc firent l'an 1692.

a Pezenas, pour aller complimenter.......

de Gevaudan, femme de ........ M[ar]q[ui]s

de Gange Lieutenant pour le Roy de

cette Province et en cette année oublia sa

harangue, et demeura court.

 

 

Un Prelat1 enchanté d'une grace passante2,

Prodiguoit son encens par des foins superflus3,

Et s'efforçoit en vain d'une ame complaisante

A louer la beauté qu'on ne lui trouvoit plus.

 

Sa vertu du discours faisoit une partie4,

Plus pure, disoit il, qu'on ait veu de nos ans;

                                                            Quoique

 

1. L'Evesque de Carcassone.

2. Madame de Gange dont la beauté commençoit a passer.

3. Non seulement il etoit inutile de la haranguer au nom des Estats;

mais plusieurs y trouverent a redire, et surtout qu'un Evesque de

cette qualité de charheast de porter la parole on verra par la suitte

de ce Commentaire, et qui l'y engagea.

4. Ce Prelat la complimenta sur sa vertu qui etoit des plus medi=

=ocres et dont il connoissoit dit on la faiblesse mieux qu'un

autre.

 

                                                                                                            [340]

 

Quoique l'une du Corps, l'autre Cœur bannie5,

Formassent un eloge6 assez a contre tems.

 

Le Saint Esprit choque1 de cette fausse organe7

Le saisit a la gorge et l'arresta tout court,

Tu me trahis dit il, demeure là, Prophane

A tant de vains propos je ne puis être sourd.

 

A ces mots il se tut, et d'une voix tremblante

Annonça quelques mots, et toujours la vertu8,

Sans aucun fondement sur ses Levres errante

S'esloignoit du sujet qu'il a tant combatu9.

                                                                        Le

 

5. La Grace êtoit bannie du Corps de Made. de Gange, et la

vertu de son cœur.

6. Cet Eloge sur une beauté finie et une vertu mediocre rendoit

la harangue du Prelat tres fausse.

7. L'Auteur de ces stances blasmant, comme tout le monde, cette

Harangue, feint que le St. Esprit en fut lui même indigné

et regardant ce Ministere dans la bouche d'un Evesque,

comme une prophanation, lui arresta tout court la parole.

8. Ce Prelat demeura court en disant le mot de vertu qu'il repeta

plusieurs fois, sans pouvoir a chever le reste de son discours.

9. L'auteur veut dire que l'Evesque de Carcassonne, avoit

souvent combattu la vertu de Made. de Gange parce qu'il

avoit êté amoureux et dit on bien traité de cette Dame, cela

est assez ingenieux.

 

 

 

                                                                                                            [341]

Le Prelat en êtoit aux vertus Theologales;

Mais son zele du Ciel ne pût être beni

S'il avoit sceu toucher les vertus Cardinales10,

Sans doute, son discours n'eut pas sitost fini.

 

 

10. Ce cy est plaisant, Madame de Gange etoit publiquement la

Maitresse de Pierre de Bonzi Cardinal Archevesque de Narbonne

et President né des Estats du Languedoc. Il en est parlé dans

ce Recueil sous le nom de Madlle. de Gevaudan, et c'etoit luy qui

l'avoit mariée à Mr. de Gange et qui avoit fait acheter a ce

Gentilhomme, la Lieutenance de Roy en Languedoc, novellemt.

crée. Mr. et Mad.e de Gange venaient aux Estats pour la 1re. fois.

le Cardinal qui vouloit faire du Chagrin a Nicolas de Lamoignon

de Basville, Coner. d'Etat et Intendant de Languedoc, fit or=

=donner une deputation des Etats a Mr. et a Made. de Gange

plus honorable que celle qui est reglée pour les Intendants.

l'Evesque de Carcassonne amy du Cardinal et de la Dame se

chargea de porter la parole pour obliger son Eminence, et c'est

par raport a l'amour du Cardinal pour Made. de Gange que

l'auteur dit que si l'Evesque avoit parlé des vertus Cardinales

il ne seroit pas demeuré court.

 

 

                                                                                                            [343]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur........ de Sennecterre appellée Madlle.

de Menetou fille de Henry Duc de la Ferté,

et de Marie-Isabelle-Gabrielle-Angelique de la

Mothe-Houdancourt sa femme.

 

 

Ce n'est point la taille1. charmante,

De la Menetou qui m'enchante,

Ny son Clavessin, ny son Chant2,

Ny sa mine grimaciere3;

Mais c'est qu'elle est a quatorze ans4,

Plus putain que ne fut sa mere5.

 

 

1. Je ne scais pourquoi l'auteur traite icy la taille de Madlle. de

Menetou de Charmante; car elle n'est pas droite, il est vray que

sa mere prenoit grand soin de la faire bien habiller.

2. Elle chantoit et jouoit du Clavessin en perfection, et dansoit de

meme.

3. Elle minaudoit beaucoup.

4. Elle n'avoit que cet âge dans cette année 1692.

5. Il est mention en plusieurs en droits de ce Recueil du putanisme

de la Duchesse de la Ferté mere de Madlle. de Menetou.

 

 

                                                                                                            [345]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: je vous le dis et le repete.

 

Sur les Chansons de Philippes-Emanuel de

Coulanges cy devant Maitre des Requestes.

 

Ouy, je le soutiens sans scrupule

Que ny Martial, ny Catulle,

Ces badins de l'antiquité

N'ont point merité les louanges,

D'agrément, de facilité,

Qu'on doit aux Chansons de Coulanges.

 

Il scait de la bouffonnerie

Bien distinguer la raillerie,

Sans que rien sente le fagot,

Il depeint tout d'aprés nature,

En plaisantant mieux que Marot

Et badinant mieux que voiture.

                                                Corbinelli.

 

 

L'auteur de cette Chanson n'est pas avare de Louanges envers

Mr. de Coulanges, il est vray qu'il fait beaucoup de Chansons,

et il y en a plusieurs de lui dans ce Recueil, il faut convenir qu'il

les fait avec facilité; mais elles ne sont pour la pluspart que

de la prose rimée c'est a dire froides et incipides quoiqu'il y ait

du feu et de l'imagination dans quelques unes.

 

 

                                                                                                            [347]

Epigrammes                                                                                         1692.

 

Sur le IIIe. Volume du Livre intitulé

Parallele des Autheurs anciens et modernes

composé par Charles Perrault de l'Accade=

=mie Françoise dans lequel cet autheur

remarque quantité de defaut dans homere

et dans Virgile.

 

 

Clio vint l'autre jour se plaidre au Dieu des vers,

            Qu'en certain lieu de l'univers,

On traitoit d'autheurs froids de Poëtes steriles,

            Les homeres et les Virgiles,

Cela ne scauroit être, on s'est moqué de vous,

            Reprit Apollon en courroux.

On peut avancer une telle infamie,

Est ce chez les hurons, chez les Topinamboux,

C'est à Paris, c'est donc a l'hospital des foux,

            Non c'est au Louvre en pleine accademie.

 

Pour quelque vain discours sottement avancé,

Contre Homere, Platon, Ciceron et Virgile,

Caligula par tout fut traité d'insensé,

Neron de furieux, Adrien l'imbecile;

            Vous donc qui dans la même erreur,

 

                                                                                                            [348]

Avec plus d'ignorance, et non moins de fureur,

Dechirez ces heros de la grece et de Rome,

            Perraut fussiez vous Empereur,

Comment voulez vous qu'on vous nomme.

 

Un bruit court que Junon, Bacchus, Jupiter, Mars,

            Apollon, le Dieu des beaux Arts.

Les jeux mêmes les ris, les Graces et leur mere,

            Et tous ces Dieux Enfant d'Homere,

            Resolus de vanger leur pere

J'entent desja sur vous de dangereux regards

Perrault craignez enfin quelque triste avanture

Comment soutiendrez vous un choc si violent

            Il est vray, Visé vous asseure

            Que vous avez pour vous Mercure;

            Mais c'est le Mercure Galant.

 

D'où vient que Ciceron, Platon, Virgile, Homere,

Et tous ces grands auteurs que l'Univers revere

Traduits dans tes ecrits nous parroissent des sots,

Perrault, c'est que prestant a ces Esprits sublimes

Tes façons de parler; tes bassesses, tes rimes,

            Tu les a tous fait des Perrauts.

 

                                                                                                            [349]

Epigrammes                                                                                         1692.

 

Servant de reponse aux precedentes.

 

Qui sont ces gens qui pour les antiquailles1,

Font éclater un zele si chagrin?

Sont-ce Pedants nez au pais latin ?

Non, ce sont gens soi disans de Versailles2.

 

Des Preaux3 criant comme un sourd4,

Furieux dans la ville5 court.

Et comme un scandale exagere

Le mepris que l'on fait d'Homere6;

Mias les matins disent tout haut

                                                Que

 

 

1. C'est a dire pour les auteurs anciens.

2. L'auteur entend par là Jean Racine Gentilhoome ordres. de la

Maison du Roy, Tresorier de France en la Generalité de Moulins, de

l'Accademie Françoise, et Nicolas Boileau des Preaux aussi de

l'Accademie Françoise, et auteur de l'Epigramme precedente, ils travail=

=loient conjointement a l'histoire du Roy Louis XIV. par l'ordre de ce

Prince qui leur donnoit pension pour cela. Cela les attachoit en quelque

façon a la Cour qui pour lors etoit a Versailles et comme ils êtoient

gens de peu, et neantmoins Courtisans, l'auteur les appelle gens soy-

disans de Versailles. Ils etoient fort dechainez l'un et l'autre contre

Charles Perrault, sur ce qu'il elevoit les auteurs modernes au dessus

des anciens.

3. Cette Epigramme cy s'adresse a Boileau des Preaux auteur des

precedentes contre Perrault.

4. Le pauvre homme etoit sourd.

5. Paris.

6. Il est certain que Perrault dans son 3e. Tome du paralelle des auteurs

                                                                                                            anciens

 

 

                                                                                                            [350]

Que sa veritable colere,

Est que dans son livre Perrault7.

A son gré ne l'encense gueres,

Et qu'il loue un peu trop Quinaut8.

 

Boileau9 de quoi te mesle tu?

On croiyoit te voyant languissant abatu10,

Par un long repentir ta muse convertie11.

Mais tu nous rends garands du livre de Perrault.

                                                                        Si

 

 

anciens et modernes trouve ridicules dans les Poëmes

d'Homere.

7. Charles Perrault de l'Accademie Françoise, auteur du Paralelle

des autheurs anciens et modernes.

8. Perraut dans son livre loue fort Philippes Quinaut, auditeur

des Comptes a Paris, et de l'Accademie Françoise sur les Opera qu'il

avoit composés, et dans lesquels il reussissoit extremement, Et

a l'esgard de Boileau des Preaux, fameux par ses Satires, ses

Epitres, son Art Poetique en vers, et sa traduction du traité du Sublime

de Longin. Il en parle fort modestement. En quoi il a tort, Car

ses ouvrages honoreront eternellement nôtre siecle.

9. Nicolas Boileau des Preaux &ca.

10. Il etoit alors vieux.

11. L'auteur veut parler de ses satires, où il a fort medit et

nommé chacun par son nom.

12. Le Paralelle des auteur anciens et modernes, a quoi il faut

ajouter que cette Epigramme a êté faite au nom de l'Acca=

=demie Francoise que Boileau des Preaux semble accuser

d'appouver l'oppinion de Perrault dans l'Epigramme dont

il est l'auteur.

 

 

 

                                                                                                            [351]

            Si ce livre a quelque defaut,

Faut il nous insulter et nous prendre a partie,

Ton amy Furetiere êtoit un grand fripon13,

Et tu t'est attiré quelques coups de baston14,

            Tout le corps de l'Accademie,

Qui vous receut tous deux et que vous dechirez;

Devroit il se charger de toute l'infamie

            De deux membres deshonorez?

 

 

13. Voyez plusieurs Epigrammes plus haut de l'an 1686. où est

l'histoire d'Antoine Furetiere Abé de Chalivoy, lequel l'Acca=

=demie retrancha de son Corps.

14. Quelques gens ont dit que les satires de Boileau des Preaux

lui avoient attiré des coups de bâton.

 

                                                                                                            [353]

Epigramme                                                                                           1692.

 

Sur Bernard de Fontenelle de l'Accademie

Françoise, et sur quelques Poëtes Tragiques

dont les noms sont dans le Commentaire.

 

 

Ces jours passez chez vieil hist{o}rion1.

Un Croniqueur mettoit en question,

Quand à Paris commença la Methode

De ces Sifflets qui sont tant a la mode2,

Ce fut dit l'un aux pieces de Boyer3,

Gens pour Pradon4 voulurent parier;

Non, dit l'Acteur, voicy toute l'histoire

Que par degrez je vas vous debrouiller;

Boyer aprit au Parterre aba{r}ailler,

Quant a Pradon si j'ay bonne memoire

Pommes sur lui volerent l'argement,

Or quand sifflets prirent commencement.

                                                            C'est

 

 

1. Comedien.

2. Il s'etoit depuis quelque tems etably une methode parmi les spec=

=tateurs des Comedies, et surtout dans le Parterre, de siffler les

pieces qui deplaisoient.

3. Claude Boyer de l'Accademie Françoise qui avoit fait

representer quelques mauvaises Tragedies de sa façon.

4. Autre mechant Poëte Tragique.

 

                                                                                                            [354]

 

C'est j'y jouois, jen suis temoins fidelle,

C'est a l'Aspard5 du sieurs de Fontenelle,

                                                            Par Burine.

 

5. Bernard de Fontenelle de l'Accademie Françoise dont

quelques Tragedies et entr' autres, une nommée Aspar, avaient

mal reussy.

 

                                                                                                            [355]

Chanson                                                                                               1692.

 

Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.

 

Adressée au Sr. de Fontenelle de l'Accademie

Françoise, au sujet de l'Epigramme precedente

dont Jean Racine aussi de l'Accademie

Françoise, et Gentilhomme ordinaire de la

Maison du Roy, êtoit l'auteur.

 

Quand Racine avec aigreur,

Médit, méprise et querelle,

Ce n'est pas vous Fontenelle

Qui le mettez en fureur,

En vous il poursuit la race

De son plus grand Ennemy1,

Et n'en aura quoiqu'il fasse,

                                                De

 

1. Pierre Corneille de l'Accademie Françoise Poëte si fameux

par ses admirables Tragedies, et Oncle de Fontenelle l'Auteur de

cette Chanson le regarde comme l'Ennemi, on peut mieux dire

l'Adversaire du Sr. Racine, parce que selon lui, et beaucoup d'autres

les Tragedies de celuicy ne sont pas de la force de celles de Cor=

=neille. L'auteur pretend que c'est en haine de ce dernier que Racine

fait des Epigrammes contre Fontenelle et non a cause de la

preference qu'il a donnée dans quelques uns de ses ouvrages

aux auteurs Modernes sur les Anciens dont le Sr. Racine est

un des plus zelez deffenseurs.

 

 

                                                                                                            [356]

De vengeance qu'a demy2.

 

2. L'auteur pretend que Racine se vange mal par là, de la

superiorité que feu Mr. Corneille a au dessus de luy.

 

 

 

 

                                                                                                            [357]

Epigramme                                                                                           1692.

attribuée au Duc de Nevers.

 

Et adressée a Jean Racine Gentilhomme

ordinaire de la Maison du Roy &ca. sur le

meme sujet que les precedentes.

 

 

Racine je me rends, et c'est de bonne foy

Qu'aux modernes auteurs, les anciens je prefere,

            Il valent mieux que toy, que moy

            Et que l'Accademie2 entiere.

Mais je connois aussi sans chagrin, sans colere

            Amateur de la verité

            Que Lully3, Corneille4, et Moliere5,

            Ont surpassé l'antiquité,

Pour la piece d'Aspar du Sieur de Fontenelle

            Elle est mauvaise et je l'a soutiens telle,

Du chemin, du bon sens, l'auteur s'est fourvoyé;

Mais quand je vois les vers tomber sans harmonie;

                                                                        Que

 

1. On a veu dans les pieces precedentes le sujet de celle cy, qui est le

Paralelle des auteurs anciens et modernes par Charles Perraut

de l'Accademie Françoise, et la division que ce livre causa parmy

les beaux Esprits.

2. L'Accademie Françoise.

3. Jean Baptiste Lully Excellent Musicien.

4. Pierre Corneille Poëte Tragique.

5. Jean Baptiste Moliere Poëte Comique.

 

 

                                                                                                            [358]

Que je vois dans Esther7 deperir ton genie,

Hipocrite, rimeur8, historien trop payé9,

Avec tout l'Univers ma langue se delie,

            Et je dis, ô fatale loy,

            Quoi faut il voir un si grand Roy10,

            Entre les mains de l'auteur d'Athalie11.

 

 

6. Voyez l'Epigramme precedente et le Commentaire.

7. Tragedie Chrestienne, composée par le Sr. Racine l'an 1689.

comme on peut voir dans une Chanson de cette année.

8. L'auteur de cette Epigramme êtoit persuadé avec beaucoup d'autres

que Racine faisoit le devot et ne l'etoit pas.

9. Le Roy lui donnoit 2000. Ecus de pension pour ecrire son histoire.

10. Louis XIV.

11. Autre Tragedie composée par Racine l'an 1691, voyez 2. Chansons

de cette année.

 

 

 

                                                                                                            [359]

Epigramme                                                                                           1693.

A Mrs. de l'Accademie Françoise au

sujet de la Chanson et des Epigrammes

precedentes.

 

Aprés un grand vocabulaire1,

Beaux Esprits2 n'a ton rien a faire

Qu'a s'aboyer, ce mordre et s'entrepigratigner3,

            Quel Demon vous fait tous rimer,

            Et sans quartier l'un et l'autre médire,

            Vous nous avex fait assez rire4,

            Graves auteurs escrivez gravement,

            Et pour remplir vos destinées,

            Commencez viste un Rudiment5,

            Qui s'acheve dans trente années6.

 

 

1. Le Dictionnaire de la langue Françoise, commencé par l'Accademie

dès l'an 16.... sur les Ordres du Cardinal de Richelieu son....

Fondateur, et son 1er. protecteur. le Dictionnaire ne faisoit qu'etre

achevé et n'etoit pas même encore imprimé.

2. Les Accademiciens.

3. L'Auteur veut parler des Epigrammes de la Chanson précédente

au sujet des Auteurs anciens et modernes, lesquelles sont toutes faites

par des Accademiciens, les uns contre les autres.

4. Tout le monde se moquoit de cette guerre d'auteurs qu'etoient

echauffez et la traitoient aussi serieusement que si c'eût êté une

affaire d'Etat.

5. Un Rudiement de la Langue Françoise.

6. Voyez l'Article 1er.

 

 

 

                                                                                                            [361]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air de la Fronde.

 

Ce grand Dauphin sur qui la France,

Fonde toute son esperance

Reviens dressons lui des Autels,

Il merite qu'on le revere;

Ce fils du plus grand des mortels

Suit bien les traces de son pere.

 

 

                                                                                                            [363]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de Joconde.

 

D'Adam nous sommes tous enfans,

La preuve en est connüe,

Et que tous nos premiers parens,

Ont mené la Charüe;

Mais la de cultiver enfin

Leur terre infortunée;

L'un a detelé le matin,

L'autre l'aprés dinée.

 

Je ne trouve rien de plus fou,

Que certaines Familles,

Qui donnent jusqu'au dernier sou

Pour établir leurs filles,

L'on veut des partis éclatans,

Ducs, Mareschaux de France,

Pour être leurs petits parens,

Et leurs mesalliances.

 

 

                                                                                                            [365]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de Joconde.

 

A Made. de Coulanges. sur les devoirs qu'elle

rend à Made. de la Fayete, avec une obligation

si étroite qu'elle et plusieurs autres se sont

imposées, qu'elles n'osent y manquer chaque

semaine, elle y fut la semaine Sainte, son

Directeur lui en fit la guerre.

 

 

Ma fille recevez l'avis,

D'un Directeur sincere,

En Carême il n'est point permis,

En vain de se distraitre;

Laissez les inutiles soins,

Les visites frivoles;

Suspendez dans ce temps au moins

Le culte des Idolles.

 

 

                                                                                                            [366]

Autre                                                                                       

 

Sur l'Air: des Rochelois.

 

Sur le même sujet que la precedente.

 

 

Avec l'Encensoir à la main,

Courez* au Faubourg Saint Germain,

Il faut reverer vôtre idolle,

Paroître sensible a ses maux,

L'admirer a chaque parolle,

Et lui conter bien des fagots.

 

 

Elle y retourna aussitost aprés les festes, sur quoi il fit

ce couplet.

 

                                                                                                            [367]

                                                                                                            {Mars}

Epigramme {Deliguiere}                                                                       1693.

 

Sur la mort de Robert grand Peniten=

=cier. {mort le 25. Mars 1693.}

 

 

Croyez vous que je me soucie,

Que Robert le Penitencier,

Personnage docte et foncier,

Ait depuis peu perdu la vie,

La mort de Robert le Traiteur

Me tiendroit beaucoup plus au cœur.

                                                par Deliguiere.

 

 

 

Autre par le même

 

Sur ce qu'il meurt beaucoup de monde.

 

Il faut toujours vuider le verre

Pour dissiper nôtre chagrin,

Si l'on met tant de gens en terre

C'est qu'on ne boit point de bon vin.

 

 

                                                                                                            [369]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: du Noel de ............... *

 

Sur la Bataille de la Marsaille en

Piémont, donnée le 4. Octobre 1693. entre

l'Armée de France commandée par

Nicolas de Catinat Mareschal de France,

et celle des confédérez, commandée par

Victor-Amedée Duc de Savoye, dans laqlle.

la 1re. fut victorieuse.

 

Na. Que le detail de cette Action est dans le

Commentaire.

 

 

Scavez vous ce qu'a fait Pierrot1,

            Oh, oh

De sa formidable armée2

                                    Il

 

1. Les soldats appelloient par sobriquet le Maāl de Catinat

Pierrot, et cela parce qu'ils appellent Pierrots, les soldats

du Regiment des Gardes Françoises, et que ce Mareschal avoit

êté, Enseigne, sous Lieutenant, Lieutenant, et Capitaine dans

ce Regiment, les Soldats le nommoient aussi le Mareschal

au Mr. de la Pensée, a cause de son esprit et de ses veuës pour

la guerre.

2. L'Armée commandée par le Mareschal de Catinat etoit consi=

derable le jour de la Bataille de la Marsaille, car Elle avoit

êté renforcée de plusieurs troupes de l'Armée d'Allemagne

et principalement de la Gendarmerie qui fut d'un grand

secours dans cette occasion.

 

 

                                                                                                            [370]

Il a batu prés du Po3,

            Oh, oh,

Les Troupes confédérées4,

Le detail de cette fameuse journée

Est porté par la renommée.

                                                Plus.

 

3. La Bataille de Marsaille fut donnée sur la Riviere de

Chison et non pas sur le Po; mais cependant a une lieue ou 2.

de cette derniere riviere.

4. L'Armée Ennemie etoit composée de Troupes de l'Empereur

du Roy d'Espagne, du Duc de Savoye, parmy lesquelles étoient

des Bataillons de Religionnaires, que commandoit le Duc

Charles de Schomberg, et qui reconnoissoient le Prince d'Orange

pour leur Maistre. Cette armée commandée par le Duc de Savoyye

ayant passé la Chison, rencontra l'Armée Françoise dans un

terrain inégal, et coupé de Bois. Nôtre droite batit d'abord la

gauche des Ennemis qui ne tint pas. Nôtre centre tailla en pieces

celle des Confédérez. l'affaire fut plus considerable à nôtre gauche

où le Mareschal de Catinat avoit sagement fait passer la Gendar=

=merie pendant la nuit pour l'opposer aux Cuirassiers de l'Empr.

qui etoient a la droite des Ennemis. Notre Gendarmerie fut d'abord

poussée, et ne repoussa les Ennemis qu'a la seconde charge, qui

acheva la Victoire. Le Maāl montra une grande capacité dans

cette occasion, et nos Trouppes beaucoup de valeur, Et nôtre In=

=fanterie aussi bien que la Cavalerie chargea sans tirer, l'Epée

a la main ou la Bayonnette au bout du fusil et du mousquet;

nous gagnâmes outre le Champ de Bataille 4. Estendars, 78.

Drapeaux des Ennemis, et 30. pieces de Canon. Il y eut environ

2000. prisonniers des Ennemis, et 4. a 5. mil hommes de tués sur

la place, parmy lesquels fut le Duc Charles de Schomberg. Nous

y perdismes 1500. ou 2000. hommes dont le plus considerable, fut

le Sr. de la Hoguette Lieutenant general des Armées du Roy,

Sous Lieutenant de la 1re. Compagnie des Mousquetaires de sa M.

et Gouverneur de Mezieres et de Niort, homme d'un merite

singulier.

 

                                                                                                            [371]

 

Plus loin que par Clérembault5

            Oh, oh, oh, oh.

Voila ce qu'a fait Pierrot.

 

 

5. Ce fut le Comte de Clerembault Brigadier d'Infanterie

qui aporta au Roy la nouvelle de cette victoire, et que sa M.

recompensa sur le champ d'un Brevet de Maāl de Camp.

L'auteur a raison de dire que la Renommée celebroit cette victoire,

car elle êtoit considerable par elle même, et par la conjoncture.

Car les Alliez, ayant cette année Bombardée Pignerol et pris le

fort Se. Brigide prés cette place, et ayant l'année precedente

entré en Dauphiné, pris Guillestre et Embrun qu'ils abandon=

=nerent a la verité, nous avions besoin d'une victoire aussi

complette que celle là pour y retablir l'honneur de nos Armes

en Italie. Aussy dés ce moment là, le Duc de Savoye voyant

nos Troupes en Piemont et a la porte de Turin sembla t'il

entendre a quelques propositions de paix faites par les prison=

=niers, et le Comte de Tessé Chevalier des Ordres du Roy, et

Lieutenant general des Armées de sa M. fut même incognito a

Turin pour en traiter; on vera dans la suitte de ce Recueil

quel en fut le succés.

 

 

                                                                                                            [373]

                                                                                                            {Octobre}

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air ........

 

 

Louis le plus grand Roy du monde,

Tout triomphant qu'il est sur la terre et sur londe,

Aux Ennemis vaincus veut accorder la paix,

Alliez vôtre ligue, aliez vos projets

Contre un Roy si puissant, n'ont que l'impuissance,

Aimez vôtre vainqueur, acceptez sa Clemence,

Aimez vôtre vainqueur, acceptez sa Clemence,

Gardez vous, gardez vous contre lui de vous liguer jamais,

Gardez vous, gardez vous contre lui de vous liguer jamais,

Louis le plus grand Roy du monde,

Tout triomphant qu'il est sur la terre et sur l'onde,

Aux Ennemis vaincus veut accorder la paix.

 

 

 

                                                                                                            [375]

Sonnet              [X]                                                                               1693.

 

Au Roy Louis XIV. sur ce qu'il continuoit

la guerre avec ardeur, malgré la misere où

elle avoit réduit la France, et la disette où

elle êtoit alors y ayant eu peu de bled cette année

dans le Royaume, ce qui achevoit d'accabler

le peuple, et avoit mis le pain a un prix

excéssif.

 

 

Louis, tu vas courir de victoire1;

Mais prend bien garde de triompher en vain

Tu seras il est vray rassasié de gloire;

Mais nous le serons nous de pain.

 

Consulte ta bonté, prens soin de la memoire,

Crains qu'en parlant de nous fidelle Ecrivain

Ne dise un jour, Louis pour vivre dans l'histoire

Les a tous fait mourir de faim.

                                                            Que

 

1. On a veu plus haut que l'Armée du Roy en Flandres avoit

vaincu celle des alliez contre la France, au Combat donné a

Nerwinde le 29. Aoust 1693. l'armée de sa Majesté commandée

par le Mareschal de Catinat en Piemont se preparoit a combattre

celle du Duc de Savoye, et l'Armée victorieuse de Flandres faisoit

alors le siege de Charleroy qui se rendit le ............ du mois

de .............. .

 

 

                                                                                                            [376]

 

Que peux tu desirer? mille et mille Lauriers

Te font nommer partout le plus grand des guerriers2,

Ta grandeur est presque Divine.

 

Laisse nous donc jouir des douceurs de la paix3,

Quel funeste plaisir d'obliger tes sujets

A crier victoire et famine4.

 

2. Il est certain que le regne du Roy Louis XIV. êtoit un tissu

continuel de victoires.

3. La paix êtoit non seulement desirée; mais necessaire à la

France, dans l'épuisement où elle etoit àlors d'hommes et

d'argent.

4. Les Armées du Roy êtoient victorieuses partout; mais le

peuple gémissoit par la disette de bled.

 

 

                                                                                                            [377]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de Lampon.

 

Aprés la Bataille de la Marsaille;

C'est le Duc de Savoye qui parle.

 

 

On dit partout dans Paris,

Que Catinat m'a tout pris,

Il a menty, s'il s'en vante;

Car j'ay ma chaise roulante

Lampon, lampon,

Camarade lampon.

 

 

 

                                                                                                            [379]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: des Ennuyeurs.

 

Adressée à Philippes-Emanuel de Coulanges,

sur les divers sentimens, touchant les

Autheurs anciens, et modernes.

 

 

Aujourd'huy dans les entretiens1,

A tort et a travers on compare

Les modernes aux anciens;

Et librement on se déclare,

Chacun fait des comparaisons

Sans nous en dire les raisons.

 

Apprens nous par quelque couplet2,

Ausquels on doit la préference,

Qui trouves-tu le plus parfait

Ou de Moliere3, ou de Terence4;

                                                Mais

 

 

1. On ne parla longtemps que de cette querelle pour les auteurs

anciens et modernes.

2. Comme Mr. de Coulanges faisoit souvent des Chansons et

qu'elles etoient fort publiques, l'auteur de cellecy le prie d'en

faire une sur le sentiment qu'il a de ces auteurs, et lesquels

il prefere aux autres.

3. Poëte Comique François.

4. Poëte Comique Latin.

 

                                                                                                            [380]

 

Mais dis nous sur quel fondement

Est appuyé ton sentiment,

 

Qui de Frapaole5, ou Guiccjardin6,

De Titelive7, ou de Saluste8,

Est d'un caractere plus fin,

Plus noble, plus fort et plus juste;

Dis nous enfin lequel d'entre Eux,

Choisit, arrange, ou narre mieux.

 

Trouves tu plus de dignité,

Et plus d'agrément dans le stile,

Plus de grandeur, et de beauté

Dans Corneille9, que dans Virgile10,

Qui des deux fait plus a propos

Agir et parler son heros.

                                                Pour

 

5. Moine servite Italien qui a escrit l'histoire du Concile

de Trentre.

6. Italien qui a ecrit les guerres des Rois de France Charles.

VIII. et Louis XII. en Italie.

7. Il a escrit l'histoire Romaine en latin par Decades dont il

ne reste qu'une partie.

8. Il a aussi ecrit l'histoire Romaine en latin dont il ne reste

plus que la conjuration de Catilina et la guerre contre Jugurtha

avec quelques fragmens du reste.

9. Poëte Tragique François.

10. N'en deplaise a l'Auteur, Corneille ne peut être comparé avec

Virgile, puisque celui cy n'a point fait de Tragedies; mais

                                                                                    seulement

 

 

                                                                                                            [381]

Pour confondre les tems passés

Où sembloit regner l'Eloquence,

Nos Orateurs ont ils assez,

D'art, de genie, et de science,

Impunement oublira t'on

Et Démosthene et Ciceron.

 

Tu peus sur cela scavamment11,

Instruire tes amis fideles,

Ton goût et ton discernement

Peuvent apaiser ces querelles,

Et je me suis fait une loy

De ne juger que comme toy.

                                                Corbinelli.

 

 

seulement les Georgiques des Eclogues, et le Poëme heroique

de l'Eneide.

11. On ne peut s'empescher de blâmer encore l'auteur, de ce qu'il

traite Mr. de Coulanges de scavant.

12. Si l'Auteur forme ses décisions sur celles de Mr. de Coulanges,

il court risque de se meprendre.

 

Nota. Qu'il est surprenant que l'Auteur de cette Chanson ait

pris pour juge ce differend Mr. de Coulanges. Celui cy doit un

homme tres agreable, doux, de bonne compagnie toujours guay

et ce qui a fait plusieurs jolies Chansons, dont il y en a quelques

unes dans ce Recueil; mais il n'avoit aucune connoissance

des Belles Lettres ny aucune litterature. On pouvoit même le

regarder comme un homme tres ignorant, et par consequent très

incapable de décider sur une pareille maniere.

 

 

                                                                                                            [382]

Autre                                                                                       

 

Sur le mesme Air

 

De Philippes-Emanuel de Coulanges,

servant de réponse à la precedente, et adressée

au Sr. de Corbinelli qui en êtoit l'auteur.

 

 

Pour un tres vulgaire rimeur,

Pour un insecte du Parnasse,

Vous me faites beaucoup d'honneur,

Corbinelli, je vous rends grace,

Loin de dire mon sentiment,

Je me retranche au compliment.

 

Mon illustre amy je me tiens

Dans mon ressort de balivernes*,

Quoi moy, juger des modernes!

Je les honore au dernier point

C'est pourquoy je n'en parle point.

 

 

*Il veut parler des Chansons qu'il a faites.

 

 

                                                                                                            [383]

Epigramme                                                                                           1693.

 

A Paul Godet des Marais, Evesque

            de Chartres.

 

 

N'etes vous point ce grand Apôtre1,

Qui decendez du Firmament?

A ce grand Saint plus qu'a tout autre

Vous ressemblez parfaitement,

Je vous vois plein de sa doctrine2,

Et de sa puissance divine3,

Vous portez son illustre nom4,

Le même zele vous embrase,

Vous êtes comme lui le vaze

Ou le Godet5 d'Election.

 

 

1. St. Paul.

2. L'Evesque de Chartre êtoit bon Theologien, et scavoit par consequent

la Doctrine de St. Paul qui est celle de la Religion Chrestienne.

3. Les Evesque sont les successeurs des Apôtres.

4. L'Evesque de Chartres se nomme Paul.

5. Voila une Allusion bien basse sur le nom de la Famille de ce

Prelat.

 

Nota. Qu'il est douteux si cette Epigramme a êté faite pour se

moquer de ce Prelat, où si elle a êté composée par quelque fat qui a

cru bien dire lorsqu'il disoit des sotises. Ainsi il est bon de dire

icy que l'Evesque de Chartres êtoit un homme de tres petite naissce.

qu'il êtoit simple Prestre au seminaire de St. Sulpice à Paris, qu'il

eut une abbaye par le credit de la Marquise de Piennes sa parente;

                                                                                                qu'ayant

 

                                                                                                            [384]

qu'ayant êté assez heureux pour être appellé avec d'autres Prestres,

a la Direction de la Maison de St. Louis a St. Cir pres Versailles,

par la Marquise de Maintenon, il gagna sa faveur passa pour

un St. dans son Esprit, en telle sorte qu'elle lui fit donner l'Evesché de

Chartres, et le mit assez avant dans l'Esprit, et dans la confiance

du Roy Louis XIV. néantmoins, c'etoit un homme tres plat, d'un

tres petit merite, quoiqu'homme de bien, d'ailleurs dévot, de Cabale,

et par consequent dangereux, glorieux, meffiant &ca.

 

 

                                                                                                            [385]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere

 

Sur........................ Nompar de Caumont de la Force

veuve de ............... Grimoard de Beauvoir

Marquis du Roure.

 

 

Roure1 sensible à la tendresse,

Mettant à profit sa jeunesse,

Favorise divers amans,

Pour trois2, la chose est fort certaine,

Et que tous leurs embrassemens,

Ne l'a mettent point hors d'haleine.

 

Auprés d'Elle une grosse bourse,

Est d'une infaillible ressource,

Et c'est par là que ce Bourgeois3.

De qui le mérite est si mince

A fait cocu plus d'une fois,

                                                Le

 

 

1. Le public dit Roule; mais c'est Roure.

2. On verra plus bas qui sont ces 3.

3. Un joueur appellé Frerot, homme de rien qui avoit dit

on {a} les bonnes graces de la Marquise du Roure pour de

l'argent.

 

 

                                                                                                            [386]

 

Le heros4, le Prestre5, et le Prince6.

 

4. Louis Dauphin de France qui avoit êté amoureux de la

Marquise du Roure pendant qu'elle êtoit fille d'honneur de

Marie Anne Christine Victoire de Baviere sa femme.

5. ......... de Mauroy Prestre de la Congregation de St.

Lazare de Paris dont il a êté parlé plus haut dans les

chansons de 1691. Na. Qu'on y verra ses avantures, et

que dans cette année 1693. il fut condamné par le Parlement

de Paris a 9. ans de Galeres, dont le Roy sursit l'execution

à la priere du Duc d'Orleans son frere que la Duchesse

de Ventadour amie de Madlle. de Mauroy sœur du coupable

en avoit prié, et que sa M. ordonna qu'il demeuroit

prisonnier dans l'Abbaye des sept fonds en Bourgogne;

avec pouvoir a l'Abé qui es regulier de l'abandonner a la

rigueur de l'Arrest à la 1re. friponnerie qu'il feroit.

6. Louis de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne receu

en survivance a la charge de Grand Chambellan de France

du Duc de Bouillon son pere, lequel fut eperdument

amoureux de la Marquise du Roure jusqu'a sa mort

arrivée le 3e. Aoust 1692. au Combat de Steikerque où il

servoit de Brigadier de Cavalerie dans l'Armée que

commandoit le Maāl Duc de Luxembourg.

 

                                                                                                            [387]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air de Jean de Verth.

            par Madame de Polignac

 

Sur .............. de la Baume-le Blanc,

de la Valiere, femme de Cesar-Auguste

Duc de Choiseul, Pair de France, Chtr

des Ordres du Roy, Lieutenant general

des Armées de sa Majesté &ca.

 

 

Si vous voulez1 pour quelque tems

Continuez a plaire

Moderez un temperament,

Qui pour se satisfaire

Vous fait accorder si souvent

Ce que l'on gardoit mieux du temps2,

De Jean de Verth.

 

Touchez à present votre cœur

N'est plus bonne fortune

                                                On

 

 

1. Cette Chanson s'adresse à la Duchesse de Choiseul elle

même.

2. C'est l'honneur que cette Dame sembloit avoir abandonné car

elle êtoit d'une Coqueterie qu'on pouvoit appeller prostitution, jusques

là qu'on disoit qu'elle avoit, et avoit donné du mal Venerien.

 

                                                                                                            [388]

 

On est si saoul de vos faveurs,

Elles sont si communes,

Que même vous ne pourriez pas,

Tenter le moindre des Goujats

de Jean de Verth.

 

 

Nota; Qu'on a crû inutile de commenter le reste de la

Chanson qui est assez intelligible d'Elle même.

 

 

                                                                                                            [389]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Adressée a ........... de la Baume le Blanc

de la Valliere+; tant sur Elle que sur .......

Comte d'Albert Colonel Lieutenant du

Régiment de Dragons de Louis Dauphin

de France.

 

{+ femme de Cezar-}

{Auguste de Choiseul}

{Pair de France, Chtr. des}

{Ordres du Roy. Lieutt.}

{gnal des Armées de}

{sa Majesté}

 

 

Estre bien fait, mais imbecille 1,

Porter une Epée inutile2,

Se montrer timide et jaloux3,

Et changer de goût pour vous plaire4,

                                                            Choiseuil

 

 

1. Ce vers et les trois suivans, sont sur le Comte d'Albert, qui

etoit tres beau et tres bien fait, mais sans esprit.

2. L'Auteur veut parler en cet endroit d'une avanture qui arriva

chez la Duchesse de Choiseuil. Elle etoit enfermée dans son

Cabinet à Paris avec le Comte d'Albert lorsque le .......................

d'Aubusson Duc de la Feuillade, qui l'amoit, entra dans sa

Chambre malgré l'opposition que le Suisse de la Duchesse fit

a la porte. Il y dit plusieurs sotises contre cette Dame qui les

entendant de son Cabient ne pût s'empescher d'en sortir; et de

d'effendre au Duc de la Feuillade d'entrer d'avantage chez elle,

Le Duc repliqua, et le Comte d'Albert qui assistoit a cette

conversation ne se mit jamais en devoir d'en tirer raison. C'est

pour cela que l'auteur traite l'Epée de ce Comte d'inutile. Ce=

=pendant le Roy êtant informé de ce demeslé en prevint les

suittes, par des deffenses tres severes aux parties.

3. Le Comte d'Albert a ce que pretend l'auteur, etoit l'un et l'autre.

4. On pretend que le Comte d'Albert êtant naturellement sodomite,

                                                                                                avoit

 

 

                                                                                                            [390]

 

Choiseuil pour être aimé de vous

Franchement n'est-ce pas trop faire5.

 

 

avoit changé de gout en faveur de la Duchesse de Choiseuil.

5. C'est qu'en vérité cette Duchesse etoit si decriée qu'elle ne

meritoit pas qu'on fit aucun effort, pour avoir ses bonnes

graces.

 

                                                                                                            [391]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de Jean de Verth

            par Made. de Polignac.

 

Sur ................ de Gramont Comte de Guiche

Colonel d'un Regiment d'Infanterie.

 

 

Guiche croit avoir de l'Esprit

Lorsque par nonchalance,

Il se moque de ce qu'on dit,

Ou rit par contenance;

C'etoit ma foy bien autrement,

Qu'on avoit de l'Esprit du temps

De Jean de Verth.

 

 

Il suffit de dire pour tout Commentaire, que le Comte de

Guiche n'avoit point d'Esprit, et néantmoins faisoit le

capable et le Critique.

 

 

                                                                                                            [393]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: il a batu son petit frere.

 

Sur ............. du Fouilloux veuve de Paul

d'Escoubleau de Sourdis, Marquis d'Halluye

&ca.

 

 

Aussi rouge qu'une Ecrevisse1,

Aprés avoir rendu service

Pendant vingt ans à la Soissons2,

La d'Halluye releve boutique

Porthsmouth3, et {la} Grancé4, dit on,

Sont a present ses deux pratiques.

 

 

1. Elle avoit le visage extremement rouge.

2. Olimpe Mancini veuve de Eugene-Maurice de Savoye..

Comte de Soissons, Colonel general des Suisses et Grisons, Gouver=

=neur de Champagne et Brie. la Marquise d'Halluye etoit son

amie particuliere et sa confidente.

3. Louise-Renée de Pennacoûet de Kerouald Duchesse de

Porthsmouth en Angleterre, laquelle avoit êté maîtresse de

Charles II. Roy d'Angleterre, et qui êtant etably à Paris y

menoit une vie peu reguliere.

4. Marie-Louise Rouxel de Grancey, fille tres déréglée. Elle

avoit êté Dame d'Atour de Marie-Louise d'Orleans Reine

d'Espagne, ce qui lui donnoit le Titre de Dame.

5. La Marquise d'Halluye êtoit amie de ces deux Dames et

leur confidente.

 

                                                                                                            [395]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur le desmeslé qu'eurent ensemble ...........

de Chambonneau et ............. Nompar de

Caumont veuve de ............. Grimoard de

Beauvoir Marquis du Roure.

 

 

Qu'est ce j'entends dans la foule1,

La Chambonneau et la du Roule2,

Qui veulent s'arracher les yeux,

La d'Aumont3 y devroit paroître,

Puisqu'il s'agit dans ce Combat

Que de la Braguete d'un Prestre4.

 

 

1. C'est lorsque Madlle. de Chambonneau chanta pouilles à la Maruise

du Roure devant la porte l'Envoyé de Dannemarck.

2. Tout le monde dit du Roule; mais c'est {de} Roure.

3. Françoise-Angelique de la Mothe-Houdancourt, femme de Louis-

Marie Duc d'Aumont Pair de France Chtr des Ordres du Roy, 1er.

Gentilhomme de la Chambre du Roy, Gouverneur de Boulogne, Pais

Boulenois &ca. laquelle êtoit devote de profession.

4. L'Auteur veut désigner par le mot de Prestre Philippes de Savoye

qui etoit Abbé de St. Pierre de Corbie, de St. Médard de Soissons, et de

N. D. du Gard.

 

Nota; Que ce demeslé vint de ce qu'aprés la mort de Louis de la

Tour d'Auvergne Prince de Turenne, tué au Combat de Steinkerque

le 3. Aoust 1692. la Marquise du Roure qui l'aimoit s'en consola tout

aussitot, en prenant pour amant en sa place le Prince Philipes de Savoye;

On dit même que ce fut par une déliberation prise entre elle, Marie Anne

de Manicini Duchesse de Bouillon mere du Prince de Turenne, et Cabre

Chambellan de Monsieur, don amant, lesquels trouverent a propos de

                                                                                                substituer

 

 

                                                                                                            [396]

 

substituer le Prince Philippe en la place du deffunt, d'autant plus qu'il

êtoit neuveu de la Duchesse de Bouillon. Celuy cy entretenoit Madlle. de

Chambonneau laquelle outrée de l'infidelité de son amant le suivit a un

Bal que Mr. de Meyerskroon. Envoyé Extraordinaire de Dannemarck

donnoit au fils aîné du Roy son maître, lequel etoit lors à Paris. Le

Prince Philippe et la Marquise du Roure y etoient ensemble en

masque, Madlle. de Chambonneau les reconnut et comme ils sortoient

les suivit, jusques dans la rue où elle leur chanta mil injures.

 

 

                                                                                                            [397]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de Lanturlu.

 

Sur quelques Dames de Paris.

 

 

Nimphe surannée1,

Vos roses, vos Lys2,

Renfoncent

Des plus rudes v.....

Halluye soyez chaste

Vous avez assez fou .......

Lanturlu, Lanturlu,

Lanturlu, Lanturlu.

 

Si tu veux encore

T'en faire couler

Nymphe que j'abhorre

Fais toy dépiler,

Et que ta chemise

Ne te tienne plus au cu

Lanturlu &ca.

                                    La

 

 

1. .................. de Meaux du Fouilloux veuve de Paul d'Escoubleau

de Sourdis Marquis d'Halluye.

2. Elle metoit beaucoup de rouge et de blanc sur son visage quoique

vieille, dont l'auteur se moque.

 

 

 

                                                                                                            [398]

La d'Entrague3 enrage

De ceque Crequy4,

Malgré lui décharge

Sans secours d'autruy5,

Quel malheur dit elle,

Que tout cela soit perdu,

Lanturlu &ca.

 

Des histoires salles

De la Polignac6,

Qui voudroit escrire,

Tout le miquemac,

Il faudoit des livres,

Pour plus de cent mille Ecus,

Lanturlu &ca.

 

La de Nesle7 ruine,

Ses adorateurs,

                        Aimant

 

3. ................ de St. Remy, veuve de ........... Comte d'Entragues

amie de la Marquise d'Halluye.

4. Joseph Marquis de Crequy Maāl des Camps et Armées du Roy

qui etoit beau et bien fait.

5. C'est qu'il se branloit.

6. Marie-Charlotte de Rambures femme de ............. Marquis

de Polignac Colonel d'une Regiment d'Infanterie.

7. ................. de Coligny veuve de ............ de Mailly M[ar]q[ui]s

de Nesle.

 

 

                                                                                                            [399]

 

Aimant la cuisine,

Vend cher ses faveurs;

Il faut pour lui plaire,

Qu'on lui preste a fonds perdu,

Lanturlu &ca.

 

La Motte8 on publie

Vos déportemens,

Toute vôtre vie

Aigrit vos amans;

Il faut qu'ils s'en vangent

A coups de pied dans le cu;

Lanturlu &ca.

 

Quand on eut affaire

Dans vôtre quartier

Pour un Commissaire

On n'oza crier9.

                        On

 

 

8. .............. de Meugron veuve de ......... Comte de la Motte

Chevalier d'honneur au Parlement de Bourgogne.

9. La Comtesse de la Motte logeoit dans une portion de Maison

au faubourg St. Germain a Paris. Un jour la Princesse de

Bournonville sortant de chez elle fut arrosée d'un pot de

Chambre qu'un des Locataires de cette maison lui jetta sur la

teste. Elle en fit grand bruit, et menaça d'envoyer querir le

Commre. du quartier; mais le coupable sans s'etonner dit que

si l'on le faisoit venir, il se plaindroit de son côté de la vie

                                                                                    que

 

                                                                                                            [400]

 

On dit que vos meubles

S'il venoit etoient perdus10,

Lanturlu &ca.

 

Si tu veux Tonnerre11,

N'etre point cocu

Songe a t'on affaire

Cache tes Ecus,

Ta femme12 peu sage,

Les donne au 1er. venu;

Lanturlu &ca.

 

On l'a dit brouillée

Avec Perigny13,

Elle en est faschée;

Mais de dans Paris

On en trouve mille

Quand on à la rage au cu

Lanturlu &ca.

                                    Pour

 

que l'on menoit chez la Comtesse de la Motte et que c'étoit un vray bordel

cela allarma tellement la Princesse de Bournonville et elle, que la 1re. s'en

retourna doucement chez elle changer d'habit, sans pousser cette affaire.

10. Les Comres. jettent d'ordre. par les fenestres les meubles des bordels, qu'ils

font deloger pour avoir plutôt fait.

11. Ce couplet s'adresse a ........... de Clermont de Tonnerre 1er. Gentilhomme de

la Chambre de Philipes de France Duc d'Orleans frere unique du Roy Louis 14.

12. ............ de Hanivel de Menevilette.

13. ..............de Perigny cy devant Lieutenant au Regiment des Gardes

Françoises.

 

                                                                                                            [401]

 

Pour la Bournonville14,

Elle borne ses soins

De dans sa famille,

Y trouvant ses besoings,

Messieurs ses deux freres15

A ce qu'on dit l'ont f........

Lanturlu &ca.

 

Vôtre sort m'étonne

Belle Richelieu16;

Je vous croyois bonne,

Pour un mauvais lieu,

Un autre commerce17.

Releve vôtre vertu

Lanturlu. &ca.

 

Vous êtes heureuse,

Mais quand au début,

                                    Jamais

 

 

14. Marie-Victoire d'Albert de Luynes, femme de.......

Prince de Bournonville, Enseigne des Gensdarmes du Roy, de

laquelle il est parlé a l'article 9. de ce Commentaire.

15. ................ d'Albert Colonel d'un Regiment de Dragons, et

.................... d'Albert Chtr de Luynes Enseigne de Vaisseau.

16. Marie Charlotte Mazarini femme de Louis de Vignerot

Marquis de Richelieu.

17. François-Louis de Bourbon Prince de Conty en etoit alors

amoureux et dit on bien traité.

 

                                                                                                            [402]

Jamais une gueuse

Ne se convertit,

Dedans six semaines

Vous serez a un Ecu;

Lanturlu. &ca.

 

L'on couche sans peine

Avec la Choiseul18;

Mais ses faveurs menent

Tout droit au Cercueil

Sans le pont de seve19.

Tout Paris êtoit perdu20,

Lanturlu. &ca.

                                    La

 

 

18. ............ de la Baume le Blanc de la Valliere, femme de

Cezar-Auguste Duc de Choiseul Pair de France Chevalier des

Ordres du Roy.

19. Pour comprendre ce cy, il faut scavoir que la Marquise de

Polignac de laquelle il est parlé a l'article 6. de ce Commentaire,

etant brouillée avec la Duchesse de Choiseul pour lui faire

piece, fit afficher au bout du pont de seve sur le chemin de

Paris a Versailles où etoit alors la Cour, que ceux qui auroient

des maux veneriens pouvoient se servir d'un Chirurgien dont

le nom etoit dans l'affiche, lequel en avoit traitté cette

Duchesse avec succes; cela fit un fort grand bruit alors.

20. L'auteur pretend que la Duchesse de Choiseul avoit effecti=

=vement du mal, et que si le public n'en avoit pas êté averti

par cette affiche, tout Paris auroit êté infecté, parce qu'elle

accordoit ses faveurs facilement a beaucoup de monde.

 

                                                                                                            [403]

La du Roure21, donne

Dedans la grandeur,

Ne voyant personne,

S'il n'est grand Seigneur,

Et devant les Princes22,

Elle tombe sur le cu,

Lanturlu. &ca.

 

La Crequi23. veut faire

La Dame d'honneur,

Une mine austere,

Un air de hauteur,

Ce sont là les preuves,

Que l'on a de sa vertu;

Lanturlu. &ca.

 

Un homme d'Eglise

Du soir au matin,

                        Luy

 

 

21.............. Caumont de la Force, veuve de ........... Grimoard

de Beauvoir Marquis du Roure.

22. Elle avoit alors pour amant le Prince Philippe de Savoye qui

avoit succedé a Louis de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne,

lui au Combat de Steinkerque, où il servoit de Brigadier de Cavalerie

le 3. Aoust 1692.

23. Anne-Charlotte d'Aumont femme de Joseph Marquis de

Crequy duquel il est parlé a l'Article 4. de ce Commentaire.

24. Charles-Maurice le Tellier Archevesque Duc de Reims, Pair

                                                                                                de

 

 

                                                                                                            [404]

Lui fait en chemise

Suivre l'Aretin25,

Un Président même26,

Les postures a parcouru;

Lanturlu. &ca.

 

 

de France, Commandeur des Ordres du Roy, oncle de la

Marquise de Crequy, parcequ'elle etoit fille de Louis Marie Duc

d'Aumont Pair de France, et Madelaine-Fare le Tellier sa 1re.

femme, sœur de ce Prelat.

25. On pretendoit que ce Prelat avoit êté amoureux de la Marquise

de Crequy, et bien traité.

26. ....................... .

 

 

                                                                                                            [405]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air; du Rigaudon de l'Opera

            d'Acis et Galatée.

 

Sur la mort de Paul Pelisson Fontanier

Abbé de Benevent, Prieur de St. Auran

d'Auch, Me. des Requestes, et de l'Acca=

=demie Françoise, arrivée à Versailles le

7. Fevrier 1693.

 

 

Paul Pelisson

Est mort en Philosophe1;

Il êtoit de l'etoffe

Dont on fait les bons2,

Beaucoup d'Esprit3,

Mais pauvre et politique;

                                                Il

 

 

1. Il est certain que le Sr. Pelisson fut longtems malade

que tous ses amis lui aprirent le danger où il êtout et l'avertire

de se munir des sacremens de l'Eglise, et que soit qu'il n'y

eut pas de foy, ou qu'il se crût moins malade, qu'il n'etoit

il mourut sans avoir receu aucun. C'est pour cela que

l'auteur dit qu'il êtoit mort en Philosophe.

2. Les bons Philosophes qui n'ont point de Religion.

3. Son esprit et son scavoir sont fort connus par la quantité

de beaux ouvrages qu'il a faits, et entre' autres, son histoire

de l'Accademie Françoise dont il êtoit, et qui est chef-

d'œuvre par son stile, et le moyen qu'il a trouvé de faire une

histoire aussi agreable, d'une maniere aussi sterile.

 

 

                                                                                                            [406]

 

 

Il chercha du credit4,

Pour en avoir;

Il fit le Catholique5,

Sa fin le fait voir6.

 

 

4. Il etoit d'une mediocre famille de Languedoc; mais par son

esprit et son ambition qui etoit excessive, il trouva moyen d'etre

le 1er. Commis de Nicolas Fouquet dernier surintendant des

Finances. Il fut compris dans la disgrace de ce Ministre, et

fut longtems prisonnier a la Bastille; mais s'etant encore

relevé de ce malheur; Il fut depuis Me. des Requestes, et eut

la regie des Œconomats; Pour scavoir que c'est, lisez l'article

second du Commantaire de la Chanson suivante.

5. Il avoit êté huguenot. Il s'etoit converty; mais l'auteur

juegant de sa conversion par sa mort, doute qu'elle fut sincere

et il n'etoit pas seul de son opinion.

6. Parce qu'il mourut sans sacrement.

 

 

                                                                                                            [407]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur la mort de Paul Pelisson-Fontanier,

Me. des Requestes, Abbé de Gimont

Prieur de St. Auran d'Auch, de l'accademie

Françoise arrivée a Versailles le 7e. Fevrier

1693. et sur la grieve maladie qu'eut dans

le même tems Jean de la Fontaine Poëte,

de l'Accademie Françoise, de laquelle per=

=sonne ne doutoit qu'il ne mourut, veu son

âge.

 

 

Je ne jugerai de ma vie,

D'un homme avant qu'il soit eteint,

Pelisson1 meurt comme un impie,

Et la Fontaine comme un saint.

 

1. Voyez sur cela l'article 1er. du Commentaire de la Chanson

precedente.

2. La Fontaine avoit non seulement receu tous ces sacremens;

mais il mouroit avec une grande resignation a la volonté de

Dieu, et une parfaite repentance de ses pechez, accompagnée de

sentimens fort Chrestiens.

 

                                                                                                            [409]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur l'Air des Ennuyeurs

 

Sur la mort de Paul Pelisson-Fontanier

&ca. dont il est parlé plus amplement dans la

Chanson précédente.

 

 

Ils etoient ravis nos Prelats1,

Que Pelisson leur Œconome2,

Fut passé de vie a trepas;

                                    Mais

 

1. Les Archevesque, Evesques, et Abbez de France.

2. Pour entendre cecy, il faut scavoir que les Rois de France a titre de

régale sont les maitres des revenus des Benefices concistoriaux,

le siege vaccant, que depuis le Concordat fait l'an 1515. entre le

Pape Leon X. et le Roy François 1er. et qui leur donna ce Droit,

nos Rois ont toujours laissé le profit de ces Revenus appellez

Œconomats aux Prelats qu'ils ont nommé pour remplir les

Benefices vaccans. Le Roy Louis XIV. ayant resolu d'eteindre

le Calvinisme dans son Royaume, donna foce pensions

a ceux qui se convertissoient à la Foy Catholique, et pour que

ses revenus en fussent moins chargez, il retint le tiers de ces

Œconomats pour le payement de ces pensions. Les Prelats

jouissoient des deux autres tiers des Œconomats, et êtoient

obligez de compter pour celui que le Roy s'etoit reservé devant

le Sr. Pelisson a qui sa Majesté en avoit donné la Regie. Il traitoit

durement le Clergé pour ce tiers qui lui donnoit une

grande relation avec le Roy, à qui seul il rendoit compte de

son administration. Cela lui avoit attiré la haine universelle

des Prélats et des Ministres d'Etat. Cet Employ êtoit plus

beau en ce tems là, que dans un autre, a cause de la brouillerie de

la Cour de France avec celle de Rome; Car le Pape refusant des

Bulles aux Prelats de France, ils ne jouissoient de leur revenu que

                                                                                                comme

 

                                                                                                            [410]

Mais aprenant que le Roy nomme

En sa place le Peletier3,

Ils pleurent tous le Trépassé4.

 

comme Œconomes, ainsi ils êtoient beaucoup qui etoient obligez

de compter devant Pelisson.

3. Claude le Peletier Ministre d'Etat, cy devant Controlleur gnal

des Finances; mais l'auteur se trompe lorsqu'il dit que le Roy

lui avoit donné la Regie des Œconomats aprés la mort de

Pelisson; puisque sa Majesté en chargea Henry D'Aguesseau

Coner. d'Estat; ce qui est de certain, c'est que si Claude le Peletier

avoit eu ce soint, il s'en seroit apparemment aussi mal acquitté qu'il

a fait de toutes les choses dont il a êté chargé.

4. P. Pelisson.

 

                                                                                                            [411]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur Philippes de Savoye Chevalier de Malte,

Abbé, et Comte de St. Pierre de Corbie, Abbé

de St. Medard de Soissons, et de Ne. De. du

Gard; lequel êtoit amoureux de ........ Nompar

du Caumont de la force, veuve de ..................

Beauvoir Marquis du Roure.

 

 

Un Savoyard nommé Philippe1,

Est amoureux d'une Guenippe2,

Heureux, s'il évite le sort.

Des amans de cette mégére,

Qui traîne aprés elle la mort3

Où l'Hospital4, ou la Galere5.

 

 

1. Le Prince Philippes de Savoye.

2. La Marquise du Roure.

3. C'est que Louis de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne &ca.

qui avoit êté fort amoureux de la Marquise du Roure, fut tué au

combat de Steinkerque où il servoit de Brigadier de Cavalerie.

4. L'auteur veut parler d'un joueur nommé Frerot qui avoit eu les

bonnes graces de cette Marquise pour de l'argent, et que cette passion

etoit quasi ruiné.

5. ..................... Mauroy Prestre Missionnaire de la Congregation de

St. Lazare, dont il est parlé plus haut avoit êté aussi amoureux

et bien traitté de la Marquise du Roure.

 

                                                                                                            [413]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Tranquilles Cœurs.

 

A Maximilien-Henry de Bethune,

Chevalier de Sully, Colonel d'un Regiment

de Cavalerie, sur quelques femmes de Paris.

 

Veux tu scavoir, mon cher Sully,

Qui sont les putains de la ville1,

Au Marais est la Boislandry2,

La Torigny3 loge dans l'Isle4,

Polignac5 au Fauxbourg6;

La rue Saint Augustin7

Fourait la Saint Quentin8.

 

 

1. La ville de Paris.

2. ............... Turgot femme de Gilles d'Aligre Sr. de Boislandry

Coner. au Parlement de Paris.

3. ................ Bontemps femme de Jean-Baptiste Lambert Sr. de

Thorigny President de la Chambre des Comptes de Paris.

4. L'isle Notre-Dame à Paris.

5. Marie Charlotte de Rambures, femme de ........... Comte de

Polignac Colonel d'un Regiment d'Infanterie.

6. Fauxbourg St. Germain.

7. La rue neuve St. Augustin prés la porte de Richelieu.

8. ................. de ................. Dlle. de St. Quentin.

 

 

                                                                                                            [415]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur Alcide Opera représenté a Paris

au mois de .......... 1693. et sur le Sr. de

Capistron qui en avoit fait le sujet et les

vers.

 

On nous dit qu'en forgeant l'on devient forgeron

            Il n'en est pas ainsi de Capistron;

            Au lieu d'avancer il recule1,

            Lisez Hercules2.

 

 

1. Il avoit fait des Tragedies de Virginie, Arminius, Andronie,

Alcibiades, Tiridates, Ætius, et les opera d'Acis et Galathée,

d'Achilles et d'Aleide, et les dernieres pieces de sa façon êtoient

les plus mauvaises, quoique les autres ne valussent pas grand-

chose.

2. Hercules et Alcide sont la meme chose.

 

 

                                                                                                            [417]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur tous ceux qui composoient la branche

de Bouillon de la Maison de la Tour d'Au=

=vergne.

 

Quoi faudra t'il que chaque jour

Les Bouillons fatiguent la Cour

De quelque incartade nouvelle1,

Si tu veux mettre à la raison

Grand Roy, cette folle maison;

D'un rang qui trouble leur cervelle,

Fais tomber ces audacieux,

Et pour punir leur fierté naturelle;

Remets les comme leurs Ayeux.

 

 

1. Il faudroit un volume entier pour expliquer toutes les incartades

que la Maison de Bouillon avoit faites depuis quelque tems. Voicy

les noms de ceux qui l'a composoient quand cette Epigramme a êté faite.

Godefroy-Maurice de la Tour d'Auvergne, souverain duc de Bouillon,

Duc d'Albret.

 

 

                                                                                                            [419]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air. {Du Confiteor}

 

Sur la Princesse de Turenne.

 

 

Mon Dieu que le monde est malin,

Dit la Princess de Turenne,

Si j'aime l'amour et le vin,

De quoy veut on se mettre en peine.

Suis je la seule en cet employ

Qui parle ainsy, qui baise et boit*.

 

{* au sujet d'une/ débauche de---------/de la veille de Noel/1691.}

 

Se peut-il qu'on ait oublié,

Comme j'en usois êtant fille,

Toute la Cour l'a publié,

J'ay les vertus de ma famille,

Je ne pers rien changeant de nom.

Qui dit Turenne dit Bouillon.

 

Je ne vois de chaque costé

Que de bons exemples a suivre,

D'Aumont, Ventadour, la Ferté,

Sont trois femmes qui scavent vivre,

La Mareschalle en son employ,                                      {sa mere}

Fait comme elles et comme moy.

 

 

                                                                                                            [420]

Serois tu bien seul gros Chesnet*,                                  *Bointre

Ignorant du bruit de la ville,

On dit que dessous ton bonnet,

Ton épouse a mis chose utile,

Se fiant à la bonne foy

Du Rubantel et de Mauroy.

 

Demande lui duquel des deux,

Fit venir ton Dauphin plus vite,

Lequel fut le plus amoureux,

Du Cavalier, ou du Casuiste,

Par son aveu, on apprendra,

De qui ce cher poupon sera.

 

Si le plus cheri fut Mauroy,

L'enfant sera missionnaire,

Si Rubantel au leiu de toy,

En est le veritable pere,

Loin d'etre foible Magistrat

Il deviendra brave soldat.

 

                                                                                                            [421]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur ............. Capistron. Poëte.

 

L'autre jour au Parnasse on disputa longtems,

Lequel auroit le pas de Corneille1, ou Racine2,

            On louâ leur muse divine,

            Et chacun eut ses partisans

            Appollon dit sur cette cause

Racine est naturel, et Corneille pompeux

            Ils sont admirables tous deux;

            Mais Capistron n'est pas grand' chose.

 

 

1. Pierre Corneille de l'Accademie Françoise, Poëte

Tragique admirable.

2. Jean Racine de l'Accademie Françoise, Gentilhomme

ordinaire de la Maison du Roy autre Poëte Tragique excellent.

 

                                                                                                            [423]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de l''Entrée des Magiciens

dans le IIIe. Acte de l'Opera d'Alcide.

 

Sur ce que l'an 1693. les nommez Avril, le

Duc, et.............. Musiciens proposerent au Conel.

de Louis XIV. de créer des maitres a chanter

en titre, avec des sindics de même que dans

les autres metiers, ce qui fut agrée, et executé

moyennant 30 000livres . qu'ils donnerent à S. M.

laquelle pour lors avoit besoin de tirer de

l'argent de tout pour subvenir aux frais de

la guerre.

 

 

L'an mil six cent nonante et trois

Un Provençal1 et deux autres sournois2,

En tapinois,

Ont brigué des Emplois;

Pour taxer le Bourgeois3,

Professant la Musique

Dans tout le païs Gaulois

                                    Puisse

 

1. Avril êtoit Provençal et Chanteur de l'Opera de Paris.

2. Le Duc et ..... .

3. C'est a dire les Mes. a chanter.

4. La France.

 

                                                                                                            [424]

Puisse ce Trio mal d'accord,

Pour expier un si grand tort5,

Au milieu de la place publique

Trouver la mort6;

Nous ferons un concert7,

En les voyant dancer,

Cabrioler, frizoter;

Et faire cent jolis tours en l'air;

Quel spectacle charmant,

De voir ce chastiment,

Songez a nous vanger grand Apollon8,

Où l'on va changer en boutique,

Ton sacré vallon.

 

 

5. Cela faisoit un tort infiny aux pauvres Maîtres de Musique,

dont la profession libre jusqu'a lors devenoit une maitrise qu'il

falloit acheter.

6. Estre pendus.

7. Cette Chanson est faite au nom de tous les Mes. a chanter.

8. ...... Dieu de la Musique.

9. ...... Le Parnasse.

 

                                                                                                            [425]

Chanson                                                                                               1693.

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

Sur ce que Guy de Durfort de Lorge Duc

de Quintin Maāl de France, Chevalier des

Ordres du Roy, Capitaine des Gardes de

son Corps et général de ses Armées en Alle=

=magne ayant pris d'assaut la ville d'Hei=

=delberg, Capitale du Palatinat du Rhin le vingt

deuxe. May 1693. et le lendemain le

Chateau par composition, raza l'un et l'autre.

 

Nota. Que ce general fut fort blâmé de s'etre amusé

a razer cette place au lieu de marcher droit a l'armée Ennemie

commandée par le Prince Louis de Baden laquelle êtoit encore

foible et effrayée de la prise d'Heidelberg; mais celui cy ayant

veu qu'on ne le pressoit pas se mit sous Heilbron pour le couvrir

mit le Necker entre l'Armée de Maāl de Lorge, et la Sienne;

de maniere que celui cy ayant perdu du tems à Heidelberg et

renvoyé imprudemment ses Pontons à Philisbourg pour marcher

disoit il plus vite aux Ennemis, les trouva si bien retranchez

de l'autre côté du Necker qu'il fut obligé de s'en retourner dans

le Duché de Wurtemberg sans rien faire.

 

 

De Lorge vient de nous apprendre,

Jusqu'a quel point son cœur est tendre

Pour son frere le Grand Duras1.

                                                Il

 

1. Jacques-Henry de Durfort Duc de Duras Mareschal de

France, Chevalier des Ordres du Roy, Capitaine des Gardes de

son corps, Gouverneur de Franchecomté, ville et citadelle de Bezançon

frere ainé du Mareschal Duc de Lorge.

 

 

                                                                                                            [426]

 

Il prend Heidelberg pour lui plaire2,

Et fait mettre son huys abas5,

À fin de mieux vanger ce frere.

 

2. Le Mareschal Duc de Duras etant general de l'Armée

de France en Allemagne l'an 1689. attaqua imprudemment la

ville d'Heidelberg et ne la prit pas. {Voyez sur cela une chanson

de l'année 1689. qui est dans ce Recueil.}

3. La Chanson de 1689. dont il vient d'etre parlé finit par ces mots

en parlant du Maāl Duc de Duras.

                        Il auroit pris Heidelberg

                        S'il eut trouvé l'huis ouvert.

Ce cy y est relatif en parlant que le Maāl de Lorge ayant fait

razer Heidelberg en a mis l'huys a bas.

 

                                                                                                            [427]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: des Triolets.

 

Sur ............... Turgot, femme de Gilles d'Aligre

Sr. de Boislandry, Coner. au Parlement de Paris,

laquelle êtant brouillée avec son mary pour ses

galanteries, fut accusée par lui d'avoir un mal

venerien, Anthoine Turgot Sr. de St. Clair Maitre

des Requestes, son pere ayant sceu que Mr. de

Boislandry son gendre avoit fait examiner

quelques chemises salles de sa femme, a dessein

de s'en faire separer en justice, sans rendre sa

dot, le prevint, et demanda le 1er. à Jean le

Camus Lieutenant Civil au Chastelet de

Paris, que sa fille fut visitée, ce qui fut fait

au mois de May 1693. par Bessiere et Passerat

Chirurgiens, qui déclarerent devant le Lieutenant

Civil que ce qui avoit parû à la Chemise de Made.

de Boislandry n'etoit que des Fleurs blanches, et

qu'Elle êtoit fort saine, ce qui engagea Mr. Turgot

de St. Clair, a poursuivre la séparation de sa fille

avec son gendre et a redemander la dot telle qu'il

l'avoit recüe.

 

Pauvre petite Boislandry,

                                    Ne

 

 

                                                                                                            [428]

 

Ne pleurez point vôtre aventure1,

Grace aux soins de vôtre mary,

Pauvre petite Boislandry,

Vôtre honneur sera retably2,

La faculté vous en asseure

Pauvre petite Boislandry

Ne pleurez point vôtre aventure.

 

Selon Bessiere et Passerat3,

Rien n'est plus net que vôtre affaire4,

Elle êtoit en fort bon etat;

Selon Bessiere et passerat.

Vous avez cher un Magistrat5,

De vos pieces6 fait Inventaire

Selon Bessiere et Passerat,

Rien n'est plus net que vôtre affaire.

 

Aprés {Avec} un tel Certificat

D'amans vous aurez affluance,

Malgré vôtre époux ce pied plat7,

                                                Aprés

 

 

1. L'aventure d'avoire êté obligée de se faire visiter

2. Parce qu'elle se trouva saine.

3. Chirurgiens qui la visiterent.

4. Son C ....... .

5. Jean le Camus Lieutenant Civil du Chastelet de Paris, qui ordonna

la visite a la Reqte. de Made. de Boislandry et de Mr. Turgot de St. Clair son

pere.

6. Il est aisé de deviner quelles pieces.

7. Il n'y a jamais eu un plus grand sot que Mr. de Boislandry.

 

 

                                                                                                            [429]

 

Aprés {Avec} un tel Certificat,

Est il bourgeois, Duc ou Prelat ?

Qui ne vous baise en asseurance8,

Aprés un tel Certificat,

D'amans vous aurez affluance.

 

 

8. Cette petite femme avoit eu nombre d'amans ce ne leur êtoit

pas cruelle.

 

 

                                                                                                            [430]

Epigramme                                                                                          

 

A........ Turgot femme de Gille d'Aligre

Sr. de Boislandry Coner. au Parlement de Paris,

aprés qu'elle eut êté separé d'avec son mary pour

les causes raportées dans l'argument de la Chan=

=son precedente.

            Nota. Que cette separation fut faite par la médiation

de Louis Boucherat Chancelier de France.

 

 

Enfin, heureuse, Boislandry

Vous laissez là vôtre mary,

            Qu'il gronde, qu'il peste,

Cela ne vous doit plus causer aucun soucy,

Il donne de l'Agent1, et c'et assez pour luy,

            Vous scavez où trouver le reste2.

 

 

1. La Negociation de cette séparation dura longtems, parce que

Made. de Boilandry et Mr. Turgot de St. Clair voulurent que

le mary rendit la dot telle qu'il l'avoit reçeue de sa femme,

ce qu'il ne pouvoit faire en ayant employé une partie a l'acquisition

d'une Maison où il logeoient, et qu'il offroit de rendre pour le prix

qu'elle lui avoit couté, mais enfin le mediateur regla que le

mary garderoit le bien et lui feroit 8000livres de pension.

2. L'auteur est persuadé qu'elle employeroit ses charmes et ses

faveurs pour ce reste.

 

 

                                                                                                            [431]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: d'une main je tiens mon pot.

 

Sur la reception à l'Accademie Françoise, de

............ de la Bruyere. le 15. Juin 1693.

 

 

Les quarante beaux esprits1,

Grace à Racine2 ont pris,

{L'excellent et beau la Bruyere}

Dont le discours ne fut pas bon;

Du dernier je vous en reponds3;

Mais de l'autre, non non4.

 

Avec un air de Soldat,

Bien qu'il soit un pied plat5,

Devant les maîtres du langage,

Il parla presque bas breton;

Du dernier je vous en réponds6,

Mais de l'autre, non non7.

                                    Dans

 

 

1. L'Accademie Françoise composée de 40. personnes.

2. Jean Racine Gentilhomme ordre. de la Maison du Roy, poëte Tragique,

et de l'Accademie Françoise, lequel contribua fort a faire recevoir le Sr. de

la Bruyere Accademicien.

3. L'auteur de cette Chanson asseure avec verité que la Bruyere fit une

mauvaise harangue à sa reception.

4. L'auteur ne répond pas que la Bruyere soit excellent ny beau, et il a

raison.

5. La Bruyere etoit un homme de rien.

6. L'auteur asseure que la Bruyere parla presque bas Breton dans sa

harangue.

7. L'auteur ne conconvient pas que les Accademiciens soient les maîtres

du langage.

 

 

                                                                                                            [432]

 

Dans son fichy compliment,

Il dit effrontement

Qu'il n'avoit pas brigué sa place,

Cet endroit fut assez bouffon;

Du dernier je vous en reponds8,

Mais de l'autre non non9.

 

Avec d'assez brillants traits,

Il fit de faux Portraits10,

Racine au dessus de Corneille11,

Pensa faire siffler, dit on

Du dernier je vous en reponds12,

Mais de l'autre, non non 13.

 

L'Accademie en fremit,

Et dans son couroux dit,

Je vangerai bien ce grand'homme14,

                                                L'honneur

 

 

8. L'Auteur asseure qu'il fut assez bouffon que la Bruyere

dit qu'il n'avoit pas briqué sa place dans l'Accademie parce qu'il

l'avoit extremement solicitée.

9. L'auteur ne veut pas repondre qu'il n'eut pas brigué sa place, car

cela etoit faux.

10. La harangue que la Bruyere fit a l'Accademie le jour de la

reception etoit pleine de portraits que l'Auteur trouve faux.

11. La Bruyere dans sa harangue mit Racine fort au dessus de

Pierre Corneille, si fameux, par ses excelentes Tragedies.

12. L'Auteur asseure que cette préférence de Racine a feu Corneille pensa

faire siffler ceux qui entendirent cette harangue.

13. L'Auteur ne convient pas que Racine soit au dessus de Corneille.

14. Pierre Corneille.

 

 

                                                                                                            [433]

L'honneur le veut et la raison,

Du dernier je vous en reponds15,

Mais de l'autre non non16.

 

Racine ce franc devot17,

En a fait dire un mot,

Par un grand et modeste Evesque18,

Qui vint ménacer en son nom 19,

Du dernier je vous en reponds20,

Mais de l'autre non non21,

 

L'Academie a cedé

Quelques uns ont grondé;

Mais toujours juste et toujours sage,

                                                Elle

 

15. L'Auteur assure que l'honneur, et la raison veulent qu'on venge

le grand Corneille de cet affront.

16. L'Auteur est persuadé que l'Accademie ne le vengent pas.

17. Racine faisoit le dévot et êtoit fort avant dans la cabale des

dévots qui dominoit à lors.

18. Jacques Benigne Bossuet Evesque de Meaux &ca. de l'accademie

Françoise.

19. Mr. l'Evesque de Meaux vint de la part de Racine à l'Accademie

Françoise, que si comme on l'avoit proposé on ôtoit cet Article.

en Racine estoit mis au dessus de Corneille lorsqu'on feroit im=

=primer cette harangue suivant l'usage de l'Accademie, Racine

ny remettroit plus le pied, et que cela feroit un tort considérable

à cette Compagnie.

20. L'Auteur assure que Mr. de Meaux ménaça l'Accademie au

nom de Racine.

21. L'Auteur ne veut pas repondre que ce Prelat soit un grand, et

modeste Evesque.

 

                                                                                                            [434]

Elle a tremblé pour le jetton22,

Du dernier je vous en reponds23,

Mais de l'autre non non24.

 

Mais la Bruyere a pris feu,

Il jure que dans peu,

Dans ses merveilleux caracteres25,

Il l'a mettra tout de son long,

Du dernier je vous en reponds26;

Mais de l'autre non non27.

 

Dieu veuille que cet autheur28,

Dont je suis serviteur,

Et que toutes les Dames courent,

                                                Fasse

 

22. A chaque sceance de l'Accademie, on distribue 30. Jettons

d'Argent aux Accademiciens qui s'y sont trouvez et l'Auteur

asseure que sur les menaces de Mr. de Meaux, les Accademiciens

eurent pour que Racine par son credit ne leur fit retrancher, ces

jettons que le Roy donne, s'ils n'excécutoient pas ce que ce Prelat

leur disoit.

23. L'Auteur repond que l'Accademie trembla pour le jetton.

24. L'Auteur ne veut répondre que l'Accademie soit toujours

juste et toujours sage.

25. Un livre fait par la Bruyere intitulé, caracteres ou mœurs de

ce siecle.

26. L'Auteur asseure que le Bruyere mettra l'Accademie tout de

son long dans les prochaines Editions de son Livre des Caracteres,

qui sont pour la pluspart, des Portraits satiriques.

27. L'Auteur ne repond pas que les Caracteres de la Bruyere soient

merveilleux.

28. La Bruyere.

                                                                                                            [435]

Fasse encore pris qu'un Factum29,

Du dernier, je vous en repons30,

Mais de l'autre non, non31.

 

29. L'Auteur veut parler des Factums que Antoine de Furetiere abbé

de Chalivoy de L'Accademie Francoise, fit contre cette Compagnie sur

ce qu'elle le vouloit chasser parce que disoit elle, que dans un Dictionnre.

qu'il faisoit alors imprimer il avoit volé plusieurs articles qu'elle

avoit composé depuis son Etablissement sur la langue Françoise, et

dont on n'a encore rien veu.

Furetiere dans ces Factums tournois fort en ridicule l'Accademie

et une partie des Accademiciens. Voyez sur cela dans ce Recueil,

les Epigrammes de 1686. cette affaire y est tout de son long.

30. L'Auteur répond que la Bruyere homme Comique, et fort

satirique, fera par la suitte encore plus contre l'Accademie que

Furetiere n'a fait par ses Factums.

31. L'Auteur ne répond pas que les Dames courent la Bruyere

qui est fort laid.

 

                                                                                                            [437]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air de Lampon.

 

Sur la réception à l'Accademie Françoise,

            de la Bruyere, le 15 Juin 1693.

 

 

Les quarante beaux Esprits1,      {bis}

Sont tombez dans le mépris        {bis}

Ils n'avoient plus Furtiere2,

Mais ils ont pris la Bruyere3;

Lampon, lampon, la Bruyere lampon.

 

Par des Portraits ressemblans,

Ils seront en beaux draps blancs4,

Chacun aura son affaire5,

On ne les respecte guere6;

Lampon &ca.

                                    Pour

 

 

1. L'Accademie Françoise qui est composée de 40. personnes.

2. Voyez dans ce Recueil les Epigrammes de 1689. Elles vous instruiront

comme l'Accademie, par une Déliberation publique, voulut en retran=

=cher Antoine Furetiere Abé de Chalivoy, qui pour se défendre fit 3.

Factums contre Elle, où il tournoit la pluspart des Accademiciens en

ridicule.

3. L'Auteur de cette Chanson etoit Furetiere tres bien remplacé par la

Bruyere qui est aussi satirique que l'autre, comme le témoigne son

livre des Caracteres, ou mœurs de ce siecle plein de Portraits contre tout le

monde.

4. L'Auteur prétend que qui peindroit comme la Bruyere les Accademiciens

feroit des Tableaux tres ridicules, et il ne se trompe pas.

5. Il est certain que la Bruyere auroit en de la peine à ne les pas peindre

tels qu'ils sont.

6. Tout le monde connoissant le ridicule de ces gens là, ne les épargnoit gueres.

 

 

                                                                                                            [438]

Par Racine7, et Despréaux8,

Leurs portraits sont des plus beaux9,

Ils sont flattez a merveilles

Aux depens du grand Corneille10,

Lampon &ca.

 

Le bénigne Bossuet11

Est un Prélat tout parfait12,

Sa personne est un chef d'œuvre,

Nôtre Harlay ny fait œuvre13,

Lampon &ca.

 

La sévére Regnier

Ne scavoit plus le nier,

La Bruyere est son dédale,

Il le met dans sa cabale,

Lampon &ca.

                                    La

 

 

7. Jean Racine Poëte tragique de l'Accademie Françoise.

8. Nicolas Boileau des Preaux, Poëte Satirique de l'Accademie

Françoise.

9. La Bruyere dans la harangue qu'il fit le jour de sa réception

à l'accademie loüe fort ces deux Poëtes.

10. Dans cette harangue la Bruyere éleve Racine au dessus de feu

Pierre Corneille, fameux pour ses admirables Tragédies.

11. Jacques-Benigne Bossuet Evesque de Meaux &ca. de l'Accademie

Françoise.

12. La Bruyere dans sa harangue, dit que la postérité regarderoit

un jour ce Prelat comme un Pere de l'Eglise.

13. Francois de Harlay archevesque de Paris, Duc & Pair de

                                                                                                France.

 

                                                                                                            [439]

 

La Bryere l'a promis,

Il mordra ses Ennemis14;

Mais chacun lui fait la guerre15,

Mordra t'il toute la terre;

Lampon. &ca.

 

 

France &ca. aussi de l'Accademie Françoise, vint à cette recéption.

La Bruyere ne dit pas un mot de lui, et loua l'Evesque de Meaux

en sa présence.

14. Par son stile satirique et ses Portraits.

15. Personne n'aime la Bruyere, et chacun trouve a redire aux

Portraits de son livre, où une infinité de gens sont tournez en

ridicule, et reconnus quoique sous de faux noms.

 

 

                                                                                                            [441]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur la Réception à l'Accademie Françoise

de ......... la Bruyere le 15.Juin 1693.

 

L'Accademie enfin1. a receu la Bruyere

            Elle pourra s'en repentir2,

Toutes fois, il est bon que pour nous divertir

            Elle ait toujours un Furetiere3.

 

 

1. Il eut beaucoup de peine a être receu à l'Accademie Françoise;

c'etoit un homme peu connu avant qu'il eut fait imprimer une

Traduction des Caracteres de Théophraste, avec les Caracteres, ou

mœurs de ce Siecle; de maniere qu'il lui falut jouer quantité de

ressorts pour entrer dans cette Compagnie, et il n'y eut pas même

êté receu, que ses amis y vouloient faire ................ deslors ne

les eut prié de lui donner leurs suffrages.

2. Cet homme êtoit fort costique, et son Livre de Caracteres, ou

mœurs de ce Siecle, n'etoient que des Portraits satiriques de tout

ce qu'il y a de plus considérable à la Cour et à la Ville, de l'un et

de l'autre sexe. Cela avoit donné un si grand débit à ce Livre

qu'on l'avoit imprimé pour la 7e. fois cette année 1693. l'Auteur

conclud. de là, que la Bruyere étant entré dans l'Accademie

où il y a grand nombre de ridicules, c'est en quelque façon mettre

le loup dans la Bergerie, parce qu'il les satirisera tous par

la suitte.

3. Voyez dans ce Recueil les Epigrammes de l'an 1685. Elles

vous instruiront, comme quoi les Accademiciens par une

Déliberation publique, voulurent retrancher de leur corps

Antoine Furetiere Abé de Chalivoy leur Confrere, qui pour

se défendre fit 3. Factums contre l'Accademie, où il en

tournoit la plus grande partie en ridicule.

L'auteur de cette Epigramme cy, croit Furetiere, tres bien

 

 

                                                                                                            [442]

remplace par le Sr. de la Bruyere, qui est aussi satirique pour

le moins que l'autre.

 

 

 

                                                                                                            [443]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur ce que François-Seraphin Regnier des

Marais, Secrétaire perpetuel de l'Accademie

Françoise &ca. avoit fait entrer dans cette

Compagnie le Sr. de la Bruyere.

 

 

Grand Cardinal1 plains ton Accadémie,

Elle a receu dans ton sein un Serpent2,

Dont le venin sur elle se répand3,

Et dont le choix la couvre d'infamie,

De l'avoir fait, la folle se répand3,

Et dont le choix la couvre d'infamie,

A tout le monde Elle en fait ses excuses,

C'est lui, dit elle, à mon perpetuel4,

Cet homme, droit, integre, ponctuel,

Ouy, c'est hélas ! à ses soins, à ses ruses

                                                            Qu'on

 

1. Armand-Jean du Plessis de Richelieu, Cardinal Duc de

Richelieu, Pair de France &ca. avoit établi l'Accademie Françoise.

2. L'Auteur veut parler de la Bruyere.

3. On a veu plus haut que la Bruyere dans son Livre des Carac=

=teres, ou mœurs de ce siecle, avoit mis plusieurs Portraits satiri=

=ques de gens connus dans la harangue qu'il fit à l'Accademie

Françoise, le jour de sa réception. Il fit aussi les Portraits de

plusieurs Accademiciens, et c'est pour cela que l'Auteur de cette

Epigramme, dit que le venin de la Bruyere se répand desja

sur l'Accadémie. Il prétend d'ailleurs que cet homme êtoit indigne

d'etre Accadémicien.

4. L'Abbé Regnier des Marais, que l'auteur nomme

 

                                                                                                            [444]

 

Qu'on doit ce choix odieux et fatal,

Que puisse t'il être un jour aussi mal

Auprés du Roy5, qu'il est auprés des Muses6.

 

 

perpetuel, parcequ'il êtoit Secretaire perpetuel de l'Accademie

Françoise.

5. Louis XIV.

6. l'Auteur en disant que l'Abé Regnier est mal auprés des

Muses, veut faire entendre qu'il n'est pas trop bon poëte.

 

 

                                                                                                            [445]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur ce que dans la harangue que le Sr. de la

Bruyere fit le 15. Juin 1693. à l'Accademie

Françoise lorsqu'il y fut receu, il y avoit

un Article qui metoit les Tragédies de Jean

Racine au dessus de celles de Pierre Corneille.

 

Comme ce dernier tout mort qu'il êtoit avoit encore ses Par=

=tisans dans l'Accademie, et entr' autres, Thomas de Corneille,

et Bernard de Fontenelle son neveu, cette préférence donnée

si légerement, et si hors de saison, troubla toute cette Compagnie

en telle sorte, qu'on proposa d'oster cet endroit de la harangue

de Mr. de la Bruyere, lorsque selon la coutume; on la feroit

imprimer. Racine ayant sceu cela, se formalisa de son

costé, fit son parti dans l'Accademie pour que la harangue

fut imprimée comme elle avoit êté prononcée. Il pria même

Jacques-Benigne Bossuet Evesque de Meaux, de dire à l'Ac=

=cademie, que si on ôtoit cet article, il n'y remetroit jamais le

pied. et s'en plaindroit au Roy. C'est toute cette contestation

qui a donné matiere aux Epigrammes suivantes.

 

 

Racine, ce Poëte en honneur, en crédit1.,

            Dont la dévotion sommeil2,

            Lorsque de sa gloire il s'agit3,

Prétend par ses amis, qui pour lui font merveille4,

                                                                        L'emporter

 

 

1. Racine êtoit fort bien auprés du Roy Louis XIV. qui lui avoit

donné une Charge de Gentilhomme ordinaire de sa Maison.

2. Il êtoit dévot et fort avant dans la Cabale des dévots.

3. C'etoit lhomme du monde le plus glorieux, et le plus vain.

4. Il avoit de puissans amis comme Made. de Maintenon, le

Maāl Duc de Luxembourg &ca. sans compter toute la Cabale des

devots tres puissante pour lors.

 

 

                                                                                                            [446]

 

            L'Emporter sur le grand Corneille5;

            A quoi s'exposent ses flateurs;

Desja dans Capistron6, & déja dans Abaille7.,

            Tout l'orgeuil Gascon8 se reveille,

            Contre lui9, disent ces Auteurs,

            Demandons justice pareille,

            N'avons nous pas des Protecteurs10.

 

Racine détaché de la gloire du monde,

Scahant que la Bruyere avoit dit quoique mal,

            Que Corneille, le grand Corneille,

Loin d'etre préféré n'etoit pas son égal.

            Cet éloge est fait a merveille

Dit-il, qu'on n'oste rien, qui vit pour le Seigneur11,

            Doit avoir soin de son honneur

                                                            Pour

 

 

5. Pierre Corneille dit l'aîné, fameux Poëte Tragique, apellé

partout le grand Corneille a cause de son merite, et pour le distin=

=guer de Thomas Corneille dit le cadet son frere, aussi Poëte

Tragique, et de l'Accadémie Françoise; mais fort inférieur à son

aîné.

6. Capistron Poëte Tragique médiocre.

7. Capistron, et Abeille êtoient du costé de Gascogne.

8. Capistron, et Abeille êtoient du costé de la Gascogne.

9. Contre Racine, au dessus duquel Capistron et Abeille, l'auteur

pretend qu'ils peuvent demander d'etre mis, puisqu'il veut estre

au dessus de Corneille.

10. Capistron êtoit domestique du Duc de Vendosme, et Abeille

demettroit.

11. On a déja dit que Racine êtoit dévot.

 

 

                                                                                                            [447]

 

            Pour maintenir les dits de la Bruyere,

Qui me feroient grand tort s'ils êtoient retranchez;

Je perdois le grand Corps12, qui s'est par ses péchez

Avisé d'écouter une plainte grossiere13,

Aux dévots tels que moy14 l'on ne fait point d'afront;

Les mots ont êté dits, les mots demeuront;

            Voila le fait, toute l'Accademie

            En est témoin, comment nommerat'-on

Ce sentiment Chrestien d'éviter l'infamie,

            Qui tomberoit sur son grand nom,

S'il faisoit à Corneille un parti plus honneste;

            Voulez vous que je vous parle net,

C'est proprement faire dans son bonnet,

            Et puis le mettre sur sa teste.

 

Mon Dieu, quelle comparaison,

Disoit toute bonne Cervelle,

Quand on faisoit le parallele

Du grand Racine, et de Pradon15;

                                                Mais

 

 

12. l'Academie Françoise.

13. On a dit dans l'Argument que sur les plaintes des amis de

Corneille on proposa d'oster cet Article de la harangue de la

Bruyere lorsqu'on la feroit imprimer.

14. Les dévots sont tous glorieux.

15. ......... Pradon natif de Rouen, Poëte Tragique des

plus mauvais.

 

 

                                                                                                            [448]

 

Mais quand Racine au grand Corneille

Vient se comparer sans raison,

Chacun s'ecrie à la pareille,

Mon Dieu quelle comparaison.

 

Quand au grand Corneille on s'obstine

De vouloir préférer l'ambitieux Racine;

            Je l'avoueray, je prendrois feu,

Si quelque grand Auteur entroit dans la Carriere;

            Je dis, il m'importe fort peu,

Que Pascal soit devant, ou Pascal soit derriere16.

 

Ce Peintre nouveau la Bruyere17,

Qui de tant de Portraits se croit l'original,

            A force d'outrer la matiere,

Quand il peint ses amis, les flatte et les peint mal;

            A l'entendre, le grand Corneille

            De Racine fut l'apprentis,

            Et des Preaux18 par un pareil motif,

                                                                        De

 

16. C'est un vers de Dom Japhet d'Armenie, Comédie de feu Paul

Scaron, devenu Proverbe.

17. L'Auteur apelle la Bruyere, peintre nouveau a cause de son

Livre des Caracteres, ou Mœurs de ce siecle, qui êtoit plein de

Portraits.

18. Nicolas Boileau Sr. des Preaux Poëte satirique, et de l'Accademie

Françoise que la Bruyere loüa fort dans sa harangue.

 

                                                                                                            [449]

 

De nos jours est l'autre merveille;

Quand il parle de Bossuet19,

En presence de Harlay20 même,

C'est le Prélat le plus parfait

Tant il flatte ceux qu'il aime;

Que vous semble de ses Portraits?

Les trouvez vous équitables?

Ils seroient plus raisonnables

Si Theophraste les eût faits21.

 

 

19. Dans cette même harangue, la Bruyere loüe fort Jacques-

Begnigne Bossuet Evesque de Meaux, aussi de l'Accademie

Françoise, jusqu'a dire qu'il seroit mis par la postérité au

nombre des Peres de l'Eglise.

20. François de Harlay Archevesque de Paris, Duc et Pair de

France &ca. aussi de l'Accademie Françoise, assista à cette

harangue. La Bruyere en loüant l'Evesque de Meaux, ne dit

pas un mot de ce Prélat, ce qui fut trouvé tres imprudent.

21. La Bruyere avoit traduit les Caracteres de Théophraste, Livre

tres judicieux, que l'auteur trouve qu'il n'a pas imité en faisant

tous les Portraits dont sa harange êtoit pleine, et que l'on ne

trouva pas tous justes.

 

 

                                                                                                            [451]

Epigramme                   [X]                                                                   1693.

 

Sur ce que Jean Racine Gentilhomme ordre.

de la Maison du Roy, et de l'Accadémie Fran=

=çoise, publioit partout, qu'il regretta le tems qu'il

avoit employé a comparer ses Tragédies, par les

scrupules qu'il a de la corruption des sentimens

que ses vers peuvent avoir causé.

 

Dés que la pauvreté ne lui fait plus de peur1,

            Racine ce Tragique autheur,

Dont la dévotion trouve tant d'incrédules2,

            Déteste tout haut les moyens

            Qui l'ont comblé d'honneurs, de biens3,

            Et plein de délicats scrupules,

                                                            Met

 

 

1. Racine avoit êté autrefois fort pauvre.

2. Racine êtoit fort avant dans la Cabale des dévots et aparoissoit

l'être, mais la pluspart des gens croyoient qu'il ne l'étoit pas, et

qu'il en faisoit semblant pour faire sa cour au Roy, et en

obtenir des graces de sa Majesté, qui êtoit dévot de bonne foy.

3. C'étoit par ses Tragédies que Racine s'estoit fait connoistre,

qu'il avoit acquis de la réputation, qu'il avoit commencé à

s'enrichir en partageant comme Auteur l'argent qu'en retiroient

les Comediens, enfin cela l'avoit fait connoître du Roy qui lui avoit

donné le soin d'ecrire sa vie conjointement avec Nicolas Boileau

Sr. des Preaux, et lui avoit donné une pension de 6000livres. et une

Charge de Gentilhomme ordinoire dans sa Maison, avec plusrs.

autres graces.

 

 

 

                                                                                                            [452]

 

            Met sur son compte les péchez

Qu'ont pû faire les gens que ses vers ont touchez;

Il n'en est pas chargé peut être autant qu'il pense4;

Mais au lieu d'etaler son dévot embaras,

Si ses biens mal acquis troublent sa conscience5,

            Pourquoi ne s'en défait-il pas ?

 

 

4. L'Auteur veut dire par là, ou que les Tragédies de Racine

n'emouvoient gueres les passions, ce qui n'est pas vray, ou bien

que le siecle êtoit assez corrompû pour n'avoir pas besoin

d'Eguillon pour se porter au mal, ce qui est tres vray.

5. C'est a dire le bien qu'il avoit acquis en partageant le profit

de ses Tragédies, avec les Comediens qui les representoient,

ce qui lui a valû beaucoup.

 

 

                                                                                                            [453]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Je ne scaurois.

 

A Jean Racine de l'Accadémie Françoise,

Gentilhomme ordre. de la Maison du Roy, leql.

pria Jacques-Benigne Bossuet Evesque de Meaux,

aussi de l'Accadémie Françoise, de dire à cette

Compagnie, que si en faisant imprimer la

harangue que le Sr. de la Bruyere avoit faite

à sa reception, on y ôtoit comme il avoit êté

proposé, l'endroit dans lequel ce nouvel Accadé=

=micien met le Sr. Racine et ses Tragedies au

dessus de celles de feu Pierre Corneille, il n'iroit

plus à la Accadémie, et qu'il s'en plaindroit au

Roy.

 

 

Suis ce que je te conseille

Sans t'en vouloir plaindre au Roy1,

Souffre que le grand Corneille2,

Soit mis au dessus de toy;

Je ne scaurois3;

                                                Qu'il

 

 

1. Lisez l'argument.

2. feu Pierre Corneille si fameux pas ses admirables Tragé=

=dies.

3. Nota, Que dans tous les endroits de cette Chanson, où il y a

Je ne scaurois & j'en mourrois, c'est Racine que l'auteur fait parler

 

                                                                                                            [454]

 

Qu'il soit en place pareille,

J'en mourrois.

 

Ta vanité me chagrine4,

Loin d'être friant d'honneur,

La dévotion, Racine5,

Veut qu'on soit humble de cœur;

Je ne scaurois,

Fais en du moins quelque mine,

J'en mourrois.

 

Si tu ne veux pas me croire,

Quitte le dévot sentier6;

Duppé par ta vieille gloire,

Reprends ton premier mêtier7;

                                                Je

 

4. Racine êtoit l'homme du monde le plus vain, et le plus

glorieux, pour ne pas dire insolent.

5. Racine faisoit le dévoit, l'étoit de profession, et fort avant

dans la Cabale des dévots, tres puissante pour lors.

6. La dévotion et la Cabale des Dévots.

7. Le metier de Poëte Tragique qu'il disoit avoir quitté par

dévotion, bien qu'il y eut acquis toute sa réputation, et gagné

tout son bien en partageant comme auteur avec les Comediiens

qui les representoient, l'argent qu'ils en recevoient, et qui êtoient

fort considérable, car ses Tragedies, êtoient parfaitement

belles.

 

                                                                                                            [455]

 

Je ne scaurois,

Imprime donc ton histoire8;

J'en mourrois.

 

8. Racine conjointement avec Nicolas Boileau des Preaux

continuoit l'histoire du Roy Louis XIV. par ordre de sa

Majesté, qui leur donnoit a chacun une pension pour cela

l'Auteur prétend qu'elle ne valoit rien, et que Racine seroit

mort de douleur si elle avoit êté imprimée.

 

 

                                                                                                            [457]

Epigramme                                                                                           1693.

 

Sur ce qu'aprés la mort de François

Tallemant 1er. Aumônier de Made. Duchesse

d'Orleans, et sous doyen de l'Accademie

Françoise, Louis Phelypeaux Ministre, et

Secretaire d'Estat &ca. pria cette Compagnie

de donner la place du deffunt à ....................

de la Loubere Tolosain, qu'il avoit mis au=

=prés de hierosme Phelypeaux de Pontchar=

=train Coner. au Parlement de Paris, son fils

unique.

 

Na. Que cette Epigramme s'adresse aux Accadémiciens

qui composoient l'Accademie Françoise.

 

 

Pour Accadémicien vous aurez la Loubere1.,

Pontchartrain se déclare, et veut qu'on le préfere

            Au mérite le plus certain2;

            Cela sera, quoiqu'on en die;

                                                            C'est

 

 

1. L'Autheur ne doute par le Sr. de la Loubere n'ait place

dans l'Accademie du moment qu'un Ministre aussi accrédité

que Mr. de Pontchartrain la demande pour luy.

2. L'Auteur ne paroist pa bien persuadé que le Sr. de la Loubere,

eut le mérite necessaire pour entrer à l'Accadémie Françoise;

mais il se trompe; Car il avoit fait quantité de vers très jolie; et

tres galans, et donné au public son voyage de Siam, où il avoit

êté en qualité d'Envoyé Extraordinaire pour le Roy Louis XIV.

l'an 1687. lequel est plein de bon sens, et d'érudition. Il fut

imprimé l'an 1691.

 

                                                                                                            [458]

 

C'est un Impost que Pontchartrain

Veut mettre sur l'Accadémie3.

 

3. Pour bien entendre ce cy, Il faut scavoir deux choses, la 1re.

que Mr. de Pontchartrain êtoit Controlleur gnal des Finances

dans un tems où le Royaume accablé sous le poids d'une

grande guerre, avoit besoin de fournir beaucoup d'argent

extraordinairement pour la soûtenir; ce qui obligeoit ce

Ministre à le charger tous les jours de nouveaux Impots.

La 2de. que depuis son Ministere, il avoit fait entrer directemt.

ou indirectement beaucoup de gens à l'Accadémie Françoise.

C'est ce qui fait dire à l'Autheur, que Mr. de Pontchartrain,

met cet Impost sur l'Accadémie Françoise.

 

 

 

                                                                                                            [459]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur le même sujet que l'Epigramme précé=

=dente.

            Na. Que cette Chanson n'est autre chose que cette

            Epigramme changée. Ainsi elle n'a pas besoin de Com=

            =mentaire. Il suffit du précédent a peu de chose prés.

 

Messieurs1 vous aurez la Loubere,

L'Interest2 veut qu'on le préfee,

Au mérite le plus certain;

De ce choix vainement l'on crie,

C'est un Impost que Pontchartrain

Amis sur vôtre Accadémie.

 

 

1. Cela s'adresse aux Accadémiciens.

2. C'est que la pluspart des Accademiciens avoient besoin de Mr.

de Pontchartrain chez qui êtoit le Sr. de la Loubere, et qui avoit

demandé par lui la place vaccante dans l'Accadémie.

 

                                                                                                            [461]

                                                                                                            Juin

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur le même Air de Mairane.

 

Ce n'est point la beauté charmante,

De la Vaubecour qui m'enchante;

Son rouge, ni son mauvais blanc;

Mais c'est son industrie extrême

Qui join les mines d'un Enfant

A la taille de Polipheme.

 

                                                                                                            [463]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Des Triolets.

 

A Gaspard Lescalopier Coner. au Parlement

de Paris, qui se sépara d'avec ............. Colin

sa femme, aprés plus de 20. ans de mariage.

 

 

Pour moi je ne scais pas pourquoi

L'escalopier; ton front t'allarme,

Je te le dis de bonne foy;

Pour moy je ne scais pas pourquoi

Ton pere1 plus sage que toy,

N'auroit pas fait tant de vaccarme2,

Pour moy je ne scais pas pourquoy

Lescalopier ton front t'allarme.

 

Pour en user bien a propos,

Et éviter la Calomnie,

Pour ton honneur, et ton repos,

Pour en user bien a propos

                                                Il

 

1. ................. l'Escalopier aussi Coner. au Parlement de Paris.

2. La femme de ce l'Escalopier pere, fut tres Coquette, et son

mari la fit mettre aux Feuillantines; on peut se souvenir d'une

vieille Chanson là dessus qui finissoit par ces mots.

            On me tue, on m'assassine.

            On me met aux Feuillantines.

Cette Chanson avoit plusieurs couplets, et beaucoup de gens de ce tems là

y êtoit compris.

 

                                                                                                            [464]

 

Il y falloit songer plustost3,

Ou bien ni songer de la vie;

Pour en user bien a propos,

Et éviter la Calomnie.

 

Quand une femme a quarante ans4,

L'on n'en doit point prendre d'ombrage

Pour peu qu'on aie de bon sens;

Quand une femme a quarante;

Et lorsqu'elle est folle en ce tems,

C'est au mari d'etre plus sage,

Quand une femme a quarande ans

L'on n'en doit point prendre d'ombrage.

 

 

3. C'est que Mr. et Made. l'Escalopier avoient êté plus de 24 ans

ensemble, et que le mari {^lui} avoit déja passé d'autres galanteries,

comme on verra dans la Chanson suivante.

4. Madame l'Escalopier avoit bien cet âge alors.

 

                                                                                                            [465]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: Tranquilles cœurs.

 

Au même Gaspard l'Escalopier, sur le

sujet que la précédente.

 

Dis moy mon cher l'Escalopier

Pourquoi faire tant de vaccarme1,

Puisqu'un Président a Mortier2

Ne t'avoit point causé d'allarme3;

Faut-il que l'Acocat4 te fasse plus de peur

Que ce grand Sénateur.

 

 

1. Mr. l'Escalopier fit grand bruit, et en causa un grand dans Paris,

sur les sujets qu'il crût avoir de se plaindre de sa femme.

2. Louis Molé Président à Mortier.

3. Il avoit êté autrefois amoureux, et dit on bien traité de Madame

l'Escalopier, ils logeoient porte a porte dans la ruë de Braque à

Paris, et cependant si Mr. l'Escalopier en avoit êté jaloux, cela

n'avoit pas paru.

4. Louis-François l'Advocat Me. des Comptes à Paris qui fut cause

de la séparation de Mr. et de Made. l'Escalopier, parcequ'il en êtoit

amoureux et aimé de cette derniere. Son mary en prit ambrage, et

l'on prétend même qu'aprés lui avoir défendu de voir sa femme

il lui donna des coups de baton un jour qu'il le trouva chez lui depuis

cette deffense. Ce Mr. l'Avocat êtant un grand homme assez bien fait;

mais d'ailleurs un fat, quoiqu'il fit le capable sur toutes sortes

de matieres.

5. Le Président Molé.

 

 

                                                                                                            [467]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air: de Joconde.

 

A Marie-Anne Colbert veuve de Louis de

Rochechouart Duc de Mortemart, Pair de France;

sur ce qu'ayant pensé louer une Maison au haut

de la rüe des Tournelles à Paris, et proche le rempart

de la ville, le marché se rompit.

 

Scachez que tout le Paradis1.

Vous pleure et vous regrette,

Quand vous refusez un logis

Si propre à la retraitte2;

Mais adorable Mortemart,

Vous croyez je le gage,

Que malaisement du rempart 3

On en fait le voyage.

 

 

1. Pour bien comprendre cette Chanson, il faut scavoir que la Duchesse

de Mortemart, êtoit dévote depuis quelque tems.

2. Ce logis êtoit fort reculé.

3. Les actions qui se passent sur les remparts, ne sont d'ordre.

 

 

                                                                                                            [469]

 

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur la défaite des Flottes Angloise, et Hollan=

=doise, destinées pour l'Italie, Cadix, et Smirne,

et escortées par 34. Vaisseaux de Guerre, que

Commandoit le Chevaler Rook Anglois, et

que Anne-Hilarion de Costentin Comte de

Tourville, Maāl, et Viceamiral de France, attaqua

prés Cadix le 27. Juin 1693. et qu'il poursuivit

le 29. et l2 29. en telle sorte qu'il y en eut 75. de

pris, ou brulez, ou coulez à fonds.

 

 

Il est à nous l'Empire de Neptune1,

Disoient partout enflez de leur fortune,

Le fier Batave, et l'Orgueilleux Anglois,

Et leur fortune êtoit, que de trois fois,

Deux fois vaincus, ils avoient vaincu l'une2.

                                                                        Ce

 

Na. Qu'aprés cette défaite le Maāl de Tourville voulut brusler ceux

des Vaisseaux Ennemis qui s'etoient refugiez dans le port de Cadix,

et ne pût y entrer, et que le Chtr de Coetlogon Chef d'Escadre qu'il

avoit envoyé à Gibraltar pour brûler ceux qui s'etoient retirez

dans le port de cette ville en vint à bout, et en brûla.

 

1. C'est à dire la Mer.

2. Depuis le Commencement, où l'on êtoit alors. Il y avoit eu trois

Combats navals, entre la Flotte de France, et celles d'Angleterre

et de Hollande le 1er. le ..... du mois de .......... 1689. sur les

Costes d'Irlande, dans la Baye de Bauthry, où le Comte de

Chasteaurenault Lieutenant gnal de l'Armée Navale de France,

                                                                                                            batit

 

 

                                                                                                            [470]

 

Ce fut sans gloire, ils n'en eurent aucune,

Car ils n'ont pû malgré notre infortune,

Dire jamais d'un seul vaisseau François,

            Il est à nous2.

Peuples que ligue une fureur commune4,

Et que l'éclat de la France importune;

Calez la Voile, et connoissez les Rois

De l'Occéan, En l'an nonante et trois

Du mois de Juin vers la fin de la Lune5,

            Il est à nous6.

 

 

batit celle des Ennemis qui vouloient s'oposer au débarquement de quelques

Troupes que le Roy de France, Louis XIV. en oyoit en Irlande au secours

des sujets de ce Royaume, fidelles à leur Roy légitime. Le 2d. le 10. Juillet

1690. Où le Comte de Tourville Viceamiral de France batit dans la

Manche les Flottes Angloise et Hollandoise, commandées par le Comte

de Torrington. Il en est parlé plus amplement dans les pieces de cette

année là qui sont dans ce Recueil. Le 3e. le 29. et 30. May 1692.

aussi dans la Manche, à la hauteur de Barfleur, sur la Coste de

Normandie, où les Ennemis battirent le même Comte de Tourville

avec une grande perte. Il est aussi parlé de ce Combat dans les peices

de 1692. qui sont dans le present Recueil; On voit par ce détail, que nous

avions remporté 2. Victoires en 3. Combats, et qu'ainsi nous n'avions

êté batus qu'une fois de trois.

3. Dans ces 3. Combats ils n'ont pas pris un seul Vaisseau François

à la vérité, ils en brulerent dans celui de 1692.

4. Il n'est mention dans la derniere partie de ce Recueil, que de la quantité

de Princes et de peuples unis contre {^la France} pendant la guerre cruelle qui êtoit

alors.

5. Lorsque le Combat dont parle ce Rondeau cy fut donné, la Lune

êtoit dans son déclin; Car pendant cette année 1693. les Lunes alloient

presque comme les mois.

6. L'Empire de Neptune, ou la Mer.

 

                                                                                                            [471]

Chanson                                                                                               1693.

 

Sur l'Air .......................................

 

 

On chante partout à la Cour,

Vive Tourville, et Luxembourg;

On chante partout à la ville.

Vive Luxembourg & Tourville.

 

 

Cette Chanson fut faite sur la Victoire de Mr. de Luxem=

=bourg.

Et sur le Combat Naval donné par Mr. de Tourville, contre

les Anglois et les Hollandois.

 

 

 

                                                                                                            [473]

Chanson                       [X]                                                                   1693.

 

Sur l'Air: Enfin graces au dépit &ca.

 

Adressée aux Courtisans qui êtoient revenus à

Versailles, avec le Roy Louis XIV. le .... Juin 1693.

au retour du voyage que sa Majesté avoit fait

en Flandres pour y assembler ses Armées.

 

Na. Que cette Chanson a êté faite par Louise-Françoise

de Bourbon fille naturelle du Roy, femme de Louis Duc de

Bourbon Prince du Sang, Grand Maître de France, et

Gouverneur de Bourgogne en survivance de Henry-Jules de

Bourbon Prince de Condé, son pere.

 

Enfin aprés un mois1, je vous vois de retour,

Courtisans surannez2, vrais remedes d'amour,

Je vous revois vieux fous si cheris de nos meres3;

Lorsque restez sur nos Frontieres,

Nos amans loin de nous font dans le champ de Mars4

Pour livrer leurs beaux jours aux plus cruels lazards;

Ah qu'une vieille Cour à nos yeux est hideuse5,

                                                                        On

 

 

1. Le voyage du Roy ne dura gueres plus d'un mois.

2. Comme le Roy avoit plus de 54. ans. ses Courtisans êtoient aussi

vieux.

3. Les Courtisans êtoient vieux, ainsi ils avoient êté aimez jeunes

des meres des femmes d'apresent.

4. Tous les jeunes gens êtoient restez à l'armée, de maniere que les

seuls vieillards de la Cour êtoient revenus avec le Roy.

5. Non seulement la Cour êtoit hideuse par les vieillards qui y

êtoient alors, dont la figure déplaisoit, mais aussi parce que la

dévotion du Roy en avoit banny les plaisirs, ce qui la rendoit

infiniment triste.

 

                                                                                                            [474]

On n'y parle jamais ny d'amour, ny d'amant6,

Qu'une Princesse est malheureuse

D'y passer ses plus jeunes ans.

Que c'est une chose ennuyeuse

De ne voir que de vieux Pédans.

 

6. Le Roy êtoit fort revolté contre la galanterie, lui qui

avoit êté l'homme de son Royaume le plus galant.

7. En cet endroit Made. la Duchesse par d'Elle, c'étoit la

Princesse du monde la plus vive, la plus gaye, et qui

aimoit le plus ses plaisirs, ainsy la tristesse de la Cour

lui êtoit insuportable.

 

Na. Que cette Chanson est plus ingenieuse qu'elle ne paroist

car si l'on y veut mettre au singulier les mots de Courtisans suran=

=nez, de vrais remedes d'amour, de vieux fous de cheris de nos

meres &ca. On verra que Made. la Duchesse l'a faite sur ............ .  

 

 

                                                                                                            [475]

 

Rondeau                       [X]                                                                   1693.

 

Sur Guillaume-Henry de Nassau Prince

d'Orange. &ca. au sujet du Combat de Neerwinde

donné le 29. Juillet 1693. entre l'Armée des.

Princes Conféderez, contre la France, comman=

=dée par ce Prince, et l'Armée Françoise sous

les Ordres de Henry de Montmorency-Luxem=

=bourg, Duc de Piney, Pair & Mareschal de

France &ca. dans lequel les François eurent

l'avantage.

 

 

Il a bien fait du fracas, et du bruit

L'Usurpateur1, depuis quatre vingt huit2,

Bien cabaler est son grand scavoir faire3,

Il a par là destrosné son beau pere4,

Et mis en feu l'Europe qu'il séduit5..

 

Pour le Combat, d'ordinaire il le fuit6;

                                                            Mais

 

 

1. Le Prince d'Orange que l'auteur nomme Usurpateur avec

raison parce qu'il avoit usurpé les Royaumes de Jacques second,

Roy d'Angleterre, son beau pere.

2. On peut voir dans les pieces de l'an 1688. qui sont dans ce

Recueil, comme quoi la guerre où l'on êtoit alors avoit commencé

cette année là, comme le Prince d'Orange y avoit contribué, et le beau

role qu'il jouoit.

3. C'etoit le plus grand politique de son tems.

4. Jacques II. Roy d'Angleterre.

5. C'est{-oit} le Prince d'Orange qui avoit par son scavoir faire uny toute

l'Europe contre la France.

6. Il est certain que le Prince d'Orange évitoit autant qu'il pouvoit

                                                                                                les

 

 

                                                                                                            [475]

Mais s'il le faut, et qu'il y soit réduit,

Il le soutient dans la derniere affaire7,

            Il a bien fait.

 

Toujours vaincu jamais rien ne lui nuit8,

                                                            Seul

 

 

les Actions décisives; mais c'estoit sans interest de faire durer la

guerre, et d'eviter tout ce qui auroit pû contribuer à la Paix, comme

sont ces mêmes actions décisives, puisqu'etant le nœud de tous les

Princes liguez contre la France, et jouant ainsi le plus beau role

que particulier ait jamais joué; Il eut déchu par la paix de cet

Estat florissant, où le maintenoit la guerre.

7. Il fit des merveilles de sa personne dans le Comat de Neerwinde,

comme soldat, et s'y conduisit un grand Capitaine, en telle sorte qu'au

moyen du retranchement qu'il fit faire devant le centre de son armée,

on ne le put attaquer par là. Le Mareschal Duc de Villeroy qui

commandoit l'aisle droite des François, ne put forcer le Village

de Lauden, et l'aisle gauche commandée par Armand-Jean de

Joyeuse fut repoussé 2. fois au Village de Neerwinde, et n'en

demeura maîtresse que la 3e. par la valeur extraord re. de François-

-Louis de Bourbon Prince de Conty, qui servoit de Lieutenant gnal

dans cette armée; la Victoire n'eut pas n'eut pas même êté complette si Henry

Marquis d'Harcourt Lieutenant général des Armées du Roy, ne

fut venu au bruit du Canon avec un Corps de 22. Escadrons qu'il comman=

=doit sous huy, et n'eut attaqué les alliés entre Neerwinde et la Gette

et les prenant ainsi en flant, ne les eut obligé de se retirer en leur tuant

beaucoup de monde.

8. On a pû voir dans ce Recueil combien de fois le Prince d'Orange,

a êté batu, et cependant peu de tems a prés, son armée a toujours esté

rétablie. Cette fois icy, il en avoit êté de même, car ayant fait venir 30.

Bataillons qu'il avoit sous Liege, et 14000. hommes qui avoient force

par ses Ordres les lignes qui étoient entre la Lys et l'Escaut pour

sauver la Chastellenie de l'Isle, le Tournaisis &ca. de la Contribution

son armée se trouva aussi forte qu'elle êtoit au paravant le

Combat.

 

 

                                                                                                            [477]

Seul de la guerre, il recueil le fruit9,

A t'il un sort10, a t'il un caractere,

Et nous11, mais chut, le mieux est de se taire12,

Et l'on dira, l'Auteur13 s'est bien conduit,

            Il a bien fait.

 

 

9. Tous les peuples de l'Europe, et surtout les François gémissoient

de cette guerre, et lui seul y trouvoit son compte.

10. Est il sorcier de se rétablir si viste.

11. Nous autres, les François.

12. L'Autheur ne veut plus parler de ce Combat qui nous gosta prodi=

=gieusement, Car nous y eumes 4520. hommes tuez sur la place, et

5187 de blessez. Il est vray que les Ennemis y perdirent d'avange

de leur aveu. aussi durat-il depuis 9. heures du matin jusqu'a 4. du

soir.

13. L'Auteur de ce Rondeau.

14. Il a bien fait de se taire.

 

Na. Que le Mareschal Duc de Luxembourg ayant en ordre du Roy

Louis XIV. dont il commandoit l'Armée en Flandres de prendre la Ville

et la Château de Huy, et d'aller en suite chercher l'Armée des Alliez

pour la combattre; Il détacha François de Neuville Duc de Villeroy

Pair et Mareschal de France, qui servoit sous luy avec un détachemt.

considérable pour prendre huy, ce qui fut executé, car la ville se

rendit le 21. Juillet, au bout de 24. heures, et le Château a discretion,

le lendemain le Mareschal Duc de Luxembourg marcha ensuitte,

le 28. aux Ennemis, qui étoient campez sur la Riviere de Gette prés

la petite ville de Lewe en Brabant, ayant à leur gauche au Village

de Lauden, et leur droite à celuy de Neerwinde, avec une hauteur

devant le centre de leur armée, le Duc de Luxembourg ne pût les attaquer

que le lendemain, et la nuit ils se retrancherent si bien, qu'on ne pût

forcer le village de Lauden, ny le centre où étoit un grand retranchemt.

On fut repoussé deux fois à Neerwinde; mais ce postre ayant êté

forcé, les Ennemis furent obligez de se retirer de la Gette, et d'aban=

=donner le champ de Bataille, avec 75. pieces de Canon.

 

 

                                                                                                            [479]

Epigrammes.                 [X]                                                                   1693.

 

Sur une Ode Françoise dans le stile de Pindare

Poëte grec, composée, et mise au jour au mois de

Juillet 1693. par Nicolas Boileau Sr. des Preaux

de l'Accademie Françoise, sur la Prise de Namur

par le Roy Louis XIV. au mois de Juin 1692.

 

 

Boileau tu veux, dis-tu, suivre a grands pas la trace,

            De Pindare, qui plein d'audace,

            Scait quelque fois sortir de la raison1,

            Pour y rentrer même avec plus d.....

            Mais tu suis assez mal ses pas

            Dans tes emportemens bizarres2,

Car si loin du bon sens, comme lui tu t'égares,

            Comme lui tu n'y rentres pas.

 

            Horace a dit à la postérité

Que Pindare jamais ne peut être imité3,

                                                            Pour

 

 

1. Pindare dans ses Ouvrages prend un stile élevé, d'où vient

qu'on apele Pindariseur un homme qui veut parler le même langage.

2. L'Auteur trouve que Boileau des Preaux en voulant imiter Pindare

dans son Ode, s'emporte trop loing, et ne revient pas comme ce Grec, à

la raison.

3. Horace commence ainsi l'Orde 2de. de son {IVe} Livre.

            Pindarum quisquis studet œmulari,

            Jule, ceratis ope Dœdalea,

            Nititur pennis vitreo daturus,

            Nomina ponto.

 

                                                                                                            [480]

            Pour prouver ce que dit Horace,

Des Preaux suit Pindare, et se casse le cou4,

            C'est obliger de bonne grace,

            Ces anciens dont il est fou.

 

Ouy des Preaux, de ton yvresse5,

            Ton Ode nous est caution;

Mais que ce soit des liqueurs du Permesse6,

            C'est une belle question.

 

            Ouy j'aime l'Ode Pindarique,

            De ce redoutable Critique7,

Qui sur le sacré Mont8 fait aujourd'huy la Loy.

Perrault9, quel monument il éleve a ta gloire;

                                                                        Mais

 

 

4. L'auteur prétend que cette Ode de des Preaux, ne vaut rien, et il

n'est pas le seul de ce sentiment.

5. Cette Ode de des Preaux commence ainsi.

            Quelle docte & sainte yvresse

            Me fait aujourd'huy la Loy,

            Charles Nimphes de Permesse,

            N'est-ce pas vous que je voy.

l'auteur se moque de cette Docte et sainte yvresse.

6. Le Permesse, est une de 2. Fontaines du Parnasse, et les

Nimphes du Permesse, sont les Muses.

7. Boileau des Preaux Poëte Satirique. + 8. Le Parnasse.

+

9. Charles Perrault de l'Accademie Françoise que Boileau des

Preaux fronde à la fin de son Ode sous le nom de l'Auteur de St.

Paulin. Il faut scavoir aussi que Perraut avoit fait un paralelle

des Auteurs anciens avec les modernes, dans lequel il mettoit ceux

cy au dessus des autres. Boileau s'en formalisa, et outre plusieurs

écrits qu'il fit contre Perrault, il composa encore cette Ode cy dans

                                                                                                le

 

 

                                                                                                            [481]

Mais quand je songe à son histoire10,

Que je plains le Siecle, et le Roy11.

 

Vôtre amy des Preaux a fait un mauvais pas,

            Dont rien au monde ne le pare,

Il agit contre lui, s'il efface Pindare13,

Il passe pour un sot, s'il ne l'efface pas14.

 

N'en doute point Boileau la voix publique,

Fait le procés à l'Ode Pindarique,

Laisse les vers, ta Muse est au tombeau;

Mais la préface15 est une belle chose,

On y retrouve encore le grand Boileau,

Il scait encore injurier en prose16.

 

 

le stile de Pindare pour faire avoir la supériorité des anciens

sur les modernes, comme elle ne reussit pas, l'auteur dit a Perraut

que c'est un monument que Boileau a élevé à sa gloire.

10. C'est que Boileau des Preaux par Ordre du Roy, composoit

l'histoire de la vie de sa Majesté conjointement avec J. Racine.

11. Il plaint le Roy Louis XIV. parce qu'il croit que l'histoire de ce

Prince écrite par Boileau, ne vaudra pas mieux par son Ode

Pindarique.

12. Ce cy est adressé a un amy de Boileau.

13. Puisqu'il croit les anciens au dessus des modernes.

14. Puique Pindare peut être effacé.

15. Un avis au Lecteur qui précédoit l'Ode, et ne valoit rien.

16. Cet avis est plein d'injures contre les paralelles de Perraut, et

ceux qui sont de son sentiment.

 

 

                                                                                                            [482]

 

1693.                                                    Ode

 

Sur l'Ode dans le stile de Pindare Poëte

Grec, dont il est parlé dans les Epigrammes

précédentes, composée par Nicolas Boileau

de l'Académie Françoise.

 

Nota. Que cette Ode cy est faite pour critiquer celle de

Boileau des Preaux, qu'elle la parodie en plusieurs endroits

soulignez sont des mots et des termes de l'autre que l'auteur

de celle cy critique.

 

 

Qu'elle est la nouvelle yvresse1

Qui fait à Boileau la Loy,

Sous ces haillons du Permesse2,

Est-ce donc lui je vois,

Accourez troupe pédante3,

Les sons que sa Lire enfante

Sont propres à vous toucher,

Accourez voir le faux germe4,

Dont au bout d'un an de terme5

Sa Muse vient d'accoucher.

                                                            Mais

 

 

1. L'Ode de des Preaux, commençoit par ces mots. Qu'elle docte et

Ste. yvresse. l'auteur de celle cy s'en moque.

2. Le Permesse est une des 2. Fontaines du Mont Parnasse.

3. L'Auteur adresse cette Ode aux Pédans, dont il pretend qu'elle doit

être admirée.

4. L'Auteur compare cette Ode aux Pédans, dont il pretend qu'elle doit

être admirée.

5. L'Ode de des Preaux est faite sur la prise de Namur en 1692.

et cette Ode n'a parû qu'en 1693. plus d'un an aprés.                                                                                           

 

                                                                                                            [483]

 

Mais non, c'est un grand modele,

Dont au public il fait part6,

Pour faire voir qu'il excelle,

Dans tous les genres de l'art,

Voulez-vous de l'Heroique

C'est une Ode Pindarique7,

Dont Namur est le sujet;

Ne demandez vous qu'a rire,

C'est au fonds une satire,

Dont Perraut seul est l'objet8.

 

Là dans des phrases sauvages9

Vous verrez tout en un tas,

Déployer toutes leurs rages,

Princes, vents, peuples, frimats.

Là vous verrez Nassau blesme10,

                                                Plein

 

 

6. des Preaux dans l'avertissement qu'il met devant son Ode

dit qu'elle peut servir de modele à ceux qui n'ont pas le gout

des anciens poëtes.

7. Ou dans le stile de Pindare.

8. Dans le même avertissement qui precede l'Ode, des Preaux

désigne Charles Perraut de l'Accademie Françoise, au sujet

des Paralelles que celui cy a fait des auteurs anciens, et modernes

en faveur de ceux cy, et il est certain que des Preaux n'a fait son

Ode, que pour faire voir à Perrault la supériorité des anciens

sur les modernes.

9. Il est certain que dans l'Ode de des Preaux, il y a des façons

de parler fort barbares, comme sont entr'autres les endroits

souslignez dans celle cy qui en sont tous tirez.

10. Le Prince d'Orange a qui des Preaux, donne cette Epithete

extraordinaire.                                                  

 

                                                                                                            [484]

 

Plein de la fureur extrême,

Dont ses sens sont agitez;

Pédans11, maquez l'excellence,

De cette heureuse cadence,

Vous modernes profitez12.

 

Pour bien dépeindre une place,

Dont les deffenseurs vaillans

Par leur feu, par leur audance,

Eloignent les assaillans;

Dites que dix mille Alcides,

D'Eclairs au loing homicides,

Font petiller leurs remparts,

Voila quel nouveau sublime,

L'homme que Phœbus anime14,

Fait briller de toutes parts.

 

Est-ce ainsi que sans génie

Avec des vers durs, et secs,

Il imite l'harmonie,

                                                Et

 

 

11. Les mêmes Pédans, à qui l'auteur adresse cette Ode cy.

12. Il a desja êté dit que cette Ode de des Preaux, est faites pour

l'instruction des Poëtes modernes a ce qu'il pretend, et pour leur

faire avoir la supériorité des anciens.

13. Namur dans l'Ode des Preaux.

14. Des Preaux commence ainsi la derniere strophe de son

Ode, Pour moy que Phœbus anime.

 

                                                                                                            [485]

 

Et la Noblesse des Grecs15,

En vain aux bois du Parnasse,

A suivre Pindare, Horace;

Il s'engage en son déclin16,

De ces bois les avenües,

Ne lui sont pas si connuës,

Qu'a l'auteur de Saint Paulin17.

 

 

15. Des Preaux prétend que son Ode imite le stile des Poëtes

Grecs, et surtout de Pindare, et l'auteur de celle cy n'en

convient pas.

16. Des Preaux êtoit alors fort vieux, et le met dans son Ode

en disant, Ma Muse dans son déclin.

17. C'est Perrault auteur d'un Poeme Chrestien, appellé Saint

Paulin; mais ce cy fait encore un plus grand jeu. Des

Preaux finit son Ode par ces vers qu'il adresse aux

Ennemis de la France.

            Pour moy que Phœbus anime

            De ses transports les plus doux,

            Rempli de ce Dieu sublime,

            Je vois plus hardy que vous,

            Montrer que sur le Parnasse,

            Des bois frequentez d'horace,

            Ma Muse dans son déclin,

            Scait encor les Avenuës,

            Et des routes inconnuës

            A l'auteur de Saint Paulin.

 

L'Auteur de cette Ode cy trouve cette fin trop basse pour

une Ode, et il s'en moque icy. Il prétend de plus que l'Auteur de St.

Paulin, qui est Perraut, connoist mieux ses Avenües des Bois

du Parnasse que des Preaux.

 

                                                                                                            [486]

 

1693.                                        Epigramme

 

Sur ce que dans la derniere strophe de l'Ode

en stile Pindarique, faite par Nicolas

Boileau des Preaux, et de laquelle il est

parlé dans les Epigrammes, et dans l'Ode

précédentes; Cet Auteur se moque de Charles

Perraut sous le nom de l'auteur de St. Paulin.

Voyez sur cela le Commentaire 17. de l'Ode

précédente.

Nota; Que Charles Perraut est l'auteur Epigramme

cy, et qu'il t'adresse à Nicolas Boileau des Preaux.

 

 

Quand d'un esprit satirique, et malin,

Vous maltraitez l'auteur de Saint Paulin,

Je me plains, il est vray; mais lorsque de Pindare

            J'oze dire un peu librement

            Que c'est un auteur qui s'egare1,

            Vous criez éffroyablement

            Que contre vous je me déclare2;

                                                            Ce

 

 

1. Dans le Livre intitulé, Paralelle des auteurs anciens, et

Modernes, duquel il est tant parlé dans ce Recueil; Perraut

qu'en est l'auteur, dit en parlant de Pindare, que ce Poëte

s'egare souvent.

2. Boileau des Preaux, dans ses discours, et dans plusieurs

vers qui sont dans ce Recueil, a pris avec une chaleur excéssive

le parly de Pindare contre le sentiment de Perraut, et ils

se sont tellement échauffez l'un l'autre que cela a dégénéré

                                                                                    en

 

 

                                                                                                            [487]

Ce procédé n'est-il pas bien honteux,

            Et plein d'une injustice extrême,

L'Auteur de Saint Paulin n'est autre que moi même;

            Mais Pindare et vous sont deux.

 

 

en une querelle personnelle, en telle sorte que Boileau fort

vif a regardé l'opinion de Perrault sur Pindare comme une

insulte à sa personne à cause qu'il s'etoit déclaré le deffenseur

de Pindare et des autres anciens.

3. Perrault prêtend que quelque déffectueux que Pindare, soit

selon lui, Boileau des Preaux lui est encore fort inférieur.

 

 

                                                                                                            [489]

 

Chanson                                                                       1693.

 

Sur l'Air de ....................

 

Sur ............. de ............ Marquis de Sainte

Hermine Colonel d'un Régiment de Dragons.

 

 

Sainte Hermine, Sainte Hermine,

Nous te voyons verluisant1,

Et nous t'avons veu vermine2,

Sainte hermine, Sainte hermine.

 

 

1. C'est a dire brillant, heureux, paré, magnifique.

2. C'est a dire gueux, malotru, malvêtu &ca. Il êtoit proche parent

de Françoise d'Aubigné Maintenon qui l'avoit élevé, et comme

la grande Fortune de cette Dame avoit êté fort prompte, celle

des siens l'avoit aussi êté.

 

                                                                                                            [490]

 

[X] Chanson

 

Sur l'Air: de Fanfare.

 

Conduit le soleil jamais on ne s'egare,

Disoit Jacques à Guillaume, on me fera raison;

D'un air de fanfare Guillaume lui répond,

Mon beaupere tatare pompon.

 

 

Autre

 

Sur l'Air; de Turelure.

 

[X] Villeroy ce Mareschal,

Grand Général en peinture,

Iroit au feu, comme au bal;

            Turelure,

S'il ne craignoit la brulure

Robin turelure, lure.

 

 

                                                                                                            [491]

 

Chanson                                                                       1693.

 

Sur l'Air: de ..........

 

 

Dans laquelle sont tous les noms des Mds.

de Paris, apellés Curieux, c'est a dire vendeurs

de toutes sortes de curiositez de France, et des

pais Estrangers, comme Cabinets, Bureaux,

et autres meubles d'ornement &ca. lesquels tro=

=quoient aussy.

 

Nota; Que les noms de ces Marchands sont si obscurs,

qu'on n'a pas jugé a propos de les honorer d'un Commentaire.

On a mis cette Chanson dans ce Recueil par la seule raison

qu'ils êtoient alors fort à la mode.

 

 

Voulez vous de la Chine,

Des ouvrages exquis,

Des Porcelaines fines,

Des Cabinets de prix,

Aimez vous la Pagode,

Et cherchez vous la mode;

Voyez, Raclaux, Malafer, et Quesnel,

La le Brun et d'Autel.

 

Encores, la de l'Isle,

La Noel, ou Castel,

Vendent chose inutile;

                                                                                               

                                                                                                            [492]

 

Aussibien que l'Autel;

La Fresnay, et Varennes,

En ont leurs chambres pleines,

Varebouze, et l'Abbé Veteris,

En ont beaucoup aussy.

 

 

                                                                                                            [493]

 

Chanson                                                                       1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur Louis Dauphin de France, lorsqu'il

revint à Versailles le 9. Septembre 1693. au

retour d'Allemagne, où il commandoit l'Armée

du Roy Louis XIV. son pere.

 

 

Ce grand Dauphin sur la France,

Fonde toute son esperance,

Revient, dressons lui des Autels;

Il merite qu'on le révere,

Ce fils du plus grand des mortels,

Suit bien les traces de son pere.

 

 

 

                                                                                                            [495]

 

Chanson                                                                       1693.

 

Sur l'Air: du Rigaudon de l'Opera

            d'Acis & Galatée.

 

Sur Claude le Peletier Ministre d'Estat.

 

C'est un pupu1,

Que Peletier Ministre,

C'est un Oiseau sinistre,

Sans force et vertu2,

Et cependant

Rentré dans sa Coquille3,

Le petit pédant

Il a plus mis,

                                                De

 

 

1. L'auteur de cette Chanson compare Mr. le Peletier le

Ministre, a de certains Oyseaux, nommés des Pupu, autremt.

des hupes, lesquels sont fort salles, et fort puants, aussy ce

Ministre l'est-il extrement.

2. Il n'avoit mérite quelconque.

3. C'est a dire rentré dans sa Maison et dans sa famille, où

il s'aimoit, parce que c'estoit le seul endroit où il fut estimé.

Il y êtoit tout a fait sédentaire depuis l'an 1689. qu'il avoit

abdiqué le Controle général des Finances, comme on peut voir

par les pieces de cette année là qui sont dans ce Recueil, car

il n'avoit presque plus d'affaires.

 

 

                                                                                                            [496]

 

De bien dans sa Famille4,

Qu'il n'a fait d'Amis.

 

 

4. Il avoit en 6. ans de tems qu'il fut Controlleur général

des Finances, amassé beaucoup de bien, une charge de Président

à Mortier du Parlement de Paris pour son fils, et une belle

terre à la Campagne apellée Villeneuve le Roy, qu'il avoit

fait magnifiquement bâtir.

5. Il n'avoit pas un seul amy, aussi n'avoit-il jamais songé

a en faire.

 

 

                                                                                                            [497]

 

Epigramme                                                                   1693.

 

Dans laquelle l'auteur fait parler un

homme amoureux de ......... veuve

de ....... Solus, sur ce que ..........

Barcos Secrétaire de François de Neuville

Duc de Villeroy Pair et Mareschal de France,

amoureux de cette même femme, en êtoit

disoit on, malade de Jalousie.

 

 

Barcos se meurt, étrange événement,

Il meurt d'avoir apris que je suis vôtre amant;

            Dites lui qu'il n'a qu'a paroître,

            Je me retire, c'en est fait;

            Il est juste que le valet

            Vive des restes de son maître*.

 

 

* Le Mareschal Duc de Villeroy avoit êté amoureux, et

bien traité de cette femme, avant que Barcos en fut

amoureux.

 

                                                                                                            [499]

 

Epigramme                                                                   1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

 

Sur ............ Pronde Partisan, lequel se

voulant faire Président de la Chambre des

Comptes de Paris, offrit d'épouser pour cet

effet ............. de Maupeou Cousine de .....

de Maupeou femme de Louis Phelypeaux.

Comte de Pontchartrain Ministre et Sécretre.

d'Estat, Controlleur général des Finances

laquelle êtoit fort laide, fort sotte, et fort

pauvre.

 

Un fripon1 que l'on nomme Pronde,

Connu pour tel de tout le monde,

Hors Caumartin1 son protecteur,

Voudroit en ce jour à la honte,

D'un Ministre3 rempli d'honneur,

Se faire Président des Comptes.

 

 

1. Les Financiers sont pour l'odinaire tous les fripons.

2. Urbain-François-Louis le Febvre de Caumartin Conseiller

d'Estat ordre. et Intendant des Finances, protigeoit Pronde, et

c'étoit lui qui vouloit faire ce mariage.

3. Louis Phelypeaux Comte de Pontchartrain, dont il est parlé

dans l'Argument, et dont l'auteur de cette Chanson est persuadé

que l'honneur soufriroit si un homme tel que Pronde avoit

épousé sa parente.

 

 

                                                                                                            [500]

 

Mais la recherche de sa vie,

Fait connoître son infamie,

Et que les Prisons de Paris4,

Furent sa retraite ordinaire,

En attendant le Piloris,

Que mérita deux fois son Pere5.

 

 

4. Pronde avoit êté deux fois en prison, comme on y met souvent

les Partisans qui sont obligez solidairement les uns pour les

autres; mois il ni avoit pas couché, et ces 2. emprisonnements

avoient êté declarez en justice injurieux et tortionnaires.

5. On disoit que son pere avoit fait 2. fois banqueroute, crime

qu'on punit du Pilory.

 

 

                                                                                                            [501]

 

Parodie                                                                         1693.

 

de la Chanson précédente, sur les mêmes

rimes, et sur le même air, en faveur du

même Pronde.

 

D'un galant homme nommé Pronde,

Connu pour tel dans le beau monde,

Pontchartrain est le protecteur,

Ses énnemis auront la honte,

De le voir tout couvert d'honneur,

Se faire Président des Comptes.

 

Par la recherche de ta vie,

Délateur couvert d'infamie1,

L'on te menera par Paris,

Comme l'on mene d'ordinaire

Ceux que l'on met au Piloris,

Pour vanger l'ombre de son pere2.

 

 

1. Ce Couplet s'adresse à l'auteur de la Chanson précédente.

2. L'auteur de cette Parodie ne convient pas que le pere de Pronde

ait fait banqueroute, c'est pourquoy il veut que l'auteur de la

Chanson precedente soit lui meme mis au Pilory pour sa

Calomnie.

 

 

 

                                                                                                            [503]

 

Chanson                                                                                   1693.

 

Sur .......... de Ligny femme de ............

Landgrave de Furstemberg, qu'on disoit

aimer ................ de Francine Me. d'hostel

du Roy.

 

La Princesse de Furstemberg,

Se met tous les jours à couvert,

Sous le Marquis de l'Opera*.

                        Alleluya.

 

 

* L'Auteur de cette Chanson apelle Francine le Marquis

de l'Opera, parceque c'etoit lui qui en avoit le privilege, depuis

la mort de Lully pere de sa femme. Ce nom de Marquis

de l'Opera donne un grand ridicule à la Princesse de Furstem=

=berg qui l'aimoit.

 

                                                                                                            [505]

 

Chanson           [X]                                                                   1693.

 

Sur l'Air de; Orléans, Boisgency, Nôtre-

Dame &ca.

 

Sur la Campagne de l'an 1693. et les Généraux

qui commandoient les Armées du Roy de

France Louis XIV.

 

Luxembourg1, Catinat2,

Ont fort bien servi l'Estat;

Mais Lorge4, mais Lorge.

 

 

1. Henry de Montmorency-Luxembourg, Duc de Piney, Pair

et Mareschal de France &ca. qui comman=

=doit l'Armée du Roy en Italie.

2. Nicolas de Catinat Mareschal de Frence &ca. qui comman=

=doit l'Armée du Roy en Italie.

3. Le 1er. avoit batu les armées des Alliez au Combat de Neerwinde,

comme il a êté dit plus haut; Le 2d. avoit gagné le 4e. Octobre la

Bataille de la Marsaille en Piémont sur les Armées des Confédérez,

commandées par le Duc de Savoye, dans laquelle il avoit défait

absolument les Ennemis. Il leur prit 98. Drapeaux, 4. Estendars,

et trente pieces de Canon. La Relation de ce Combat faite au

Roy par ce Mareschal portoit autre ce qui vient d'etre dit, qu'il

falloit que les Ennemis eussent perdu dans cette action 7. à 8000.

hommes sur la place, qu'il y avoient environ 2000. prisonniers, et

que les François n'avoient eu que 1500. ou 2000. de tuez.

Nota; Qu'aprés le Combat de Neerwinde, le Mareschal Duc

de Luxembourg assiégea Charleroy qui se rendit le ............. .

4. Guy de Durfot de Lorge, Duc de Quintin, Mareschal de France

&ca. commandoit l'Armée du Roy en Allemagne, ne fit rien de toute

cette Campagne, Car ayant pris aprés peu de résistance le .......... du mois

                                                                                                            de

 

 

                                                                                                            [506]

 

de May, la Ville et le Château de Heidelberg, il s'amusa à razer et

détruire cette place, au lieu de marcher à Heilbron, qui lui auroit aporté

les Clefs, ce qui l'auroit rendu le maître de tout le pais qui est entre le Rhin

et le Necker; de maniere qu'ayant marché trop tard. Il y trouva les

Ennemis fortifiez devant lesquels il n'osa passer le Neker. Ce fut ce qui

obligea le Roy, comme il a êté dit plus haut a fortifier cette Armée d'un

Corps de troupes considérables commandé par Mgr le Dauphin son fils,

et le Mareschal de Bouflers sous lui. Cette Armée devenüe tres

nombreuse commandée par le Dauphin, et 3. Mareschaux de France;

scavoir le Mareschal Duc de Lorge, Claude de Choiseuil, et N.....

de Bouflers, ne fit pas de plus grands exploits, car le Prince Louis

de Baden genéral de celle de l'Empire, se retrancha si bien prés

Heilbron qu'il fut impossible à l'Armée de France d'attaquer la

ville ny les Ennemis, ce qui rendit cette Campagne inutile et desagréable

pour le Rotaume autant qu'heureuse et glorieuse pour l'Empire.

Cela fit un tort considérable au Mareschal Duc de Lorge qui passoit

déja pour un médiocre général. L'on dit même que cela le brouilla

avec le Mareschal de Choiseuil qui servoit en second avec lui, et qui

l'avoit vivement pressé de quitter heidelberg aprés la place prise, pour

marcher promptement à Ailbron, parce qu'en êtant le maître, comme

il l'eut êté infailliblement, on auroit étably des quartiers d'hiver en

Allemagne qui l'auroient désolée, et peut être même causé la paix

générale, dont la pauvre France avoit alors grand besoin.

 

 

                                                                                                            [507]

 

Chanson                       [X]                                                       1693.

 

Sur l'Air: Quand Iris prend plaisir à boire.

 

Sur l'Entreprise que les Anglois firent inutilemt.

sur la ville de St. Malo, au mois de Novembre

1693.

 

Nota; Qu'une Flotte Angloise composée de ......... Voiles

parut devant St. Malo le 26. Novembre, qu'ils prirent et brûlerent.

sans résistance au Couvent de Récolets dans une Isle proche

de la Ville. Ils la bombarderent ensuitte pendant 3. jours sans

effet. et le 4e. jour ayant fait avancer prés le rempart, une

Fregatte pleine de feux d'artifice de Bombes, Carcasses, Pierres,

Mats &ca. Ils y mirent le feu croyant abismer la Ville qui est

fort serrée; mais soit qu'il manquast quelque chose a cette

machine infernale, soit que le feu y fût mal mis, ou qu'elle

fut mal tournée, non seulement elle fit peu de domage à St.

Malo; mais elle tua ceux qui la conduisoient, dont les Corps

furent trouvez morts sur le rivage aprés la retraite de la Flotte,

qui suivit le mauvais succez de cette Entreprise.

 

 

Luxembourg1 finit sa carriere,

En défaisant l'Armée entiere,

Du grand Guillaume de Nassau2,

Qui perdit tout, Canons, Drapeaux, Timbales3;

                                                                        Mais

 

1. François-Henry de Montmorency-Luxembourg, Pair, et

Mareschal de France &ca. qui commandoit l'Armée de Flandres.

2. L'Auteur veut parler du Combat de Neerwinde donné le 29. Juillet

1693. dont le détail est plus haut dans un Rondeau.

3. Voyez ce Rondeau du dit 29. Juillet 1693.

 

                                                                                                            [508]

 

Mais ils s'est rédimé sur l'Eau,

Il a pris4 malgré saint Malo,

Des Capuchons,

Des Capuchons et des scandales5.

 

Du succez de cette entreprise,

Sa valeur est presque surprise,

Son cœur s'enfle, il vise plus haut;

Faisons, dit il triompher l'Angleterre,

Emportons saint Malo d'assaut;

Il part, il tonne et de plein saut

Il va donner,

Il va donner du nez en terre.

 

Maintenant il triomphe à Londres6,

Tous ses échos lui vont répondre,

Saint Malo de peur ébranlé7,

                                                Vive

 

 

4. Le reste de la Chanson est ironique, et il faut scavoir aussi

que quand l'auteur dit que le Prince d'Orange a pris, qu'il

part &ca. ce n'est pas que ce Prince fut en personne en l'entreprise

sur St. Malo; mais je lui attribue le tout, parce que c'etoit

par ses Ordres.

5. L'Auteur veut parler icy du Couvent des Récolets que prirent

les Anglois prés St. Malo, parce que ces Religieux ont des

Capuchons et des sandales.

6. La ville capitale d'Angleterre.

7. L'Auteur ne doutoit pas que les Gazetiers de Hollande, de

Bruxelles, d'Allemagne, et autres pais liguez contre la France,

qu'il nomme {la} Echos du Prince d'Orange, parce qu'ils ne disoient

                                                                                                que

 

 

                                                                                                            [509]

 

Vive Nassau, la gloire l'environne,

Un gros Couvent de Récolets

Qu'il a pris d'assaut et brûlé,

Met un fleuron,

Met un fleuron à sa Couronne8.

 

 

que ce qu'il vouloit, ne peignissent le domage arrivé à St.

Malo, bien plus grand qu'il n'etoit, car tout cela se rédui=

=sit à une Maison percée a des Vitres et a des thuiles cassées.

8. Tout le succez de cette entreprise fut le couvent de Recolets

pillé et brûlé.

 

 

                                                                                                            [511]

 

Chanson                       [X]                                                       1693.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Dans laquelle l'Auteur fait parler une des

filles de la Maison de St. Louis de St. Cir,

à Françoise d'Aubigné Marquise de

Maintenon, sur ce qu'ayant changé la regle

de cette Maison sur la fin de l'an 1693. Elle

y mit des Prestres de la Congrégation de St.

Lazare pour Directeurs.

 

 

Croyez moy sans barbes debique1,

Au Diable vous ferez la nique2,

Ces peres ont plus d'un Mauroy3,

De trois regles pourquoi cette ogle4

                                                Nôtre

 

 

1. Les Prestres de cette Congrégation de St. Lazare, avoit

une barbe au menton, qu'on appelle vulgairement Guillaumets,

et qui ressemblent assez à une Barbe de Chevre, et qui les

faisoit apeller par le Vulgaire, Barbes de Bique, et

Barbichets.

2. C'est a dire vous ne craindrez point le Diable.

3. Voyez dans les pieces de 1691. tout ce que fit le St. Mauroy

l'un des Prestres de cette Congrégation.

4. La Marquise de Maintenon avoit fait, ou fait faire

une regle pour la Maison de St. Louis à St. Cyr; composé de 3.

autres regles, scavoir de celle des Filles de Ste. Marie de ........

 

 

                                                                                                            [512]

Nôtre seul Apostre est le Roy5,

Nos vœux sont d'etre bonnevoglie6.

 

 

5. Le Roy Louis XIV.

6. C'est a dire pleines de bonne volonté.

 

 

                                                                                                            [513]

 

[X] Chanson                                                                             1693.

 

Sur l'Air: de la Rochelle, ou depuis Janer.

 

Sur l'Assemblé générale de Police tenüe à Paris

dans la Chambre de St. Louis au Palais, le 20.

Novembre 1693. composée de Députez de toutes

les Cours Souveraines, et autres, pour trouver des

moyens de secourir le nombre apresque infiny, de

pauvres qui êtoient dans Paris, et qui souffroient

beaucoup a cause de la disette de Bled, qui

avoit êté presque générale en France cette année.

 

 

C'est nôtre prémier Président1,

Homme humain et compatissant2,

Qui touché de nôtre misere,

Dit au Roy3, d'une humble façon4,

Vous n'aurez qu'a me laisser faire

On aura du pain a foison5.

                                                Mais

 

 

1. Achilles de Harlay Chef de cette Assemblée comme 1er.

Président du Parlement de Paris.

2. Ce cy est dit ironiquement, car c'étoit l'homme du monde le plus

dur et le plus sec.

3. Le Roy Louis XIV.

4. Le 1er. Président êtoit lhomme du monde le plus haut et le

plus glorieux mais comme il êtoit faux en tout, il affectoit

une grande modestie dans ses actions, surtout dans son

langage. On peut juger de là avec quelle humilité affectée il parloit

au Roy.

5. Lorsque le 1er. Président parla dans cette Assemblée, il fit

                                                                                                d'abord

 

 

                                                                                                            [514]

 

Mais comme ce grand Magistrat

Fuit en tout le faste et l'éclat6,} {Fuit tout sans faste, et sans éclat}

Crainte d'en avoir seul la gloire7;

Il a convoqué prudemment

Toute la gent a Robe noire8,

Pour demander leur sentiment.

 

Il leur a dit modestement9,

Le mal vient du gouvernement,

On n'a ny soin, ny prévoyance,

Et nous jadis Tuteurs des Rois10;

Souffrirons nous que nôtre France,

Soit reduitte aux abois.

 

Messieurs voicy l'heureux moment

Pour rétablir le Parlement,

Tel qu'il fut du tems de nos peres;

Faisons donc connoitre aujourd'huy

                                                            Que

 

 

d'abord comprendre qu'il avoit des moyens seurs pour faire

revenir l'abondance à Paris.

6. On vient de dire Article 4. que le 1er. Président affectoit une fausse

modestie en tout, ainsi ce cy est dit ironiquement, car dans le

fond, personne n'étoit si glorieux que luy.

7. Autre ironie, car il eut êté bien faché de laisser quelque chose

a faire aux autres.

8. On a dit dans l'argument que cette assemblée êtoit composée

de Députez de toutes les Compagnies de Robe qui sont à Paris.

9. Voyez les Articles 4. 6. et 7. de ce Commentaire.

10. Le Parlement de Paris prétend être Tuteur des Rois, pendant

leur minorité.

 

                                                                                                            [515]

 

Que la France dans ses miseres,

N'a de recours qu'a nôtre apuy11.

 

J'avois donné de bons advis,

Plût à Dieu qu'on les eut suivis,

Et plût à Dieu que nos Ministres12,

De leur sentiment moins jalous.

Previnssent les malheurs Sinistres

En prenant des Conseils de nous13.

 

Mais si nous fournissons du pain

A ce peuple qui meurt de faim,

Peut être verrons nous renaitre;

Ce tems par nous si regretté

Où le Parlement sera maître

Comme dans la minorité14.

 

Pour vous quel comble de bonheur !

Si dans le fort de la rumeur,

Nous pouvions un jour {^faire} dire

                                                            Comme

 

 

11. Dans ce Couplet tout entier, l'auteur parle des tems de guerre

civile pendant la Ligue, et la France où le Parlement de Paris

êtait le maître, bornoit la puissance des Rois et leur faisoit

même la guerre, de maniere qu'il falloit qu'ils le menageassent.

12. Les Ministres d'Estat.

13. Du Parlement.

14. Dans la minorité du Roy Louis XIV. le Parlement de Paris

êtoit si bien le maître qu'il fit la guerre au Roy.

                                                                                   

 

                                                                                                            [516]

Comme on crioit du bon vieux tems,

Vive le Roy nôtre bon Sire,

Et nos Seigneurs du Parlement15.

 

Flatté par un si beau projet,

Chacun opina du bonnet;

Sacrifions tous nos Epices16,

S'écrie un zelé Magistrat17,

Et la Chambre18 offrit ses saucisses19,

Grande ressource pour l'Estat.

 

Alors le premier Président,

Les yeux baissez20, le cœur content;

Choisir à chacun son employ,

Chercher du Bled, c'est vôtre affaire,

La mienne est d'en parler au Roy.

 

 

15. Du tems de cette guerre, les partisans du Parlement crioient

Vive le Roy, & le Parlement. Car bien qu'ils fissent la guerre

contre le Roy et la Reine Anne d'Autriche sa mere, ils

disoient que c'étoit pour l'interrest de ce Prince.

16. Les Epices qu'on donne aux Raporteurs des Procez.

17. ..............

18. La Chambre des Comptes.

19. On sert des saucisses à la Beuvette de la Chambre.

20. Il a toujours les yeux baissez.

21. Le résultat de cette assemblée, fut que le 1er. Président, dit

qu'il en rendroit compte au Roy, est l'auteur s'en moque.

 

 

                                                                                                            [517]

 

Chanson                                                                                   1693.

 

Sur l'Air: lerela, lere lanlere &ca.

 

Sur Achilles de Harlay 1er. Président du Parlemt.

de Paris.

 

 

Monsieur le premier Président,

Veut passer pour homme important,} {Surtout veux faire le plaisant.}

Et pour tres propre aux affaires;

Lere la, lere lan lere,

Lere la lere lan la.

 

Portant une barbe de C....1

Il croit ressembler à Caton;

Mais il n'en a que l'air austere2,

Lere &ca.

 

Il brocarde3 au lieu d'écoute,

Le Client qui veut lui parler,

De sa tres malheureuse affaire,

Lere &ca.

 

 

1. Ce 1er. Président avoit une barbe fort extraordinaire.

2. C'étoit l'homme du monde qui avoit l'air le plus austere;

il n'etoit rien moins dans l'interieure, car il êtoit fort

debauché.

3. Il êtoit fut, médisant, et fort malin, et comme le tempe=

=ramment l'emportoit souvent sur le soin qu'il prenoit

de se contrefaire, il brocardoit souvent les gens qui le

                                                                                    venoient

 

 

                                                                                                            [518]

Il reconduit un Procureur,

Et puis il insulte au Seigneur4,

Et se croit sage en sa maniere.

Lere &ca.

 

Qu'il a montré d'habileté,

Lorsqu'on s'assembla pour le Bled5.

Quoiqu'il ait seul gâté l'affaire6;

Lere &ca.

 

Estre Ministre et Chancelier7,

C'est là Sire8, le vray mestier,

De ce sujet si necessaire;

Lere &ca.

                                    S'il

 

venoient solliciter, et cela avec beaucoup de sel et d'esprit

en telle sorte que tout êtoit plein de ses bons mots; Mais

les pauvres plaideurs ne lui demandoient rien moins que

les brocards qu'ils remportoient souvent pour tout fruit.

4. Il êtoit bizarre, et sujet à sa mauvaise humeur, dont il

convenoit devant ses amis. Cela faisoit qu'il accabloit

quelque fois de Civilitez des gens de néant, et traittoit

mal des gens de la 1re. qualité.

5. {Voyez la Chanson precedente avec son Commentaire.}

6. Il gasta le fruit de cette Assemblée, parce qu'ayant dit

qu'il en parleroit au Roy pour tout resultat, elle devint

infructueuse.

7. C'etoit l'homme du monde le plus ambitieux, et il est

bien certain qu'il aspiroit a être Chancelier, et Ministre

d'Estat.

8. Ce Couplet s'adresse au Roy Louis le grand.

                                  

                                                                                                            [519]

 

S'il ne remplit les deux Estats9,

Prenés villes, gagnés Combats,

Vous ne pourez le satisfaire10,

Lere la, lere lan lere,

Lere la lere lan la.

 

 

9. De Chancelier, et de Ministre.

10. A cause de son ambition démésurée.

 

                                                           

                                                                                                            [521]

 

Epigramme                                                                               1693.

 

Sur la mort d'André de Betoulat Comte

de Vauguyon Sr. de Fromenteau &ca. Chtr

des Ordres du Roy, et Coner. d'Estat ordre.

qui se donna 2. Coups de Pistolet dans la

teste le ........ Décembre 1693. aprés avoir

donné plusieurs autres marques de folie.

 

 

Que Fromenteau1 se soit donné

D'un Pistolet dans la cervelle;

Il êtoit fou2; cette nouvelle,

Ne ma point du tout étonné;

Mais je ne puis que je ne pleure,

                                                Comme

 

 

1. On l'avoit autrefois apellé Fromenteau; mais alors

il s'apelloit le Comte de la Vauguyon. Il est parlé de lui

en plusieurs endroits de ce Recueil, ainsi on n'en dira

pas d'avantage.

2. Il donna plusieurs marques de folie les dernieres années

de sa{vie}, car le Roy êtant a Fontainebleau sur la fin de l'an

1690. Il mit tout d'un coup l'Epée a la main contre Louis-

-Charles Prince de Courtenay sans aucune querelle précé=

=dente, et dans la propre maison de sa Majesté, l'année

suivante il voulut batre dans la Maison de Charles Colbert

Comte de Croissy Ministre et Secretaire d'Estat, à Versailles,

le Sr. de l'Anglée, parcequ'il ne trouvoit pas qu'il prlast

assez respectueusement de M. frere unique du Roy,

En l'année 1692. trouvant un Palfrenier de M. le Prince

qui abreuvoit un Cheval; il le fit descendre, monta dessus

a poil, et vint à toutes jambes de Versailles à Paris se metre

                                                                                                à la

 

 

                                                                                                            [522]

 

Comme d'un malheur sans pareil,

De ceque c'êtoit la meilleure

Des bonnes testes du Conseil3.

 

 

à la Bastille, disant qu'il êtoit mal auprés du Roy.

Enfin l'an 1693. il se tua de sang froid dans sa chaise de 2.

coups de Pistolet à Paris.

3. Il êtoit Conseiller d'Estat ordinaire, et l'auteur qui a

méchante opinion des Coner. du Roy Louis XIV. veu le

méchant état des affaires du Royaume, confond les Coners.

du Conseil d'Estat, et les Ministres du Roy, pour dire que

Fromenteau connu pour fou, avoit même la teste meilleure

que ceux qui gouvernoient l'Estat avec sa Majesté.

 

 

                                                                                                            [523]

 

Epigramme                                                                               1693.

 

Sur les Opera d'Alcide, d'Enée et Didon,

et de Medée, qui furent representez à

Paris l'an 1693.

 

En dépit de Phoebus pourquoi rider ton front.

Autant de vers perdus, mon pauvre Capistron1,

Plus on t'entend, et plus tu paroist insipide2;

J'en prens à témoin ton Alcide3,

Fontenelle4 à mieux fait, il se le tient pour dit5,

De son silence aussi tout Paris l'aplaudit,

Aprés lui la Saintonge5 enfante un autre Enée,

Chacun en rit, sa Muse est surannée,

Que faire, il faut pourtant un Opera nouveau;

                                                                        Si

 

 

1. Capistron avoit composé les Vers, et le sujet de l'Opera

d'Alcide, et le tout ne valloit pas grand chose.

2. Il avoit {^fait} plusieurs autres ouvrages que celui là, comme on put

voir dans plusieurs endroits de ce Recueil, qui tous êtoient

fort médiocres.

3. L'Opera d'Alcide.

4. Bernard de Fontenelle de l'Accademie Françoise, fit

l'Opera d'Enée et Lavinie qui fut representé l'an 16.... .

5. L'Opera d'Enée et Lavinie ne reussit pas, et Fontenelle

n'en voulut plus faire, car il avoit fait aussi celuy d'Achilles.

6. La femme d'un Avocat de Paris, apellé Saintonge avoit

fait les vers, et le sujet de l'Opera d'Enée et de Didon,

dont les airs furent faits par un petit Musicien du Roy

nommé des Marais.

 

 

                                                                                                            [524]

Si l'on croit Charpentier7, il a fait des merveilles;

Mais quels tristes accords écorchent mes Oreilles8.

Pour composer un chant si beau,

Sans doute dans ce jour quelque maudit Corbeau,

Aura meslé sa voix à celle de Corneille9.

 

7. Charpentier Musicien de Paris, composa la Musique de cet

l'Opera de Medée, fait par Thomas Corneille de l'Accadémie

Françoise.

8. La Musique de cet opera êtoit une Musique d'une dureté infinie

et tres desagréable.

9. Thomas Corneille faisoit aussi des vers fort durs, ainsi une

Musique dure avec des vers durs, faisoit un étrange effet.

 

 

                                                                                                            [525]

 

Chanson                                                                                   1693.

 

Sur l'Air: des Folies d'Espagne.

 

Sur l'Opéra de Médée, representé à Paris, sur

la fin de l'année 1693. dont la Musique êtoit

composée par Charpentier, et les vers faits par

Thomas Corneille de l'Accademie Françoise.

 

 

De Charpentier, et de Thomas Corneille,

Allez tous voir l'Opéra merveilleux,

N'y portez point ny d'esprit, ny d'Oreilles1.

Il suffira que vous ayez des yeux2.

 

Charpentier, ta Musique est nouvelle3,

Et Lully ne te reproche rien4;

                                                            Mais

 

 

1. Les vers faits pas Thomas Corneille, êtoient fort durs et le sujet

froidement traité. la Musique êtoit aussi fort dure et fort triste.

2. C'est que les habits des Acteurs êtoient fort beaux et tout neufs.

3. Charpentier avoit composé cette Musique dans un goust tout

nouveau, et qui ne plaisoit pas.

4. Feu Jean-Baptiste Lully &ca. ............. dont la Musique vivra

éternellement par sa grande beauté. L'auteur prétend que la

memoire de Lully ne doit rien reprocher à Charpenter, parcequ'il

s'en faut beaucoup que la Musique de celui cy éfface celle du

déffunt.

 

 

                                                                                                            [526]

 

Mais aussi Francine5 en a dans l'aisle,

Car on dit que l'Argent ne va pas bien6.

 

 

5. Francine Gendre de Lully, et qui avoit eu le privilege des Opera,

aprés la mort de son beaupere.

6. L'Opera de Medée tomba d'abord; personne n'y alloit plus, et

comme Francine avoit fait de grands frais pour cet Opera, il y perdit

considérablement.

 

                                                                                                            [527]

 

Chanson                                                                                   1693.

 

Sur l'Air: Reveillez vous belle endormie.

 

Sur quelques Dames veuves, de la Cour.

 

Nota; Que cette Chanson a êté faite à la fin du mois de

May 1693. dans la ville du Quesneu en hainault, où êtoient les

Dames de la Cour pendant que le Roy Louis XIV. êtoit à la

teste de ses Armées, du côté de Gemblours, ce qui ne dura pas longtems;

Car. S. M. revint aussitost à Versailles avec toutes ces Dames, aprés

avoir fait un détachement des Bataillons, et d'Escadrons qu'il

envoya en Allemagne sous Louis Dauphin de France son fils

et Louis-François de Boufflers Mareschal de France.

 

 

Or sus chantons a tour de rolle

Les jeunes veuves de Paris1,

Ce qu'on en dit est assez drole,

Ce qu'elles font est encor pis.

 

Le mariage est à la mode,

Chez les veuves de qualité,

Elles ont trouvé la methode,

De faire tout en seureté.

 

Avec l'amy de préférence

                                                Elles

 

 

1. Ce n'est pas que les veuves, dont il est parlé dans cette Chanson

fussent des femmes de la ville; mais c'est que cette Chanson

ayant êté faite au Quesnoy, où elles n'etoient pas, l'auteur les

apelle veuves de Paris, parcequ'elles y êtoient pendant le

voyage du Roy.

 

                                                                                                                        [528]

Elles font choix d'un grand benest2;

Et lorsque le terme s'avance3,

Le pauvre sot est toujours prest.

 

Vassé4 fut toute la premiere

Qui s'avisa d'agir ainsi,

Elle fit voir Surville pere5,

En même nuit qu'il fut mary6.

 

Nangis7 suivit ce beau modele,

Elle fit cent amans heureux;

Et quand les frais sont faits pour elle,

On fait payer Blanzac8 pour eux.

                                                Mortemart

 

 

2. Ce qu'elles vouloient faire de cet amant, demandoit qu'il fut

fort sot.

3. Le terme d'accoucher.

4. Anne-Louise de Crevant d'Humieres, laquelle êtant veuve de...

Grongnet Comte de Vassé, Vidame du Mans, s'appelloit Made. la

Vidame, ou Made. de Vassé.

5. ......... de Hautefort Marquis de Surville, Brigadier d'Infanterie

Colonel Lieutenant du Régiment d'Infanterie du Roy, second mary

d'Anne-Louise d'Humieres, grosse de lui.

6. L'an 1685. Anne Louise d'Humieres êtant veuve du Vidame du Mans,

se trouva grosse sans scavoir de qui, tant elle avoit d'amans heureux,

le Marquis de Surville en êtoit un, et François de Bourbon Prince de Conty

qui êtoit amoureux de Julie d'Humieres sœur d'Anne Louise, fit si bien

qu'il l'obligea a avouer l'Enfant, et à l'épouser, de maniere que dans

une nuit il fut pere et mary.

7. ............. d'Alongny de Rochefort, veuve de .............. de

Brichanteau Marquis de Nangis Brigadier d'Infanterie, et Colonel-

Lieutenant du Regliment Royal de Marine, laquelle se trouva grosse

l'an 1692.

8. .............. de la Rochefoucault Marquis de Blanzac, Colonel

                                                                                                du

 

 

                                                                                                                        [529]

Mortemart9. conduit mieux l'affaire;

L'amour la meine au Sacrement10.,

Et quand elle a bseoin d'un pere,

Le pere est l'Epoux, et l'amant11..

 

Mais Seignelay12 tout au contraire

Alloit à Sceaux13 planter des Choux;

Mais de peur de manquer de pere,

Elle nomme plûtôt l'Epoux14..

 

Pour la Princesse de Turenne15,

Elle est dans un état fatal,

                                                Sa

 

 

du Régiment d'Infanterie de Guienne qui avoua cet enfant, et épousa

la Marquise de Nangis.

9. Marie Anne Colbert veuve de Louis de Rochechouart Duc de

Mortemart Pair de France général des Galeres, Gouverneur de Champagne

et Brye.

10. On prétendoit qu'elle avoit accouchée du fait du Comte de Ferdinant

de Furstemberg, et l'avoit ensuitte épousé secretement n'ayant pû

obtenir pour lui des honneurs du Louvre pour se les conserver en

l'epousant publiquement; mais beaucoup de gens traitoient ce bruit,

de Calomnie.

12. .......... de Goyon de Matignon seconde femme et veuve de

Jean Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay, Ministre et Secretre.

d'Estat.

13. ............ Maison de plaisance du Marquis de Seignelay à 2. lieües de Paris

où sa veuve passa une grande partie de l'Esté 1692. pendant sa

premiere année de veuvage.

14. On prétendoit qu'elle avoit un Gentilhomme domestique de son

mary, et fort bien fait apellé Ventabrun.

15. ................ de Levy de Ventadour veuve de la Tour d'Auvergne

Prince de Turenne &ca.

 

 

                                                                                                                        [530]

 

Sa grossesse est sa moindre peine16,

Sa famille est son plus grand mal.

 

Elle dit tout sans nul mistere17;

Mais elle se plaint en effet

De ce qu'on l'empesche de faire,

Ce que sa race {mère} à toujours fait.

 

16. On peut voir plus haut dans une Epigramme de cette année

1693. comme quoi la Princesse de Turenne avoit déclaré qu'elle

êtoit grosse du Chevalier de Bouillon, frere de son mary, pour

l'epouser; mais cela se trouva faux par la suitte.

17. C'est la même chose que l'Article précédent.

18. L'Auteur veut parler de Marie-Charlotte-Eleonore de la

Mothe-Houdancourt, femme de Louis de Levy Duc de

Ventadour Pari de France, mere de la Princesse de Turenne;

de Françoise-Angelique de la Mothe-Houdancourt, seconde

femme de Louis-Marie Duc d'Aumont Pair de France

&ca. tante de la Princesse de Turenne, et de Marie-Anne

Mancini, femme de Godefroy-Maurice de la Tour d'Au=

=vergne Duc de Bouillon, Pair et Chambellan de France,

mere du feu Prince de Turenne, qui toutes les 4. avoient eu

des galanteries; mais ces deux dernieres en beaucoup plus

grand nombre, et bien plus publiquement que les deux

autres.

 

                                                                                                                        [531]

 

Chanson                                                                                   1693.

 

Sur l'Air: de la verte jeunesse, qui tourne à tous                          {notté Vol 1. pag. 91}

 

Dans laquelle l'auteur fait parler ...........

Gilbert femme de Joseph-Jean-Baptiste

Fleuriau Sr. d'Armenonville Intendant des

Finances, à ............. Raguier Marquis de

Poussé qu'elle aimoit.

 

 

La d'Armenonville,

Disoit à Poussé,

Je crois par la ville

Que tu as baisé;

Faut-il que je t'aime,

Petit scelerat !

Quand tu as baisé;

Quand tu est à même

Tu ne prens qu'un rat.

 

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire, il y faut

seulement expliquer que le mot de Rat, est icy équivoque; Car

s'il veut dire que le Marquis de Poussé satisfait mal l'ardeur

de Madame d'Armenonville, il veut dire aussi que cet amant

en la caressant prend la fille de Gilbert Marchand de toille

à l'Enseigne des Rats à Paris.

 

 

                                                                                                                        [533]

 

Chanson                                                                                   1693.

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur Catherine Amelot femme de........

Comte de Vaubecourt Mareschal des Camps, et

Armées du Roy, Colonel d'un Régiment d'In=

=fanterie, Lieutenant général pour le Royau

Gouvernement de Metz, païs Messin, et Evesché

de Verdun.

Na. Que cette Chanson est une Parodie de deux autres

qui sont dans ce Recueil, la 1re. de l'an 1690. sur Charles de

Lenox Duc de Richemont, et la 2de. de 1692. sur...........

de Senecterre Dlle. de Menetou, fille du Duc et de la Duchesse

de la Ferté.

 

 

Ce n'est point la grace charmante1,

De la Vaubecourt qui m'enchante;

Son rouge ny son mauvais blanc2;

Mais c'est cette industrie extrême,

Qui joint les mines d'un enfant3,

A la taille de Poliphême4.

 

 

1. Cela est dit ironiquement, car la Comtesse de Vaubecourt

avoit tres mauvaise grace.

2. Il est certain qu'elle mettoit du rouge; mais jusques icy, on

ne l'avoit pas accusé de mettre du blanc.

3. Il est vray qu'elle minaudoit quelque fois.

4. Elle êtoit fort grande et fort grosse, quand a Polipheme

c'est un géant Cyclope dont il est parlé dans le 9e. Livre

de Lodissé d'Homere, où le lecteur peut s'en instruire s'il

ne scait pas ce que c'est.

 

 

                                                                                                                        [534]

1693.                          Sur le Prince d'Orange.

 

Avec cent mille Combatans,

L'Usurpateurs de l'Angleterre,

Promet par cent faits éclatants,

D'être le heros de la guerre,

Où sont donc ces faits inoüis,

Il les laisse faire à Louis.

 

 

                                                                                                                        [535]

 

Chanson                                                                                   1693.

 

Sur l'Air: Lampon Camarade &ca.

 

Il court un bruit par Paris,          bis

Que Bulonde a pris Conis ....     bis

Il a menty s'il s'en vante,

Il n'a pris que l'épouvante;

Lampon, Lampon,

Camarade lampon.

 

En scavez vous la raison,           bis

C'est que les Commis {Conis} de Piémon,          bis

Ne sont pas comme ceux de France,

Qui se prenne sans résistance,

Lampon, lampon,

Camarade Lampon.