RECUEIL
DE
CHANSONS,
VAUDEVILLES, SONNETS,
ÉPIGRAMMES, ÉPITAPHES
ET AUTRES VERS
Satiriques & Historiques,
avec des remarques curieuses,
suitte de 1690 . à 1693 .
Vole. VII.
[1]
Chanson 1690.
Sur l’Air: Il a batu son petit frere .
Sur Jacques IId. Roy d’Angleterre, retiré a
St. Germain en Laye : Et sur Claude le Peletier,
Ministre d’Estat.
Jacques scachant la suffisance
De Peletier pour la finance ,
Pour {Par} un coup d’Etat sans egal ,
Et pour retablir ses affaires
L’a fait Controlleur general
Des fonds qu’il tire d’Angleterre.
Il est aisé de voir combien cette Chanson est ironique
puisque ce Roy ayant êté detroné ne tiroit rien d’angre.
et que Claude le Peletier quitta le Controlle general des
Finances a cause de sa grande incapacité, cela est suffi =
samment expliqué
[3]
Chanson 1690.
Sur l’Air des Ennuyeurs.
Sur Louis Phelypeaux Sr. de Pontchartrain,
Ministre et Secretaire d’Etat, Controlleur gnal
des Finances.
Pontchartrain, tu passes partout,
Pour un Ministre fort habile,
De quoi on ne viendra point a bout,
Ton esprit grand, vaste, et facile,
Juste Dieu ! conservez-le nous,
Pour les autres, prenez les tous*
* Ces trois Ministres etoient François-Michel le Tellier
Marquis de Louvois. Charles Colbert Marquis de . . .
Croissy et Claude le Peletier .
[5]
Chanson 1690.
Sur l'Air des Triolets.
Sur l'Opera d'Enée et Lavinie, composé
par le Sr. de Fontenelle et mis en Musique
par Pascal Colasse l'un des Mes. de la Musi=
que du Roy; lequel fut representé sur la fin
de l'Année 1690 sans succez.
Quelle pitié ! quel Opera !
Depuis qu'on a perdu Baptiste*,
Incessamment l'on redira,
Quelle pitié ! quel Opera !
Personne de longtemps n'ira
Sans être tout a fait triste;
Quelle pitié ! quel Opera !
Depuis qu'on a perdu Baptiste.
*Jean Baptiste Lully Surintendant de la Musique du Roy.
[7]
Parodie 1690.
De la Ve. Scene du II. Acte de l'Opera
d'Enée et de Lavinie, dans laquelle a
l'exemple de Didon qui dans l'Opera sort
des Enfers pour avertir Lavinie de l'infide=
=lité que lui a fait Enée l'auteur fait sortir
un Dindon mis dans le pot après avoir êté
demy roty, pour donner avis de cette irregula=
rité a ...................... Brulard Sr.du Broussin
fameux Costeau .
le Dindon .
Arreste du Broussin, arreste, écoute moy,
Je fus Dindon, je fus mis au potage
Un Cuisinier rebut d'un tres mince menage ,
Sur mon Corps epuisa ragouts et saupiquets,
La broche ny le gril n'emurent point son ame,
Je rotissois content quand tout a coup l'infame,
Au pot me plongea pour jamais.
le Broussin .
Ah quelle trahison.
le Dindon.
Que ne vins tu toy même,
Des ragouts arbitre suprême.
Me delivrer des mains de cet Empoisonneur
[8]
le Broussin.
Le perfide, l'ingrat.
le Dindon.
Cet ingrat, ce perfide,
Est ce même ignorant pour qui ton gout decide,
Dans le fonds de ton cœur.
le Broussin
Maître Jacques*, grand Dieu !
le Dindon.
Je n'ay rien a te dire,
Au destin des Dindons, c'est a toi a songer
J'entends contre eux mon bourreau qui conspire,
Le pot m'appelle, il m'y faut replonger.
*Jacques Ravazzi. Cuisinier Italien.
[9]
Chanson 1690.
Sur l'Air: vous m'entendés bien.
Sur Louis d'Aumont Comte de Chappes, fils de
Louis-Marie d'Aumont, Duc et Pair de France,
1er. Gentilhomme de la Chambre du Roy, Chtr des
Ordres de sa Majesté, Gouverneur du Boulonois,
Ville et Citadelle de Boulogne, et de Françoise -
Angelique de la Mothe-Houdancourt sa 2de.
femme, lequel epousa le 15. May 1690. Julie de
Crevant d'Humieres, fille de Louis de Crevant
de Humieres Duc de Humieres, Maāl de France
Grand Maître de l'Artillerie, Chtr des Ordres du
Roy, Gouverneur de Flandres, des villes Citadelle
de Lille et de Compiegne et de Louise-Antoinette
Thereze de la Châtre, a condition de porter par le [dit].
Louis d'Aumont, les noms, armes, et Livrées de
Crevant de Humieres, et être Duc d'Humieres .
Un Jesuitte* devient mary
D'un fort bon, et fort bon party
Il n'eut eu que trois Cornes
He bien.
Il en aura sans bornes,
Vous m'entendez bien.
* Nota Que Louis d'Aumont avois voulu estre Jesuitte.
[10]
Pour être Duc on souffre tout,
Roquelaure* on s'en raporte a vous,
Les Cornes sont brillantes
He bien;
Lorsqu'un grand Roy les plante,
Vous m'entendez bien.
* Antoine-Gaston de Roquelaure pour être Duc, epousa le 20.
May 1683, Marie-Louise de Laval, fille d'honneur de Made.
la Dauphine qu'on soubçonnoit d'avoir eu commerce avec le
Roy. La medisance alloit meme jusqu'à dire qu'elle en etoit grosse,
mais cela se trouva faux par la suite, car il y avait plus d'un
an qu'elle êtoit mariée lorsqu'elle accoucha de son 1er. Enfant,
qui fut une fille, et de plus il est certain que depuis son mariage
elle a eté un modele devertu.
[11]
Chanson 1690.
Sur l'Air des Triolets.
Sur................... Chouin fille d'honneur de
Marie-Anne de Bourbon legitimée de France,
veuve de Louis-Armand de Bourbon Prince
de Conty.
Nota; Que cette Chanson est une Parodie d'une
autre faite sur le meme air, il y a longtems; laquelle
commençoit par ces mots.
Le premier jour de May
Fut le plus heureux de ma vie.
Le premier jour du mois de Juin,
Fut le plus vilain de ma vie;
Je pensay baiser la Chouin;
Le premier jour du mois de Juin;
Mais un Gousset un peu trop fin
M'en fit bientost perdre l'envie
Le premier jour du mois de Juin
Fut le plus vilain de ma vie.
Cette Chanson n'a pas besoin de commentaire.
[13]
Chanson 1690.
Sur l'Air de la Rochelle.
Sur Louis-François le Tellier Mqs de
Barbezieux Secrétre. d'Etat au departem.t
de la Guerre en survivance de François-
-Michel le Tellier Marquis de Louvois
son pere.
Voyés cet air audacieux 1,
Cette rudesse dans les yeux,
Et vous ne conclurez pas mal,
Qu'il n'est pas une regle seure,
Ou Barbezieux est un brutal2.
Formé d'un sang sans amitié,
Et sans justice, et sans pitié3.
En lui la vertu de sa mere4,
Eternisa
1. Ce vers cy et les 2 suivants sont un portrait assez
fidelle de M. de Barbezieux.
2. Aussi l'etoit il.
3. Le Marquis de Louvois son pere etoit tel que l'auteur
le depeint icy.
4. Anne de Souvré Marquise de Louvois belle et riche lorsqlle.
se maria, et cependant fort sage, quoiqu'elle eut pour mary
un
[14]
Eternisa la cruauté 5.
S'il etoit fils d'un autre pere,
Il auroit quelque humanité.
Le desespoir des Officiers 6,
Est ecrit dans ses yeux altiers,
La superbe qui le domine.
Rira de leurs faits éclarants,
Et si sa putain le chagrine
Il cassera vingt braves gens7.
un bourgeois desagreable brutal et dont elle etoit assés
meprisée aussi avoit elle peu d'esprit.
5. parceque si elle avoit eté coquette elle se seroit fait faire
des Enfans par un autre que son mary qui auroient
êté plus doux plus polis et plus humains.
6. Les officiers de guerre qui dependoient du Marquis de
Barbezieux.
7. Parcequ'il etoit fort phantasque.
[15]
Epigramme. 1690.
Sur ce que le Roy Louis XIV. nomma l'an
1690. François de Harlay archevesque de
Paris. Duc et Pair de France, Commandeur
de ses Ordres &ca. pour remplir une place
dans le College des Cardinaux a la 1re. promo=
tion qui se feroit pour les Couronnes.
Nota. Que cette Epigramme s'adresse a M.
l'Archevesque de Paris.
Vous voila revestu d'un honneur tout nouveau,
Le Roy vous a nommé, vous étes par avance
Bien plus que Cardinal, sans avoir le Chapeau,
Jouissez sans impatience
D'un choix où tant d'honneur est joint,
Le choix du Roy vous donne une Eminence,
Que la pourpre ne donne point.
par Boyer de l'accademie.
Cette Epigramme n'a pas besoin de commentaire le Lecteur
remarquera seulement que l'auteur (Boyer de l'Accademie Fr.)
y joue sur le mot d'Eminence qu'on donne aux Cardinaux
en leur parlant et en leur ecrivant, et qui signiffie aussi Eleva=
tion, dignité &ca. /.
[17]
[X]
Chanson 1690
Sur l'Air de Jean de Werth.
Sur la Bataille de Fleurus dont le detail
est plus haut gagnée le 1er. Juillet 1690. par
le Mareschal Duc de Luxembourg gnal
de l'Armée de France, sur le Prince de Valdeck
General de l'Armée des Alliez.
Le brave Duc de Luxembourg,
Par sa bonne conduitte,
Aux ennemis en moins d'un jour,
A fait prendre la fuite,
Il est mille fois plus vaillant,
Que ne fut jadis en son tems,
Feu Jean de Werth.
Ce fut auprès de Charleroy1,
Que ce grand Capitaine2,
Pour le service de son Roy3,
Dit au beau Duc du Maine4
Mon.
1. Fleurus n'est qu'a une lieue et demie de Charleroy.
2. Le Mareschal Duc de Luxembourg.
3. Louis XIV. Roy de France.
4. Louis-Auguste de Bourbon legitimé de France Duc du Maine,
Prince Souverain de Dombes, colonel gnal des Suisses, et Grisons,
gnal
[18]
Mon Prince nous les combattrons,
Eussent ils vingt mil Escadrons,
Et Jean de Werth.
Ce Jeune Mars tres digne fils5,
Du plus grand des Monarques,
Courut charger ses Ennemis,
A la barbe des Parques,
Il {est} preux comme un Amadis,
Et se bat comme fit jadis
Feu Jean de Werth
Guillaume6 ecrivit à Waldeck,
Combattez je l'ordonne,
Soutenez par là le bonnes7
Dont j'ay fait ma couronne8
Mais par un malheureux eschec,
Luxembourg arossé Waldeck,
En Jean de Werth.
Illiers
general des Galeres, Gouverneur de Languedoc, lequel commandoit
la Cavalerie dans l'Armée de France.
5. Il est certain que le Duc du Maine donna de grandes marques de
valeur dans cette journée.
6. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange.
7 & 8 } On a veu plus haut en plusieurs endroits de ce Recueil que le Prince
d'Orange avoit usurpé les Royaumes d'Angleterre et d'Ecosse
sur le Roy Jacques IId. son beau pere et s'en etoit fait couronner.
Roy
[19]
Illiers9 en perdant son guidon
Ne perdit point courage,
Il s'enfonça dans l'Escadron,
Au milieu du Carnage,
Disant, morbleu rendez le moy,
Que je le reporte a mon Roy
En Jean de Werth.
Le Grand Prieur10 dans ce conflit,
Fit rage de se battre
Il occit a ce que l'on dit,
De leurs chefs plus de quatre,
Criant, Coquins allez a bas,
Raconter votre piteux cas,
A Jean de Werth.
Il courut viste comme un vent
Dire aux Roy la nouvelle11,
Qui d'un visage fort riant,
Dit
Roy, auparavant il n'avoit sur ses Armes qu'un bonnet de
Prince de l'Empire.
9. Le Marquis d'Illiers Guidon de Gendarmerie, voyant que les
Ennemis emportoient son Estandart que portoit un Gendarme,
se jetta au milieu d'Eux et le reprit.
10. Philippe de Vendôme Grand Prieur de France &ca. servoit
de Volontaire en cette Armée et fit des prodiges de valeur dans
cette Bataille.
11. Ce fut le Grand Prieur de France qui aporta la nouvelle de cette
Victoire
[20]
Dit qu'il l'a trouvoit belle,
Sire, on a bien fait son devoir,
Dix mils hollandois12, s'en vont voir
Feu Jean de Werth.
victoire au Roy, et sa Mté . le fit Mareschal de Camp.
12. L'hiperbole est violente; mais il est certain qu'il y en eut
beaucoup de tuez, et que la victoire fut complette.
[21]
Chanson 1690.
Sur l'Air; de Joconde
Sur le même sujet et les mesmes personnes
que la precedente.
Pour la marche et le campement,
Waldeck seul en vaut quatre,
Ce Chef scait admirablement
L'art de ne point combattre1,
Mais s'il est forcé d'éprouver
Sa valeur consommée
Tous ses soins ne vont qu'a sauver
Les chevaux de l'armée2.
Il a rendu compte aux Estats
De toute sa conduitte,
Et du succès de ses Combats,
Et non pas de sa fuitte
Le nombre des morts, des blessez,
Des prisonniers de guerre,
Et le reste le fait assez
Voir
1. M. de Waldeck a toujours passé pour un fort bon General
a la valeur prés
2. La Cavalerie des Alliez s'en fuit a Fleurus et abandonna l'Infanterie.
Nota. Que le Marêchal Duc de Luxembourg aprés le gain
de
[22]
Voir a toute la terre.
de cette Bataille voulut en profiter, et pour cet effect proposa
au Roy d'assiéger Charleroy qu'il eut infailliblement prise en
peu de jours avec son armée victorieuse, vue la Consternation
que cette Bataille avoit mise dans les pais bas Espagnols;
Mr. de Louvois Ministre et Secretaire d'Etat de la guerre empe=
cha le Roy d'y consentir de peur d'augmenter la gloire de Mr.
de Luxembourg qu'il haissoit et de peur que cela ne donnast
quelque desir de paix aux Ennemis cequ'il craignoit par dessus toutes
choses par les raisons tant de fois enoncées dans les Commentaires
de ce Recueil. Le Mareschal de Humieres de son costé escrivit a la
Cour qu'il lui fut permis d'assigner Nieuport avec les troupes qu'il
auroit ramassées des Garnisons de Flandres, cette place avoit une
fort petite garnison et etoit dans le plus mechant etat du
monde et la prise en etoit sure; mais la meme peur de voir
la paix s'acheminer fit que Mr. de Louvois, s'y opposa
encore.
[23]
Chanson 1690.
Sur l'Air: de Morguienne de vous.
Sur la Bataille de Fleurus dont il est parlé
dans la Chanson precedente.
Nous avons défait
Waldeck sans cervele1,
Luxembourg2 a fait
Un Jean de Nivelle3,
Morguienne de vous,
Quel Prince, quel Prince,
Morguienne de vous
Quel Prince êtes vous.
Lorsque Guillemot4,
Scaura la nouvelle,
Il sera plus sot
Que Jean de Nivelle5
Morguienne &ca
1. Le Prince de Waldeck general de l'Armée et des alliez
2. Le Mareschal Duc de Luxembourg gnal de l'Armée de France.
3. Ce terme est equivoque, car Jean de Nivelle veut dire un sot
et il veut dire aussi icy que le Prince de Waldeck après sa defaite
se retira a Nivelle.
4. L'auteur entend par là Guillaume Henry de Nassau Prince
d'Orange &ca. qui etoit alors en Irlande où il faisoit la guerre contre
Jacques IId. Roy d'Angleterre.
5. C'est encore le Prince de Waldeck.
[25]
Chanson [X] 1690.
Ou plainte de Mr. le Prince de Waldeck
sur la Bataille de Fleurus.
Sur l'Air de Morguienne de vous.
Aussi fort qu'un sourd,
Vous frapez sans doute,
Dit à Luxembourg
Waldeck en deroute
Morguenne de vous,
Quel homme, quel homme,
Morguienne de vous,
Quel homme êtes vous.
Quel bras vigoureux,
Un seul coup assomme,
J'aimerois bien mieux
Ma foy croire à Rome* *Le Prince de Waldeck étoit Protestant
Morguenne &ca.
Hommes et chevaux,
Par tout on attrape,
Canons et Drapeaux,
Rien ne vous echape,
Morguenne &ca.
[26]
Avec mes Soldats
J'aurois fait ripaille;
Ils sont tous a bas,
Je perds la Bataille,
Morguenne &ca.
Faut'il tout honteux
Que je m'en retourne,
D'un coup si fâcheux,
La teste me tourne
Morguienne &ca.
[27]
Chanson 1690.
Sur l'Air: de Mais.
Sur la Bataille de Fleurus, dont il est
parlé dans les Chansons precedentes.
Waldeck1 croïoit en son Armée entiere
Avoir affaire au Mareschal d'Humieres2;
Mais,
Gobin3 l'a pris par derriere4,
Il n'en reviendra jamais.
1. le Prince de Waldeck general des Confederez.
2. Il les avoient attaquez à son dommage, le 25. aoust 1689.
dans la ville de Valcour en Hainaut. voyez les Chansons
de cette année.
3. Le Mareschal {^Duc} de Luxembourg qui est bossu.
4. Ce mot de derriere est icy equivoque, car il veut dire que Mr. de
Luxembourg est sodomite, et il veut dire aussi que ce general
prit les Ennemis par derriere a Fleurus.
[29]
Chanson [X] 1690.
Sur l'Air: de la Rochelle.
Sur Henry de Montmorency-Luxem=
=bourg, Duc de Piney, Pair, et Mareschal
de France &a. aprés la Bataille de Fleurus
dont il est parlé plus haut.
On avoit crû jusqu'à ce jour
Le Mareschal de Luxembourg
Grand sorcier1, mauvais Capitaine 2;
Mais le Diable en prend si grand soin 3,
Qu'il en fait un second Turenne 4;
Dont la France avoit grand besoin 5.
1. Le Maāl Duc de Luxembourg. l'an 1680. fut accusé par la
nommée Voisin fameuse devineresse, et brûlée peu après pour
sortileges et empoisonnemens d'avoir êté chez elle lui demander
quelques un de ses pretendus secrets, Il fut obligé pour cela de
se mettre en prison a la Bastille, et tout Pair et Mareschal de
France qu'il etoit, de se laisser juger par une Chambre de Commres.
que le Roy avoit etablie pour connoitre de ces sortes d'affaires.
Il y fut absous par arrest.
2. On a pû voir dans les Chansons precedentes, des années 1676.
et 1678. en qu'elle mechante reputation il êtoit pour sa capacité
a commander les armées.
3. Les Depositions de la Voisin disoient qu'il s'étoient donné au
Diable.
4. On scait quel grand Capite etoit Henry de la Tour d'Auvergne
vicomte de Turenne.
5. Elle avoit alors toute l'Europe sur les bras, et point de
Generaux capables de commander ses Armées.
[31]
Chanson
Sur l'Air: des Branles de Metz.
Sur la Bataille de Fleurus, dont il est parlé
dans les Chansons precedentes;
Et la victoire remporté sur mer près de l'Isle
Withe par le Comte de Tourville vice Amiral
de France le 10. Juillet 1690. sur les Flottes
Angloises et Hollandoises commandées par
le Comte de Torrington appelé plus communemt.
Herbert Vice admiral d'Angleterre.
Waldeck avec asseurance,
De nous imposer des loix,
Comptoit desja par ses doigts
Tout ce qu'il feroit en France1,
Il eut fait trembler cent fois,
Avec que cette arrogance,
Il eut fait trembler cent fois,
Tout autre que des François.
Mais ce brave Capitaine
S'avancant vers certain Bourg2.
a rencontré
1. Il est certain que les Confederez contre la France esperoient entrer
en France et y prendre au moins des quartiers d'hyver.
2. Fleurus.
[32]
A rencontré Luxembourg,
Aussi vaillant que Turenne,
Qui le poussant rudement
Sans lui laisser prendre haleine,
Qui le poussant rudement
L'a fait compter autrement.
Ainsi pendant qu'en Irlande,
Nassau1 fait le fier a bras,
Luxembourg a mis a bas
Malgre Waldeck, la Hollande,
Ce Nassau, ce fin matois,
Et toute sa traître bande;
Ce Nassau, ce fin matois
Pourra se mordre les doigts.
De plus j'ay sceu d'un Pilotte
Qui s'est sauvé du danger
Que Tourville2 a fait charger.
Et
1. On verra plus bas comme Guillaume Henry de Nassau,
Prince d'Orange passa d'Angleterre en Irlande au mois de
Juin 1690. et le succés qu'y eut son expedition.
2. Le Comte de Tourville Vice admiral de France commandt.
la Flotte du Roy l'an 1690. entra dans la Manche avec ordre
d'attaquer et meme de chercher a cet effet les Flottes d'angleterre
et de hollande commandées par le Comte de Torrington
Vice amiral
[33]
Et vient de battre sa Flotte,
Voila ce Prince a battu,
En tous pais on le frotte,
Voila ce prince abatu
Et de tous cotez battu.
Vice amiral d'Angleterre vulgairement appellé l'amiral
Herbert. Elles se joignirent le 10. Juillet, que celles cy ayant
vent arriere virent sur l'armée Navalle de France; mais
ils furent obligés de se retirer après un Combat de 7. heures
et avoir perdu un Vaisseau de 68. pièces de Canon, qui se
rendit aux vainqueurs, 2. autres qui furent coulez a fond
et 2. Brulots; l'Armée de France poursuivant sa Victoire
a la faveur des marées pressa tellement les Flottes Ennemis
que celles cy ne pouvant sauver les Vaisseaux dematez dans
le combat en firent sauter 3. et en coulerent 4. a fonds, le
12. du même mois les Flottes vaincuës êtant sur le travers
du Cap de Ferlay a 30. lieuës de l'Isle de Wigth, où le
combat avoit commencé, et la Flotte de France les poursu=
=ivant toujours, le Comte de Tourville détacha le Marquis
de Villette Lieutenant general avec une Escadre de Vaissx.
qui fit bruler 4. navires Ennemis dematez et eschouer 2.
autres. Tout cela se passa sans dommage considerable
du côté des victorieux qui s'etant ainsi rendus maîtres
de la Manche tinrent la mer longtems après et firent
même une descente a Tilmouth petit port d'angleterre
où ils brûlerent encore quelques vaisseaux
Cependant 40. Officiers des plus fameux de la Marine
a la teste desquels etoit le Sr. Gabaret Lieutenant gnal,
signerent un procez verbal qu'ils envoyerent a la Cour;
par lequel ils soutenoient que si le Comte de Tourville
eut fait ce qu'ils lui avoient conseillé. il ne seroit
pas sauvé un seul vaisseau des Ennemis, cet escrit eut
un
[34]
un tel succès que le Comte de Tourville fut aussi mal receu
du Roy et de M. de Seignelay a son retour que s'il eut
êté absolument battu.
Le Comte de Torrington de son côté fut mis a la Tour
de Londres a son retour et la Princess d'Orange qui etoit
restée en Angleterre pendant que son mary etoit en Irlande
lui fit faire son procés sur ce qu'il s'etoit retiré avec les
Vaisseaux Anglois et avoit ainsi abandonné les seuls
hollandois a la Flotte Françoise. Il est vray qu'il fit cette
manœuvre et qu'on l'accusoit d'avoir recu 100. mil Ecus
des François par les mains d'un Juif nommé Alvarez
pour en user ainsi, d'autres vouloient qu'il eut un ordre secret
du Prince d'Orange de ne point exposer les vaisseaux anglois,
quoiqu'il en soit il se tira d'affaire.
[35]
Chanson 1690.
Sur l'Air: des Triolets
Sur la Bataille navalle gagnée par.........
de Costentin Comte de Tourville vice ami=
ral de France, dans la Manche les 10. 11. et
12e. de Juillet 1690. sur les Flottes d'Angleterre,
et de Hollande commandées par le Comte
de Torringthon, vulgairement appelé l'amiral
Herbert.
Nota; que le detail et la suitte de ce Combat sont dans
les Commentaires de la Chanson precedente.
Prince d'Orange et Hollandois,
Tourville vous tient dans la manche
Il vous a donné sur les doigts;
Prince d'Orange et hollandois,
Vous êtes about cette fois,
Vous avez perdu la revanche,
Prince d'Orange et Hollandois,
Tourville vous tient dans la Manche.
[37]
Epigramme 1690.
Adressé a Louis-Joseph Duc de Vendôme
&ca. Chtr des Ordres du Roy, Lieutenant
general des Armées de Sa Mte. Gouvernr.
de Provence; a Philippe de Vendosme.
Grand Prieur de France son frere, et Jean-
Louis Comte de Fiesque; a .................. de
............. Marquis de la Fare Capite. des
Gardes du Corps de Monsieur; a l'Abbé
de Chaurlieu et autres protecteurs de Capis=
=tron poëte attaché au Grand Prieur de Frce.
Critiques redoutez bien plus que redoutables1,
Des auteurs les plus miserables,
Incorrigibles deffenseurs2.
Vous que Racine3 ennuye, et que Pradon4 enchante
Pour
1. Ces Messieurs censuroient alors tout ce qui se faisoit et qui
n'avoit pas le bonheur de leur plaire, les auteurs etoient obligez
pour reussir de menager leurs suffrages, et celui de cette
Epigramme n'etoit pas prevenu en faveur de leur bon goust
et de leur pretendue capacité.
2. Ils deffendoient de meme les Auteurs attachez a eux.
3. C'est a dire les fameuses Tragedies composées par Jean
Racine de l'Accademie Françoise, Gentilhome ordre.
de la Maison du Roy.
4. Les Œuvres du Poëte Pradon Normand qui sont des
Tragedies tres mauvaises, comme Pirasme et Thisbé, la mort
d'Ajax et autres.
[38]
Pour qui voiture5 est sans douceur
Et l'Eneïde6 languissante,
Vous esperez en vain des siecles ignorans
Ou vos fades ecrits pourront servir d'exemples.
Chez nos derniers neveux les Poëtes du Temple.
Vaudrons moins que ses Diamans.
5. Les Lettres, Poësies, et autres ouvrages du fameux
voiture.
6. L'Eneide de Virgile.
7. C'est que Capistron logeoit au Temple chez le Grand
Prieur de France.
8. On faisoit dans le Temple des Piereries fausses.
[39]
Chanson [X] 1690.
Sur l'Air de ...............
Sur ce qu'on pretendoit que la guerre commen=
=cée l'an 1689 avoit êté causée par les mauvais
Conseils du Pere de la Chaise Confesseur du
Roy de France Louis XIV. du pere Peters.
Confesseur du Roy d'Angleterre Jacques
IId. et par l'Opiniastreté du Pape Innocent XI.
Trois peres trop à leur aise | {Trois grands fripons tout à l'aise}
Ont brouillé tout l'univers,
L'un est le Pere la Chaise,
L'autre est le Pere Peters,
Le tiers est le Pere Innocent;
Tous trois ont fait pour Guillaume1.,
Jacques en est pour son Royaume2,
Et Louis pour son Argent3.
1. Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange.
2. On a vue dans les pieces de 1688. et 1689. comme le Prince
d'Orange detrôna l'an 1688. le Roy d'Angleterre Jacques
2d. son beau pere.
3. Louis XIV. Roy de France fut obligé de vendre son Ar=
=genterie et ses propres Chevaux pour avoir plus d'Argent,
sans compter toutes les impositions qu'il fut obligé de
mettre sur son Royaume pour soutenir les depenses enormes
de cette guerre que lui mettoit presque toute l'Europe sur les bras.
[41]
Epigramme [X] 1690.
Sur l'incapacité de Claude le Pelletier
Ministre d'Estat dont il a êté parlé plus
haut et que les plaisans de la Cour apelloient.
par dérision le Ministre Claude, faisant
allusion au fameux Jean Claude Ministre
de la Religion P. R. qu'on nommoit ainsi
et auquel l'auteur de cette Epigramme le
compare.
L'ancien Ministre Claude1. êtoit un homme habile,
Capable d'enseigner nostre saint Evangile,
Et de former une nouvelle Loy;
Mais le nouveau2. qu'a fait notre bon Roy.
Aqui Dieu donne longue vie
Ne fera jamais d'heresie.
1. Jean Claude Ministre de la R. P. R. et le plus laid
homme qui fut jamais, comme le plus scavant.
2. Claude le Pelletier Ministre d'Etat, et le plus puant
homme qui fut jamais, comme le plus ignorant.
[43]
Chanson 1690.
Sur Joseph Jean Baptiste Fleuriau Sr..
d'Armenonville, fait Con.er d'Etat ordre. et
Intendant l'an 1690. qui avoit epousé....
Gilbert fille d'un Marchand de Draps
a Paris, demeurant a l'Enseigne des Rats.
Un gros Intendant des Finances,
Que je ne vous nommeray pas,
Pour avoir plus d'opulence,
Et pour faire un {plus} grand fracas,
Amis des Rats *
Amis des Rats
Amis des Rats dans sa depense
Amis des Rats dedans ses draps.
Nota: Qu'il fut fait intendant des Finances avec 3. autres
qui etoient Constantin Heudebert S.r du Buisson, Urbain-
François-Louis le Febvre de Caumartin et Michel Cha=
=millart Me. des Requeste; Que ces 4. Charges crées en 1690,
furent receues au droit annuel et vendues 400. mil francs
chacune, et que les 2. anciens Intendant des Finances, qui etoient
Michel le Pelletier de Souzy, et François le Tonnelier
de Breteuil aussi Coner. d'Etat demeurerent dans leur employ
bien qu'ils ne fussent que Commissionnaires.
* Nota que c'est une plaisanterie a cause de sa femme fille
de
[44]
de............................ Gilbert Marchand à l'Enseigne des Rats.
Nota; Que cet air de Pierre Bagnolet couroit fort alors
et que cette plaisanterie, de Il y a des rats, a mis des rats.
&ca. couroit fort parmy la Canaille dans ses conversations
comme dans ses Chansons.
[45]
Vers 1690
Sur une Theze de Philosophie soutenüe
dans le College des Jesuites de Paris
le 6. Aoust 1690. par le fils aîné de
Chrestien de Lamoignon. Avocat gnal
du Parlement, dans laquelle la Doctrine
du Peché Philosophique dont il a encore
êté parlé plus haut, êtoit encor etablie.
Gran Dieu que lis-je cy, c'est le Dogme, je croy
De ce pesché Philosophique,
Qui menace aujourd'huy l'Eglise Catolique,
Adieu les mœurs, adieu la foy;
Adieu les saints Conseils de la divine Loy.
Adieu la seureté publique,
Adieu l'amour de la vertu,
Si cette opinion, ce dogme Diabolique,
D'introduit parmy nous; ma foy tout est perdu,
Plus de remords de conscience;
Ambition, amour, avarice, vangeance,
Triomphez, les Crestiens vous veront sans horreur,
Les aveugles esprits trompés par cette erreur,
Plus destable encore qu'elle n'est ridicule,
Vont suivre desormais sans le moindre scrupule,
Les mouvements de leur fureur.
[46]
Tout leur sera permis, c'est assez qu'il leur plaise,
Ils n'ecouteront plus la raison ny l'honneur,
N'y l'importune sinderesse,
Mais qui peut soutenir une pareille Theze,
Par curiosité voyons un peu son nom,
La chose est digne d'etre sceuë;
Mais qu'aperçois-je, ô Ciel, dois-je en croire ma veuë,
Quoi ! le jeune de Lainoignon,
Soutenir cette erreur si contraire a l'Eglise,
Et par un trait pernicieux
Démentir aujourd'huy la foy de ses ayeux,
Je ne puis exprimer jusqu'ou va ma surprise,
Qui l'auroit jamais crû, le voila cependant,
Qu'icy le petit fils de ce grand President1,
Deût soutenir cette Doctrine;
Mais que servent, helas, mes regrets superflus,
Qu'importe que je m'en chagrine
Le mal est fait; n'en parlons plus,
Contre un torrent fougueux c'est en vain qu'on s'obstine
Laissons la chose aller son train,
Si cet enfant soutient ces Dogmes temeraires,
Il aura quelque jour des sentimens contraires,
Et
1. Guillaume de Lamoignon Premier President du
Parlement.
[47]
Et devenu peut être un subtil ecrivain;
Il scaura dissiper par ses propres lumieres,
Et les Erreurs de nos bon Peres2,
Et leurs dangereux Argumens;
Cela vous paroît il si difficile a croire,
Avez vous perdu la memoire
De l'Illustre écollier3 du bon Pere Deschamps;
Point d'explication, vous scavez cette histoire4.
2. Les Jesuittes.
3. Feu Armand de Bourbon Prince de Conty, et du sang.
qui avoit etudié sous le P. des Champs Jesuitte.
4. Mr. le Prince de Conty etant dans le party des Jansenistes
accusa le P. des Champs de lui avoir enseigné de mediantes
maximes sur la Religion, et il eut la dessus force lettres
du Prince a ce Pere, et de ce Pere a ce Prince, ou le lecteur
peut s'instruire de cette affaire.
[49]
Epitaphe 1690.
D'une Chatte de Paule-Marguerite-Françoise
de Gondy, de Rets, veuve de Jean-François-
Paul de Bonne de Crequi de Blanchefort
d'Agout-de-Verze de Montlaur, et de Montau=
ban, Duc de Lesdiguieres Pair de France &ca.
a qui cette Duchesse fit faire un Tombeau
dans son Jardin, a l'hostel de Lesdiguieres
à Paris, où cette Epitaphe êtoit ecrite.
Nota; Que la mort d'une Chatte n'etant pas un evenement bien
considerable, il doit paroitre surprenant qu'on ait mis cette
Epitaphe dans ce Recueil; mais comme la Duchesse de Lesdi=
guieres avoit l'esprit dereglé en plusieurs choses, et que cela est
bon a scavoir, on a jugé a propos d'en mettre icy le temoignage.
Cy gît une Chatte jolie,
Sa maitresse qui n'aimoit rien1,
L'aima jusques a la folie,
Pourquoi le dire ? on le voit bien3.
1. Il est certain que la Duchesse de Lesdiguieres n'aimoit
rien qu'elle.
2. Non seulement elle fit faire un Tombeau pour cette chatte
après sa mort; mais de son............
3. .....................
[50]
Sonnet
Sur la mort de la Chatte de Made.
de Lesdiguières.
Menine aux yeux dorez, au poil doux, gris et fin,
La charmante Menine, unique en son espece,
Menine les amours d'une Illustre Duchesse,
Et dont plus d'un mortel envioit le destin.
Menine qui jamais ne souffrit de menin,
Et qui fut en son temps des Chattes la Lucresse,
Chatte pour tout le monde, et pour les Chats tigresse
Au milieu de ses jours en a trouvé la fin.
Que lui sert maintenant, que dedaigneuse et fiere,
Jamais d'aucuns mattous sur aucune goutiere,
Elle n'ait ecouté les amoureux regrets,
La Parque êtend ses Loix sur tout ce qui respire,
Et de ne rien aimé tout le fruit qu'on retire,
C'est une triste vie, et puis la mort aprés.
[51]
Chanson 1690.
Sur l'Air de Lampon.
Sur le bruit qui courut pour la 2de. fois, que
les affaires de France s'accommodoient à
Rome.
Le fier Pape Ottobuoni*,
Le fier Pape Ottobuoni.
Est dit on tout rabony,
Est dit on tout rabony,
Nous en aurons mainte bulle
Puisque l'ennemy recule,
Lampon, Lampon, camarade Lampon.
*Il est dit en plus que le Pape Alexandre VIII s'ap=
=pelloit Pierre Ottobuoni.
On a veu plus haut comme le Roy Louis XIV. envoya au mois de
........... 1690. Toussaint de Fourbin Cardinal Evesque et Comte
de Beauvais Pair de France, Commandeur des Ordres de sa Mté.
a Rome pour y negocier avec le Pape, pour l'accommodement des
demeslez entre la France et la Cour de Rome, le Duc de Chaunes
et le Cardinal de Bouillon qui y etoient pour lors chargez des
affaires de France crurent que celui seroit un grand affront si le
Cardinal de Fourbin les terminoit, pour eviter ce malheur il crurent
avec raison qu'il n'y avoit point d'autre party a prendre que de
conclure un traité avec le Pape avant que cette Eminence fut arriveé.
Ils firent donc un traité que sa sainteté et le Duc de Chaunes signerent.
l'abbé de Polignac amy et parent du Cardinal de Bouillon fut depeché
pour
[52]
pour l'aporter a la Cour, et quand le Cardinal de Fourbin arriva
a Rome il trouva l'abbé party et crût tout accomodé; mais qui
ne le croyoit pas asseurement pas, c'etoit le vieux Renard de Pape qui
scavoit bien qu'il avoit pris pour dupe son bon et ancien amy le
Duc de Chaunes et le Cardinal de Bouillon; comme la France et le
Piemont etoient en guerre; l'abé de Polignac fut obligé de venir par mer
et d'attendre fort longtems a Livourne une occasion pour passer en
Provence; cependant le bruit se repandit par toute l'Italie, que Rome
et la France êtoient d'accord, le bruit en vint a Paris par Venise, et
l'Abé de Polignac y etoit attendu comme le Messie. Il arriva en fin
et l'on fut bien surpris a la Cour de France de voir que le Pape
consentoit a tout ce que le Roy desiroit pourvu que sa Mté. et les
Evesques de France se retractassent de tout ce qui avoit eté fait depuis
10. ans pour maintenir les privileges de l'Eglise Gallicane, on sceut
tres mauvais gré au Duc de Chaumes d'avoir signé un tel traité !
comme Ambassadeur, cependant le Roy ayant permis au Cardinal
de Bouillon, et a toute sa famille de revenir a la Cour, cette Eminence
dût etre contente de sa Negociation bien plus que M. de Chaunes
qui resta tristement a Rome, où le Cardinal de Fourbin avoit le
secret de la Cour de France.
[53]
Chanson 1690.
Sur l'Air: Je vous dis et le repete.
Sur la maladie dont fut attaqué l'an 1690.
Jean-Baptiste Colbert Marquis de Seignelai
Ministre et Secretaire d'Estat, Tresorier
des Ordres du Roy.
Quoique les flateurs puissent dire1,
De Seignelay le mal empire,
Et bientost il aura vescu
Pour te le faire mieux connoitre,
Tourville4 craint d'etre pendu3.
Et
1. Quoique Mr. de Seignelay fut grievement malade et
comme desesperé, ses amis ne laissoient pas de dire
toujours qu'il se portoit mieux, il en mourut pourtant
le 3. Novembre 1690.
2. Le Comte de Tourville vice amiral de France, etoit le
favory de Mr. de Seignelay et quoique Jean d'Estrées
Maāl de France Chevalier des Ordres du Roy eut acheté
la charge de Vice Amiral de France et l'eut exercé seul depuis
plusieurs années avec valeur, capacité et bonheur, M. de
Seignelay en fit creer une 2de. l'an 1689. en faveur du Comte
de Tourville et lui procura le commandement en 1690.
le Mareschal d'Estrées eut pour dedommagement le Com=
=mandement de la Province de Bretagne, pendant que le
Duc de Chaulnes qui en etoit Gouverneur, etoit Ambaddadeur
a Rome pour la 3e. fois.
3. On a veu plus haut comme le Comte de Tourville dut mal
receu
[54]
Et Cavois4 cherche un autre maître.
receu du Roy pour n'avoir pas entrepris l'an 1690. tous
ce qu'il avoit {pû} execcuter s'il avoit suivi les Conseils des
Officiers de la Marine, lesquels au nombre de 40. en
signerent un ecrit qu'ils envoyerent a la Cour contre lui
et qui trouva croyance.
4. Louis Doger Marquis de Cavois grand Maāl des
Logis de la Maison du Roy, intime amy de Mr.
de Seignelay comme on a desja veu plus haut.
5. On remarquoit que de puis que Mr. de Seignelay etoit
malade, Mr. de Cavoys alloit fort souvent chez Louis
Phelypeaux Sr. de Pontchartrain Controlleur general des
Finances, et qui eut la charge de Secretre. d'Estat de
Mr. de Seignelay après sa mort.
[55]
Chanson 1690.
Sur l'Air de Lampon &ca.
Sur Victor Amedée Duc de Savoye.
l'auteur le represente tenant un Conel. avec
Louvigny Me. de Camp general du Milanez
après la Bataille de Staffarde qu'il perdit
comme on verra plus bas le 18. Aoust 1690.
Or écoutez les projets,
Or écoutez les projets,
Que le Roy de Chipre1 a faits,
Que le Roy de Chipre a faits,
Après qu'une habile fuite2,
L'eut asscuré dans son giste,
Dodo, dodo. l'amy du Roy Guillemot3.
Quoiqu'il eut montré le cus, bis
Il croyoit avoir vaincu, bis
Et
1. Le Duc de Savoye prend la qualité de Roy de Chipre, et
c'est pour cette raison que ses Ambassadeurs sont traittez
en France comme ceux des testes couronnées.
2. On a veu plus hait qu'il s'en etoit fuy a la Bataille de Stafforde.
3. C'est Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange Courronné
Roy d'Angleterre avec lequel le Duc de Savoye avoit fait
un traité contre la France {c'est} ce traité decouvert qui a obligé
cette Couronne a luy declarer la guerre.
[56]
Et dans cette extravagance
Son cœur devoroit4 la France;
Dodo. &ca.
J'ay, dit il, dans son grabat, bis
Triomphé de Catinat5; bis
Par ma foy mon Cimeterre,
Est un vray foudre de guerre;
Dodo. &ca.
Il faut mont cher Espagnol6, bis
Nous saisir de Pignerol7, bis
Dans le Dauphiné decendre8,
Y reduire tout en cendre.
Dodo. &ca.
Dans
4. Le Duc de Savoye avoit depuis longtems une haine
effroyable contre la France, et comme il etoit peu experimenté,
il ne doutoit pas que son Traité avec le Prince d'Orange et
les autres ennemis de cette Couronne ne le rendit Maître d'une
partie du Royaume.
5. General de l'Armée de France.
6. Louvignyes dont il a êté parlé plus haut Walon de Nation
attaché a l'Espagne dont il etoit sujet et mestre de Camp.
gnal du Milanez. il etoit venu avec un corps de troupes
Espagnoles au secours du Duc de Savoye, et il etoit a la
Bataille.
7. Place importante a la France, a 7. lieues de Turin.
8. On pretend que dans le Traité fait avec le Duc de Savoye et les
ennemis
[57]
Dans cette expedition. bis
Il faut saccager Lion9, bis
Et ne pas laisser la maille
D'icy jusques a Versailles10;
Dodo. &ca.
Là prenant des chevaux frais, bis
Nous irons jusques a Calais bis
D'où l'Angleterre on decouvre,
Et nous passerons a Douvres;
Dodo. &ca.
Si Guillemot n'est pas mort.11 bis
Il nous caressera fort. bis
S'il est mort, grand bien lui fasse
Nous regnerons en sa place.
Dodo. &ca.
Ainsi
ennemis de la France, on lui promettoit que le Dauphiné
lui seroit donné en cas de Conqueste.
9. On pretend aussi qu'il regardoit des lors la ville de Lyon
comme a lui et on asseura qu'il avoit même demande a
ses Financiers combien ils lui donneroient des Fermes de
cette ville.
10. Je doute que son imagination le portât si loin.
11. On a veu plus hait qu'il courut longtems un bruit que le
Prince d'Orange êtoit mort.
[58]
Ainsi plus grand que Cesar bis
La Bataille de Staffard. bis
Fera voir sous ma puissance,
Savoye, Angleterre, et France.
Dodo. &ca.
Pendant qu'il extravaguoit, bis.
Louvignies sôurioit, bis
Ah, dit il, sage Cervelle,
Vôtre entreprise est fort belle.
Dodo. &ca.
Comme l'Anglois ne hait pas, bis
Les foux et les scelerats, bis
Vous pourriez bien vous repondre,
D'aller entriomphe a Londres
Dodo. &ca.
Mais vos12 soldats sont tuez, bis
Et vos Cavaliers noyez, bis
Catinat a dans sa rage
Pris et Canon et bagage;
Dodo. &ca.
Sans
12. Ce couplet et les 2. suivans sont un Portrait de l'Etat où
la Bataille de Staffarde avoit mis l'armée du Duc de Savoye.
[59]
Sans vos grands coups d'Esperons, bis
Sans doute ses Escadrons, bis
Vous auroient, la malepeste,
Dodo. &ca.
Que nous proposez vous donc, bis
Sans troupes, et {sans} Canon, bis
Tente t'on quelque entreprise,
Triomphe t'on en chemise;
Dodo. &ca.
Ah, dit il, pour Catinat, bis
Il n'en faut plus faire etat, bis
Il n'osera plus paroistre,
Car il nous apris entraître13;
Dodo. &ca.
Vit on jamais General14, bis
Suivre les regles si mal, bis
Loin d'aller droit en besogne;
C'est par les flancs qu'il nous cogne;
Dodo. &ca.
13. Mr, de Catinat le jour de la Bataille fit passer un Marais
a son Infanterie; les Savoyards qui croyoient ce marais im=
=praticable, furent tres surpris de se voir attaqués par cet endroit.
14. La Cavalerie Françoise commandée par le Sr. de Silvestre
Maāl de Camp prit la Savoyarde en flanc.
[60]
C'est tromper ses ennemis, bis
Et non les avoir soumis, bis
Quand je l'ay veu si mal faire,
J'ay presenté mon derriere;
Dodo. &ca.
Après de si vilains coups, bis
Quoiqu'il ait fait contre nous bis
Il ne m'oste point la gloire,
D'une si grande victoire;
Dodo. &ca.
Les François en sont honteux, bis
Allons fierement contre eux, bis
Quand la fortune est si belle,
Il faut marcher aprés elle
Dodo. &ca.
Ce discours plein de grandeur, bis
Toucha Louvignie au cœur, bis
Il veut reprendre courage
Des quatre pieds faire rage
Dodo. &ca.
Ouy, dit il, d'un ton zelé, bis
Au
[61]
Au Duc15 a timbre feslé, bis
De la France toute entiere
Ne faisons qu'un Cimetiere16;
Dodo. &ca.
En Flandres et sur la mer, bis
On aime mieux s'abismer, bis
Que de souffrir la disgrace,
De voir un François en face17,
Dodo. &ca.
L'Electeur vôtre Cousin18. bis
Ne veut point voir le Dauphin19. bis
Tant
15. Il est certain que ce Duc de Savoye avoit la teste bien
legere.
16. On vient de dire la haine invincible qu'il portoit aux
François, celle de Louvignies n'etoit gueres moindre.
17. L'auteur entend par là la Bataille navale donnée
dans la Manche Britanique près l'Isle de With le 10.
du mois de Juillet 1690. où le Comte de Tourville vice
amiral de France coula a fonds plusieurs vaisseaux
des Flottes Angloise et Hollandoise, le detail en est plus
haut.
18. Le Duc de Baviere.
19. On a veu plus haut que le Duc de Baviere commanda
l'Armée Imperiale sur le Rhin l'an 1690. comme Louis
Dauphin commandoit celle de France, et que la 1re. ne
pût, ou ne voulut pas attaquer la 2 de.
[62]
Tant cette France ennemie,
En Allemagne est haye;
Dodo. &ca.
Ainsi pour l'exterminer, bis
L'Empereur vous va donner, bis
Ce qui sera necessaire20,
N'ayant chez lui rien a faire21.
Dodo. &ca.
Par le butin de Fleurus22, bis
Les Etats gorgez d'Escus, bis
Vous feront compter des sommes,
Pour armer deux cent mil hommes;
Dodo. &ca.
Vôtre
20. L'Empereur avoir promis au Duc de Savoye de le
secourir, et il lui avoit même envoyé des Troupes
commandées par son Cousin le Prince Eugene de
Savoye.
22. Cela est ironique et l'on a veu plus haut la Celebre victoire
que le Marêchal de Montmorency-Luxembourg remporta
le 1.er Juillet 1690. sur l'Armée confederée, commandée
par le Prince de Waldeck près Fleurus.
21. Cela est ironique, car les Turcs faisoient des Conquestes
sur l'Empereur en Hongrie pendant qu'il envoyoit toutes
ses forces sur le Rhin, ils prirent Belgrade d'assaut
le 8. Octobre 1690.
[63]
Vôtre Orange23 de Concert, bis
Vous garde Milord Herbert24, bis
Qui se tient tout prest en botte,
Pour monter dessus la Flotte;
Dodo. &ca.
Mais sa teste ayant tourné bis
Lorsque Tourville25 a tonné, bis
Herbert qui craint la tempeste,
Viendra peut etre sans teste 26,
Dodo. &ca.
Avec ces puissans secours, bis
Duc, miracle de nos jours, bis
Le bruit de vos sages veuës,
Montera jusques aux nuës;
Dodo. &ca.
Enfin
23. Le Prince d'Orange.
24. On faisoit le proces a Milord Herbert Vice amiral
d'Angleterre par l'Ordre du Prince d'Orange, parce qu'il
n'avoit pas fait son devoir a la Bataille Navalle dont
il vient d'etre parlé on l'accusoit meme d'intelligence avec la
France.
25. Herbert se contenta dans le Combat de faire essuyer sa
bordée a la Flotte Françoise et se retira ensuitte avec son
Escadre, laissant le reste de sa Flotte a la mercy de celle
de France qui la poursuivit 3. jours avec un succès tres avantageux.
26. Milord Herbert couroit risque d'avoir la teste trenchée.
[64]
Enfin las de conquerir, bis
Nous nous en irons bastir, bis
Pour achever la campagne,
Mille Châteaux en Espagne.
Dodo. &ca.
Quand l'Espagnol fut au bout bis
L'Allobroge aprouva tout, bis
Car l'un et l'autre se pique;
D'etre heros Chimerique27,
Dodo. &ca.
Ayant fini le Conseil bis
Le Duc se donne au sommeil bis,
Et le Lutin qui l'exerce
Chante pendant qu'il le berce
Dodo. dodo. l'amy du Roy Guillemot.
27. L'Auteur a tort de traitter Louvignies de Chimerique
car c'est un homme tres sage, et d'un merite singulier, passe
pour le Duc de Savoye.
[65]
1690.
Chanson
Sur l'Air Ramonés cy ramonez là.
Sur la Bataille de Staffarde {gagnée sur
le Duc de Savoye par Mde. de Catinat.}
Nous allons femmes et filles,
Vous revendre des Eguilles,
N'en achetterez vous pas,
Ramonez cy, Ramonez là
La Cheminée du haut en bas.
Nous avons repris nos gaules,
Ornement de nos Epaules,
Le Mousquet ne nous {sied} pas;
Ramonez cy &ca.
Notre Duc mal a son aise,
A senty plus chaud que braise,
Les Boulets de Catinat;
Ramonez cy &ca.
S'il n'avoit eu bonne haleine
Pour s'enfuir par mons et par plaine,
On l'eut pris dans le Combat;
Ramonez cy &ca.
[66]
Pourquoi faisoit la guerre,
Il êtoit loin du tonnerre,
Paisible dans ses Estats,
Croyoit il par son escorte,
Rendre la ligue plus forte,
Il a de trop petits bras.
Ramonez cy &ca.
Grand Louis Roy de bonnaire,
Excuse un temeraire,
Qui mal a propos s'engagea{s'arma};
Ramonez cy &ca.
Songez que nos Chemineés
Ne seroient pas ramoncés
Si vous donniez deux Combats;
Ramonez cy &ca.
Notre Roy par sa Clemence.
Lui donne Surintendance,
Des Fumées de ses Estats;
Ramonez cy &ca.
[67]
1690.
Chanson
Sur l'Air: de Lampon, lampon.
Sur la victoire remportée le 18. Aoust 1690. près
l'Abbaye de Staffarde en Piemont, sur Victor-
Amedée Duc de Savoye Commandant son
Armée en personne par le S. de Catinat Gou=
verneur de la ville de Luxembourg, Lieutent.
general de cette Province et des Armées du Roy,
Commandant celle de France en Italie.
Nous avons veu le Duc de prés,
Nous avons veu le Duc de prés,
Il avoit de beaux Mousquets,
Il avoit de beaux Mousquets,
Beaucoup de balle et de Mesche
Et une bonne Caleche1
Lampon, Lampon, camarade lampon.
Pourquoi dit on dans Paris
Pourquoi dit on dans Paris
Que Catinat m'a tout pris
Que
1. On pretend que le Duc de Savoye abandonné par sa Cavalerie
et celle du Milanez venue a son secours, se sauva les 1ers. dans
une chaise roulante.
[68]
Que Catinat m'a tout pris2,
Quoique l'on dise et qu'on prêche,
Il me reste une Calesche;
Lampon &ca.
2. Cette victoire fut complette, car non seulement le champ de
Bataille demeura aux vainqueurs; mais ils firent prés de
mille prisonniers et prirent tous ce que les vaincus avoient
amené de Bagage, car ils en avoient laissé la plus grande
partie a Ville franche dans le dessein de donner Bataille.
Nota: Que le Duc de Savoye etoit renforcé de troupes de l'Etat
de Milan, commandeés par Louvigny Mestre de Camp gnal du
Milanez. Ce Gentilhomme Walon nommé lors au Gouvernment de
Hainaut, est un des honnestes hommes et des braves Capitaines de
l'Europe; aussi fut ce contre son avis que M. de Savoye se deposta
de Villefranche où il etoit avantageusement campé pour venir chercher
le Sr. de Catinat qui fit semblant de vouloir passer le Po pour
attirer les Ennemis en un lieu où il pût combattre selon l'ordre qu'il
en avoit receu du Roy. Ce fut Louis XIV. qui declara la guerre
au Duc de Savoye sur l'avis qu'il eut que ce Duc avoit fait un Traité
avec ses Ennemis pour entrer en France par le Dauphiné. Le 1er. avis
qu'en eut le Roy vint par un Maquereau au Duc de Mantoue
nommé Varani qui revenant a Mantouë avec une Putain qu'il etoit
venu chercher a Paris pour son Mer. demeura quelques jours a
Milan, où il entendit parler de cette Ligue. Etant a Venise peu de jours
aprés il en parla a Mr. de la Haye Ambassadeur de France, et
en escrivit en droiture a M. de Seignelaye Secretaire d'Etat, quoiqu'il
ne le reconnut que de reputation. Ensuitte etant revenu encore a Paris
chercher une autre Putain Francoise pour le Duc de Mantoue qui
avoit marié la 1.re parce qu'elle ne lui agreoit pas. Varani fut trouver
M. de Seignelay et lui confirma de bouche qui lui avoit escrit de
Venise, M. de Seignelay le mena au Roy a qui il dit la meme chose,
sa Mté. lui donna 100 Pistolles et lui asseura 600.livres de pension pourvut
qu'il continua a lui donner avis de ce qu'il apprendroit. M. de Lou=
vois de son côté anima fort le Roy contre ce Duc parce qu'il s'étoit
plaint de ce qu'au lieu d'une simple valise pleine de Lettres qui
passoit d'ord.re par ses Etats pour aller de France en Italie, Mr.
de
[69]
de Louvois a qui le revenu des postes Etrangeres apartenoit
faisoit passer une Charrette pleine de Marchandises, et frustroit
ainsi les Droits du Duc; plusieurs croyoient que c'estoit le vray
motif de la guerre en Italie.
[71]
Chanson 1690.
Sur l'Air: de Lampon.
Sur la Campagne de l'Allemagne de l'Année
1690. dans laquelle l'Armée Imperialle
commandée par les Ducs de Baviere et de
Saxe vint au devant de celle de France Com=
=mandée par Louis Dauphin qui avoit passé
le Rhin, sans la combattre.
Le Bavarois ne veut pas,
Le Bavarois ne veut pas,
Au Dauphin ceder le pas,
Au Dauphin ceder la pas,
Voyez comme il devance
Pour esviter sa presence
Lampon lampon, camarade lampon.
Quoique [Monseigneur] le Dauphin ne remportât aucune victoire
dans cette Campagne comme avoient fait les armées de
Flandres et d'Italie et celle de mer; la Campagne ne laissa
pas d'etre glorieuse en ce qu'ayant passé le Rhin, il obligea
les Ducs de Baviere et de Saxe devenir au Devant de lui,
Ils furent si proches pendant 15 jours que personne ne doutoit
qu'il n'y eut une sanglante bataille d'autant plus que tous
les Astrologues la promettoient; mais il en arriva autrement:
Car M. le Dauphin marchant toujours en remontant le Rhin
vers Brizac se posta a chaque Camp, de maniere que les
Electeurs
[72]
Electeurs, n'osant ou ne pouvant le combattre quoi qu'ils
le suivissent toujours le quitterent a la fin et se separerent
eux memes. Le Dauphin voyant qu'il n'y avoit plus rien
a faire de considerable laissa son armée a Guy de Durfort
Comte de Lorges, Mareschal de France Chtr des Ordres
du Roy, et Capitaine des Gardes du Corps qui en avoit êté
general sous lui toute cette Campagne. Il revint ensuitte
a la Cour accompagné du Duc de Bourbon, et du Prince
de Conty qui avoient servy de Mareschaux de Camp dans
dans son armée, et du Duc de Vendosme qui y avoi servy
de Lieutenant general, il arriva a Fonatainebleau, le 7.
Octobre 1690.
[73]
Chanson 1690
Sur l'Air: Il a battu son petit frere.
Sur la Campagne de l'Armée de France,
en Allemagne l'an 1690. et sur la vie qu'on y
menoit.
L'ennuy d'une armée inutile1,
Sous un General imbecile2,
Avec deux Bourgeois pour regens3,
La crainte des mauvais offices
De son Espion d'ayde de Camp4,
Me feront quitter le service.
1. Cette Armée etoit la seule qui ne faisoit rien, celles de Flandres
d'Italie, et de mer ayant remporté chacune une victoire
comme on a veu plus haut.
2. .........
3. .........
4. .........
[74]
Autre
Sur le même sujet et le même Air que la prece=
=dente.
Estre dans un Camp inutille,
Sous un General imbecille,
Gouverné par ses deux1 Regens,
Exposé aux mauvais offices,
D'un2 raporteur aide de Camp;
Mogrebleu du fuchu service.
1. Sr. Pouange, et Chanlay.
2. La Chesnaye.
[75]
Chanson 1690.
Pourquoi me gronder
Si j'ay fait un voyage,
Pour mettre en liberté,
Un Rossignol en Cage,
He mordienne de vous,
Quel homme, quel homme êtes vous.
[77]
Chanson 1690
Sur l'Air de Jean de Vert
Sur le depart de Monseigneur.
Partez jeune et vaillant heros,
La gloire vous appelle
Devant vous le Roy des Oiseaux,
Ne battra que d'une aisle,
Vous ferez voir aux Allemans
Qu'on scait les vaincre comme autems;
De Jean de Vert.
A vôtre aspect ils diront tous,
Evitons sa colere,
Il va faire tomber sur nous,
Le foudre de son pere,
Nos efforts seront impuissans,
De même qu'ils l'etaient du tems,
De Jean de Vert.
Ils scavent par vos premiers coups
Que tout vous est facile,
Ils vous fuiront comme les Loups,
Sans trouver un azille;
[78]
Et mettant tous les armes bas,
Ils feront comme les soldats;
De Jean de Vert
Vos guerriers pour vous pleins d'amour
Ne cherchent qu'a combattre,
Ils vont ainsy qu'a Philisbourg,
Faire le Diable a quatre,
Ils porteront partout la mort,
Heureux qui n'aura que le sort;
De Jean de Vert.
La Ligue de tant d'ennemis.
Qu'en vain on vous oppose
Va ceder aux travaux du fils,
Quand son pere se repose;
Et l'on vera ce jeune Mars,
Imposer des loix aux Cesars.
De Jean de Vert.
C'est ce qu'on attend de vos faits,
Pendant cette Campagne,
Vous ferez demander la paix,
Aux Princes d'Allemagne,
Et par vous on verra Louis,
Triompher de tout le païs,
De Jean de Vert.
[79]
Chanson 1690
Sur l'Air de Joconde.
A Madlle. de Scudery.
Sapho j'ay longtemps hézité;
Mais il faut que je chante,
Le retour de vôtre santé,
Ce beau sujet me tente,
Quand la fievre vous fait souffrir,
Ce n'est qu'une querelle,
He quoi peut on jamais mourir
Quand on est immortelle.
Autre.
Sapho qui va trop loin se pert,
Je crains un Labirinthe,
Le chemin ne m'est pas ouvert,
Pour aller a Corinthe,
Vous demandez de ma facon
Le portrait du Saint Pere
Pour chanter le grand Ottobon
Il faudroit un Homere.
{par Mr. de Coulanges.}
[81]
Chanson 1690.
Sur l'Air: {Il a battu son petit frere.}
Flateurs quoique vous en puissiez dire,
De Seignelay, son mal empire,
Et bientost il aura vescu,
Ce qui nous le donne a connoître.
Tourville(1) craint d'etre pendu,
Et Cavoye(2) cherche un autre maître.
{(1) Le Mal. de Tourville.}
{(2) Cavoye grand Marechal de logis de la maison du Roi.}
[83]
Chanson 1691
Sur l'Air de Joconde.
Sur Jacques Testu Prestre Abbé de
Belleval Prieur de St. Denis de la Chartre
de Paris.
Ce grand Abbé au nez pointu,
Dont l'esprit si critique,
Pretend inspirer la vertu
Par sa fade Musique1,
Le public en est fatigué
Et las de sa grimace2,
Voudroit bien être delivré
De son hideuse face.
1. l'Abbé Testu faisoit souvent chanter chez lui des
Stances Chrestiennes qu'il avoit faites, et qu'un Me. de
Musique a ses gages, nommé Oudot avoit mis en chant avec
des parties et une simphonie d'Instrumens; ce qui faisoit un
Concert, où tous ses amis et ses amies qui etoient en grand
nombre venoient admirer: car jamais homme n'a plus aimé
la louange que luy.
2. Il grimaçoit toujours et de la maniere du monde la plus
desagréable.
Nota; Que l'Abbé Testu êtoit un simple Bourgeois de Paris,
dont le frere aîné avoit êté Chevalier du Guet; il avoit de
l'Esprit et du scavoir; mais avec cela de la vanité et de l'opiniastreté.
Il frequentoit la bonne Compagnie de la Cour et de la Ville; mais
principallement les femmes. ce n'est pas qu'il y eut du crime dans
ce
[84]
ce commerce car il etoit homme de bien; mais c'est qu'il y
dominoit davantage que chez les hommes qui se seroient
pas accoutumez de sa presomption, de son entestement sur
les moindres choses qui ne souffroit ny replique ny repartie
a ses frequentes et precises decisions, et de la Chaleur et de
la hauteur avec laquelle il parloit.
[85]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Je ne scaurois.
Sur Charles Comte d'Aubigné Chevalier
des Ordres du Roy: Gouverneur d'Aigues-
mortes.
Le bonheur qui t'accompagne1,
Devroit te donner du Cœur2,
Buvant ton vin de Champagne3,
D'Aubigné, quitte ta peur,
Je ne scaurois,
Fais du moins une Campagne4;
J'en mourrois.
1. Le Comte d'Aubigné n'avoit aucun merite personnel
tant s'en faut; car c'etoit un des plus extravagans person=
=nages du monde; mais comme il etoit frere de Madame
Françoise d'Aubigné Marquise de Maintenon favorite
du Roy Louis XIV. le credit de sa sœur lui avoit attiré tous
les honneurs dont il etoit revestu.
2. Il passoit pour être poltron.
3. Il etoit yvrogne.
4. Ce n'est pas qu'il n'eut êté quelquesfois a la guerre. Car il
avait êté Capitaine de Chevaux Legers l'an 1672 mais outre
qu'on l'a censoit de n'y avoir pas trop bien fait son devoir,
c'est qu'il etoit alors sur le pavé de Paris au grand mepris
de tout le monde qu'il importunoit, pendant que toute la
Noblesse du Royaume etoit a la guerre. a la verité ce n'etoit
pas tout a fait sa faute. Car il avoit demandé a servir
au commencement de la guerre, et on le lui avoit refusé.
[87]
Chanson 1691
Sur l'Air: Je ne scaurois.
Sur Françoise-Angelique de la Mothe-
Houdancourt 2de. femme de Louis-Marie
Duc d'Aumont, Pair de France, Chtr des
Ordres du Roy, 1er. Gentilhomme de sa
Chambre, Gouverneur de Bologne et du
pais de Bolonois.
Seras-tu toujours éprise,
De toute sorte de gens,
A ton âge, {est-on de mise} on est rassise,
D'Aumont quitte tes galans;
Je ne scaurois;
Quitte au moins les gens d'Eglise*;
J'en mourrois.
* La Duchesse d'Aumont êtoit devote de profession
et comme elle avoit toujours eu quelque Directeur en affection
qu'etant fort vive, elle etoit toujours avec lui et en parloit
sans cesse, et que d'ailleurs elle etoit aimable, on avoit tou=
=jours medit d'elle et de ses Directeurs; les 2. plus fameux
qu'elle eut en jusques a cette presente année 1691. etoit
le Pere Gaillard Jesuitte qu'elle quitta pour un Prestre
de l'Oratoire appelle le P. de la Roche; mais ce qui avoit
encore plus que tout cela donné lieu a la medisance, c'est
que Charles Maurice le Tellier Archevesque Duc de
Reims
[88]
Reims Pair de France &ca. Prelat tres decrié du côté
de la continence, avoit tres longtems eté amoureux d'elle.
Cette passion avoit d'autant plus fait du bruit que la
Duchesse d'Aumont ayant aigri contre elle quelques
années auparavant le Marquis de Villequier son beau=
fils. Ce lui cy parloit publiquement contre le commerce
de sa belle mere avec l'archevesque de Reims, le public
rencherit encor par dessus et n'epargna pas les Directrs.
et peut etre avoit il raison. Car il faut toujours se deffier
des femmes et surtout des devotes.
[89]
Chanson 1691
Sur l'Air: Adieu bontems.
Sur............. de Coligny veuve de N......
de Mailly Marquis de Nesle Brigadier
d'Infanterie, Colonel du Regiment d'Infan=
terie de Henry-Jules de Bourbon Prince
de Condé 1er. Prince du Sang &ca.
Nesle n'a rien de plus petit
Que son esprit,
Que son esprit,
Et la belle n'a rien de grand.
Que l'ouverture,
Que la nature
Lui fit devant.
Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.
[91]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Quand le peril est agreable
Sur............... de Clermont, Comte de Tonnerre
1er. Gentilhomme de la Chambre de Philippes
fils de France, Duc d'Orleans &ca. et sur.......
de ...................... appellée Madlle. de St. Quentin.
On dit comme chose certaine,
Que Tonnerre aime Saint Quentin,
Il est poltron, elle est putain
Et c'est la meme haleine*.
1. Ils sont fort puans l'un et l'autre.
[93]
Chanson 1691.
Sur l'Air.........
Sur François de Brunet Sr. de Montforant
et Louis-Charles Gilbert, faits Presidents
de la Chambre des Comptes de Paris l'an 1691.
Nota; Qu'ils acheterent l'un et l'autre des charges
nouvellement crées, ce qui de onze Presidents de cette
Compagnie en fit treize par cette augmentation.
Le Roy a fait deux Presidents,
Le Roy a fait deux Presidents,
Jean Gilbert et Montforrant,
L'un jadis fut rat de ville1,
Et l'autre fut rat des Champs2;
Il est President le rat de ville,
Il est President le rat des champs.
1. ........... Gilbert etoit fils de ......... Gilbert Marchand
Drappier a Paris a l'enseigne des Rats.
2. ........... Montforant avoit eté Commis des aides a la
Campagne a ce que pretend l'auteur, ce qui s'apelle vulgairemt.
Rat de Cave.
[95]
Chanson 1691.
Sur l'Air: qu'une injuste fierté.
Sur ce que le Pape Alexandre VIII. censura
au lit de la mort par un acte particulier
en presence du Sacré College, les propositions
soutenuës par le clergé de France l'an 1682.
dans l'Assemblée generale convoqueé extra=
=ordinairement à Paris et de laquelle il est
parlé en plusieurs pieces de ce recueil de la
meme Année.
Ottobuon1 qu'on croyoit un Pape d'importance2,
Fit assembler les Cardinaux,
D'un Acte du mois d'Aoust rabillant les morceaux3,
Il en fit en mourant sa piece d'eloquence.
Fulminant
1. Le Pape Alexandre VIII. avant que d'etre éleu, s'apelloit
le Cardinal Pierre Ottobuoni, il etoit Venitien.
2. C'estoit un tres habile homme que le Duc de Chaunes
Ambassadeur de France a Rome, avoit extremement
favorisé a son Election parce qu'il etoit fort de ses amis
et qu'il croyoit qu'etant eleu Pape il faciliteroit de tous
son pouvoir l'accommodement des demeslés que la Cour
de Rome et la France avoient ensemble depuis plusieurs années.
3. Le Pape voulant s'accommoder avec la France fit au mois
d'Aoust 1690. un acte qui censuroit les propositions de la
France, resolu de le faire passer pour s'accommoder ensuitte
avec cette Couronne quelque procedure qu'elle pût faire
au
[96]
Fulminant sur cinq chef4 tout le Clergé de France,
Qu'il sera cause de grand maux5,
Ottobuon, qu'on croyoit un Pape d'importance
Fit assembler les Cardinaux.
au contraire, et cela dans le dessin de sauver par là
l'honneur et l'interest de l'Eglise, a quoi la France ne
voulut jamais entendre.
4. Les 5. Propositions soutenues par le Clergé de France
et notamment l'an 1682. comme on peut voir dans les
pieces de cette année, qui etoient que le Pape n'est que le
1er. des Evesques; qu'il n'est pas infaillible; qu'il est
soumis aux Conciles Œucumeniques; Qu'il n'a aucune juris=
=diction sur le temporel des Rois qui ne tiennent leur autorité
que le Dieu seul, et que les Provinces de Guienne, Languedoc,
Provence et Dauphiné sont sujetes au droit de regatte
comme le reste de la France.
5. Parce que cela rompoit toutes les mesures d'un accommodemt.
entre la Cour de Rome et la France.
[97]
Chanson 1691.
Sur l'Air des Ennuyeux.
Sur la mort du Pape Alexandre VIII arrivée
à Rome le 1er. de Fevrier 1691.
Nôtre Saint Pere est décampé1,
Sans avoir rien fait pour l'Eglise2,
L'Ambassadeur3 est attrapé
Et nous n'aurons pour nos franchises4,
Et pour le Comtat d'Avignon5.
Que
1. C'est a dire mort.
2. Il est certain que ce Pape n'a rien fait du tout pour l'Eglise
pendant son Pontificat, et qu'il ne travailla qu'a l'elevation
de sa Maison.
+
4. On a veu plus haut dans une Chanson de l'an 1689. qu'une
des Contestations que la France avoit avec le St. Siege, etoit
les Franchises pretenduës par le Roy pour le quartier de
ses Ambassadeurs, sa Mte. les soutint avec chaleur sous
le Pontificat du Pape Innocent XI. qui les abolit par une
Bulle expresse l'an 1687. mais sitôt qu'Alexandre VIII. son
successeur eut êté eleu, le Duc de Chaunes Ambassadeur de
France les lui remit par ordre du Roy gratuitement dans
l'esperance d'engager S. Sté. a s'accommoder plus facilemt.
sur les autres points contestés avec la Cour {de Rome} ce qui ne produisit
rien.
+
{ + 3. Le Duc de Chaunes remit en meme temps au Pape le Comtat
d'Avignon dont le Roy s'etoit saisi sur Innocent XI dans
la chaleur de leurs demeslés.}
6. Tout ce qu'Alexandre VIII. fit pour la France, fut de
donner
[98]
Que le Cardinal de Janson6,
Nôtre Ambassadeur7 a passé,
Un peu trop cher la Marchandise,
Pour moy je l'aurois bien laissé
Ace Pantalon de Venize8,
S'il a tant coûté pour Janson9,
Qu'ût on donné pour Chanvalon10.
Bouillon
donner un Chapeau de Cardinal a Toussaint de Forbin
de Janson, Evesque et Comte de Beauvais Pair de France,
&ca. nommé par Jean II. Roy de Pologne, ce que Innocent.
XI. avoit toujours refusé de faire.
+
7. Charles d'Albert d'Ailly Duc de Chaunes Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur et Amiral de
Bretagne, lors Ambassadeur pour la 3[---] de France a
Rome.
{+ 5. C'est d'avoir donné les Franchises et le Comtat d'Avignon
sans que le St. Siege de son costé se fût relâché sur rien
en faveur de la France.}
8. Le Pape Alexandre VIII. s'appeloit Pierre Ottobuoni
Maison Plebeienne de Venise, et l'on s'appelle vulgairement
par ironie les venitiens, des Pantalons a cause du per=
=sonnage de Pantalon dans les Comedies Italiennes qui
parle toujours venitien.
9. Toussaint de Forbin Janson, Evesque et Comte de
Beauvais, Par de France Cardl. dont il est parlé à l'article 6.
10. François de Harlay de Chanvalon Archevesque de
Paris &ca. que le Roy venoit de nommer au Cardinalat
pour la 1re. Promotion qui se feroit pour les Couronnes.
11. Emanuel-Theodoze de la Tour d'Auvergne de Bouillon
Cardinal, grand Aumosnier de France.
[99]
Bouillon11., Camus12., Estrées13., Bonzi14.,
Tous quatre s'en vont au Conclave15.,
Ils serviront tous à l'envy;
Mais pour le Cardinal Landgrave16.
Et son Conclaviste Morel17.
Ils serviront tous à l'envy;
Mais pour le Cardinal Landgrave16.
Et son Conclaviste Morel17.
Ils ne serviront qu'au Bordel18..
{11. Voyez cy devant.}
12. Estienne le Camus Cardinal, Evesque de Grenoble.
13. Cesar d'Estrées Cardinal Archevesque de Narbonne cydevant
Grand Aumosnier de la Reyne de France Marie Thereze
d'Autriche.
14. Pierre de Bonzi Cardinal Archevesque de Narbonne cydevant
Grand Aumosnier de la Reyne de France Marie Thereze
d'Autriche.
15. Ces 4 Cardinaux partoient de France pour aller a Rome
au Conclave qui se tenoit pour elire un Successeur au Pape Ale=
=xandre VIII.
16. Guillaume Landgrave de Furstemberg Cardinal Evesque
et Prince de Strasbourg Abbé de St. Germain des Prez &ca.
17. Jean Morel Abbé de St. Arnoul de Metz Coner. au Parlement
de Paris, lequel fut Conclaviste du Cardinal de Furstemberg
l'an 1689. dans le Conclave où fut eleu Alexandre VIII.
18. Pour comprendre ce que cy veut dire il faut scavoir deux choses;
la 1re. que le Cardinal de Furstemberg suplia le Roy de le dis=
=penser d'aller a ce Conclave icy, parce qu'il craignoit que la
Maison d'Autriche lors plus puissante a Rome que la France,
ne lui jouast quelque mauvais tour, soit en le faisant empoison=
=ner, soit en le faisant arrester prisonnier, il avoit d'autant plus
lieu de le craindre qu'il avout desja eté mis en prison l'an
1679. par l'Ordre de l'Empereur etant a Cologne, comme on
peut voir par une Chanson de cette année, et qu'il etoit cause
en partie de la guerre presente par ses pretentions a l'Electorat
de Cologne, dont il est parlé plus haut en plusieurs pieces de 1687.,
1688.
[100]
1688. et 1689. La 2de. est que ce Cardinal avoit toute sa vie fort
aimé les femmes, et qu'il étoit actuellement gouverné par la Comtes=
=se de Furstemberg femme de son neveu; l'Abbé Morel de son
costé etoit homme de debauche; mais au surplus homme de beaucoup
d'esprit et de merite et surtout de capacité pour les affaires Estran=
=geres.
[101]
Epitaphe 1691.
Du Pape Alexandre VIII. mort a Rome
le 1er du mois de Fevrier 1691.
Cy dessous gist tout de son long,
Ottobuoni1 chef de l'Eglise
Plût à Dieu que le Pantalon2,
Nût jamais sorty de Venize3.
1. Le Pape Alexandre VIII. s'appelloit Pierre Ottobuoni
avant que d'être Pape; il etoit venitien de Maison Plebienne.
2. On appelle les venitiens des Pantalons.
3. C'est que ce Pape non seulement evitat d'accommoder avec la
France les demeslés commencés du tems de son predecesseur
entre cette Couronne et le St. Siege bien qu'il fut obligé de son
exaltation au Duc de Chaunes Ambassadeur de France a Rome
son amy particulier; mais il condamna outre cela, par une Bulle
expresse une Theze de l'Université de Louvain, dans laquelle
etoit exposée la Doctrine de l'Eglishe Gallicane; a l'esgard du
pouvoir des Papes; il fit plus car se sentant mourir il se leva
et s'habilla trois jours avant sa mort, et ayant assemblé le
sacré College il tira de sa Cassette une constitution, d'autres
disent une Bulle qu'il fit publier sur le Champ, par laquelle
il condamnoit tout ce que le Clergé de France avoit fait a cet
esgard, et au sujet de la regle dans son assemblée extraordre.
de l'an 1682. comme il est expliqué plus haut dans une Parodie
de cette année, et la Chanson precedente.
[103]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Laissez paître vos bestes.
Sur le mariage de Louis de la Tour d'Auver=
=gne, Prince de Turenne Grand Chambellan
de France, en survivance de Godefroy de la
Tour d'Auvergne, Souverain Duc de Bouillon
son pere avec Anne-Gennevieve de Levy
de Ventadour celebré a Paris le 26. Fever.
1691.
Chantons le mariage,
De Turenne et de Ventadour,
Dieu leur doint1 bon menage,
Et repos plus d'un jour.
Chez la tante de la Ferté,2
Le grand repas fut apresté,
Pour maintes gens de qualité.
Parens considerables,
Princes du sang et Ducs et Pairs
Partagent deux Tables,
De cinq fois dix Couverts.3
Les
1. Vieille façon de parler, pour dire, Dieu leur donne
2. Marie-Isabelle-Gabrielle-Angelique de la Mothe-Houdancourt femme
de Henry de Senneterre, Duc de la Ferté, Pair de France, tante de Madlle.
de Ventadour; parce qu'elle êtoit sœur de Charlotte-Eleonore de la Mothe-
Houdancourt Duchesse de Ventadour.
3. Ce sont 50. Couverts.
[104]
Les Conviez êtant assis,
On leur servit des Mets exquis,
Bisque, Ortolans, Faisans, Perdrix,
Dieux! quelle grande chere,
Les bons vins, qu'on but a longs traits,
Le Festin d'Assuere4,
N'en aprocha jamais.
Après souper les violons,
Firent de Charmans Carillons,
Le tout a l'honneur des Bouillons5.
Le concert, la Musique,
Les Airs, les voix les Instrumens,
Un spectacle Comique,
Tout rejouit les sens.
Dès
4. L'Ecriture Ste. au Livre d'Esther parle du festin d'Assuerus
Roy de Perse lorsqu'il repudia Wasthi sa femme qu'il epousa
Esther Niece de Mardochée et fit pendre Aman son favory;
Ce festin est celebre dans l'histoire sainte.
5. La Famille des Bouillons etoit alors fort nombreuse
et composée de Godefroy Maurice de la Tour d'Auvergne
Souverain Duc de Bouillon &ca. Grand Chambellan de
France et Gouverneur d'Auvergne, de Marie Anne de
Mancini Duchesse de Bouillon sa femme, de Louis
de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne leur fils aîné
qui se marioit; de 4. garcons freres du marié, appellez
le Duc d'Albret lors abbé, le Comte d'Evreux, le Chtr
de Bouillon, et le Duc de Chasteauthierry, de deux filles
aussi
[105]
Dis aussitôt qu'on entendit,
Sonner minuit, on descendit,
Tout le monde en foule sortit,
L'on marche, et chacun tasche,
D'aller voir Langres6 promptement,
Qui siege a Saint Eustache7,
Espiscopalement.
L'Epoux
aussi sœurs du marié, nommées Madlle. de Bouillon, et
Madlle. d'Albret. Il y avoit outre cela Frederic-Maurice de la
Tour d'Auvergne, Comte d'Auvergne Colonel general de la
Cavalerie legere, et Gouverneur de Limousin, Henriette-Francoise
de Zollern sa femme, Emanuel-Maurice de la tour d'Auver=
=gne son fils aîné appellé le Prince d'Auvergne. l'Abbé d'Auver=
=gne, le Marqus. de Bergh, et le Comte d'Oliergue, ses autres fils et
trois filles, dont les deux ainées etoient Religieuses, et la 3e.
apellée Madlle. d'Auvergne. Il y a voit encore Emanuel-Theo=
=doze de la Tour d'Auvergne Cardinal de Bouillon Grand
Aumônier de France qui êtoit alors a Rome frere du Duc
de Bouillon et du Comte d'Auvergne. Hypolite leur sœur Re=
=ligieuse Carmelite avec Emilie-Eleonor sa sœur; et enfin
Mauris Febronie, mariée l'an 1668 au Duc Maximilien-
Philippe de Baviere. Tout cela venoit de deffunt Frederic Mau=
=rice de la Tour d'Auvergne Duc de Bouillon mort a Pontoise
le 19. Aoust 1652. et de Eleonore-Febronie de Bergh sa femme
morte le 14. Juillet. 1657.
6. Louis-Marie-Armand de Simiane de Gordes Evesque et
Duc de Langres amy particulier du Duc et de la Duchesse de
Bouillon, fit la ceremonie de ce mariage.
7. Le mariage se fit dans l'Eglise parroissialle de St.
Eustache a Paris.
[106]
L'Epoux l'Epouse d'un pas lent,
Arriverent d'un air content5,
Et le peuple dit en chantant,
Ah que la mariée,
Tout ainsi que le marié,
Est bien appariée,
Est si bien aparié.
Le grand Prelat9 tres doctement,
Harangua sur le sacrement10,
Et cita le vieux Testament,
Toute la Compagnie,
Admira ses traits eloquens,
Et la Ceremonie
Ne dura pas longtems.
Les
8. L'auteur de cette Chanson est mal instruit, car les mariez
n'etoient pas trops contens. le Prince de Turenne etoit eperduement épris
de la Marquise du Roure dont il est parlé en plusieurs
endroits de ce Recueil. Madelle. de Ventadour le scavoit
et ils s'epousoient sans s'aimer.
9. L'Evesque Duc de Langres.
10. Ce Couplet cy est ironique. l'Evesque Duc de Langres, êtoit
un tres bon et tres vertueux Gentilhoome nourry à la Cour
où il avoit êté 1er. Aumosnier de Marie-Thereze d'Autriche
mais l'Eglise Catholique n'a jamais eu un plus ignorant Prelat
et un plus mechant Orateur.
[107]
Les mariez dans leur logis,
Par la famille et les amis,
Furent pompeusement suivis,
La presse est aux toilettes
Et pour les mettre dans le lit,
L'on dit tans de sornettes
Que l'hymen en rougit ;
Estans couchez entre deux draps,
L'Epouse fit beaucoup d'helas,
Dont Turenne fit peu de cas;
Mais l'Amour conjugale,
Enflammant l'Epouse et l'Epoux
La Torche nuptiale,
Brusla par les deux bouts.
Le lendemain tous les parens,
De succez parurent contens,
On apporta force presens,
Belles meres12 et Tantes13.
Donnerent
11. L'auteur veut dire en poëte que le marié et la mariée etoient fort
enflammez l'un pour l'autre; mais cela n'etoit pas vray.
12. Les Duchesses de Bouillon et de Ventadour.
13. Les Duchesses d'Aumont et de la Ferté tantes de la
mariée et la Comtesse d'Auvergne Tante du marié.
[108]
Donnerent perles et rubis,
Des parures charmantes,
Et des bijoux de prix.
Turenne14, tout ce que je dis,
Et qu'en Chanson je vous ecris,
On nous l'a mandé de Paris15,
Il faut en diligence
Un enfant de vôtre façon;
Un heros d'importance,
Digne de vôtre nom.
14. Ce Couplet cy s'adresse au marié.
15. L'auteur de cette Chanson est Philippes-Emanuel de Coulanges
qui etoit alors a Rome.
[109]
Chanson 1691.
Sur l'Air de Lanturlu.
Sur François de Clermont de Tonnerre Eves=
=que et Comte de Noyon, Pair de France,
lequel revenant de Versailles a Paris, et se
trouvant pressé de ses necessités, se mit prés
d'un buisson sur le grand chemin, le derriere
tourné du côté des passans pour leur cacher sa
Croix pectoralle; Il passa malheureusement
un Fiacre ou Carrosse de louage dont le Cocher
ne voyant qu'un Cul, lui donna un grand coup
de Fouët, surquoy on pretend que Mr. de Noyon
lui cria qu'il l'excommunieroit.
Venant de Versailles .
Monsieur de Noyon,
Vuidoit ses Entrailles,
Auprès d'un buisson,
Le Cocher d'un Fiacre,
Claqua du fouët sur son cul
Lanturlu, lanturlu
Lanturlu lanturlure
L'Evesque en furie,
[110]
Se sentant toucher,
Je t'excommunie,
Dit il au Cocher,
Le Cocher s'en moque.
En criant comme un perdu.
Lanturlu &ca.
Si tu veux a laise
Mettre chausses bas,
Dans ton Diocese,
Vas porter ton cas,
Icy ta censure
Ne scauroit sauver ton cul.
Lanturlu &ca.
Quel afront insigne,
Le sang des Clermonts,
Sort en droite ligne,
Du Roy Faramond
Il viendroit d'Achiles,
Toutesfois ce n'est qu'un Cu,
Lanturlu &ca.
Noyon en colere
Craignant d'autres coups,
Ne
[111]
Ne fait ses affaires
Qu'a moitié son sou,
Remet sa Culotte,
Sans avoir torché son cu
Lanturlu &ca.
L'Evesque en colere.
De cet attentat,
Va porter l'affaire,
Au Conseil d'Estat;
Le Conseil ordonne,
Qu'on visitera son Cu
Lanturlu &ca.
[113]
Chanson [X] 1691.
Sur l'Air; Reveillez vous belle
endormie.
A............................ Racine Gentilhomme ordinaire
de la Maison du Roy, sur la Tragedie
d'Athalie qu'il avoit composée, et qui parût
au mois de Mars 1691. qu'elle fut imprimée.
Racine de ton Atalie,
Le public fait bien peu de cas 1,
Ta Famille en est annoblie 2,
Mais ton nom ne le sera pas.
1. Cela n'est pas tout a fait vray, car cette Tragedie avoit beau=
=coup de partisans, comme elle avoit beaucoup de Frondeurs,
aussi y avoit il de fort belles choses; mais la matiere en
deplaisoit avec raison, et donnoit un grand relief aux defauts
qui y etoient d'ailleurs.
2. Le Roy Louis XIV. donna une charge de Gentilhomme
ordinaire de sa Maison au Sr. Racine dans le temps
que cette Tragedie commença a paroître, et cette piece aussi
bien que la Tragedie d'Esther lui valut ce present. Ce fut
une espece de recompense de les avoir faites pour la maison
de St. Louis a St. Cir où elles furent jouées l'une et l'autre.
Cette maison etoit alors en grande faveur auprès du Roy
par le credit de Madame de Maintenon dont elle étoit
l'ouvrage.
[114]
Autre 1691.
Sur l'Air: Il a battu son petit frère.
[X] Sur la même personne et le même sujet
que la precedente.
Quand tu recitois* Atalie,
Je disois d'une ame ravie.
Racine est un poete Excellent1;
Mais quand tout seul, j'ay pû la lire
J'ay dit ! que l'ouvrage est méchant2 !
Comment a t'il pû me seduire.
* Racine charmé de l'Encens que les courtisans donnoient à son
Atalie, les uns pour plaire a Made. de Maintenon, les autres par
ignorance, ou parce que c'etoit la mode de louer cette piece, l'a
recitée a ceux qu'il a crû pouvoir y donner du credit par leur
aprobation, et comme il recite mieux qu'aucun comedien, il
a seduit les gens les plus capables de bien juger de ces sortes de
pieces, lesquels l'ayant leue en particulier imprimée, ont d'autant
plus sourement condammé la mechanceté de cette piece, qu'ils
etoient fachez de l'avoir louée, seduits par le ton imposeur
dont l'auteur leur avoit prononceé.
1. Le Sr. Racine non seulement fait tres bien des vers; mais il
les recite encore avec un agrement extraordinaire et leur donne une
grace surprenante.
2. On a dit dans le Commantaire de la Chanson precedente que cette
piece n'etoit pas mechante a se recrier ainsy, a la verité Racine en
a bien fait de meilleures; mais elles l'etoient sur une autre matiere
et celle cy etant tirée de l'Ecriture Ste. il etoit difficile qu'elle fut
si bonne cette matiere etant peu propre pour le Theatre.
[115]
Epigramme [X] 1691.
Sur Jean Racine Gentilhomme de la
Maison du Roy Louis XIV. de l'Academie
Françoise sur sa Tragedie d'Ester.
Gentilhomme extraordinaire1,
Poëte. Missionnaire2,
Transfuge de Lucifer3,
Comment Dable as tu pû faire
Pour rencherir sur Esther4.
1. Il etoit de vray tres extraordinaire que Jean Racine
natif de la Ferté Milon en Champagne, et issu de gens de
neant, eut être gratiffié par le Roy d'une charge de Gentil-
-homme ordinaire de sa Maison.
2. L'auteur apelle le Sr. Racine Poëte Missionnaire
acause des Tagédies Chrestiennes d'Ester et d'Atalie
qu'il avoit composées.
3. C'est qu'il avoit êté fort debauché et etoit devenut fort
devot.
4. Tragedie Chrestienne de Racine dont il est parlé dans une
Chanson de l'année 1689.
[117]
Chason 1691.
Sur l'Air: Il a battu son petit frere.
A .......................... d'Alongny Marquis de
Rochefort Colonel du Regiment de Bourbonnois
lequel etant yvre se querella a Starabourg au
mois de Mars 1691. et se batt sur le champ
contre Louis-Nicolas le Tellier Marquis
de Souvré Me. de la Garderobe du Roy, Colo=
=nel de Cavalerie son Cousin, et aussy yvre
que lui; qu'il blessa legerement au bras.
Rochefort ton yvrognerie1,
Enfin passe la raillerie,
Reconnois ton emportement.
Tu vas faire dire a ta mere2,
Ah que mon grand fils est mechant
Il a battu son petit frere.3
1. Le Marquis de Rochefort etoit fort yvrogne.
2. Madelene de Laval veuve de Henry-Louis d'Alongny [Marquis]
de Rochefort Mareschal de France, Capitaine des Gardes du
Corps du Roy, et Gouverneur de Lorraine.
3. Pour comprendre ce que veulent dire ces 2. derniers vers. il faut
scavoir 2. choses. la 1ere. que cette Chanson a êté faite sur un air
sur lequel ont êté faits autrefois plusieurs couplets, finissans
par les 2. memes. vers que celui cy. La 2de. que François Michel
le
[118]
le Tellier Marquis de Louvois Ministre et Secretaire d'Etat
et pere du Marquis de Souvré etoit amoureux depuis longtems
de la Mareschal de Rochefort mere du Marquis de Rochefort;
cette passion n'etoit pas a couvert de la medisance, comme l'on
a pû voir dans quelques chansons qui precedent celles cy, Et
l'auteur laisse imaginer que le Marquis de Rochefort
pourroit bien etre fils de M. de Louvois; C'est pourquoy il
dit que le Marquis de Rochefort a batu son frere, en batant
le Marquis de Souvré.
[119]
Stances Irregulieres. [X] 1691.
Sur la guerre commencée a la fin de l'Année
1688. dans laquelle la plus grande partie
de l'Europe êtoit armée conte la France.
Pourquoi vous étonner de voir
Toute l'Europe unir contre nous son pouvoir;
Pourquoi chercher ce qui l'excite,
Et cause aujourd'huy tant de maux2,
Vous qui scavez que le merite3,
N'a jamais parû sans rivaux.
L'Envie a toujours fait la guerre
Aux vertus que ses yeux ont veu trop éclater,
Et dès les premiers tems sans craindre le Tonnerre,
La gloire du grand Jupiter,
Fit elle pas armer les enfans de la terre4.
C'est
1. Il est certain que toute l'Allemagne, l'Angleterre, les pais bas
des Espagnols hollandois, l'Espagne, et une partie de l'Italie
etoient en guerre contre la France.
2. On croira aisement qu'une telle guerre causoit de grands maux
a la France.
3. L'Auteur veut parler du merite du Roy Louis XIV. a la
louange duquel est cet ouvrage.
4. L'Auteur rapelle icy ce que disoient les anciens Poetes qui est
la fable des Grans enfans de la terre qui voulurent faire la
guerre a Jupiter Dieu du Ciel et de la terre, contre lequel ils
entasserent Montagnes sur Montagnes pour escalader le Ciel
et
[120]
C'est ainsi que l'on voit vainement s'assembler
Contre Louis5 et son Empire6,
Tant de Princes jalous unis pour l'accabler7,
Chacun d'eux contre lui conspire,
Et tous voudroient lui ressembler.
Ces Antiques heros d'immortelle memoire,
Adorez sur la terre et dans le Ciel admis8,
N'auroient jamais trouvé de place dans l'histoire,
S'ils avoient manqué d'ennemis,
Et le genereux fils d'Alemene9,
Qui remplit autrefois l'Univers de son nom
Doit toute sa gloire a la haine
De l'impitoyable Junon10.
Esperons
et que ce Dieu foudroya lisez la 5e. fable du 1er. Livre des
Metamorphoses d'Ovide.
5. Le Roy Louis XIV.
6. La France.
7. Ils s'unirent contre la France par la ligue qu'ils signerent a
Ausbourg le .......... .
8. Les anciens croyoient que les heros après leur mort devnoient
des Dieux. les poëtes anciens n'ont chanté autre chose.
9. Hercules fils de Jupiter et d'Alemene, femme d'Amphitrion
general des Thebains selon les Payens. lisez la 5e. fable du 9. Livre
des Metamorphoses d'Ovide.
10. Lisez la même Fable, vous verrez combien les payens disent
que Junon persecutoit Hercules, et comme elle haïssoit ce heros
que Jupiter son mary avoit eu en adultere. ses actions heroi=
=ques sont aussi dans le même Livre ça et là.
[121]
Esperons sous un Prince aussi brave que sage11,
Des succès aussi glorieux;
Nous en avons deja trois victoires pour gage,
Qui nous ont repondu de la faveur des Cieux,
La fureur des audacieux,
Tost ou tard de honte est suivie
Et la même vertu qui fait naitre l'envie
Confond enfin les envieux.
11. Louis XIV.
12. Voyez dans les pieces precedentes de l'an 1690. comme les
Generaux qui commandoient les armées du Roy gaignerent
cette année 3. Batailles; scavoir celle de Fleurus en Flandres
le 1er. Juillet, Celle de Staffarde en Piemont le 18. Aoust, et
celle de mer contre les Flottes angloise et hollandoise le 10.
Juillet.
[123]
Imitation 1691.
D'une des Centuries de Michel Nostradamus,
sur la Prise de Mons, ville Capitale du Hai=
=nault, par le Roy Louis XIV. commandant
son Armée en personne.
Nota: Que cette place se rendit après 15. jours de tranchée
ouverte le 8. avril 1691. malgré le secours que Guillaume-
Henry de Nassau Prince d'Orange, Couronné Roy d'Angre.
preparoit; s'étant desja avancé jusques a halle.
Quand Prince jaune1 pastira2,
Quand gros Fromage3 sechera4;
Sur Mons, un grand Coq5, l'on verra,
Qui malgré Lion6, chantera
Avant Pasques7, Alleluya.
1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange.
2. Sera êtonné.
3. Les Etats Generaux des Provinces Unies.
4. Craindra.
5. Le Roy de France, Gallus en latin veut dire Cocq en Francois.
6. Le Prince d'Orange Couronné Roy d'Angleterre, dont les
armes sont des Lions.
7. La ville de Mons capitula le Dimanche des Rameaux 8e. avril
et par consequent, elle fut surprise avant Pasques.
[125]
Chanson [X] 1691.
Sur l'Air. des Pelerins de Sr. Jacques.
Intitulée le Pelerinage du Prince d'Orange
a Notre Dame de Hall, au mois d'Avril
1691.
Nota: Que cette Chanson est une plaisanterie
sur Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange
Couronné Roy d'Angleterre, lequel etant passé en hol=
=lande et venu a la Haye conferer avec plusieurs Princes
d'Allemagne; aprit que le Roy Louis XIV. Roy de France
assiegeoit la Ville de Mons; cela obligea ce Prince a rompre
sa conference et a former un Corps d'Armée avec lequel
s'estant avancé jusqu'a Hall, où est une Image de la
Vierge Marie que les gens du pais bas Espagnol honorent
beaucoup, il n'oza tenter le secours de Mons; c'est pour cela
que l'auteur de cette Chanson traitte cette expedition du
Prince d'Orange de Pelerinage a Ne. De. de Hall.
Guillaume1 laissant dans Bruxelles
Castannaga2,
Par le grand chemin de Nivelle3,
Droit s'en alla,
En Pellerin se presenter,
A nôtre Dame4;
Ce
1. Guillaume Henry de Nassay Prince d'Orange.
2. Le Marquis de Castanaga Gouverneur general des pais
bas Espagnols.
3. Le gran chemin de Bruxelles a Nivelle passe a Hall.
4. L'Image de la Ste. Vierge qui est a Hall.
[126]
Ce fut pour lui recommander
Le succés de ses Armes.
Mais en commençant sa neuvaine,
Dieu quel chagrin!
Lorsqu'un courier party de Braine5
Vint du matin,
Lui dire qu'il falloit plier,
Visite bagage,
Et son prompt secours6 renvoyer
Pour un autre voyage.
Quoi ! s'écria t'il en colere
Mons7 est rendu,
Pour la ligue8, quelle misere,
Tout est perdu,
Retournons nous en promptement
En Angleterre.9
Là
5. Braine le Comte petite Ville entre Mons et Bruxelles.
6. Les troupes qu'il avoit amenées pour secourir Mons.
7. La ville de Mons.
8. On verra dans le Couplet suivant quels Princes composoient
cette ligne qui etoit l'ouvrage du Prince d'Orange.
9. Il y avoit peu que le Prince d'Orange en etoit party.
[127]
Là nous serons plus seurement,
A l'abry de la guerre10;
Castanga11, et vous Baviere12,
Faut filer doux;
Gros Hollandois13, buveurs de biere,
Songez a vous,
Leopold14, Hesse15, Brandebourg16,
Je me retire;
Ma foy, pauvre ligue d'Ausbourg17,
Tu vas perdre l'Empire18.
En vous Dame de délivrance19,
J'ay grande foy,
De
10. Il n'y avoit point de guerre en Angleterre et c'étoit alors le
seul Royaume de l'Europe qui en fut exempt.
11. Antonio Agourto Marquis de Castanaga Gouverneur gnal
des pais bas Espagnols.
12. Maximilien-Emanuel Duc de Baviere.
13. Les Etats generaux des Provinces unies.
14. Leopold-Ignace Empereur.
15. Guillaume VII. Landgrave de Hesse.
16. Frederic Marquis de Brandebourg.
17. La Ligue d'Ausbourg signée en cette ville l'an 1683. contre la
France, entre l'Empereur, l'Empire, l'Espagne, la Suede, les
Etats Generaux des Provinces unies. &ca.
18. Si la Prise de Mons avoit donné {lieu} a la prise des pais bas
par la France, toutes les forces de cette Couronne seroient retombées
sur
[128]
De ce terrible Roy de France21,
Delivrez moy,
Et j'envoyeray devotement
Mille chandelles.
Qui brûleront incessamment
De dans vôtre Chapelle.
sur l'Empire qui ayant encore {la guerre} en Hongrie contre le Ture,
auroit couru risque.
19. C'est ainsi que les Flamans apellent Ne. De. de Hall.
20. Les Flamans ont grand foy a cette Ne. De. et l'auteur veut
donner a entendre que le Prince d'Orange etoit au bout de
son Roollet, par la prise de Mons.
21. Louis XIV. dit le grand, Roy de France.
[129]
Epigramme 1691.
Sur la prise de la ville de Mons le 8.
Avril 1691. par le Roy Louis XIV. comman=
=dant son Armée en personne.
A la Haye en vain assemblez1,
Vingt Princes2 Courtisans du Lion d'Angleterre3,
Preparent lentement les projets d'une guerre,
Dont ils se sentent accablez4,
Louis armé sort de Versailles,
La terreur et la mort marchent devant ses pas,
Des Bombes, des Canons l'effroyable fracas,
Fait ecrouler de Mons les superbes murailles,
Que de Forts, de villes, d'Etats,
Sont sur le penchant de leur chute6.
Deliberez
1. Lorsque le Prince d'Orange aprit le siege de Mons, il etoit
a la Haye en Hollande, où les Electeurs de Baviere, de
Brandebourg, le Duc d'Hanover et plusieurs autres Princes
d'Allemagne etoient assemblez prés de lui pour regler
les projets de la Campagne prochaine selon ses ordres.
2. C'est un nombre certain pour un incertain, car il n'y en avoit
pas vingt.
3. Le Prince d'Orange qui etoit couronné Roy d'Angleterre
dont les armes sont des Lions.
4. La guerre etoit tres onereuse aux Princes d'Allemagne par
les depenses ausquelles elle les engageoit et le peu de profit qu'ils
en retiroient.
5. Maison Royalle a 4. lieues de Paris, où le Roy Louis XIV.
faisoit son sejour ordinaire.
6. De plus il est certain que la Prise de Mons, ébranloit le reste
des
[130]
Deliberez toujours, ô sages Potentats
Pendant que Louis execute.
des pais bas par sa situation et sa bonté.
[131]
Stances [X] 1691.
Irregulieres sur la prise de la Ville de Mons [X]
par le Roy Louis XIV. commandant son
Armée en personne le 8. Avril 1691.
Un Roy de nouvelle fabrique1,
Qui tout d'un coup de gloire et de grandeur se pique
Veut être égal au grand Louis2,
Et dans le dessein temeraire
D'imiter ses faits inouis,
Abandonne le Trosne et vient pour le voir faire3,
Malgré les flots glacez et les vents furieux,
Comme un autre Cezar, il affronte Neptune4;
Et
1. Guillaume Henry de Nassau, Prince d'Orange, Couronné
Roy d'Angre. comme on a veu plus haut en plusieurs endroits.
2. Louis XIV. du nom dit le grand, Roy de France.
3. Le Prince d'Orange avoit quitté l'angleterre et êtoit passé
en Hollande pour assister a une conference de plusieurs Princes.
Il y apprit le Siege de Mons, ce qui l'obligea a la rompre et a
s'avancer avec un Corps de troupes jusqu'a Hall, où il aprit la
nouvelle de la place assiegée et prise ensuitte.
4. Il passa d'Angleterre en Hollande l'Hyver par un temps epou=
=vantable et pensa perir en abordant.
5. L'Auteur compare le Prince d'Orange a Cezar qui traversant
la mer par une effroyable tempeste dans un petit esquif dis
au Pilote epouvanté: Que crains tu. Tu menes Cezar et sa
fortune.
[132]
Et dans un foible esquif, ce Prince ambitieux
Commet Guillaume et sa fortune5,
Pour voir prendre Mons a ses yeux.
Ce Heros6, qui croit vaincre un jour toute la terre,
A pris heureusement son tems
Pour être le temoin d'un grand exploit de guerre7,
Et retourne des plus contens.
En faire part à l'Angleterre,8
Dont les Lords9 inquiets n'ajouteroient point foy
A cette Conqueste incroyable,
Sans le temoignage d'un Roy.
5. {Voyez cette note transcrite a la page cy devant.}
6. C'est toujours le Prince d'Orange.
7. La prise de Mons
8. Il repassa en Angleterre aussitost après la prise de Mons.
9. C'est dire les Milords.
[133]
Chanson 1691.
Sur l'Air: de Pierre Bagnolet.
Sur la reception du Sr. de Fontenelle a
l'Accademie Françoise
le 5. May 1691.
Or écoutez noble assistance
Ce qu'a l'Accademie on fit1,
Dans la memorable seance
Où l'on receut ce bel Esprit2,
Ce qui fut dit,
Ce qui fut dit,
Par ce modelles d'eloquence,
A bien merité d'etre escrit;
Quand le Novice Accademique 3
Eut salué fort humblement
D'une Normande Rethorique4,
Il commença son compliment,
Ou sottement,
Ou
1. L'Academie Françoise.
2. Le Sr. de Fontenelle.
3. Le Sr. de Fontenelle recipiendaire.
4. Fontenelle est natif de Normandie.
[134]
Ou sottement,
De sa Noblesse poëtique5,
Il fit un long denombrement.
Corneille6 diseur de nouvelles
Supost du Mercure galand7,
Loua vanta le prix excellent,
De son talent,
De son talent,
Non satisfait des bagatelles
Qu'il dit de lui douze fois l'an8.
Doyen de pesante {plaisante} figure9,
Qui trouvez le secret nouveau
De
5. Il est neveu de Pierre de Corneille si fameux par les
belles tragedies qu'il a composées.
6. Thomas de Corneille frere de Pierre et oncle de Fontenelle
se trouva alors Chancelier de l'Academie, et receut son
neveu.
7. Thomas de Corneille a quelquepars au Livre du Mercure
galant qui se fait tous les moi et que compose avec luy...
N...... Ursé.
8. Dans chaque Mercure galland Thomas de Corneille y mesle
toujours autant qu'il le peut quelque louange de son Neveu
Fontenelle.
9. François Charpentier Avocat au Parlement Doyen de l'Ac=
cademie Françoise; il est fort gros et fort pezant.
[135]
De parler aux Rois en peinture10,
Et d'apostropher leur Tableau,
Ah qu'il fait beau,
Ah qu'il fait beau,
De te voir en cette posture
Faire a Louis le pied de veau.
Si tu ne scavois pas mieux faire
Lavau2, falloit il imprimer,
Ne sort point de ton caractere,
Contente toy de declamer12,
Sans presumer,
Sans presumer,
Que
10. A la reception de Fontenelle Charpentier lût publiquement
une harangue qu'il avoit faite pour prononcer devant le
Roy au retour de la Conqueste de Mons. Sa Mté. ne voulut
en recevoir aucune, de maniere que Charpentier qui ne vouloit pas
que sa peine fut perdue, la lût en pleine Academie, où est le
Portrait du Roy, et c'est pour cela que l'auteur, dit qu'il ne parle
aux Rois qu'en peinture.
11. Louis Irland de Lavau Bibliothecaire du Cabinet du Roy,
Tresorier de St. Hilaire le Grand de Poitiers, de l'Academie
Francoise, prononça dans cette journée un discours qu'il avoit
composé a la louange du Roy, avant de lire quelqu' autres
ouvrages dont il s'etoit chargé de faire part a l'Accademie
et qu'avoient composé Michel de Clerc, et Charles Perrault
ses Confreres. Ce discours ne fut pas trouvé trop bon, et fut neant=
=moins imprimé dans le Recueil que l'on donna au public de
tout ce qui fut lû dans ce jour.
12. L'Abbé de Lavau lit et declame fort bien, aussi voit on
qu'il.
[136]
Que ton ignorance grossiere13,
Sur le papier nous peut charmer.
Excepté de ton faux sistesme,
Perraut14, Philosophe mutin,
Discourant d'une force extreme,
Et coeffé de son avertin15,
Fit le lutin,
Fit le lutin,
Pour prouver clairement lui même,
Qu'il ne scait ny gréc ny latin.
Boyer17, le Clerc18, couple inutile19,
Grands,
qu'il fut chargé de lire les ouvrages de Perraut et de le Clerc. Celui
de Perraut etoit un poeme en vers irreguliers intitulé Griselde ou
la patience de Griselidis, l'ouvrage de le Clerc etoit une Action de graces
a Dieu pour la continuation de l'heureux succés des armes du Roy;
l'Abbé de Lavau lût aussi une Epitre envers de Made. des
Houlieres a Mgr le Duc de Bourgogne.
13. L'Abbé de Lavau ne passe pas pour être fort habille.
14. Charles Perrault, Controlleur general des Bastimens du Roy,
de l'Academie Francoise, lequel a composé un ouvrage pour
prouver que les auteurs modernes, historiens, Pactes, orateurs
&ca. l'emportoient sur les anciens.
15. Avertin en Patois Poitevin, veut dire entestement et fantaisie.
16. L'Auteur de la Chanson entend qu'il faut que Perraut ne
scache ny grec, ny latin pour preferer les auteurs modernes aux
anciens.
17. Claude Boyer de l'Academie Françoise.
18. Michel le Clerc Avocat en Parlement, de l'Academie Françoise.
19. Bayer et le Clerc sont 2. Accademiciens fort inutiles a l'Accademie.
[137]
Grands massacreurs de Hollandois20,
Porteurs de Madrigaux en ville21,
Moitié Gascons, moitié François,
Vieux Albigeois22,
Vieux Albigeois,
Allez exercer vôtre stile
Prez du successeur d'Henry trois23,
Touchant les vers de Benserade24,
On a fort longtemps balancé,
Si c'est louange ou Pasquinade;
Mais le bonhomme est fort baissé,
Il est passé,
Il est passé.
Que l'on lui chante en serenade,
De Requiescat in pace.
Prions
20. Boyer et le Clerc sont quantité d'ouvrages a la gloire du
Roy, où ils predisent toujours la ruine des Hollandois et des
autres Ennemis de S. M. c'est pour cela que l'auteur les appelle
massacreurs des hollandois.
21. Boyer et le Clerc font souvent des Madrigaux qu'ils portent
par les maisons, et qui pour l'ordinaire sont fort mauvais.
22. Boyer et le Clerc sont de la ville d'Alby, c'est pour cela que
l'auteur les appelle Albigeois.
23. C'est a dire sur le Pont neuf vis avis la Statue equestre
d'Henry IV. Successeur d'Henry III.
24. Isaac de Benserade de l'Accademie Françoise qui leur aussi
a la reception de Fontenelle des vers burlesques de sa façon.
[138]
Prions Dieu, la vierge Marie,
Et tous les Saints de Paris,
Que du Corps de l'Academie.
Tous ignorans soient interdits;
Comme jadis,
Comme jadis,
Quan Richelieu25, ce grand genie,
Prit les premiers quatre fois dix26.
25. Armand-Jean du Plessis de Richelieu Cardinal, 1er
Ministre sous le Roy Louix XIII. lequel fonda l'an 1637...
l'Accademie Françoise, et en fut le 1er. Protecteur.
26. Le Cardinal de Richelieu la composa de 40. personnes
comme elles est encore aujourd'huy.
[139]
Chanson 1691.
Sur l'Air: de Pierre Bagnolet.
,
Sur Jacques Testu, Prestre et Abbé, lors
Directeur de l'Accademie Françoise.
De l'Epitre de des Houlieres1,
On fait icy2 beaucoup de bruit
Auprès de ses vives lumieres,
Aucune lumiere ne lui,
Par ce qui suit,
Par ce qui suit,
On voit que sur quelques matieres,
Trop bien louer quelquefois nuit,
De par l'Abbé Testu qu'en Mitre3,
Ne verront jamais ses amis,
On a convoqué le Chapitre,
De
1. Madame des Houlieres fameuse par les beaux ouvrages de
Poesie qu'elle a faits, composa une Epitre l'an 1691. adressée au
Roy Louis XIV. sur la prise de la ville de Mons par sa Mté.
2. Paris.
3. L'Abbé Testu a longtems esperé d'etre Evesque par le
Credit d'Anne Poussart Duchesse de Richelieu Dame
d'honneur de la Reine Marie Thereze d'Autriche, et puis
d'Anne-Victoire Christine de Baviere Dauphine de France;
mais cette Duchesse qui etoit extremement de ses amies ny pût
reussir, et elle morte en 1683 l'abbé Testu n'estoit plus endroit d'y
pretendre.
[140]
De Noseigneurs les beaux Esprits4,
Qu'il a repris,
Qu'il a repris,
Moins pour avoir leu cet Epitre,
Que pour n'en avoir rien obmis5.
Ce jour là d'humeur si mutine,
Se trouva le docte troupeau6,
Qu'a sa fatuité blondine7,
On cria de chaque bureau8,
Dans le paneau,
Dans le paneau,
Qu'a tendu le devot Racine9,
Il a donné comme Dangeau10,
Quand
4. L'Auteur entend par là l'Academie Françoise que l'Abbé
Testu fit assembler en qualité de Directeur.
5. C'est qu'il avoit dans cet Epitre un article tout entier qui ne
parloit que de Mr. de Louvois, et l'Abbé Testu, comme quelques
autres trouvoit mauvais qu'en parlant au Roy on louast un autre
que sa Mté. il le dit en pleine Academie.
6. L'Academie Françoise.
7. L'Abbé Testu, parce qu'il porte une Perruque blonde.
8. L'Accademie Françoise s'assemble en differents Bureaux.
9. Lisez l'article suivant.
10. Pour scavoir ce que ce cy veut dire, il faut scavoir que Louis de
Courcillon Abé de Dangeau lecteur du Roy, voulant lire cette
Epitre a sa Mté. l'a lût auparavant au Sr. Racine, si connu par
les belles Tragedies qu'il a faites, et lequel est presentement fort
devot, le Sr. Racine lui conseilla de suprimer l'article qui regardoit
Mr.
[141]
Quand un vent de cabale soufle
Il est bon de se tenir droit,
Testu ce doucereux Maroufle11,
Se trompera s'il ne m'en croit,
Mieux lui vaudroit,
Mieux lui vaudroit,
Qu'encore de quelqu'autre pantoufle12,
On luy couvrit certain endroits.
Cette histoire13 est trop ridicule,
Pour ne l'a pas faire scavoir,
Il offroit a la Dame14 incredule
Sa Chandelle, et la faisoit voir.
Sans s'emouvoir,
Sans s'emouvoir,
La.
Mr. de Louvois lorsqu'il la liroit a sa Mté. ce que l'Abbé de
Dangeau executa les speculatifs pretendoient que c'estoit un
paneau que Racine tendoit ou a l'abbé Dangeau, ou a Madame des
Houlieres, et que l'abbé Testu de son costé y avoit donné en con=
=dammant cet article.
11. L'abbé Testu fait quelquefois le doucereux.
12. Lisez l'Article suivant.
13. L'histoire est que l'abbé Testu estant desja sur le retour;
s'avisa d'être amoureux de la jeune Marquise de Leuville, et
qu'en lui contant ses raisons il lui montra son. V....... pour la
persuader. la Marquise qui le meprisoit au lieu de se fscher de
cette insolence tira froidement une de ses mulles de ses pieds et
en couvrit le V........ de l'Abbé.
14. La Marquise de Leuville.
15. Son V....... comparé par l'auteur a une Chandelle.
[142]
La folette tira sa Mulle,
Et la fit servir d'Esteignoir16,
Au lieu de venger cette injure,
Les amours a malice enclins,
Rioient entre Eux de l'avanture,
Du Doyen17 des Abbez blondins,
Ces Dieux badins,
Ces Dieux badins,
Se disoient vois tu la Coiffure,
Qu'on a mise au Dieu des Jardins18.
16. L'Auteur compara la mule de la Marquise de Leuville aux
Esteignoirs des Cierges des Eglises parce qu'elle fit le meme effet
sur le N.... de l'Abbé.
17. L'Abbé Testu etoit desja trop vieux pour être amoureux
sans etre ridicule.
18. Priape Dieu des Jardins chez les Payens l'etoit aussi des V.....
si bien que par le mot de priape on entendoit l'un et l'autre.
[143]
Chanson 1691.
Sur l'Air: de Pierre Bagnolet.
Servant de reponse a la precedente, et adressée
a Jacques Testu, Prestre Abbé de Belleval.
De cette Chanson que l'on chante,
Testu l'on ne fait pas grand cas,
Elle est sotte, elle est impudente,
Et sent le drille de cent pas,
Et les esbas,
Et les esbas,
Que cette vieille impertinence1,
Se donnoit du temps de Gallas2.
1. L'Auteur pretend parler de Made. des Houlieres femme
d'un esprit admirable qu'il soubçonne estre l'auteur de
la Chanson precedente.
2. General Allemand qui vivoit il y a 50. ans.
[145]
Chanson 1691.
Sur l'Air: de Joconde.
Dans laquelle l'auteur fait parler......
Perrot, laquelle êtant veuve d'Honoré
Barentin Me. des Requestes honoraire, et
President du Grand Conel. dont elle avoit
plusieurs grands Enfans; Epousa par amour
l'an 16...... de Damas Sr. de Courmail=
=lon Ingenieur, et jeune homme sans bien,
{qui fut tué au siege de Namur en 1692.}
Chacun me dit que mon mary,
Est un foudre de guerre1,
Son grand courage fait grand bruit,
Aux deux bouts de la terre;
Pour moy, je scay fort bien qu'icy2,
Sa valeur est sans bornes;
Car il attaque chaque nuit,
Un grand ouvrage a Cornes3.
1. Il y a de l'exageration dans les 4. premiers vers. Courmaillon
avoit de la valeur; mais c'estoit tout son merite, car il êtoit
fou, et tres mediocre Ingenieur.
2. Chez. Made. de Courmaillon.
3. L'Auteur par une tres fade et tres mauvaise équivoque
veut dire le C..... de cette femme qui devoit être fort grand.
[147]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Quand Iris prend plaisir à boire.
Sur la levée du Siege de la Ville de Conis
en Piemont assiegée par un detachement
de l'Armée de France en Italie l'an 1691.
lequel se retira de devant cette place le 28.
du mois de Juin.
Si Conis a secu se deffendre,
Si nos Soldats n'on sceu le prendre,
Ce n'est pas faute de vigueur,
Si Catinat1, n'avoit pas crû Feuquieres2,
Qui vouloit en avoir l'honneur3,
Si
1. .......... Catinat Lieutenant gnal des Armées du Roy, Gouver=
=neur de la ville de Luxembourg, et Lieutenant gnal de cette
Province, General de l'Armée Françoise en Italie.
2. ......... de Pas Marquis de Feuquieres Gouverneur des ville et
Citadelle de Verdun, Maāl des Camps et Armées du Roy,
servant dans l'Armée que Commandoit Mr. de Catinat.
3. Le Marquis de Feuquieres persuada a Mr. de Catinat qu'il avoit
une intelligence dans la ville de Conis, et qu'on en ouvroit la porte
des que les troupes Françoises paroitroient; Mr. de Catinat sur
cela y envoya un detachement de son armée commandé par le
Sr. Bulonde Lieutenant gnal, et Feuquieres Maāl de Camp la
place se trouva tres bien munie d'hommes et de munitions, le
Gouverneur qui etoit le Comte de Bernay etoit tres resolu a se
bien deffendre. Feuquieres ny avoit aucune intelligence quoiqu'il
dist, de maniere que bien loin de se rendre assiegez firent
sorties
[148]
Si Bulonde4 n'eust pas eu peur5,
Tous les secours,
Tous les secours,
Ne servoient gueres.
sorties où ils tuerent 500. hommes des assiegeans par le peu
de precaution qu'on avoit eu de mettre la trachée en bon êtat
sur la tres perilleuse parolle de Feuquieres qui asseuroit tou=
=jours que l'intelligence qu'il avoit dans la place, l'a feroit rendre.
4. Pierre Bulonde Grand Prieur de l'Ordre de St. Lazare
Lieutenant general des Armées du Roy, et Commandant
le detachement qui assiegeoit Conis.
5. Bulonde ayant eu avis que le Prince Eugene de Savoye
venoit avec 3000 hommes a dessein de secourir Conis eut si
grand peur qu'il leva le siege, quoique Mr. de Catina lui eut
mandé qu'il lui ennoyoit un secours plus fort, sous le Sr.
de St. Silvestre Maāl de Camp, que n'étoit celui du Prince Eugène
de Savoye, aussi Bulonde fut il mis prisonnier dans la
Citadelle de Pignerol par ordre de la Cour.
6. L'Auteur entend le secours du Prince Eugene.
[149]
Chanson [X] 1691.
Sur l'Air: des Echos de l'Opera de .........
Sur la Levée du Siege de Conis le 28e. Juin. [X]
dont il est parlé dans la Chanson precedte.
Partons mes chers amis,
Partons mes chers amis,
Voici venir les Mondovits1,
Les Montecuculli2,
Qui diable, nous amene
Ce maudit Prince Eugene3,
Feuquieres4, eut il crû
Julien5 si testu.
Profitons
1. Les Milices de Mondovits sujetes du Duc de Savoye qui
venoient au secours de Conis.
2. Le Regiment de Montecuculli au service de l'Empereur
qui etoit en Piemont avec le reste des troupes que sa Mté. Impe=
=rialle avoit envoyé au secours du Duc de Savoye.
3. Le Prince Eugene de Savoye qui commandoit le secours
destiné pour Conis, comme on a pû voir dans le Commentaire
de la Chanson precedente.
4. Le Marquis de Feuquieres Marêchal de Camp sur la peril=
=leuse parole duquel le siege de Conis avoit êté entrepris comme on
a pû voir dans le Commentaire de la Chanson precedente.
5. Julien Huguenot François de nation et Colonel d'un Regimt
de Barbets qui etoit dans Conis, et qui eut la principalle gloire
dans les trois sorties dont il est parlé dans les Commentaires
de la Chanson precedente.
[150]
Profitons de l'obscure nuit6,
Et surtout decampons sans bruit.
6. On leva le siege la nuit.
[151]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Quand l'Opera tant vanté,
par la Grille.
A Emanuel Theodoze de la Tour d'Au=
=vergne de Bouillon Cardinal Grand Au=
=mosnier de France.
Grand Cardinal,
Qu'on aime et qu'on revere,
D'un cœur tout Royal,
Et d'un mérite sans égal,
Qui fais ton Capital,
De toujours plaire,
Envoyons tous nos chagrins en France1,
Oublions la Cours, vivons en liberté.
Un traitement qu'on a pas mérité2,
Laisse au moins le repos de conscience.
1. Cette Chanson a êté faite a Rome l'an 1691. ou l'auteur êtoit
avec le Cardinal de Bouillon.
2. On a pû voir plus haut dans une Chanson de 1674. que Mr. de
Turenne Oncle du Cardinal de Bouillon s'etant brouillé avec
Mr. de Louvois; celui cy s'en vengea a loisir sur toute la Famille
de ce grand homme par les mauvais traitements qu'il leur fit
souffrir, ayant animé le Roy Louis XIV. contre leur vanité.
Ils en souffrirent tous en general et en particulier; mais le Cardinal
plus que pas un; Car il fut chassé de la Cour et relegué plusieurs
années dans ses Abbayes. On l'obligea l'an 168... à renoncer a
l'Evesché
[152]
l'Evesché de Liege dont il etoit asseuré quoique cela fut
prejudiciable aux Interests de la France, et qu'on fut seur
que celui qui seroit Eleu, qui fut le Doyen du Chapitre, nommé
seroit son ennemy, ce qui arriva cette disgrace dura avec fureur
tant que Mr. de Louvois vecut et subsistoit encore a Rome
où le Cardinal de Bouillon etoit pour le Conclave d'Alexandre
VIII. et où il étoit alors, l'an 1691. qu'Innocent XII. succeda
a Alexandre.
[153]
Chanson 1691.
Sur l'Air des Contreveritez
Envoyée de Paris a Rome, par Philippe de
Mancini Duc de Nevers Chevalier des
Ordres du Roy &ca. adressée a Philippes Ema=
=nuel de Coulanges qui êtoit dans cette derniere
ville avec Charles d'Albert d'Ailly Duc de
Chaunes, Pair de France &ca. Ambassadeur
de France pendant le Conclave, où fut eleu
le Pape Innocent XII.
Nota; Que cette Chanson est une reponse a une autre Chanson
sur le meme air que le Sr. de Coulanges avoit escrite au Duc de Nevers
sur son depart de Rome pour Paris et qu'on n'a pas jugé a propos
de la mettre dans ce Recueil parce qu'elle ne contient rien d'historiq.
mais seulement des regrets de l'absence de ce Duc et de la Duches=
=se sa femme, qui s'en etoit retourné en France.
Croyez cher Coulanges,
Que tout l'or du Gange1,
On donneroit pour vous avoir;
Mais si vous voulez voir
Mettre une Eminence3
Au
1. Fleuve qui passe dans les Indes d'où vient l'or.
2. Le Duc de Nevers qui étoit a Paris lorsqu'il fit cette Chanson
temoigne au Sr. de Coulanges qu'il desire fort qu'il vienne.
3. Un Cardinal.
[154]
Au trosne Papal4,
Bienheureux si vous êtes en France,
Pour le Carnaval5.
D'un retour qui traine,
Dieux ! en quelle peine,
Je vois la Venus de Damas6,
Si vous ne veniez pas.
Adieux Chaune7, et Fresne
Beaux lieux pleins d'appas9,
Adieux Temple10, adieu Marne11, adieu Seine12,
Quel malheur helas.
Quoy
4. On a dit dans l'Argument que les Cardinaux etoient assemblez
dans le Conclave pour elire un Pape en la place d'Alexandre
VIII. qui etoit mort le 1er Fevrier. de cette même année 1691.
5. Le Duc de Nevers prevoyoit avec raison que le Conclave servit
fort long.
6. Diane-Gabrielle de Damas femme du Duc de Nevers, Dame
tres aimable, c'est par cette raison que le Duc son mary lui
donne le nom de la Deesse de la beauté.
7. Maison du Duc de Chaulnes en Picardie a 25. lieues de Paris.
8. Maison du Duc de Nevers a 8. lieues de Paris vers meaux.
9. Ces deux Maisons sont fort belles.
10. Le Temple a Paris où demeuroit Philippe de Vendosme Grand
Prieur de France neveu du Duc de Nevers et où il alloit souvent
manger et se divertir.
11. La Riviere de Marne qui se jette dans la un peu au dessus
de Paris.
12. La Riviere de Seine qui passe a Paris.
13. Le Duc de Nevers avoit a Rome projetté plusieurs parties de
plaisir dans tous ces lieux lorsqu'il seroit a Paris avec le Sr.
de
[155]
Quoi toujours verrai-je
Le sacré College,
En deux factions partagé14,
Saint Pierre est outragé15,
Ce n'est qu'un manege,
Tout est dérangé,
L'interest marche avec grand cortege,
Dans le Saint Clergé.
Altieri16 declare,
Qu'il veut la Thiare,
Malgré les zelants17 opposez,
Vous le favorisez18,
Mesme avec fanfare;
Mais
de Coulanges, et la peur qu'il a que cela n'execute de
longtemps a cause du long sejour de ce dernier a Rome,
l'obligea a s'en plaindre.
14. Le Sacré College etoit partagé en deux factions dans le
Conclave; scavoir celle des Zelans qui sont les Devots de profession
lesquels vouloient elire un Pape qui n'eut point de neveux
a fin d'abolir le Nepotisme et celle des autres Cardinaux qui
voulaient le conserver.
15. Par St. Pierre l'auteur entend l'Eglise que ces factions desoloient
en regardant de choisir un Pape.
16. Palutio Altieri Romain, fait Cardinal par le Pape Alexandre
VII. le 14. Janvier 1664.
17. C'est la Cabale des Devots, autrement appellée Baghetoni qui
s'opposoient a l'Election du Cardinal Altieri dans la crainte qu'il
ne retablit le Nepotisme.
18. Les Cardinaux François et surtout le Cardinal Cezard d'Estrées,
Camerlingue
[156]
Mais gens plus rusez19,
Vous feront trebucher cet Icare20,
Vous vous abusez.
L'on ne voit qu'intrigue21,
Tout est fourbe et brigue,
Chacun fait valoir son party22,
Que pour Acciaioli23.
Coulanges se ligue,
Et pour Ginetti24,
Quant a moy je suis pour Barbarigue25.
Et pour Buonvisi26.
Mais
Camerlingue du Sacré College, le favorisoit extremement aussi
bien que toute la Cour de France, et cela avec d'autant plus de
Chaleur que cette Couronne avoit un grand interrest d'avoir
un Pape, sur lequel elle pût compter a cause des demeslez
qu'elle avoit avec la Cour de Rome. Il en est assez parlé dans
ce Recueil.
19. Les Zelants.
20. L'Auteur apelle le Cardinal Altieri Icare parce qu'il aspiroit
a la papauté ! où il ne croit pas qu'il puisse parvenir. Si le lecteur
ignore ce que c'est qu'Icare. Il n'a qu'a lire la 3e. Fable du 8e.
livre des Metamorphoses d'Ovide.
21. Dans le Conclave.
22. Chaque party de Cardinaux qui veut elire un des leurs.
23. Nicolas Acciaioli Florentin fait Cardinal par le Pape Clement
IX. le 29. Novembre 1669.
24. .................. Ginetti ............. fait Cardinal par le Pape.
25. .................. Barbarigo. Venitien fait Cardinal par le Pape.
26. François Buonvili Luquois fait Cardinal par le Pape Innocent
XI. le 1er. Septembre 1681.
[157]
Mais puisqu'on differe
Le choix du Saint Pere27,
Après tant de mois ecoulez,
Rapellez, rapellez,
Bacchus28 et Cithere29,
Qui sont exilez30,
Et qu'on scache qu'avec Savonieres31,
Vous vous consolez.
27. D'un Pape.
28. Le Vin.
29. L'Amour.
30. La longueur du Conclave avoit ecarté tous les plaisirs a Rome.
31. ............... de Savonieres Gentilhomme François qui êtoit à lors
a Rome.
[159]
Chanson 1691.
Sur l'Air; des Ennuyeurs.
Sur l'Election du Pape Innocent XII. faite
a Rome le 12. Juillet 1691.
Notre Pape est Napolitain;
Mais c'est un Saint, ce qui s'apelle
Qui veut de l'Empire Romain,
Chasser a jamais la Donzelle,
Bannir les jeux, les Opera,
Le Carnaval et cetera.
Mais au moins de boire en repos,
Nous permettra t'il le Saint Pere,
Son nom, ses Armes, sont des Pots1,
Une Caraffe êtoit sa mere2,
Pour moy je veux avec éclat
Celebrer son Pontificat.
1. Ce Pape etoit de la Maison de Pignatelli originaire de Naples
dont il êtoit meme Archevesque lorsqu'il fut elû, et les armes
de cette maison sont d'or a 3. petits pots de sable qui sont
des Armes parlantes. le mot Italien Pignata voulant dire
en François un Pot, et le mot de Pignatelli, de petits pots.
2. La Mere de ce Pape etoit de la Maison de Caraffa aussi
originaire de Naples, et comme par le mot de Caraffe en François
nous entendons une fiole de verre avec laquelle, on donne à boire.
[160]
l'Auteur de la Chanson Joue sur ce mot de même que sur
celui de Pignatelli.
[161]
Chanson 1691.
Sur l'Air de Pierre Bagnolet.
Sur le Conclave du Pape Innocent XII. elevé
au Pontificat le 12e. Juillet 1691.
Abbé1 d'un rayon de Lumiere,
Illuminez mon pauvre esprit,
Helas sur certaine matiere,
Je me trouveray deconfit,
Si l'on me dit,
Si l'on me dit.
Contrez nous un peu la maniere,
Dont le Pape Innocent2 se fit.
Trouvez bon que je vous demande
D'Ottobuon3 ou d'Odescalchi4,
Quelle
1. Cette Chanson est adressée a l'Abbé de Polignac qui étoit dans le
Conclave en qualité de Conclaviste d'Emanuel-Theodoze de la Tour
d'Auvergne et archevesque de Naples. Il fut fait Cardinal le 5. Septemb.
1681.
2. Le Pape Innocent XII. il s'apelloit Antonin Pignatelli. Il etoit Na=
=politain et archevesque de Naples. Il fut fait Cardinal le 5. Septemb.
1681.
3. C'est a dire la faction ou les Creatures du Pape Alexandre VIIIe.
dont on disoit le Successeur; lequel avant que d'etre Pape s'apelloit
Pierre Ottobuoni Cardinal, il etoit Venitien. Il fut eleu Pape le 6e.
Octobre 1689. Il succeda a Innocent XI. et il mourut le 1er. Fevrier
1691.
4. C'est a dire la faction, où les creatures du Pape Innocent XI. qui
du tems qu'il etoit Cardinal, se nommoit Benoist Odescalchi. Il
succeda
[162]
Quelle troupe etoit la plus grande
Qui soutenoit Marescotti5,
Qui Bonvisi,
Qui Bonvisi,
Aeciaoli7, de quelle bande,
Cibo8, Delfin9, de quel party.
Dites moy de quelle Quadrille
Disposoit le bon Altieri10,
N'avoit il pas dans sa famille
De quoi satisfaire Chigi11,
Et notre amy12
Et notre amy,
Comment a t'il perdu Codille13,
La Poule14 devoit être a lui.
De
{succeda a Clement X. le 27. Septembre 1676. et mourut au mois d'Aoust 1689. Il
etoit Milanois.}
5. Le Cardinal ................. Marescotti crée le ...... .
+
7. Le Cardinal Nicolas Aeciaoli Florentin, crée le 29. 9bre. 1699.
+6. Le Cardinal François Bonvisi Luquois, crée Cardinal le 1er. Sept.
1681.
8. Le Cardinal Alderan Cibo Masseran Evesque d'Ostie Doyen
du Sacré Colege, crée le 6. Mars 1645.
9. Le Cardinal Jean Delfin Venitien crée le 7. Mars 1667.
10. Le Cardinal Palucio Altieri Romain crée le 14er. Janvier 1664
il etoit protegé de la France qui eut bien voulu le faire Pape.
11. Le Cardinal Flavio Chigi Siennois crée le 9. Avril 1657. il
s'opposoit fortement a l'Election du Cardinal Altieri dont il etoit
ennemy. On ne pût jamais les racommoder quelqu'interest qu'on
y fit voir au Cardinal Chigi qui avoit une Niece qu'on auroit mariée
au neveu du Cardinal Altieri, s'il eut êté Pape.
12. C'est a dire ami de la faction Françoise qui le soutenoit.
13/14.} Terme du Jeu de l'Ombre.
[163]
De combien êtoit l'assemblée
De nos Seigneurs les Cardinaux15?
Les Zelants16, l'ont ils tant troublée?
Comme ont publié leurs rivaux17,
Comme en deux mots,
Comme en deux mots,
Ils ont tant fait par leur menée
Que la Thiare, est sur les pots18.
Ils avoient une forte brigue19,
Et se sont demenez longtems
Pour favoriser Barbarique20,
Homme detaché de parents21,
Mais ne pouvant,
Mais ne pouvant,
Mettre a bonne fin cette intrigue,
Pignatelle
15. C'est que tous les Cardinaux n'etoient pas a ce Conclave.
16. Les Zelants sont les devots de Cabale nommez ainsi, autrement
Baghetoni. Ils vouloient pour Pape un Cardinal qui n'eut
point de Neveu, afin d'abolir le Nepotisme.
17. Ce sont les Cardinaux qui vouloient conserver le Nepotisme.
18. C'est que les Armes de la Maison de Pignatelli sont 3. pots de
sable en champ d'or. Innocent XII. qui êtoit de cette Maison fut
fait Pape par les zelants, aussi n'avoit il point de Neveu, et il
etoit de leur faction.
19. Les zelants.
20. Le Cardinal ................. Barbarigo Venitien, crée le ....... du mois
de ........... 16 ......... et aussi zelant.
21. Il n'avoit point de Neveux.
[164]
Pignatelle22 étoit de leurs gens23.
Au defaut de l'un venoit l'autre24,
Et l'Ambassadeur Autrichien25,
Portoit sous main ce Saint Apôtre26,
Pour exclure le Venitien27,
Nous sommes bien,
Nous sommes bien.
Mais pouvons nous appeller nostre
Un Cardinal Innocentien28.
Barbarigue29 encore de bon âge30,
Renversoit l'espoir d'Altieri31,
Ottobuon
22. Antoine Pignatelli depuis Innocent XII.
23. Voyez l'article 18.
24. Au defaut de Barbarigo venoit Pignatelli.
25. Le Duc de Medina-Celi Ambassadeur du Roy d'Espagne Charles
II. a Rome.
26. Pignatelli.
27. Barbarigo.
28. On appelloit Cardinal Innocentien un Cardinal crée par Innocent
XI. Ils ne convenoient pas a la France parce que ce Pape etoit ennemi
de cette Couronne que la pluspart de ses Creatures etoient zelans
et attachez a ses sentimens. Pignatelli convenoit encore moins a
la France qu'un autre puisqu'outre tout cela il etoit Napolitain
et par consequent sujet du Roy d'Espagne, c'est pour cela que
l'Ambassadeur de ce Prince le soutenoit.
29. Le Cardinal Barbarigo.
30. Il etoit jeune.
31. Le Cardinal Altieri dans l'espoir d'etre Pape aprés la mort de
celui qu'on devoit elire, et voyant qu'il ne le pouvoit être dans ce
Conclave ou les Zelants etoient les plus forts, aimoit mieux. Pi=
=gnatelli que Barbarigo, parceque le 1er. etoit plus vieux que lui. Il
esperoit
[165]
Ottobuon32 en cet homme sage33,
Crût voir des plaisirs l'ennemy34
Donc a l'envy,
Donc a l'envy,
L'un l'exclu par libertinage35,
L'autre d'ambition farcy36;
Moy37, j'avois donné mon suffrage,
Et je postulois pour Conty38,
Son nom, ses vertus et son âge39,
Meritoient qu'il fût bien loty;
Mais
esperoit de lui pouvoir succeder, au lieu que Barbarigo êtant plus
jeune il lui survivoit selon toutes les apparences.
32. Le Cardinal N............ Ottobuoni venitien Neveu du Pape
Alexandre XVIII. aimoit fort ses plaisirs et dans la crainte
que Barbarigo homme très devot ne reformast le Sacré College;
Il aimoit encore mieux Pignatelli qu'il croyoit plus accort.
33. Barbarigo.
34. Lisez l'article 32.
35. Le Cardinal Ottobuoni.
36. Le Cardinal Altieri.
37. Philippes Emanuel de Coulanges auteur de cette Chanson qui
êtoit a Rome avec Charles Albert d'Ailly Duc de Chaulnes Pair
de France Chtr des Ordres du Roy. Gouverneur et Admiral
de Bretagne et Ambassadeur de Louis XIV. Roy de France
a Rome.
38. Le Cardinal ................... de Conty Romain crée le .......
de .............. 16.... .
39. C'etoit un homme d'une Illustre naissance de beaucoup de
merite et fort vieux.
[166]
Mais son party,
Mais son party,
N'a pas reussi d'avantage
Que celui de Pancialici40.
40. Le Cardinal ............. Panciatici.
[167]
Epitaphes [X]
de François-Michel le Tellier Mqs de Lou=
=vois, Ministre et Secretaire d'Estat, Chef et
sur intendant des Postes et Chevaux de relais
de France, des Bâtimens, Arts et Manufac=
=tures, Chancelier des Ordres du Roy, mort
subitement a Versailles le 16. Juillet 1691.
Cy gist sous qui tout plioit1,
Que Louis2 honora d'une estime parfaite,
Louvois que personne n'aimoit3
Et que tout le monde regrette4.
1. Mr. de Louvois êtoit tres absolu et avec cela etoit for brutal;
aussi il n'etoit pas surprenant que tout pliât sous lui aussi etoit
il fort hay; on doutoit meme pas qu'il n'eut êté empoisonné,
car il mourut subitement en un quart d'heure de tems sur les 4.
heures aprés midi revenant de chez le Roy avec qui il avoit tra=
=vaillé. Il se trouva mal chez S. Mté. En arrivant chez lui, il se
trouva plus pressé; il se fit saigner, et mourut en disant par deux
fois; je m'evanouis, on l'ouvrit. On trouva son cœur fletry la
pointe retournée et quelques taches livides dans son estomach. 5.
Medecins ou Chirurgiens de 8. qui y etoient presens signerent qu'il
êtoit empoisonné, le Roy lui meme le dit, et bruit ne laissa pas
de s'evanouir ensuite.
2. Louis XIV. dit le Grand Roy de France.
3. On vient de voir plus haut pourquoi personne n'aimoit Mr.
de Louvois.
4. Il est certain que tout hay qu'estoit ce Ministre la consternation
fut grande a sa mort a cause de la conjoncture dans laquelle il
mourut et de la place qu'il occupoit dans le Conseil du Roy ayt.
la Clef des affaires de la guerre et même des affaires Estrangeres
dont le secret passoit presque tout par ses mains a cause des Espi=
=ons et des Correspond. qu'il avoit dans les cours de l'Europe.
[168]
Louvois est mort ce ministre tres digne5,
Pour ses amis, c'est une perte insigne6,
Mais pour l'Etat on le compte pour rien,
Car Dieu mercy, le Roy7 se porte bien.
5. Il est certain que M. de Louvois etoit un fort habile homme,
c'est trop que de l'appeller Ministre tres digne, car il lui
manquoit ces veues etendues si necessaires au Ministere,
mais c'etoit un excellent secretaire d'Etat pour la guerre
et dont personne ne se trouve capable de remplir la place;
aussi toutes ses charges furent elles alors separées. Francois-
Marie le Tellier Marquis de Barbezieux son second fils
exerça la Charge de Secretaire de la guerre dont il avoit la
survivance des l'année 1685. et eut encore celle de Chancelier
des Ordres du Roy. Paul de Beauvillier Duc de St. Aignan
Pair de France &ca. Chef du Conseil Royal des Finances
et Gouverneur de M. le Duc de Bourgogne fut fait ministre
d'Etat et avec lui Simon Arnauld Sr. de Pomponne lequel
ayant êté destitué l'an 1679. de la Charge de Secretaire d'Etat
des affaires Etrangeres qu'il possedoit depuis 8. ans fut
ainsi rapellé dans le Conseil. Michel le Peletier Coner. d'
Etat et Intendant des Finances succeda a Mr. de Louvois
dans la Direction generale des Fortifications du Royaume
tant de mer que de terre ........... Colbert Marquis de Villacerf
eut celle des Bastimens, la surintendance generale des
Postes fut exercé par Commission par Claude le Pelletier
Ministre d'Etat, les Arts et Manufactures, avec la Direction
generale des haras furent données a Louis Phelipeaux
Sr. de Pontchartrain Ministre et secretaire d'Etat, et Controlleur
general des Finances.
6. M. de Louvois soutenoit fort ses amis; mais il aimoit
tant la Canaille et craignoit tant les gens d'esprit, qu'il ne
protegeoit que des gens de rien ou des sots.
7. C'estoit un grand bien pour l'Etat que le Roy se portast bien,
car tout le Secret du Royaume etoit alors reparti entre sa Mté. et
Mr. de Louvois; Mr. de Pontchartrain n'en scavoit qu'une
partie. Charles Colbert Marquis de Croissy Ministre et Secretre.
d'Etat
[169]
d'Etat pour les affaires Etrangeres etoit une beste, ainsi le
Roy eut manqué l'Estat êtoit perdu veu l'horrible guerre
qu'il avoit sur les bras toute l'Europe generalement etant
armée contre la France.
La mort a tort d'avoir ravi Louvois,
C'etoit sans doute une teste excellente;
Mais quoi, la mort en l'enlevant au Roy,
Lui rend par la trois millions8 de rente,
La mort n'a pas tort a ce prix
Ce qu'elle rend vaut bien ce qu'elle a pris9.
8. Outre la Surintendance generale des postes du Royaume
Mr. de Louvois avoit la jouissance du revenu des Postes
Etrangeres. On scavoit bien avant sa mort que ce revenu qu'il
possedoit depuis de 20. ans etoit exhorbitant; mais comme
il avoit l'habileté de n'en tenir aucun Registre, et de brûler
les Comptes qu'on lui en aportoit toutes les semaines, on ne le
pouvoit scavoir au juste; aprés sa mort ce revenu ayant
êté reuni au Domaine, on en offrit jusqu'à 1800m livres. par an
et non pas 3. millions, comme dit l'auteur.
9. L'auteur entend par la Mr. de Louvois.
Epigramme
Sur le meme sujet que les Epitaphes cy dessus
On se fait un plaisir de parler et d'escrire,
Pour ou contre Louvois, pour moy je n'en dis rien,
Il a trop bien servi le Roy1 pour en medire;
Il
1. Il est confiant que Mr. de Louvois a tres bien servy le Roy;
Il est certain cependant que tout le monde l'accusoit d'estre
cause
[170]
Il m'a fait trop de mal2 pour en dire du bien.
cause de la Guerre qui desoloit la France quand il est mort;
Made. de Maintenon et le Marquis de Seignelay ses Ennemis
etant plus forts que lui en tems de paix et l'ayant menacé de
le perdre dans l'esprit du Roy.
2. Mr. de Louvois etoit malfaisant, aussi etoit il parfaitement
hay de tout le monde.
Nota; Qu'on scent depuis que la mort de Mr. de Louvois avoit
êté causée par le chagrin qu'il eut de se voir a la veille d'estre
perdu; le Roy fut instruit ce dit on par Made. de Maintenon que
ce Ministre etoit l'unique cause de la guerre. Il le reprocha a lui
meme en travaillant avec lui. Mr. de Louvois qui n'avoit jamais
essuyé de pareilles reprimandes et qui etoit fort impatient, se
fascha et dit au Roy qu'il le suplioit de lui permettre de se
retirer dans sa Maison de Meudon jetta brusquemt. les papiers
qu'il tenoit sur la Table de sa Mté. et sortit; le Roy outré de colere
fut a l'heure même chez Made. de Maintenon et lui dit que le
lendemain il envoyeroit Mr. de Louvois a la Bastille. Made.
de Maintenon qui vit qu'elle avoit poussé la chose trop loin
voulut la raccommoder; pour cet effet dès que le Roy fut sorti de
chez elle, elle envoya jusqu'a trois fois chez Mr. de Louvois
lui dire de lui venir parler et qu'elle avoit des choses importantes
a lui dire. Ce Ministre fort brutal refusa toutes les 3. fois d'y
aller, Elle lui escrivit elle meme, et lui manda que c'estoit pour
ses propres interests qu'elle lui vouloit parler. Ce billet le fit
venir. Elle lui dit que s'il ne retournoit le lendemain au Conseil
a l'ordinaire, et comme si de rien n'eut été, qu'il seroit envoyé
a la Bastille, il en fut outré. Car il croyoit que le Roy dans
la conjoncture presente ne se pouvoit passer de lui; Il suivit
les Conseils de Made. de Maintenon; mais la veue de cette
disgrace lui fit une telle impression qu'il en mourut subitemt
peu de jours après comme il a êté dit; mais on le crût empoisonné
a cause de sa mort precipitée, et de l'ignorance où on êtoit a lors
de cette avanture qui ayant êté fort secrete se decouvrit par la
suite le Roy le regretta peu; Mais se croyant avec raison la
cause de sa mort il laissa a la famille de ce Ministre les
Etablissemens qu'il lui avoit procuré de son vivant, quoique ses
3. fils fussent d'indignes sujets.
[171]
Chanson [X] 1691.
Sur l'Air de Pierre Bagnoles.
Sur Claude Peletier Ministre d'Estat
que l'Auteur pretend allarmé pour lui du bruit
qui couroit que Michel le Tellier Marquis de
Louvois Ministre et Secretaire d'Estat êtoit
mort de poison, comme on peut voir dans les
Commentaires de l'Epigramme, et des
Epitaphes precedentes.
Depuis que par un cas étrange,
On croit Louvois mort de poison,
Peletier pourtout ce qu'il mange,
Amis bon ordre en sa maison;
Mais sans raison,
Mais sans raison,
Il a peur du Prince d'Orange1,
Car il a du contrepoison2.
1. Il y avoit beaucoup de gens qui croyoient que Guillaume
Henry de Nassau Prince d'Orange avoit fait empoisonner
Mr. de Louvois parce qu'etant le plus habile des Ministres
de France, sa perte eut êté tres prejudiciable aux affaires
de ce Royaume dont il avoit la principale conduite et
par consequent tres avantageuse a celle de ce Prince, le plus
cruel ennemy du Roy.
2. Mr. le Peletier auroit eu grand tort de se precautionner
contre
[172]
contre les attentas de ce Prince d'Orange, car son incapacité
le mettoit a couvert des mauvais desseins que ce Prince auroit
pû avoir contre le ministre de France, dont il etoit un membre
tres inutile.
[173]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Quand Iris prend plaisir a boire.
Sur Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange
Couronné Roy d'Angleterre et commandant
l'Armée des Confederez contre la France l'an
1691. dans les pais bas ne fit autre exploit cette
Campagne que de prendre une petite ville toute
ouverte nommée Beaumont, dans laquelle
il y avoit quelques fantassins.
Ah! qu'il est digne de louange
Ce genereux Prince d'Orange.
D'avoir fait grace au grand Bourbon1,
Prest d'envahir son riche et vaste empire2,
Il se contente de Beaumont,
Fait tirer deux coups de Canon3,
Voit Luxembourg4.
Voit
1. Louis XIV. Roy de France.
2. La France que le Prince d'Orange a ce que disoient les
Confederez, devoit envahir.
3. Le Prince d'Orange aprés la prise de Beaumont fit tirer
deux coups de Canon, comme pour déffier au Combat l'Armée
du Roy qui n'etoit qu'a 2. lieues de luy.
4. Henry de Montmorency-Luxembourg Duc de Piney Pair
et Maāl de France, Chtr des Ordres du Roy, Capite. des
Gardes du Corps de Sa Mté. Gouverneur de Normandie, gnal
de l'Armée du Roy dans les pais bas.
[174]
Voit Luxembourg,
Et se retire5.
5. Le Prince d'Orange se retira après ce bel exploit, et le
Duc de Luxembourg ne le pût joindre depuis que sur la fin
de la Campagne qu'il batit le 19. Septembre auprès de
Leuse l'arrieregarde de ce Prince aprés 14. Escadrons bien
qu'elle fut de ........... encore, le Prince d'Orange n'y êtoit plus
et avoit laissé le Commandement de son armée au Prince de
Waldeck et êtoit retourné en Hollande pour de la repasser
en Angleterre, où il alla peu après.
[175]
Epitre 1691.
Ecrite de Paris a Louis-Joseph Duc de
Vendosme, Pair de France, Chtr des Ordres
du Roy &ca. sur une maladie qu'il eut
en Flandres l'an 1691. pendant qu'il servoit
de Lieutenant general dans l'Armée qu'y
commandoit Henry de Montmorency-
-Luxembourg Duc de Piney, Pair et Maāl
de France.
Prince qui faites les délices
Et de l'Armée et de la Cour1,
Du vieux soldat et de Milices2,
Et de toute la gent qu'assemble le Tambour,
Le bruit de vôtre maladie
A fait trembler pour votre vie;
Il n'est pelerinage où nous n'ayons songé
Et si personne n'a bougé,
C'est que le Monarque3 luy mesme
Rasseura
1. Il est certain que tout le monde aimoit le Duc de Vendôme,
Car il etoit bon, doux, accort, commode &ca. avec beaucoup
d'Esprit.
2. Le Roy Louis XIV, outre ses vieilles et nouvelles trouppes
avoit encore a sa solde plusieurs Regimens de Milice qu'il
avoit fait lever par les Generalitez du Royaume.
3. Le Roy dit en meme temps la maladie et la guerison du
Duc de Vendosme.
[176]
Rasseura d'abort les esprits,
Et ce qu'il dit vint à Paris4,
Avec une vitesse extrême,
Sans cela tout êtoit perdu,
Le Poëte avoit l'air d'un rendu,
Comment d'un rendu d'un hermite,
D'un Santoron6, d'un Santena7,
D'un deterré, bref d'un qui n'a
Veu de longtems plat n'y Marmite
Il sembloit a me voir que je fusse aux abois
Fieubet auprés de Grosbois8,
Tient contenance moins contrite,
Non qu'il se soit du tout privé
Des commoditez de la vie,
Mesme on dit qu'il s'est réservé
Sa
4. Le Roy demeuroit a Versailles
5. Cette Epitre a êté faite par Jean de la Fontaine Poëte de l'Academie
Françoise, ainsi c'est de lui même qu'il parle.
6. C'est une plaisanterie triviale du peuple de Paris qui pour dire un
devot, un Beat, un St. dit un Santoron par corruption du mot de
Sanetorum.
7. Le Comte de Santena Piedmontois qui s'etoit attaché au
service de la France où il avoit un Régiment d'Infanterie, leql.
devint tout d'un coup devot apres avoir passé sa vie jusqu'a
lors avec tout ce qu'il y avoit de debauchez a la Cour se retira
a l'Institution des P.P. de l'Oratoire de Paris et enfin se
fit cette année 1691. moine a l'Abbaye de Ne. De. de la Maison
Dieu de la Trape de l'Etroite observance de Citeaux, il est
parlé de cette Abbaye et de son abbé en plusieurs pieces de
ce Recueil.
8. ............... Gaspard Fieubert Coner. d'Etat ordre. cy devant Chancelierr,
de la
[177]
Sa Cuisine et son Ecurie9,
Des gens pour le servir, le necessaire enfin
Un peu d'agreable et lui fin,
Cet exemple est fort bon a suivre
J'en scay un meilleur, c'est de vivre,
Car est ce vivre a vôtre avis
Que de fuir toutes Compagnies
Plaisans repas, menus devis,
Bon vin, Chansonnettes jolies,
En un mot n'avoir goût a rien,
Dites que non, vous direz bien;
Je veux de plus qu'on se comporte
Sans faire mal a son prochain
Qu'on me quitte aussi tout mauvais train10,
Je l'entends que de la sorte,
Tant que vôtre Altesse, Seigneur,
Et celle encore du grand Prieur11,
Aurez une santé parfaite.
Je
de la Reine Marie-Thereze d'Autriche, s'etoit aussi retiré
par devotion chez les Religieux Camodules de Grosbois a 5. lieues
de Paris la même année 1691.
9. Sa retaite êtoit grande, mais elle etoit douce, car il y avoit fait
bastir une Maison commode et avoit des gens pour le servir son
Carosse et effectivement tout ce que l'auteur marque icy et outre
cela une autre Maison tres jolie a 2. lieues de la nommée
Willeflix.
10. Des garces.
11. Philippes de Vendosme Grand Prieur de France frere du
Duc de Vendosme.
[178]
Je renonce a toute retraite;
Mais dès qu'il vous arrivera
Le moindre mal, on me verra
Viste a saint Germain de la Truite12,
Frere servant d'un autre hermite
Qui sera l'Abbé de Chaulieu13,
Sur ce je vous command' a Dieu.
12. C'est une Abbaye.
13. C'etoit l'Abbé de cette abbaye homme de plaisir attaché
au Duc de Vendosme dont il faisoit même les affaires.
[179]
Chanson 1691.
Sur l'Air; de Mais. [X]
Faite dans l'Armée Françoise qui servoit
en Flandres l'an 1691. sur quelques Officiers
de cette même armée dont les noms et les
qualitez sont et dans la Chanson et dans
les Commentaires.
D'Aunay1, Tury2, Albergoti3, du Maine4,
Ont attiré des Mortels la haine;
Mais
Si vervins5 vient sur la scene,
Je n'en parleray jamais.
1. Le Chtr d'Aunay 1er. Escuier de M. le Duc du Maine, et tres
grand fat.
2. .................... de Harcourt Marquis de Tury Colonel Lieutenant
du Regiment d'Infanterie du Maine; il etoit mechant, puant et
poliron. Il etoit d'ailleurs si meprisé que Henry de Lorraine
Prince d'Elbeuf le frappa un jour par le visage d'une Epaule
de Moutton. Tury n'en tira aucune raison et se contenta de la
punition qu'en fit le Roy qui mit le Prince d'Elbeuf à la
Bastille, depuis ce tems là pour distinguer Tury de son pere, un
l'apella Tury l'Epaule.
3. ........ Albergoti Florentin, Brigadier d'Infanterie Lieutent.
Colonel du Regiment Royal Italien, espion et raporteur, ce qui
le faisoit sur de tout le monde.
4. Louis-Auguste de Bourbon Prince legitimé de France, Duc
du Maine, Prince Souverain de Dombes, Colonel gnal des suisses
general des Galeres, Mareschal des Camps et armée du Roy,
Colonel d'un Regiment d'Infanterie et d'un Regiment de Cavalerie,
Gouverneur
[180]
Gouverneur de Languedoc. Il commandoit la Cavalerie dans
cette Armée dont le Maāl Duc de Luxembourg etoit General
et faisoit enrager les troupes par sa vivacité et son incapacité.
5. ................. de Comenges Marquis de Vervins, Capitaine de Cavalerie
Grand Polton.
[181]
Chanson [X] 1691.
Sur l'Air .............................
Sur Nicolas de Catinat Lieutenant gnal
des Armées du Roy et de la Province de
Luxembourg {Gouverneur de la ville de Luxembourg}, et general de l'Armée de France
en Piemont, lequel ne pût rien entreprendre
contre celle des Confederez pendant la
Campagne de l'Année 1691. jusqu'au siege
de Montmeliant en Savoye qu'il prit le.....
Decembre.
Scavez vous ce que fait Pierrot1, oh, oh,
De sa formidable armée2,
Il lui met la teste en haut3, oh, oh,
Et les pieds dans la vallée,
Puis il prend de Tabac cinq ou six pincées5,
Que
1. Les Soldats de l'Armée appelloient le Sr. de Catinat Pierrot
parce qu'il avoit eté longtemps dans le Regiment des Gardes
que les Soldats des autres Regiments appellent par raillerie
des Pierrots.
2. L'Armée de Piedmont etoit assez nombreuse sur la fin de la
Campagne que cette Chanson fut faite.
3./4.} Comme le Sr. de Cotinat étoit obligé de garder des hauteurs et des
vallées pour empescher celle des alliez de passer les alpes et de garder
un grand terrain. Ses trouppes étoient disposées sur des
hauts et dans des fonds.
5. Il prenoit volontiers du Tabac.
[182]
Que lui donne Clerembault6
Oh, oh, oh, oh,
Voila ce que fait Pierrot.
6. .......... de Clerembaut Brigadier et Colonel d'un Regiment
d'Infanterie que le Sr. de Catinat aimoit, quoiqu'il ne fut gerre
aimable de Corps, d'Humour, ny d'Esprit.
[183]
Parodie 1691.
D'une Chanson qui commence par ces mots;
Le Soucy jaunissant la passe Violette.
Sur l'Air: Ah petite Brunette &ca.
Sur Marie Elizabeth du Bec Crespin de
Wardes, femme de Louis de Rohan-Chabot
Duc de Rohan Pair de France, laquelle avoit
un bouquet de soucys et de Violettes êtant
en Bretagne aux Estats de l'an 1691.
Le soucy jaunissant,
La paste violette,
Sont les fleurs dont la Rohan
Pare sa triste squelette1,
Ah trop maigre Brunette2,
Ah tu mais fais vomir3.
1. Elle etoit extraordinairement maigre.
2. Elle etoit brune.
3. Elle êtoit mal propre et degoutante.
[185]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Il a battu son petit frere.
Sur ..................... Comte d'Estrées Viceamiral
de France.
Nota. Que cette Chanson a êté faite par Annibal-Jules
de Sennecterre Chtr de la Ferté lequel servant de volontre.
sur le bord du Comte d'Estrée l'an 1691. deroba des assiettes
d'argent de ce general et en fit accuser un soldat qui pensa
être pendû; mais la fripponerie ayant êté découverte
et le Roy Louis XIV. en ayant êté informé, sa Mté.
fit mettre le Chtr de la Ferté prisonnier au Chateau
de Nantes où il fut plusieurs années.
Je n'aime pas sa taille droite,
Ny les Cheveux blonds de sa teste,
Ny sa Guitare, ny son Luth,
Ny sa Musique tres parfaite,
Car moy qui vas toujours au but,
Je n'estime que ses assiettes.
[187]
Stances Irregulieres 1691.
Et Chrestiennes adressées a Gaspard de
Fieubet Coner. d'Estat ordre. et cy devant Chaner.
et Garde des Sceaux de la feue Reine
Marie-Thereze d'Autriche; sur ce qu'il se
retira l'an 1691. chez les Religieux Cama=
dules prés Grosbois à 4. lieues de Paris
pour y finir ses jours des exercices
de piété y esviter les amorces du monde
et s'y preparer a la mort.
Tu fuis la Cour; le monde et par cette conduitte,
Tu fais voir, Fieubet, que tu veux te sauver,
Sans une si prudente fuite,
Souvent l'on cherche Dieu sans pouvoir le trouver;
Un pecheur que la grace et presse et sollicite,
Entre le monde et Dieu, s'il partage ses voeux,
S'il demeure incertain, il se trouble il s'agite
Il est toujours coupable et toujours malheureux;
Quant on te voit content, quand on te voit tranquille,
Tu dois, dit on, trembler pour l'avenir
Tel qu'on croit apuyé sur un rozeau fragile,
Croit que la main de Dieu ne peut le soutenir.
[188]
J'entends quelquefois dire, helas que peut il faire,
Dans ce desert sauvage, en un si triste lieu,
Mondains qui le plaignés il plaint votre misere
Le Neant vous occupe, il ne pense qu'a Dieu;
Il a compris le sens de ce Divin langage,
Qui de tous les Chrestiens fait deux peuples divers,
Dont l'un suit le chemin, où son erreur lengage
Et l'autre fait le monde, et le siecle pervers.
Il a craint les grandeurs la gloire, les richesses,
Il a craint des plaisirs les dangereux appas,
Et n'a pas crû pouvoir, connoissant ses faiblesses
User de tous ces biens, comme n'en usant pas.
Peut être son propre naufrage,
Dans son cœur penitent a produit cet effot,
Lassé d'etre battu des vents et de l'orage,
Pour se meure a couvert, il a cherché le port.
Mais je combats en vain, ces juges temeraires
Qui blasment sans raison ce qu'on doit admirer,
Qui des coups de la grace ignorant les misteres
Dans leurs raisonnemens ne font que s'égarer.
[189]
Comment les detromper de leur erreur extreme,
Puisque contre Dieu même ils oze disputer,
Je ne pense donc plus qu'a m'instruire moi même,
Pour te suivre de loing, ne pouvant t'imiter.
Ton exemple souvent combattra ma paresse,
Eschauffera mon zele animera ma foy,
Et pour me soutenir et vaincre ma foiblesse,
J'auray devant les yeux, ce que Dieu fait pour toi.
Je te mediterai, je ferai mon estude,
Des bontez du Seigneur de ta fidelité,
Un Saint mepris du monde, et de sa vanité.
Heureux qui comme toy, par un grand sacrifice,
S'eloigne pour toujours du tumulte et du bruit,
Qui n'ecoute que Dieu, ne craint que sa justice,
Et de sa sainte Loy, s'occupe jour et nuit.
Les Stances n'ont pas besoin de Commentaire.
[191]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Il fait tout ce qu'il defend.
Sur l'Opera d'Astrée representé a Paris l'an
1691. dont les vers furent faits par Jean de
la Fontaine Poete de l'Accademie Françoise,
et la Musique par ......... Colasse Me. de la
Musique de la Chapelle du Roy Louis XIV.
Ah que j'aime la Fontaine
D'avoir fait un Opera,
Je vas voir finir ma peine,
Aussitôt qu'on le jouera
Par l'avis d'un fin Critique
Je vas me mettre en Boutique
Pour y vendre des sifflets1,
Je serai riche a jamais.
Reprens Boccace ou d'Ouville,
La
1. Il s'etoit depuis quelques années introduit a Paris un usage
tres cruel pour les mediocres et les mauvais auteurs et même
pour les bons, c'est qu'alors qu'un ouvrage de spectacle,
comme Tragedie, Comedie, Opera &ca. ne plaisoit pas, un
nombre infiny de ceux qui etoient dans le Parterre le
siffloient publiquement et quand bien même il eut êté bon
on ne laissoit pas de sifflet aux endroits foibles. C'etoit
une chose tres plaisante que d'entendre la quantité de
sifflets
[192]
La Fontaine2, c'est ton fait,
Crois tu qu'il soit si facile,
D'estre modeste et discret3,
Si ta Muse ne badine,
On verra la libertine,
Plus sotte qu'une putain
Qui fait la femme de bien.
Pour régaler la Fontaine,
Apprestons tous nos sifflets,
Celadon4 est sur la scene,
Qui n'y paroîtra jamais,
Il
sifflets qu'il y avoit de toute espece, et comme par les répétitions
de l'Opera d'Astrée en avoit preveu qu'il ne reussiroit pas
l'autheur de cette Chanson dit ironiquement qu'il veut lever une
boutique de Sifflets pour en vendre a ceux qui en auront besoin
pour siffler cet Opera persuadé que le nombre en sera grand.
2. La Fontaine s'etoit mis en reputation par des fables et des
Contes tirez de Bocace qu'il avoit excellement mis en vers.
Quand a Douville Normand, lequel a fait imprimer des
Contes, l'Auteur se trompe, la Fontaine n'en a point donnés
au public qui ayent êté tirez de là.
3. C'est que les Contes de la Fontaine sont fort libres.
4. Celadon est le heros de l'Opera, comme du Roman,
d'Astrée.
[193]
Il fatigue tout le monde,
Aussi l'Auteur de Joconde5,
Peut il donner de bons tours,
A d'Innocentes amours6.
Taisez vous maudit parterre7,
Le malheureux Celadon,
Vous craint plus que le Tonnerre
Et même que le Lignon8,
Il vient de sortir de l'Onde9.
Peut il plaire a tout le monde,
Pourquoi s'écrier d'abord
Qu'il a fait naufrage au port.
On peut bien juger sans peine,
Lorsque l'on voit Celadon.
Qu'il
1. Joconde est le 1er. des Contes qu'ait fait la Fontaine, et le 1er.
de ceux qui sont imprimez dans son Recueil.
6. Ceux qu'ont leu le Roman d'Astrée fait par Honoré d'Urfé,
d'où l'Opera a êté tiré doivent convenir qu'il n'y a rien de plus
pur que la maniere dont l'amour y est traité.
7. Ce cy s'adresse au Parterre d'où l'on siffloit cruellement ces
Opera.
8. Honoré d'Urfé a mis la scene de son Roman d'Astrée
en forez sur le bord de la Rivière de Lignon, et Celadon
s'y jetta de desespoir d'etre mal avec la Bergere Astrée
qu'il aimoit.
9. Dans l'Opera d'Astrée Celadon paroît chez la Nimphe
Galathée sortant de la Riviere du Lignon où s'etoit precipité
et d'où on l'avoit retiré mourant.
[194]
Qu'il nous vient de la Fontaine;
Mais ce n'est pas d'Helicon10,
C'est de l'Egoût du Parnasse,
Et l'on a choisi Colasse
Afin qu'il y fit des airs
Aussi mechans que les vers.
1. Fontaine qui êtoit sur le Parnasse.
[195]
Parodie 1691.
D'un air detaché de la IV. Scene du IIe. Acte
de l'Opera d'Astrée; sur le Sr. Colasse Me.
de Musique de la Chapelle du Roy Louis
XIV. Compositeur des Airs des Opera depuis
la mort de Jean Baptiste Lully.
Laissez là Colasse
Et son Opera1,
Aprés lui tel qui viendra,
Met Francine a la bezace;
Laissez là Colasse;
Mais en vain l'on cherchera
Un Lully3 pour cette place;
+ Laissez là Colasse +{Jamois on n'en trouvera}
Et son Opera.
1. C'est qu'on etoit fort dechaîné contre l'Opera d'Astrée mise
en musique par Colasse.
2. Le Sr. Francine Me. d'Hostel du Roy Gendre de Lully,
avoit eu le privilege des Opera aprés la mort de son beaupere, il se
savoit de Colasse pour les mettre en chant et quoiqu'il ny reussit
pas trop bien l'auteur de cette Chanson etoit persuadé que les autres
Musiciens de Paris a portée d'en faire, n'y reussiroient pas mieux.
3. Jean Baptiste Lully Coner. Secretaire du Roy, maison Couronne
de France et de ses Finances, sur intendant de la Musique du
Roy, et le plus grand Musicien de son siecle.
[197]
Sonnet 1691.
En bouts rimez sur l'Opera d'Astrée re=
=presenté a Paris l'an 1691. dont les vers
etoient faits par Jean de la Fontaine de
l'Academie Françoise, Et la Musique
par ......... Colasse Maître de Musique
de la Chapelle du Roy.
Racan4 chante les bois, la fougere et l'herbage.
Saint Amant2 a Faret3 scait vanter un... jambon,
Tel juge bien des vers, tel autre d'un ... potage,
L'esprit hors de sa Sphere a bientost fait.... fauxbon.
Colasse dont Paris deteste le .... Ramage4,
Ce ridicule objet d'un crotesque.... chardon5,
Comptoit les Opera parmi son ..... heritage6;
Mais
1. Honorat de Beuil Marquis de Racan qui a composé plusieurs
ouvrages en vers fort galans et entr'autres une Pastorale
apellée les Bergeries.
2. Poete fameux par ses vers où regnoit un esprit de debauche.
3. C'estoit l'intime amy et le Compagnon de debauche de St.
Amant a qui celui cy a adressé une partie de ses ouvrages et
qui a pris soin de les faire imprimer apres la mort de l'Auteur.
4. C'est a dire la Musique.
5. C'est a dire d'une asne qui mange des Chardons.
6. Voyez l'article 2e. de la Parodie precedente.
[198]
Mais Celadon7 s'embarque et n'a pas le vent... bon8,
Malgré ses partisans9 et leur longue.... rapiere10.
Malgré le fier Pecour11 et la garde.... portiere12,
On entend retenir l'equitable.... sifflet.
Pour l'auteur14 on l'envoye a sa pinte, a sa pipe15,
La Musique et les vers aux vendeuses de ... tripes,
Et l'un et l'autre enfin ont un vilain... soufflet.
7. L'Opera d'Astrée dont Celadon est le Heros, et qui ne reussit
pas.
8. C'est a dire que cet Opera eut un mauvais succés.
9. Cet Opera avoit neantmoins beaucoup de partisans amis de
la Fontaine et de Colasse.
10. Ces partisans etoient gens d'Epée, comme le Comte de Fiesque
&ca.
11. Danseurs fameux de l'Opera, et qui en faisoit les
Ballets.
12. Il y avoit a l'Opera une garde du Regiment des Gardes
Françoises pour y empescher le desordre.
13. Voyez l'Article marqué 1. dans la Chanson precedente.
14. Jean de la Fontaine de l'Academie Françoise.
15. Il aimoit la debauche.
[199]
Chanson 1691.
Sur l'Air de Mais.
Dans laquelle l'auteur fait parler ..............
d'Alongny veuve de .............. de Brichanteau.
Marquis de Nangis, laquelle disoit on, aimoit
Louis-François le Tellier Mqs de Barbezieux
Secretaire d'Estat, Chancelier des Ordres du
Roy Louis XIV. &ca. son Cousin.
Si Barbezieux a sceu l'art de me plaire,
M'en dois-je, helas, faire une grande affaire,
Si
Maman1, baisoit bien le pere2,
J'ay droit de baiser le fils.
1. Madeleine de Laval de Boisdauphin, veuve de .........
d'Alongny Marquis de Rochefort Mareschal de France
et cy devant Dame d'Atour de feue Marie-Anne-Christine-
-Victoire de Baviere Dauphine de France.
2. François-Michel le Tellier Marquis de Louvois Ministre
et Secretaire d'Estat, Chancelier des Ordres du Roy Louis
XIV. Surintendant des Bastimens, Arts et Manufactures,
Postes et Chevaux de Relais de France.
Nota; Qu'il a fallu mettre cette Chanson au rang de
celles de l'année 1691. parce qu'elle paroist etre faite depuis
la mort de Mr. de Louvois qui arriva le 16. Juillet de cette
année, cependant je la crois plus ancienne. Car je n'ay point
ouy dire que M. de Barbezieux ait eu depuis la mort de
son pere d'autre passion que celle qu'il a eue pour ....... de
Crussot fille du Duc d'Uzés qu'il epousa le 12e. Novembre
de la meme année d'ailleurs il est certain que la Marquise
[200]
de Nangis avoit alors un violent attachement puisque
s'etant trouvée grosse du fait de ............ de la Rochefoucault
Marquis de Blanzac, elle accoucha au mois d'Aoust 1692.
et l'epousa immediatement apres, ce qui fit un scandale
terrible a la Cour, cequi est de certain, c'est qu'elle a eu
beaucoup d'amans de toute espece, qu'elle les a tous bien
traitez, et que soit dans l'année 1691. ou dans une autre,
Mr. de Barbezieux peut fort bien avoir eu son tour. Il n'importe
du tems pour le fait, il est tres vray semblable.
[201]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Quand le peril est agreable.
Sur .............. de Mauroy Prestre Missionnaire
de la Congregation de St. Lazare de Paris, et
Curé de l'Hospital des Invalides, lequel fit
banqueroute sur la fin de l'Année 1691. et
se retira hors du Royaume.
Il n'est point de vertu solide,
Jusqu'aux devots manquent de foy,
Temoin le Tartuffe Mauroy,
Curé des Invalides.
Il emporte de grandes sommes1,
Et l'on peut dire en peu de mots,
Que quoique les gens soient devots,
Ils n'en sont pas moins hommes.
Marchands
1. ............. de Mauroy fut toujours un grand fripon, au sortir
du College, Il fut cadet dans les Gardes du Corps du Roy dont
sa Majesté le chassa a cause qu'il etoit un Bardache public,
et ses debauches continuant ses parents le firent enfermer a
Saint Lazare où les P.P. Missionnaires l'ayant converty le
firent prendre parly parmy eux. Il se fit Prestre et eut quelq.
tans aprés la Cure des Invalides; apparemment il fut homme
de bien dans les Commencemens; mais sa vocation ayant
changé, il se servit du voile de l'hipocrisie pour couvrir ses
debauches et ses friponneries, non seulement il donnoit aux
femmes
[202]
Marchands2, vous etiez bien les dupes,
Du Missionnaire {P} Gaillard,
D'avoir presté tant de brocard,
Dont il levoit les jupes3.
Ô vous diseurs de Patenôtres,
Avec toutes vos Oraisons,
Vous êtes aux tentations,
Plus sujets que nous autres.
femmes qu'il aimoit l'argent que Mr. de Louvois Ministre
et Secretaire d'Etat lui donnoit de la part du Roy pour faire
des aumônes; mais a titre de Devot, et de Directeur, il empruntoit
des Pierreries, des Etoffes et meme de l'Argent des Marchands
et autres particuliers dont il entrenoit ses Maitresses. Cela
fut longtems caché; mais ayant fini le tems qu'il devoit
etre Curé des Invalides et Mr. de Louvois êtant mort le 16.
Juillet 1691. ses ressources lui manquerent, outre que ses
Confreres les Missionnaires et ses proches parens commencerent
a s'apercevoir de ses Deportement, cela l'obligea a s'enfuir, et il
se trouva qu'il avoit excroqué plus de 40 000. Ecus. sa Cassette
ayant eté prise, on la trouva pleine de Billets de femmes, de
portraits et autres marques de leur tendresse, aussi êtoit il jeune,
beau et bienfait, il les alloit voir comme Directeur le jour et la nuit
deguisé en Cavalier avec une perruque. Il etoit aimé des
femmes de tout etage dont les principales êtoient la Comtesse
du Roure, Mlle. de la Force sa Tante, Made. le Boindre dont
l'histoire est dans la Chanson suivante et plusieurs autres.
Il entretenoit jusques a des femmes de Chambre.
2. Cette apostrophe est aux Marchands chez qui il a pris des Etoffes
sans les payer, et qui le croyant un saint lui auroient confié tout
ce qui etoit dans leurs Boutiques.
3. Cela est aisé a entendre.
[203]
Chanson 1691.
Sur l'Air des Ennuyeurs.
A ....................... le Boindre Sr. du Groschenet. Coner.
au Parlement de Paris qui avoit épousé .................
Doujat dont l'intrigue suivante aprés la Chan=
=son fut publique aprés la Banqueroute de
................... de Mauroy Prestre Missionnaire
de la Congregation de St. Lazare et Curé des
Invalides de Paris, dont il est parlé dans la
Chanson precedente.
Serois tu bien seul, Groschenet,
Ignorant du bruit de la ville1,
On dit que dessous ton bonnet
Ton epouse a mis chose utile2,
Si fiant a la bonne foy,
De Rubantel et de Mauroy,
Demande
1. Toute la ville scavoit l'histoire de Made. du Groschenet avec
M. de Mauroy hors mis son mary cela n'est pas surprent.
2. C'est a dire des Cornes sur sa teste.
3. Le Sr. de Rubantel Lieutenant Colonel du Regiment des
Gardes et Lieutenant gnal des Armées du Roy, etoit amoureux
de cette ......... Doujat avant son mariage et vouloit meme
l'épouser. Il avoit lieu de se louer d'elle dans les commencemens
de sa passion, mais ayant trouvé du changement dans sa
conduitte sans en pouvoir penetrer la cause, il gagna la fille
ou femme de Chambre de Madlle. Doujat qui lui donna la
Cassette
[204]
Demande lui lequel deux
Fit venir ton Dauphin si viste4,
Lequel fut le plus amoureux
Du Cavalier5 ou du Casuiste6?
Par son aveu l'on aprendra
De qui ce pauvre enfant viendra.
Si le plus cheri fut Mauroy,
L'enfant deviendra Missionnaire,
Si Rubantel au lieu de toy,
En est le veritable pere,
Loin d'etre foible Magistrat7
L'enfant sera brave soldat8.
Cassette de sa maitresse M. de Rubantel fut bien surpris de la
trouver pleine de Lettres amoureuses de Mr. de Mauroy; Il fut trou=
=ver celuy cy aux Invalides lui montra ses Lettres, et l'obligea pour
les ravoir a recompenser la femme de Chambre qui les avoit
derobées; Mlle. Doujat epousa peu aprés M. du Groschenet, et
M. de Mauroy que le public regarda toujours comme un St.
jusqu'a sa fuite, aida a faire trouver l'argent necessaire pour
ce mariage.
Nota que Made. Doujat persuadée de la grande piété de M.
Mauroy l'enfermoit avec sa fille dans la croyance qu'il lui
parloit de Dieu.
4. Elle accoucha peu aprés son mariage sans que personne voulut
que l'enfant fut fils de son mary.
5. Rubantel.
6. Mauroy.
7. Mr. le Boindre Sr. du Groschenet etoit un Magistrat fort
ignorant.
8. Rubantel etoit un brave homme.
[205]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Vous mentendez bien.
Sur le Pere Jean-Baptiste Bouhours jesuite.
Le bon Jesuitte Bouhours,
A dit on pris tout au rebours1,
Infidele aux Novices2,
Eh bien;
Il a fait a Clarice3.
Vous m'entendez bien.
Mais de son crime, il est puny,
Car son plaisir a mal finy4,
Clarice trop feconde
Eh bien,
A bientost mis au monde5,
Vous m'entendez bien.
Pere
1. C'est que les Jesuittes passent pour Sodomites, sur ce pied là le P.
Bouhours a pris les choses au rebours en attaquant cette fille, le C....
etant le rebours du Cul.
2. C'est a dire les novices Jesuittes.
3. C'est la fille en question a qui l'auteur de la Chanson donne le nom
de Clarice; il me semble que quelques gens m'ont dit qu'elle s'apelloit
Madlle. de Bercy.
4. Lisez le Nota qui est cy aprés.
5. Un Enfant.
[206]
Pere, l'on dit en mon quartier,
Que chacun fasse son metier,
Laissez nous donc le nostre6,
Eh bien,
Et reprenez le vôtre7,
Vous m'entendez bien.
6. Qu'est de f..... en con.
7. Qu'est de f..... en cul.
Nota. Que cette Chanson a êté faite au sujet d'une histoire que
voicy.
Le Sr. de Vauban 1er. Ingenieur du Roy, Commissaire general
des fortifications de France, Gouverneur de la Citadelle de l'Isle en
Flandres, et Lieutenant gnal des Armées de sa Mté. avoit une Niece qu'il
vouloit faire Religieuse, la mit dans un Couvent de Paris et donna le soin
de sa conduite au P. Boujours son amy particulier; la fille êtoit jeune
et jolie, et plût a ce Jesuitte qui en devint amoureux. Comme le Couvent
dans lequel elle êtoit pratiquoit une regle trop severe; il l'a transfera
dans un autre plus [---] du consentement de Mr. de Nauban sous pretexte
que sa vocation lui viendroit plus aisement, là non seulement il entre=
=tenoit cette fille avec plus liberté; mais il avoit celle de la faire
sortir de l'interieur du Couvent et d'être enfermé avec elle dans une
Chambre exterieur, le tout sous pretexte de Direction. le Pere ne fut
pas le seul a qui cette fille plût. Un Chirurgien du quartier en devint
aussi amoureux, et avança si bien ses affaires qu'elle lui sacrifia une
Cassette qui contenoit une grande quantité de Lettres amoureuses que lui
avoit escrit le Rd. Pere, le Chirurgien ne pût cacher sa bonne fortune
il en fit part a un Procureur au Chastelet son amy et lui fit voir
sa maîtresse, celuy cy endevint amoureux, a son tour, et suplanta
le Chirurgien; mais sur ces contrefaites la fille se trouva grosse;
le Chirurgien et le Procureur en accuserent le Pere Bouhours, et
pour le prouver produisirent les Lettres du Jesuitte. Ce bon Pere
n'eut rien a alleguer la contre. Il chercha au contraire a assoupir
l'affaire par un accommodement. Le Curé de St. Benoît en fut le
mediateur, et les parties convinrent que le Pere donneroit 2000
Ecus a la fille et que les 2 autres luy rendroient ses Lettres, cela
s'executa
[207]
s'excuta tres religieusement a l'esgard du Jesuitte; mais
les autres garderent dit on quelques Lettres dont ils firent
part à leurs amis, ce qu'a découvert cette histoire, au suplus
il est difficile décider auquel des trois appartenoit l'enfant
dont la fille etoit grosse. Il est neantmoins vraisemblable
que le Chirurgien ou le Procureur en etoit le Pere puisqu'ils
etoient venus les derniers. Les Jesuittes prirent grand soin
d'etouffer le bruit de cette aventure; mais ils n'en purent venir
a bout quoiqu'ils le massent fortement.
[209]
Chanson 1691.
Sur l'Air de flon, flon.
Sur l'Amour que Charles de Lorraine Comte
de Marsan faisoit paroistre pour Louise-
-Françoise de Bourbon Princesse legitimée
de France, femme de Louis de Bourbon
Duc d'Enguien, Prince du sang.
Nota que cette Chanson est relative a 2. autres qui sont
cy devant; dont elle est une espece de Parodie, etant sur les
mesmes rimes que la 1re. et sur le meme air que toutes
les deux.
Condé1 n'est plus tranquille
Depuis qu'un singe nud2,
A fait voir a sa fille3,
Le revers de son cu.
1. Henry-Jules de Bourbon, Prince de Condé pere de Louis
de Bourbon Duc d'Anguien, lequel etoit inquiet de l'amour
du Comte de Marsan pour sa belle fille.
2. C'est le Comte de Marsan qui etoit fort petit.
3. L'auteur veut dire sa belle fille.
4. Le V....... et le C....... .
[211]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Il a battu son petit frere.
A Henry-Jules de Bourbon Prince de Condé
et du Sang, Pair de France, Chtr des Ordres
du Roy, Grand Me. de France, Gouverneur
de Bourgogne.
Condé je ne m'en scaurois taire,
Tu declars putain la mere1.
Pour
1. Cela n'est pas tout a fait comme cela, mais sa mere apellée
Claire-Clemence de Maillé de Brezé Princess de Condé,
femme d'un esprit fort extraordinaire faisoit l'amour chez
elle avec un de ses Pages nommé Rabutin et un de ses laquais.
ils se batirent l'un et l'autre l'an 16... dans son antichambre
et cet éclat decouvrit cet infame commerce de la Princesse de Condé.
Louis de Bourbon Prince de Condé là fit enfermer dans le
Chateau de Chateauroux en Berry; ainsy ce ne fut pas son
fils lors Duc d'Anguyen qui la fit enfermer; mais loin de s'y
opposer il y consentit et n'eut pas tort le page se sauva en alle=
=magne où il a fait une fortune considerable a la Cour de l'Empr.
Le Valet de pied fut mis tres mal a propos a Moulins entre les
mains de la justice qui le condamna aux Galeres comme ayant
manqué des respect a la Maison Royalle pour avoir tiré l'espée
dans l'antichambre de la Princesse, car on n'aprofondit pas
le sujet de la querelle et pour l'avoir blessée, car elle la fut
en voulant separer ses amans. Le Valet de pied mourut avant
que d'etre arrivé aux Galeres soubçonné d'avoir êté empoisonné
de peur qu'il ne parlât; ce qui est de certain c'est quayant
eté blessée on repandit aussitost dans la Maison qu'un valet
de pied l'avoit voulu assassiner et l'avoit blessée de la Maison
ce bruit se repandit dans la rue, et par Paris, en sorte qu'un
moment
[212]
Pour avoir son dernier Escu2,
On t'a veu jaloux de ton pere3;
Tu declares ton fils cocu,
Que reste il encore a faire.
moment après tout l'hostel de Condé etoit rempli de peuple
qui y venoit croyant voir encore la chose.
2. Le Prince de Condé jouissoit devant depuis la mort
de son pere du bien de sa mere en vertu d'une Donnation
qu'il luy avoit extorquée pendant sa prison et cela êtoit
assez juste.
3. Le Prince de Condé n'etant encore que Duc d'Anguien avoit
êté jaloux du Prince de Condé son pere, et cela le plus injuste=
=ment du monde, car jamais il n'y a eu femme d'une plus
grande vertu que Anne Palatine de Baviere sa femme.
4. Lorsque cette Chanson fut faire le Prince de Condé soub=
=çonnoit Louise Francoise de Bourbon Duchesse d'Enguien
sa belle fille, d'écouter quelques gens, qu'il etoit persuadé qui
luy encontoient et entr'autres, Charles de Lorraine Comte
de Marsan et il en faisoit du bruit.
[213]
Chanson 1691.
Sur l'Air: Eh allons petit chien de fripon.
Sur ............ de la Tour d'Auvergne Chevalier de
Bouillon, faite par lui même.
S'il veut être cocu
Il tiendra de son pere1,
S'il veut etre foutu,
Il tiendra de sa mere2,
Eh allons petit chien de fripon,
Jean de Werth et Mercy;
Sachez qu'il est de Bouillon.
Meslé de Mancini.
1. Godefroy-Maurice de la Tour d'Auvergne Duc de Bouillon,
d'Albret et de Chateautierry, Pair et grand Chambellan de
France, Gouverneur d'Auvergne, cocu docile.
2. Marie-Anne de Mancini Duchesse de Bouillon debauchée
outré.
[215]
Chanson 1691.
Sur l'Air: des Ennuyeurs.
Sur ............... de Levy de Ventadour, femme
de Louis de la Tour d'Auvergne Prince de
Turenne, fils aîné du Duc de Bouillon
Nota. Que cette Chanson fut faite au sujet d'un
soupé que Louise Françoise de Bourbon femme de
Louis Duc de Bourbon Prince du sang donna dans sa
Chambre à Versailles a quelques femmes, au Duc de
Bourbon son mary et a François-Louis de Bourbon Prce.
de Conty où la Princesse de Turenne s'en yvra et fit cent
extravagances.
Bon Dieu que le monde est malin,
Dit la Princesse de Turenne,
Si j'aime l'amour et le Vin,
De quoy se va t'on mettre en peine
Suis-je la seule en ce tems cy1,
Qui parle, boive, baise aussy.
Se peut il qu'on ait oublié
Comme j'en usois êtant fille2;
Paris
1. Il est certain que les femmes de la Cour et de la Ville êtoient
alors fort dereglées.
2. Elle avoit fait parler d'elle dés le tems qu'elle etoit encore
Mademlle. de Ventadour.
[216]
Paris, la Cour, la publié,
J'ay les vertus de ma famille3,
Je ne pers rien changeant de nom,
Qui dit ventadour, dit Bouillon4,
Je ne vois de chaque côté
Que de bons exemples a suivre,
D'Aumont5, ventadour6, la Ferté7
Sont trois femmes qui scavent vivre,
Ma grand mere8, sans fois ny loy
A fait comme elles, et comme moy.
3. On verra plus bas ce que c'etoit que cette famille.
4. L'Auteur compare en cet endroit Charlotte Eleonore de la
Mothe-Houdancour Duchesse de Ventadour mere de la Princesse
de Turenne avec Marie-Anne de Mancini Duchesse de Bouillon
mere du Prince de Turennequi etoient toutes deux fort coquettes;
mais il a tort, car la Duchesse de Bouillon etoit bien plus debauchée
que l'autre qui n'a êté que galante.
5. Françoise-Angelique de la Mothe Houdancourt Duchesse d'Aumont
tante maternelle de la Princesse de Turenne devote de profession
et qui malgré cela a donné de grandes prises a la medisance.
6. Charlotte-Eleonore de la Mothe-Houdancourt Duchesse de
Ventadour mere de la Princesse de Turenne tres galantes.
7. Marie-Gabrielle-Isabelle-Angelique de la Mothe-Houdan=
=court Duchesse de la Ferté tante maternelle de la Princesse
de Turenne et grande Coquette.
8. ................ de la Guiche Duchesse Douairiere de Ventadour
grande mere de la Princesse de Turenne.
[217]
Chanson 1691.
Sur l'Air: de Lampon.
Sur un Sermon presché a Eu devant Madlle.
par l'Abbé Navarre dans lequel il s' etoit
servy de cette expression. Petri de Corps &
d'Esprit.
Petri de Corps & d'Esprit,
Cela ne s'est jamais dit,
Si ce n'est par homme ignare,
Ainsi dit l'Abbé Navarre,
Lampon, Lampon,
Camarade Lampon.
[219]
Janvier
Chanson 1692.
Sur l'Air: Or nous dites Marie.
Faite par Merillac Archidiacre de St. Paul
de Leon ou son Oncle est Evesque.
Que fait a saint Magloire,
Borde le Professeur,
Est il dans l'Oratoire,
Aimé des gens d'honneur;
Tout bas chacun s'en moque;
On n'oseroit tout haut,
Pour celuy qui le choque,
Il y fait un peu chaut.
Que dit-on de sa Classe
Ses Cayers sont ils bon,
Les preuves qu'il entasse,
Sont elles de son fonds;
Cet homme avec peine
Escorche Thomassin,
Et donne la migraine,
Avec son chagrin.
Vient on de loin l'entendre,
[220]
Fait il beaucoup de bruit
A t'il bien peine a fendre
La presse qui le suit.
Chaque Seminariste
Y paroît malgré lui
Et chacun qui assiste
Dort et baille d'Ennuy.
Dites nous des nouvelles
De l'autre Professeur,
on dit qu'il a des belles,
Qu'il est grand Directeur.
Il a pour gentillesse,
La bouche comme un four,
Cependant la Duchesse
Vient lui faire la Cour.
A t'il donc quelques charmes
Du costé de l'Esprit
Qui font rendre les armes,
A ce sexe contrit.
Il cajolle, il babille,
Il fait toujours si bien
Que la femme et la fille
N'osent lui celer rien.
Vôtre
[221]
Vôtre pere Econome,
Est il homme de bien
Et du frere Guillaume
S'accommode t'il bien;
Il a la mine fiere,
Il aime les bons mets
Et sans la bonne chere
Il ne riroit jamais.
De ce benais de frere.
Vous ne nous parlez pas
Est il si necesaire
En fait il tant de cas;
Il l'a fait au manege
Traitant cet animal
Comme un Cuistre au Colege
Monsieur le principal.
Comment va la marmite,
Sous son gouvernement,
Connoît on qu'il imite
Boucher le bon vivant;
On n'a rien veu de pire
Tout le monde s'en plaint
Et pour n'en pas medire,
Il
[222]
Il faudroit être un saint.
......
......
......
......
Il a l'humeur critique,
Et pour le moindre mot,
Il se fasche et se pique,
Et vous traite de sot.
......
......
......
......
Ce pauvre petit pere
Fait beaucoup le fendant,
Son empire est severe
Et celuy d'un pedant.
......
......
......
......
La bouche d'une toise,
Et.
[223]
Et le nez comme un trait,
Et la mine sournoise
Achève son Portrait.
A t'il de la conscience
Vôtre superieur,
A t'il bien la prudence
D'un sage Directeur.
A tout moment il crache
Du nouveau Testament
Qu'il caresse, ou se fasche
Ce n'est qu'embrassement.
Caresse t'il Nicaise,
Comme ........
Parmy tous ceux qu'il baise
.....
Il veut dans sa tendresse,
Bien du discernement,
Et toujours dans la presse
Il cherche un bel enfant.
[225]
Parodie 1692.
D'une vieille Chanson qui commence par
ces mots; Si c'est un crime que l'aimer:
Sur .......... de Senecterre femme de.....
Bullion Marquis de Longchesne; et sur
Jean de Thesut Secretaire des Commandem5.
de Philippes de France Duc d'Orléans &ca.
lequel fut obliger d'enculer cette De. n'ayant
pû bander a l'espect de son C.... qui êtoit
trop grand.
Si c'est un crime qu'enculer
On n'en doit justement blasmer
Que le grand C.... qu'on voit en elle1.
La faute en est aux Dieux
Qui nous l'ont donné telle;
Et non pas a Theseux2.
1. La Marquise de Longchesne.
2. Le public dit Theseux, mais c'est Thesus.
[227]
Chanson 1692.
Sur l'Air de la Fronde.
{Sur la Bataille de Nortingue en 1693}
Comme Caezar aprés Farsale
D'une maniere triomphale;
Nous voyons Luxembourg icy;
Mais nous aprenons de l'Armée
Que sans Vendosme et sans Conty
On l'y verroit comme Pompée.
[229]
Chanson Mars 1692.
Sur l'Air : Quand le peril est agreable.
Sur les Couches de Made. du Roure dont
Mr. de Turenne est amoureux.
L'on dit que tu n'est pas la mere
Des Enfans que fait ton mary,
Pour te venger fais en aussy
Dont il ne soit point pere.
[231]
Chanson 1692.
Sur l'Air : de Joconde.
Sur la Prise de Namur. [X]
Guillaume fait des Actions.
D'une gloire immortelle,
Lorsqu'il nous a veu prendre Mons;
Il a gardé Bruxelles,
Il vient nous voir prendre Namur
Pour deffendre Liege,
Sa presence est un moyen seur.
Pour terminer un siege.
Flamans hollandois vous voyez
Jusqu'où va son courage,
Pour le bien de ses Alliez
Il met tout en usage,
Car voyant Namur aux abois,
Pour contenter Baviere,
N'a t'il pas fait semblant deux fois,
De passer la Riviere.
[232]
Autre
Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.
Que craignez vous donc Flamans
Ayant pour votre deffense,
Nassau dont l'experience,
A fait tant de Campemens,
Il passe les plus habiles,
Car ce Prince a quarante ans,
A veu prendre plus de villes
Que les plus vieux conquerans.
[233]
Autre 1692.
Sur l'Air: Ah qu'il y va ma bergere, Ah
qu'il y va gayement.
Bergere et Berger en allant,
Ah! qu'il y va gayement,
Mener les moutons a Dinant,
Tout le long de la Riviere,
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement.
Se disoient en chemin faisant
Ah qu'il y va gayement,
Guillaume sur sa grande Jument,
Tout le long de la Riviere,
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement
Guillaume sur sa grand Jument
Ah qu'il y va gayement,
Vient avec un grand Armement
Tout le long de la Riviere
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayment.
[234]
Vient avec un grand Armement,
Ah qu'il y va gayement,
Secourir le peuple flamant;
Tout le long de la Riviere,
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement.
Secourir le peuple Flamant
Ah qu'il y va gayement
Devant Namur Louis l'attend;
Tout le long de la Riviere,
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement;
Devant Namur le Roy l'attend
Ah qu'il y va gayement;
Et Luxembourg en fait autant,
Tout le long de la Riviere,
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement.
Luxembourg en fait tout autant,
Ah qu'il y va gayement,
S'il peut chasser Louis le grand
Tout le long de la Riviere,
Qu'il
[235]
Qu'il y va {ma} bergere
Ah qu'il y va gayement.
S'il peut chasser Louis le grand,
Ah qu'il y va gayement,
Je luy donneray un merle blanc,
Tout au long de la Riviere
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement.
S'il peut chasser Louis le grand,
Ah qu'il y va gayement,
Je luy donneray un merle blanc,
Tout le long de la Riviere
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement.
Je lui donnerai un merle blanc
Ah qu'il y va gayement,
Le dessus un homme courant,
Tout le long de la riviere,
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement.
La dessus un homme courant,
Ah qu'il y va gayement,
Leur a dit en les abordant,
Tout le long de la riviere.
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement.
Leur a dit en les abordant.
[236]
Ah qu'il y va gayement,
Namur est pris asseurement,
Tout le long de la riviere
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement.
Namur est pris asseurement
Ah qu'il y va gayement,
Et Guillaume a perdu son tems
Tout le long de la riviere
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement.
Et Guillaume a perdu son tems,
Ah qu'il y va gayement,
Notre Roy revient triomphant;
Tout le long de la riviere,
Qu'il y va ma bergere,
Ah qu'il y va gayement;
Nôtre Roy revient triomphant,
Ah qu'il y va gayement;
Allons, riant, chantant, dansant,
Tout le long de la riviere;
Qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement.
[237]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air: d'une main je tiens mon pot.
Flamans à vôtre secours
Voyez comme je cours, {bis ----}
S'agit il pour vôtre deffense
De depenser des Patagons,
De cela je vous en repons,
Mais d'un Combat non non.
Faut il battre le Tambour
Pour braver Luxembourg,
Faire marcher en sa presence,
En bon ordre mes Escadrons,
De cela je vous en repons,
Mais d'un combat non non.
Si Namur est aux abois
Croyez bon hollandois,
Que sur la Mechaigne en diligence,
Je feray construire un pont,
De cela je vous en repons,
Mais d'un combat non, non.
[238]
Basiere contez sur moy,
Je vous jure ma foy
De ne point quitter cette place,
Qu'a la Capitulation;
De cela je vous en repons,
Mais d'un combat non non.
Mais bien que Namur soit pris
Rasseurez vos Esprits,
Je feray pour garder Bruxelles
Ce que je fis pour garder Mons,
De cela je vous en repons;
Mais d'un combat non non.
[239]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air: Je jette mon cœur a la gribouillette.
Le Prince d'Orange est un homme habille
Il scait les tours les plus fins
Pour ne pas perdre a sa barbe une ville
Il se fait raser tous les matins.
[240]
[X] Chanson 1692.
Sur l'Air: Je te le dis et te le repette.
Nassau vous avez la victoire
Rien n'est egal a vôtre gloire,
Vous triomphez aux yeux de tous
Et pouvez vous vanter a la Liege
Que Louis moins scavant que vous,
N'a jamais sceu lever de siege.
[241]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Je suis la Violette moy.
Sur la Justification du Pere Recteur de
Namur.
Au Roy Guillaume en France, on fait la guerre,
Pour la cause de Dieu,
Moy qui de tout fais mon profit sur terre
Je m'en soucie fort peu,
Et je soutiens que cela m'est licite
Car je suis Jesuitte moy, je suis Jesuitte.
Si l'on demande estes vous Catholique
Avez vous de la foy
Ou si l'on dit etes vous heretique
Qu'elle est donc vôtre Loy;
A ce discours ma reponse est subite
Car je suis jesuitte moy, car je suis Jesuitte.
Lorsque je crois que le Prince d'Orange
Peut me servir d'Appuy,
De son côté aussitôt je me range
Je travaille pour luy,
J'ay
[242]
J'ay pour les grands une telle conduitte,
Car je suis Jesuitte moy, car je suis Jesuitte.
Contre Louis en depit de sa foudre
Et de ses Interrets,
Dans mon Couvent je cache de la poudre,
Des Bombes et des Boullets,
Sans m'inquieter qu'elle en sera la suitte,
Car je suis Jesuitte moy, car je suis Jesuitte.
J'entens crier que c'est un crime enorme,
Que c'est un vray forfait.
Que l'on devoit pour me punir en forme
Me conduire au Gibet;
Mais je me ris quoique ce coup merite
Car je suis Jesuite moy, car je suis Jesuitte.
[243]
Chanson 1692. Avril
Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.
Qu'est devenu le Printemps,
Où sont les zephirs et Flore,
L'afreux hyver regne encore,
Et j'entens gronder les vents*,
Quel Astre vient aprés Pasques
Troubler la belle saison !
C'est l'estoille du Roy Jacques
Soutenu de Bellefonds.
* Les vents et le vilain temps ont retardé l'embarquement du
Roy d'Angleterre.
[245]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere
Sur .................. de Montgommery veuve
de ................... Goyon Comte de Quentin.
Du débris du grand de la Feuillade1,
Bouflers a profité des Gardes2,
Aubusson du Gouvernement3,
Tout le monde a pris patience,
Et Roussillon4 a l'agréement
De la Quintin en decadence5.
1. François d'Aubusson de la Feuillade Duc de Roannes
Maāl de France, Chevalier des Ordres du Roy, Colonel
du Regiment des Gardes Françoises et Gouverneur de
Dauphiné, mort a Paris en son hostel le ...... 1691.
2. Louis-François de Bouflers, Mareschal de France
Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur de Tourraine
fut receu Colonel du Regiment des Gardes Françoises en
la place du Mareschal Duc de la Feuillade le 4. Fevrier=
1692. au milieu du Regiment assemblé proche Versailles, où
le Roy lui mit en main haussecol et le sponton.
3. .......... d'Aubusson Duc de la Feuillade fils du deffunt
eut le Gouvernement de Dauphiné vaccant par la mort de
son pere.
4. .......... de Clermont de la Chatte Comte de Roussillon.
5. Pour l'intelligence de ce cy, il faut scavoir que le Maāl
Duc de la Feuillade etoit amoureux de la Comtesse de
Quintin qui etoit desja vieilles et passée, et que le Comté
de
[246]
de Roussillon en êtoit aussi amoureux, de sorte que
par la mort de Feuillade qui etoit le tenant, il servit
mieux au prés de sa Maitresse qu'elle commença a le
traiter plus favorablement.
[247]
Vers 1692.
Où Proso papée, ou l'Auteur introduit
N.......... de Beauvoir Comte du Roure
revenant de l'autre monde pour reprocher
a ........... de Caumont de la Force sa
veuve l'amour qu'elle avoit pour Louis de
Tour d'Auvergne Prince de Turenne receu
en survivance de la Charge de Grand Cham=
=bellan de France, que possedoit Godefroy-
-Frideric-Maurice de la Tour d'Auvergne
Duc de Bouillon son pere.
Ecoute chere Epouse, un Epoux malheureux,
Qui sur les sombres bords brûle de mêmes feux,
Qu'allumoient autrefois tes beaux yeux dans son ame1
Le Fleuve de l'oubly, n'a point eteint sa flame,
Et malgré le mepris dont tu payes sa foy,
Detaché des mortels2, il tient encore a toy,
Un interrest si cher le rend a lumiere,
Son amour a focé l'eternelle barriere.
Daigne
1. Madame du Roure êtoit tres aimable son mary êtoit
fort sot et l'amoit tendrement quoiqu'elle eut pour lui beau=
=coup de mepris.
2. Il fut tué a la Bataille de Fleurus le 1er. Juillet 1690.
n'etant encore que Capitaine de Cavalerie.
[248]
Daigne donc écouter sa languissante voix,
Tu vas l'entendre icy pour la derniere fois,
D'un funeste malheur le destin te menace,
Trop de facilité va causer ta disgrace,
Eviter s'il se peut une fatale Tour3,
Elle te doit couster, et la gloire et le jour,
Profite encor un coup d'un avis si fidelle,
Je rentre pour jamais dans la nuit eternelle.
3. Les Armes de la Maison de la Tour d'Auvergne
sont semé de France a la Tour d'Argent maçonnée de
sable.
[249]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur ....... du Gué, femme de ...... du Gué
Sr. de Bagnols, Coner. d'Estat son Cousin;
Et sur ............. de Laigues Marquise de
Leuville.
Entre Bagnols et la Leuville,
Les deux plus grands C..... de la villle1,
Pauvre gascon2, que feras tu,
Croy moy, tourne ces deux tigresses3,
Ton v..... est autant de perdu,
S'il ne sauve entre deux fesses.
1. de Paris.
2. Henry Charles de Foix Duc de Rendan Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy, d'autres vouloient que le
Gascon fut François de Poudenx nommé Evesque de Tarbes.
3. C'est par contreverité.
[251]
Chanson 1692.
Sur l'Air: des Branles de Metz
Sur .......... de Bautru femme de Jean de
Rohan Prince de Montauban.
Vous avez vieille Princesse
Un visage assez pointu,
Point de gorge, point de cu,
On tomberoit en foiblesse
Si l'on venoit ce dit on,
Le maigreur de vôtre fesse,
Si l'on voyoit ce dit on
La largeur de vôtre C..... .
Votre esprit mal agreable,
Le luisant de vôtre teint,
Barbouillé dés le matin,
Feroient bien donner au Diable,
Ceux qui verroient ce dit-on,
La maigreur de vôtre fesse,
Si l'on voyoit ce dit on,
La largeur de vôtre C.... .
Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.
[253]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Il a battu son petit frere.
A Augustin Servient Abbé. {par l'Abbé de
Chaulieu.}
Aimable Abbé dont la maniere
Est si douce et si debonnaire1,
Que fais-tu de les deux neveux2,
On dit qu'en imitant Dom Cosme3,
Tu te fais repondre par eux
Quand tu fais l'Office a Sodome4.
1. Ce cy n'a quasi pas besoin de Commentaire, l'Abbé Servient
etait tres doux, et tres poly.
2. Maximilien-Pierre-François Nicolas de Bethune de Sully
Prince d'Enrichemont, et Maximilien Henry de Bethune
Chevalier de Sully, freres et neveux de l'Abbé servient parceqls.
etoient fils de Marie Antoinette Servient Duchesse de Sully
sœur de l'Abbé.
3. Dom Cosme êtoit un feuillent lors Evesque de Lombés
fameux Predicateur, et disoit on grand Sodomite, l'Abbé
Servient l'imitoit en cette dernière partie.
4. L'auteur veut dire que l'Abbé Servient sodomisoit avec
ses neveux, et il y a grande apparence qu'il dit vray.
[255]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Tranquilles cœurs
Sur ............. de Madaillan Marquis de
Lassay.
Impie, devot1, jaloux amant,
Courtisan, heros de Province,
Tu n'es encor a cinquante ans
Que maquereau d'un jeune Prince2,
Le merite toujours n'est pas recompensé
Adieu mon cher Lassé.
1. Il avoit êté fort devot, et puis il etoit revenu impie et
debauché.
2. Louis Duc de Bourbon Prince du Sang.
[257]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Jardinier ne vois tu pas.
Sur Louise-Anne de Noailles femme de
Henry-Charles de Beaumanoir Marquis
de Lavardin, Marie-Victoire d'Albert
femme de ........ Prince de Bournonville,
et de .......... de Maigron, veuve de ......
de ......... Comte de la Motte.
Sur ce qu'on pretend que soupant l'an 1692. chez jacques
de Noailles Chevalier de Malte, Lieutenant general
des Galeres de France, frere de la Marquise de
Lavardin, avec .......... de Vintimille, Comte du Luc
Capitaine de Galere et le Marquis de Broglio, et êtant
yvres, elles firent mettre chausses bas au Comte du Luc,
mirent des Cornettes et du rouge a son cu, lui marquerent
des yeux avec du Charbon, mirent un morceau de pain
dans l'anus pour marquer un nez, et le baiserent tous
trois en cet etat disant qu'il ressembloit au visage de
............ de Meaux du Fouilloux veuve de Paul
d'Escoubleau de Sourdis, Marquis d'Alluye.
Lavardin n'est pas cocu,
Sa femme est trop modeste,
Quant son amant1 est tout nud
Elle court plustot au cu
Qu'au reste, qu'au reste, qu'au reste.
1. Il n'est pas vray qu'elle eut d'amant.
[258]
Bournonville et Lavardin,
La Motte la Comtesse, } sont deux bonnes Boug.....ses,
Quand elles sont dans le Vin,
Elles prennent leur blondin
Aux fesses, aux fesses, aux fesses.
Lavardin qui le croiroit
Baiser le cu d'un homme,
Pourquoi choisir cet endroit,
Est-ce ainsy qu'on vous faisoit
A Rome2, a Rome, a Rome.
2. Elle fut a Rome avec son mary qui y fut Ambassadeur
sous le Pontificat d'Innocent XI.
Nota; Que toute cette histoire etoit fausse et fut inventée
par la Marquise d'Alluye dont il est parlé dans l'Argu=
=ment pour se vanger de ce qu'elle avoir dit que le visage
de la Marquise d'Alluye ressembloit a un cu.
[259]
Chanson 1692.
Sur l'Air; Quand le peril est agreable
A .............. de Levy de Ventadour, femme
de Louis de la Tour d'Auvergne, Prince
de Turenne, sur le bruit qui couroit que ....
de Caumont de la Force Comtesse du
Roure, et veuve, êtoit grosse du fait du
Prince de Turenne qui en êtoit eperduement
amoureux.
On dit que tu n'est pas la mere,
Des Enfans qu'a fait ton mary,
Fais en pour te vanger de lui
Dont il ne soit pas le pere.
Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.
[261]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air: des Ennuyeurs.
Sur Charles de Lenox Duc de Richemont,
fils naturel de Charles II. Roy d'Angleterre
lequel s'etant attaché a la France aprés la
mort du Roy son pere l'abandonna l'an
1692. et se retira en suisse, d'où il alla
trouver le Prince d'Orange.
Le Duc de Richemont s'enfuit
Bon Dieu, quel accident etrange.
La gloire qui partout le suit1,
Va l'offrir au Prince d'Orange,
Les Bordels et les Cabarets2,
Ne s'en consoleront jamais.
1. Cela est mis par ironie.
2. C'est qu'il etoit fort debauché.
Nota. Que dés que le Roy d'Angleterre fut mort, Jacques
II. son frere {qui} lui succeda osta au Duc de Richemont la
charge de Grand Escuier qu'il avoit; que ce Duc êtant passé
en France avec Louise Renée de Penencouet de Keroual
Duchesse de Porsmouth sa mere, il y fut d'abord traitté
en Prince, ce qui lui fut ôté par la suitte; Qu'ayant perdu
dans la revolution arrivée en Angre. l'an 1689. ce qu'il y avoit
de revenu, qui etoit tres considerable, et etant mal payé
d'une mediocre pension que le Roy de France Louis XIV.
lui
[262]
lui donnoit; Que s'etant plaint sans fruit de l'un et de
l'autre a sa Mté. et n'ayant même pû avoir de Regiment,
car il n'etoit que Capitaine de Cavalrie, il prit le party
de s'en retourner en Angleterre.
[263]
Chanson 1692.
Sur l'Air; Reveillez vous belle endormie.
Sur .......... Mauroy Prestre Missionnaire
dont il est parlé dans deux dernieres Chan=
sons de l'an 1691. et duquel l'Official de
Paris et le Lieutenant Civil instruisoient
le Procés.
Si Mauroy le Missionaire,
Rentre jamais dans son Couvent1,
On le punira par derriere2,
Des fautes qu'a fait son devant3.
1. St. Lazare.
2. C'est a dire on le fouettera.
3. Voyez les Chansons de 1691. faites sur lui et sur .........
le Boindre Sr. du Groschenet.
Nota. Que quelques gens au lieu de ce vers, Rentre jamais
dans son couvent, metoient, Etoit Jesuitte au grand Couvent.
faisant entendre par ce dernier vers et la suitte, la sodomie
dont les Jesuittes sont accusez.
[265]
Chanson 1692.
Sur l'Air; Adieu Bontemps.
Sur .................. de .................. de Creuilly, fe[m]me
de ................. de Carbonnel Comte de Canisy
Lieutenant de Roy en Normandie.
La Comtesse de Canisy,
S'en va d'icy1,
S'en va d'icy
Son bel esprit, ny ses atraits2,
N'ont pû lui faire,
D'autres affaires
Que son Laquais3.
1. Elle partoit de Paris pour s'en retourner dans ses terres
de Normandie.
2. Elle avoit un fort beau visage; mais sa taille etoit
si monstrueusement grosse qu'elle faisoit peur.
3. Je crois que c'est une hiperbole.
[267]
Quatrain 1692.
Sur une legere maladie qu'avoit Henry
de Montmorency-Luxembourg, Duc de
Piney, Pair et Mareschal de France, Chtr
des Ordres du Roy, Capite des Gardes
du Corps de sa Mté. Gouverneur de
Normandie.
Certain de mon jaloux, du bonheur de nos Armées1,
Y mesle quelques fois de soudaines allarmes,
Et se complaît avoir Luxembourg alité,
Tandis que de Dangeau2 regorge de santé.
1. Le Duc de Luxembourg avoit commandé l'Armée du Roy
en Flandres, l'an 1690. et 1691. avec succez et avoit gagné
la Bataille de Fleurus et le Combat de la Catoire ou de
Leuse, il devoit encor commander la mesme Armée l'an
1692. quand il etoit malade.
2. Philippes de Courcillon Marquis de Dangeau Chevalier des
Ordres du Roy, Gouverneur de Touraine estimé mauvais soldat.
[269]
Chanson 1692.
Sur l'Air, Tranquilles cœurs.
Sur Marie-Anne de Bourbon Legitimée
de France, veuve de Louis-Armand de
Bourbon, Prince de Conty, et sur quelques
gens qu'on soubçonne être amoureux d'elle.
Rocheguyon1, Albergoti2,
Vous allez repandre des larmes,
Vous ne plairez plus a Conty,
Villeroy3, n'aura plus de charmes,
Adieu pauvres amans et la Chastre4, et Tracy5.
Richard6 revient icy.
1. François de la Rochefoucault Duc de la Rocheguyon
Grand Veneur de France, et Grand Me. de la Garderobe
du Roy Louis XIV. en survivance de François Duc de la
Rochefoucault Pair de France son pere, Colonel du Regime.
de Navarre.
2. ........ Albergotti Florentin Brigadier d'Infanterie,
Lieutenant Colonel du Regiment Royal Italien sous
Bardo Bardi Magaloti son Oncle.
3. François de Neufville Duc de Villeroy Pair de France
Chevalier des Ordres du Roy, Lieutenant general de ses
Armées, Gouverneur de Lion, Lionnois, Forest et Beau=
=jolois.
4. ......... Marquis de la Chattre Colonel d'un Regiment
d'Infanterie.
5. ......... Sr. de Tracy Exempt des Gardes du Corps du Roy.
6. Richard Hamilton Ecossois, s'etoit attaché au service de
France
[270]
France, et avoit Regiment d'Infanterie, le Roy Louis XIV.
le lui avoit oté, et l'avoit chassé de France l'an 168., parce qu'on disoit
qu'il aimoit la Princesse de Conty, et en êtoit aimé. Il etoit en Angre.
lorsque le Prince d'Orange usurpa ce Royaume, et comme il fut
toujours fidele au Roy Jacques II. il suivit ce Prince en Irlande;
il y fut pris prisonnier par les troupes du Prince d'Orange, et
emmené dans la tour de Londres où il fut enfermé jusqu'a ce qu'il
fut Echangé contre Milor Montjoye Anglois du party de l'Usurpa=
=teur, qui de son costé êtoit prisonnier à Paris à la Bastille, lorsque
cette Chanson fut faite; Hamilton sorty de la Tour de Londres
revenoit en France trouver le Roy d'Angleterre, et c'est sur ce retour
d'Hamilton que l'Auteur dit que tous les gens cy dessus, ne
plairont plus a la Princesse de Conty.
[271]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Tranquilles Cœurs.
A Philippes de Vendosme Grand Prieur
de France qu'on soubçonnoit être l'auteur
de la Chanson precedente.
Quand on veut faire des Chansons
Où l'on mesle trente personnes,
Il faut scavoir si la Fanchon1,
Merite l'argent qu'on lui donne2,
Une duppe, {en amour} un menteur3, est un mauvais railleur,
Qu'en dis tu Grand Prieur ?
1. Françoise Moreau. Chanteuse de l'Opera vulgairement
appellée Fanchon que le Grand Prieur entretenoit.
2. On pretend qu'elle ne lui estoit pas fidelle, et qu'elle avoit
accordé ses faveurs a plusieurs autres, comme le Chevalier
de Sully &ca. on disoit même qu'elle en donnoit actuellement
a un Financier appellé la Touanne qui etoit Tresorier de
l'Extraordinaire de la guerre, et puissamment riche.
[273]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Je vous le dis et le repete.
Sur ................. de Meaux du Fouilloux
veuve de Paul d'Escoubleau de Soudis
Marquis d'Alluye; Et sur................ de St.
Remy, veuve de .......... Comte d'Entragues, {et sœur de mere de
Mde. de la Valliere Mai-
tresse du Roi.}
Quand on voit à la Comédie1,
D'Alluye, d'Entragues suivie,
Au bordel qui ne se croiroit,
Ah la {plaisante} puissante maquerelle2,
Que son metier lui produiroit
Si la putain êtoit plus belle3.
1. Elles alloient tres souvent aux spectacles et êtoient toujours
ensemble.
2. La Marquise d'Halluye qui ayant été fort Coquette, tant
qu'elle avoit eu assés de charmes pour soutenir la galanterie, et
etant sur le retour aidoit volontiers de ses Conseils et de ses
soins en matiere d'amour celles de ses amies qui en avoient besoin
Madame d'Entrages êtoit la principale et au metier qu'elle
faisoit, elle en avoit plus de besoin qu'une autre. Car elle n'etoit
point sans amans.
3. Made. d'Entragues n'etoit plus jolie.
[275]
Chanson 1692.
Sur l'Air ............................
Sur ........ Gilbert, femme de .........
Fleuriau Sr. d'Armenonville Intendant
des Finances.
Ah qu'elle est Laide,
L'affreuse Intendante des rats1,
Contre l'amour le seur remede, {De l'amour c'est le vrai remede}
Malheur a qui l'a dans ses bras {Surtout quand elle est dans ses draps}
Ah qu'elle est laide.
1. C'est qu'elle etoit fille de ....... Gilbert, Marchand de
linge demeurant a Paris prés de St. Innocent a l'Enseigne des
Rats.
[277]
Vers 1692.
Sur Dom Armand-Jean Bouthillier
de Rancé, Abbé Regulier de Nostre De.
de la Maison Dieu de la Trape de l'etroite
observance de Cisteaux.
Estre Moine sans dépendance1,
Et solitaire sans silence2,
Souffrir humblement à ses pieds
Ses confreres humiliez3,
Les élever dans l'ignorance4,
Scavoir les secrets de la France5.
Faire
1. L'Abbé de la Trappe êtoit moine puisqu'il etoit regulier; mais
sa dignité jointe a la parfaite soumission dans laquelle il
tenoit ses Religieux lui donnoit un pouvoir si absolu dans sa
maison, qu'il se ressentoit peu ou point de la dependance mona=
=cale.
2. Il faisoit garder un silence si etroit a ses Moines, que loin de
parler aux Estrangers, ils ne se parloient pas les uns les autres,
mais comme ils avoient la liberté de luy parler quand il leur
plaisoit, et qu'outre cela lui seul recevoit et entretenoit les
survenans qui etoient attirez en grand nombre chez lui, tant
par la curiosité que donnoit la nouveauté de cette reforme
que par les relations qu'il conservoit dans le monde et les
amis qu'il y avoit encore, le silence ne lui etoit pas onereux.
3. Quelque humilité que l'Abbé de la Trappe fit paroitre. Il
etoit soubçonné de beaucoup de vanité; mais celle de ses Religs.
etoit parfaite, et il l'entretenoit avec grand soin.
4. Non seulement il les elevoit dans l'ignorance; mais ils ne
lisoient que dans les heures de recreation, encore n'etoit-ce que
dans les Livres qu'il leur donnoit.
5. Les relations qu'il avoit conservées avec ses amis, et qu'il entre=
=tenoit partout le Royaume, nonobstant sa retraite, lui donnoient
une
[278]
Faire de ses ecrits retentir l'univers6,
Juger de la prose et des vers
Comme des cas de conscience7,
Escrire aux Prelats8, voir les Rois9,
Reformer la reforme, et lui donner des loix10,
Damner de sa pleine puissance,
Tous Moines se flattans de faire penitence,
Sans
une parfaite connoissance de tout ce qui s'y passoit.
6. Non seulement l'Abbé de la Trappe escrivoit en beaucoup d'en=
=droits; mais il faisoit imprimer ses ouvrages, comme la vie et
mort de plusieurs de ses Religieux et entr' autres un gros traité
de la vie Monastique, et des Commentaires sur la regle de St.
Benoit, qui firent beaucoup de bruit.
7. Il avoit beaucoup d'esprit et de scavoir, et il decidoit aussi
hardiment sur les Ouvrages d'esprit, que sur les Cas de Consci=
=ences qu'on lui proposoit.
8. Voyez l'Article 5.
9. L'auteur veut parler icy de Jacques II. Roy d'Angleterre
lequel s'etant retiré en France aprés que Guillaume
Prince d'Orange, son gendre eut usurpé ses Royaumes, alla
plusieurs fois voir l'Abbé de la Trappe.
10. Par le Traité de la Sainteté et des devoirs de la vie Monas=
=tique et surtout par sa reponse au Traitté des Estudes Monas=
=tiques, l'Abbé de la Trappe faisoit voir qu'hors lui et ses
Religieux pas un Moine ne pratiquoit la regle de St. Benoît
a cet esgard, et ne scavoit les Engagemens de sa profession.
Ce dernier Livre offensa tous les Reformez de l'Ordre de
St. Benoit, et la Congregation de St. Maur y fit repondre
par un de ses Religieux appellé Dom Jean Mabillon
auteur du Traitté; l'Abbé lui repliqua, et ils escrivirent
longtems l'un contre l'autre.
[279]
Sans aimer comme lui le pain bis et les pois11,
Declarmer contre la science,
Et secretement dans les bois
S'etudier a l'eloquence12.
Dans des termes purs et fleuris,
Parler de cilice et de chaisne13,
Prescher dans un fauteuil assis,
Le travail des mains, et la peine14,
Voila Monseigneur, le portrait
Du Saint Abbé, de ce grand homme15
Plus juste que celui qu'a Rome,
Le Camus16 vous en aura fait.
11. L'Abbé et les Religieux de la Trappe ne vivoient que de
Legumes, et le 1er. pretendoit que c'estoit un des points de la regle
de St. Benoist.
12. L'Abbaye de la Trappe etoit dans un bois, et l'auteur est
persuadé que cet Abbé y etudioit l'eloquence, étant impossible
qu'une si longue retraite que la sienne lui eut laissé celle qui
parroissoit dans ses Livres, s'il ne l'avoit cultivée.
13. Tous ses ouvrages etoient de devotion, et preschoient une
affreuse penitence; mais en termes tres choisis.
14. Il faisoit travailler ses Religieux a la terre plusieurs heures
par jour, et l'auteur pretend s'exemtoit de cette peine
et des plus austeres qu'il faisoit pratiquer a ses Religieux.
15. L'Abbé de la Trappe.
16. Estienne le Camus Cardinal Evesque de Grenoble
fut l'an 1691. a Rome au Conclave Pape Innocent XII.
et comme il êtoit fort des amis de l'Abbé de la Trappe et
de la meme Cabale de Devotion qui est celle du Jansenisme,
l'auteur
[280]
l'Auteur presupose qu'il y aura parlé de cet Abbé aux
Cardinaux et qu'il l'aura depeint autrement qu'il n'est
icy.
[281]
Vers 1692.
Servant de reponse aux precedens, et sur les
mesmes Rimes; au sujet d'Armand-Jean
le Bouthillier de Rance Abbé regulier
de Ne.De. de la Maison Dieu de la Tape
de l'etroite observance de Citeaux.
Gouverner avec dependance1,
Scavoir parler et garder le silence2,
Ne penser qu'a la Croix, soumetant a ses pieds
Ses Confreres humiliez3,
Au fond d'un Cloître eviter l'ignorance4.
Edifier toute la France5,
De ses pieux ecrits remplir tout l'univers6
Des Saints Peres scavoir, et la prose et les vers,
Decider scavamment des Cas de conscience
Instruire les Prelats7, et consoler les Rois8,
Reformer
1. L'auteur de cette reponse pretend que pour etre moine l'Abbé
de la Trappe ne dispensoit d'aucune des Obligations, a quoi
la vie Religieuse l'engageoit.
2. L'auteur veut dire qu'il ne parloit que quand la necessité le
requeroit qu'il le faisoit fort bien, et qu'au surplus il gardoit le
silence,
3. Qu'il êtoit humble quelques soumis qu'il tint ses Religieux
devant lui.
4. Il le loue d'etre scavant, malgré son austere retraite.
5. Que toute la France êtoit ediffiée de la vie qu'il menoit, neant=
=moins les vers precedens temoignent le contraire.
6. Il est vray qu'il ecrivoit beaucoup.
7. Par son exemple.
8. Voyez l'Article 9 des Commentaires des vers precedens.
[282]
Reformer la reforme en subissant ses Loix9,
Abandonner, honneurs, biens, fortune, puissance10,
Pour faire penitence
Manger du pain bis et des pois11,
Etre confiné dans les bois12,
Imiter saint Bernard avec son eloquence13,
Parler de son état en des termes choisis,
Porter toujours le Cilice et la chaisne14
Et coucher sur la terre et sur la cendre assis15,
Sacrifier
9. L'Auteur pretend qu'il preschoit encore plus la reforme par la
vie qu'il menoit que par ses Lettres, ses Livres et ses discours.
10. Il avoit autrefois possedé beaucoup de Benefices, et avoit esté
1er. Aumosnier de Gaston-Jean-Baptiste de France Duc d'Or=
=leans, il quitta tout, et ne garda que l'Abbaye de la Trappe
où il se retira l'an 1663. ayant obtenu du Roy Louis XIV. un
Brevet pour la tenir en regle. Il prit l'habit de Religieux de
l'Etroite observance de Citeaux le 13. Juin 1663. agé de 37.
ans, dans le Monastere de Me. De. de Perseigne, le 26. Juin
1664. il y fit profession ayant receut ses Bulles pour tenir la
Trappe en regle. Le 3e. Juillet en suivant il fut beni Abbé dans le
monastere de St. Martin de Sées par Patrice Plunquet Evesq.
d'Arda en Irlande, et le 14e. du meme mois. Il se retira dans
son Abbaye.
11. On ne mange que des Legumes a la Trappe. {Voyez l'article 11.
des Commentaires precedents.}
13. L'Auteur justifie l'Abbé de la Trappe de son Eloquence en
disant que St. Bernard êtoit aussi fort eloquent.
14. L'auteur pretend qu'il porte toujours un Cilice et une Chaisne
de fer sur son corps pour se mortifier.
15. Je ne scay ce que l'auteur entend par là, si ce n'est que lorsqu'un
Religieux de la Trappe est prest de mourir, on le met sur de la
paille sur laquelle on a jetté de la cendre, et qu'il meure en ces
état revetu de tous ses habits.
[283]
Sacrifier son corps au travail, a la peine16,
C'est là seurement le Portrait,
De Rancé17, de ce Divin homme,
Qui meriteroit bien qu'on fit pour lui dans Rome
Ce qu'Innocent18 pour le Camus a fait19.
16. On travaille de ses mains 3. heures par jour a la Trappe,
et l'auteur comme les sentimens de l'auteur des vers prece=
=dens, pretend que l'Abbé travaille comme le moindre de ses
Religieux.
17. Lorsque l'Abbé de la Trappe êtoit dans le monde, on
l'appelloit l'Abbé de Rancé.
18. Le Pape Innocent XI.
19. Estienne le Camus Evesque de Grenoble fut fait Cardinal l'an
1689. par le Pape Innocent XI. pour avoir mené une vie tres
austere depuis qu'il êtoit Evesque; les medisans vouloient qu'il
dût le Chapeau plustost aux Intrigues qu'il avoit a Rome
qu'a la vie qu'il menoit, et dont on pretendoit qu'il ny avoit
que les Sots qui fussent la duppe.
[285]
Chanson 1692.
Sur l'Air de la Rochelle.
Sur .............. de Caumont Duc de Lauzun,
Chevalier de l'Ordre de la Jarretiere, et sur
Denis Talon President du Parlement de
Paris.
Deux hommes jadis de renom,
L'un est Lazun, l'autre est Talon;
En montant1 sont tombez par terre2,
Ils devoient s'ils avoient bien fait
L'un
1. Ils s'etoient elevez l'un et l'autre; Le 1er. aprés sa disgrace, ayant
passé en Angleterre en 1688. comme on a veu plus haut, et en ayant
sauvé la Reine, et le Prince de Galles, ce qui lui donna l'an 1690.
le commandement des Troupes d'Iralndes, où il ne fit rien qui
vaille, et depuis l'Ordre de la Jarretiere, que lui donna Jacques
IId. Roy d'Angleterre dont il etoit comme le favory en France lequel
lui procura depuis la dignité de Duc en France auprés du Roy
Louis XIV. qui ne le fit que malgré lui. Quand a Mr. de Talon il fut
fait President a Mortier du Parlement l'an 1690. aprés avoir êté
longtems Avocat general.
2. C'est a dire que l'un et l'autre êtoit dechu, car le Duc de Lauzun
qui malgré toutes les imperfections avoit conservé une grande repu=
=tation de valeur, se decria tellement de ce costé là dans {son} expedon.
d'Irlande, qu'il acheva de s'attirer le mepris infini, dans lequel
il a êté depuis et qu'il meritoit parfaitement. Mr. Talon de son
côté s'estoit acquitté avec un aplaudissement universel de la
Charge d'Avocat general, et etoit un mediocre President.
[286]
L'un n'aller jamais a la guerre3,
L'autre demeurer au Parques4.
3. Cela est relatif a ce qui a êté dit plus haut de l'expedition
d'Irlande, où M. de Lauzun etoit general sous Jacques
IId. Roy d'Angleterre.
4. Lieu ou les Avocats generaux et le Procureur general
appellez les gens du Roy reçoivent dans le Palais la
communication des procés pour prendre leurs Conclusions.
[287]
Chanson 1692.
Sur l'Air: de la Rochelle.
Sur Henry de Montmorency-Luxem=
=bourg, Duc de Piney, Pair, et Mareschal
de France, Chevalier des Ordres du Roy,
Capitaine des Gardes du Corps de sa Mté.
Gouverneur de Normandie, et general des
Armées du Roy en Flandres, en cette
presente année 1692. comme il avoit esté
les deux années precedentes qu'il les avoit
commandées avec beaucoup de gloire, et
avoit remporté les Victoires de Fleurus
et de la Catoire.
D'Athlas je ne suis point surpris,
Porteur du Celeste lambris1,
Comme dit la Metamorphose2,
Puisque
1. Les Payens croyoient qu'Athlas Roy de Mauritanie
ayant refusé a Persée de se reposer en ses Estat, avoit êté
change en Montagne par l'aspect de la teste de Meduse
que celui cy lui presenta, et que les Dieux le voyant ainsi
metamorphosé le firent croitre si haut qu'il devint l'apuy du
Ciel, et des Etoilles, faisant reposer sur son dos l'essieu de
tous les Cercles Celestes.
2. Cette fable est dans le 4e. Livre des Metamorphoses d'Ovide.
[288]
Puisque nous voyons en ce jour,
Que toute la France repose,
Sur la bosse de Luxembourg.
3. Le Mareschal Duc de Luxembourg êtoit bossu, et
comme le commandement des Armées de Flandres qu'il
avoit, etoit dans la conjoncture presente le plus important
employ de l'Etat. l'Auteur dit que toute la France se
reposoit sur la bosse de ce general, comme le monde sur
le dos d'Atlas. Il est certain que si general n'eut pas
êté aussi habile et aussi heureux qu'il l'etoit la France
eut êté accablée par les prodigieuses Armées que nos Ennemis
nous presentoient de tous cotez.
[289]
Parodie [X] 1692.
De la VIe. Scene du IId. Acte de la Ire. Scene
du IVe. Acte de l'Opera de Bellerophon.
Sur les preparatifs que Louis XIV. faisoit
au commencement de l'an 1692. tant par
mer, que par terre, contre ses Ennemis.
Nota: Que l'Auteur fait icy parler Guillaume Henri
de Nassau Prince d'Orange Couronné Roy d'Angre.
Mon Royaume1 se change en un desert affreux2,
Gros habitans du sejour Fromajeux3,
Pour empescher ma triste decadence,
Redoublez s'il se peut pour moy votre finance4
Et vous qui soutenez mes perfides exploits5,
Princes mes alliez6 accourez a ma voix.
Quel spectacle effrayent se presente a mes yeux,
Tant de Vaisseaux sur mer7, tant d'hommes dans la plaine8,
Me
1. l'Angleterre.
2. l'Auteur pretend, mais tres mal a propos que les Anglois abandon=
=noient le Prince d'Orange pour le Roy legitime Jacques IId.
3. Les hollandois.
4. Ils lui donnoient de grans secours d'argent.
5. l'Auteur, par perfides exploits, entend l'invasion de l'Angleterre en
1688 par le Prince d'Orange, où il detrona le Roy Jacques II. son beaupere.
6. L'Empereur et l'Empire, le Roy d'Espagne et presque toute l'Europe.
7. La France faisoit alors un armement fort considerable sur la
mer, le detail et le succés en sont expliquez dans les pieces suivantes.
8. La France faisoit aussi un Armement de Terre epouvantable, dont
le succes se verra encore plus bas.
[290]
Me sont de seurs garants de ma perte prochaine,
Louis9 vient lui même en ces lieux,
Baviere10, paroissez pour calmer mes alarmes.
Mais rien ne resiste a ses armes,
Tous les Escadrons que je voy
Sont autant de sujets de desespoir pour moy.
Ah c'est fait de ma Couronne11,
Mon regne, mon regne finit
Quoi donc je seray detruit
Ma constance m'abandonne
Louis me fait trembler, ma gloire evanouit.
Ah c'est fait de ma Couronne
Mon regne, mon regne finit.
9. Le Roy Louis XIV. se preparoit alors pour aller commander
son Armée en personne en Flandres on le Prince d'Orange êtoit
passé.
10. L'Electeur de Baviere a qui le Roy d'Espagne avoit donné
le Gouvernement general des pais bas Espagnols, pour toute
sa vie.
11. La prediction contenuë dans ce dernier couplet ne se trouve
que trop fausse. on le verra par la suitte.
[291]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.
Sur le mauvais tems et le vent qu'il faisoit
au mois de May 1692. lorsque Jacques II.d
Roy d'Angleterre attendoit sur les Costes de
Normandie un vent et un temps propre pour
descendre en Angleterre, et tascher avec les
Troupes et l'Argent de Louis XIV. Roy de
France de conquerir son Royaume, que Guil=
=laume-Henry de Nassau Prince d'Orange
son Gendre avoit usurpé sur lui l'an 1688.
comme on a pû voir plus haut.
Qu'est devenu le printems,
Où sont les zephirs et Flore,
L'affreux hyver regne encore.
Et j'entends gronder les vents,
Quel Astre vient aprés Pasques
Troubler la belle saison?
C'est l'Estoille du Roy Jacques1,
Et celle de Bellefonds2.} Soutenu de Bellefonds.
1. Il est certain que l'Estoille de ce Prince n'etoit pas heureuse veu
toutes les revolutions qui lui etoient arrivées des le berceau et le triste
etat, où il etoit alors.
2. Bernardin de Gigaut de Bellefonds, Mareschal de France &ca.
etoit
[292]
êtoit general sous le Roy d'Angleterre des Troupes qui y
devoient passer et il avoit êté malheureux presque dans toutes
ses entreprises. D'ailleurs il etoit homme, tres capable de
commander. Il avait pour Lieutenant generaux, Claude Comte
de Choiseul, René de Froulay Comte de Tessé Colonel
general des Dragons, et Mylord Sarrfield Irlandois. Les Ma=
=reschaux de Camp êtoient le Comte de Vaubecourt, Vignant et
le Chevalier de Gassion, l'Armée etoit composée de 3. Regiments
de Cavalerie et de 2. Regiments de Dragons Francois, de 1400.
Chevaux Anglois, Irlandois, et Escossois, parmy lesquels etoient
le Garde du Roy d'Angleterre. L'Infanterie etoit de neuf
Bataillons François et de 12 000. Fantassins Irlandois. Tous
ces Estrangers qui avoient suivy le party du Roy d'Angleterre
etoient venus d'Irlandes lorsqu'on avoit êté forcé d'abandonner
et Royaume au Prince d'Orange.
Nota: Qu'on verra plus bas quel fut le succes de cette
Entreprise.
[293]
Chanson 1692.
Sur le même Air que la precedente.
Sur ce que le tems devint calme, et par conse=
=quent favorisoit d'avantage l'embarquemt.
du Roy d'Angleterre Jacques IId. et des
troupes destinée a le suivre, dont le nombre
et les Officiers generaux sont expliquez
dans le precedent Commentaire.
Enfin l'Orage et les vents
Qui nous declaroient la guerre,
Tournent contre l'Angleterre1,
Et menacent les Flamans2.
Malgré
1. Le vent etoit beaucoup plus favorable, tant pour passe en Angletrre.
que pour faciliter l'arrivée de la Flotte de France commandée par
le Comte de Tourville Vice amiral qui devoit venir de Brest a la
Hague en Normandie y soutenir les Bastimens qui portoient les
troupes, lesquelles s'y embarquoient et au havre de Grace. Cette
Flotte n'etoit pas seulement necessaire pour favoriser le trajet;
mais meme pour combattre celles d'Angleterre et de Hollande
qui s'etoient avancez au nombre de 49. voiles pour empescher
le passage au Roy d'Angleterre, ainsi un Combat naval êtois
d'une necessité indispensable, sans le mauvais tems on eut pû
passer avant que le Prince d'Orange eut êté en etat d'y opposer
ses vaisseaux qui n'etoient pas prets et que nôtre retardement
mit en etat de venir au devant des nôtres.
2. Il y avoit des gens persuadez que la menace que nôtre armement
faisoit au Roy d'Angleterre Guillaume, n'etoit qu'une feinte
que c'etoit un paneau qu'on tendoit au Prince d'Orange et que le
veritable
[294]
Malgré les frimats de Pasques3,
Nos Champs sont tous rejouis,
Et l'Estoille du Roy Jacques4,
Cede a celle de Louis5.
veritable dessein qu'avoit le Roy Louis XIV. êtoit que les
troupes embarquées soutenues de son armée navalle, vinssent
mettre pied a terre en Flandres ou en Hollande pour y executer
les entreprises de sa Majesté qui y êtoit allée en personne
commander ses Armées de terre le 10. May 1692.
3. On a veu dans la Chanson precedente le mauvais tems qu'il
fit aprés Pasques.
4. Cela est relatif a ce qui est dit dans la Chanson precedente
que la malheureuse etoille de Jacques Second Roy d'Angleterre
etoit la cause du mauvais tems qu'il faisoit.
5. Louis XIV. Roy de France que le bonheur n'a jamais abandonné.
Nota. Qu'on verra plus bas quel fut le malheureux succez
de cette Entreprise.
[295]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air d'une Gigue Angloise qu'on
chantoit, et sur laquelle on dansoit en France,
comme sur un Menuet.
Sur Guillaume-Henry de Nassau Prince
d'Orange.
Monsieur le Prince de Nassau,
Apris son vol un peu trop haut1,
De cet Icare2,
De ce Barbare3,
De cet Icare
La Cire fond4,
Nostradamus
1. On veu plus haut comme le Prince d'Orange passa l'an
1688. en Angleterre, et s'en fit couronner Roy avec Marie sa
femme l'année suivante.
2. L'auteur compare ce Prince a Icare fils de Dedale dont la
fable est contée dans le VII. Livre des Metamorphoses d'Ovide
lequel le sauvant des prisons de Minos Roy de Crete par le
moyen des aisles que le Pere avoit fait pour lui et pour son fils,
tomba dans la mer, qui depuis a porté son nom, pour avoir
volé trop haut, et trop aproché du Soleil contre les preceptes
de Dedale, ce qui fit fondre la Cire qui tenoit les plumes de ses
aisles, et fut cause de sa mort. l'Auteur pretend aussi que le
Prince d'Orange le prenant trop haut, et s'aprochant trop prés
de Louis XIV. qui a le Soleil pour Devise. perira comme un second
Icard.
3. Il avoit detrôné Jacques IId. Roy d'Angleterre son beaupere
qui ne lui avoit jamais fait aucun mal.
4. Lisez l'Article IId.
[296]
Nostradamus repond5,
Que dans peu Bellefonds6,
Luy creuse un abîme profond7.
5. Il y a dans Nostradamus, Centurie 2e. le quatrain
68. qui suit.
De l'Aquillon les efforts seront grands,
Sur l'Ocean sera la porte ouverte,
Le reigne en l'Isle sera reinte grand,
Tremblera Londres par voile decouverte.
Cette Prophetie reveillot lors tous ceux qui croyent a ces
sortes de predictions, et ils l'appliquoient a l'entreprise que
faisoit le Roy Jacques II. par le secours du Roy. Voyez
sur cela les 2. Chansons precedentes et leurs Commentaires.
6. Bernardin Gigault Marquis de Bellefonds Mareschal
de France, Chevalier des Ordres du Roy, et general sous le
Roy d'Angleterre des troupes qui s'embarquoient en Nor=
=mandie, lequel avoit le veritable secret et le veritable
autorité du Roy Louis XIV. Car le Roy Jacques n'etoit
que le phantosme, et n'etoit pas capable qu'on lui pût rien
confier.
7. Comme on ne doutoit point que l'Entreprise ne fut contre
l'Angleterre et qu'on esperoit quelle reussiroit, on en regar=
=doit le succés comme la perte infaillible du Prince d'Orange.
Nota. Que cette Entreprise manqua tres malheureusement
comme on verra dans la chanson.
[297]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air des Ennuyeurs.
Sur la Bataille Navalle, que Anne-Hi=
=larion de Costentin Comte de Tourville
Viceamiral de France, perdit dans la
Mache d'Angleterre le 19. May 1692.
contre les Flotes d'Angleterre et de Hol=
=lande, dans laquelle avec 42. Vaisseaux
de guerre, il combatit contre 85. des Ennemis
suivant l'Ordre de la propre main du Roy
de France Louis XIV. que lui ordonnoit
d'aller chercher l'Armée Navalle des Enne=
=mis, et de la combatre fort ou faible.
Ma foy vous êtes un peu trop vif,
Ecrit le Comte de Tourville,
A ce Ministre decisif1.
Qui
1. Louis Phelypeaux Sr. de Pontchartrain Controlleur general
des Finances, Ministre et Secretaire d'Estat, ayant la Marine
dans son Departement, et fort decisif. Comme il se mesloit
de ce qui regardoit la mer, l'entreprise sur l'Angleterre dont
il a êté parlé dans les Chansons precedentes rouloit sur luy.
Il scavoit que le Comte de Tourville n'avoit avec lui que 42.
Vaisseaux, parce que ceux que le Comte d'Estrées viceamiral
lui amenoit de la Mediterrannée ne l'avoient pû joindre
non plus que ceux que Chasteaurenaut Lieutenant general
et le Marquis de la Porte Chef d'Escadre amenoient de
Brest
[298]
Qui n'a jamais veu que la ville3,
De la mer, laissez l'a le soin,
Et
Brest, et de Rochefort. Il scavoit de plus que le mauvais
tems qui ayant duré longtems empeschoit les uns et les autres
de joindre l'embarquement du Roy d'Angleterre a la Hogue
en Normandie, et ce Roy de passer le trajet. Ce qui avoit donné le
tems aux Anglois et aux Hollandois d'assembler une flotte
de plus de 80. voiles, et de venir s'opposer a cette Entreprise.
Cependant faute d'en avertir le Comte de Tourville qui avoit
ordre exprés de la propre main du Roy d'attaquer les Enne=
=mis fot ou foible et qui etant a la mer, ne pouvant estre
instruit de la superiorité des alliez. celuy cy ayant joint
dans la Manche a la hauteur de harfleur; les combatit quoique
plus faible de la moitié le 29. et 30. May, le Combat fut
furieux; mais le Comte de Tourville fut obligé de ceder au
nombre. Sa division fut poussé a Cherbourg, où faute de
port, il fit obligé de faire echouer 3. de ses vaisseaux, dont le
sien nommé le Soleil Royal et le plus beau vaisseau de la mer
en etoit un. Les Ennemis les brulerent tous trois sans qu'on en
pût sauver que les hommes. Ils suivirent le reste au nombre de
13. jusques a la Hogue, où la Maée les poussa, et les y bras=
=lerent aussy. aux hommes prés, que le Comte de Tourville qui y
estoit, fit sauver. Le Roy d'Angleterre et toutes ses Troupes
qui y etoient sur des Bastimens legers se sauverent de l'Incendie,
les vaisseaux de guerre des alliez n'ayant pû aller jusques a Eux
et ils debarquerent en sureté. Pannetier Chef d'Escadre, et il Chtr
de Nesmond se scauverent avec leurs vaisseaux derriere les souffles
de St.Malo. Gabaret. Lieutenant general prit une autre
route. Enfin tout fut bruslé ou dispersé, sans qu'on sceut au
vray la perte que firent les Alliez dans cette sanglante journée.
Les amis de Mr. Pntchartrain, disoient qu'il avoit envoyé
3. Barques d'avis, l'une aprés l'autre, pour avertir le Comte de
Tourville de ne point combatre, et qu'elles ne l'avoient point trouvé.
Cependant le public s'en prenoient a lui, d'autant plus que le Roy
etant lors a la teste de son armée qui assiegeoit Namur, dont
la ville Capitula le 5. Juin, car le Château tint jusqu'au dernier
jour de ce mois.
2. Mr. de Pontchartrain êtoit nouveau dans la Marine, et dans
le
[299]
Et gouvernez le port au foin3.
le Ministere, n'ayant êté fait Controlleur general des
finances qu'au mois de Septembre 1689. par la Demission
de Claude le Peletier, {et} Ministre et Secretaire d'Etat qu'au
mois de Novembre 1690. par la mort de Jean Batiste Colbert
Marquis de Signelay. Il etoit fils de ............... Phelypeaux
Sr. de Pontchartrain President de la Chambre des Comptes de
Paris et tres pauvre homme. Il fut d'abord Conseiller dans
la seconde Chambre des Requestes du Parlement de Paris,
d'où il fut fait 1er. President de celui de Bretagne, charge
dont il s'aquitta avec beacuoup de capacité et de hauteur. Claude
le Pelletier ayant êté fait Controlleur general des Finances, l'an
1683: fit venir Mr. de Pontchartrain peu aprés, et le fit faire
par le Roy Intendant des Finances, tant parce qu'il êtoit son
amy que parce qu'il haissoit Michel le Pelletier son frere cadet
en la place duquel il vouloit etablir l'autre dans le Controlle
general des Finances qu'il avoit dès lors resolu d'abdiquer.
Il est aisé de voir par là que Mr. de Pontchartrain n'avoit
jamais veu que la ville, ou pour mieux dire, rien veut, ny apris
de ce qu'il falloit pour s'acquitter avec une entiere capacité
de ce qui lui etoit necessaire dans les Emplois dont il êtoit
chargé. Cependant il est constant que s'il n'etoit le 1er.
Ministre du Roy Louis XIV. Il êtoit alors son Ministre
de confiance, et chargé des premieres affaires, a la verité il
avoit un esprit superieur et decisif, et capable de devenir habile
par l'experience qui lui manquoit.
3. Par ce mot l'auteur entend tous les menus details de la Charge
de Controlleur general des Finances, touchant les droits qui
sont deus au Roy pour les douannes, Entrées, aydes &ca.
non seulement sur le port au soin de Paris; mais partout le
reste du Royaume.
[301]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur Louis XIV. dit le Grand Roy de Frce.
Nota. Que cette Chanson est ironique qu'elle fut faite
aussitôt après la Bataille navalle donnée les 29. et 30.
May 1692. et que l'auteur y fait parler Guillaume Henry
de Nassau Prince d'Orange, qui se moque de ce que le
Roy sans suivre aucun Conseil, ordonna au Comte de
Tourville son vice amiral de combatre la Flotte Ennemie
comme il est plus amplement deduit dans les Commentres.
de la Chanson precedente, ce qui fut cause de la perte
de 16. vaisseaux François qui furent bruslés.
A quoi servent dans un Royaume,
Les Ministres, disoit Guillaume1?
Voyez le grand Roy des François2,
Fier de la nouvelle disgrace,
Qui vient d'arrester nos exploits3,
Nous
1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange, Couron=
=né Roy d'Angleterre.
2. Louis XIV. dit le grand Roy de France.
3. Cela est dit ironiquement, car bien loin que ce combat naval
eut retardé les Exploits du Prince d'Orange, et de ses alliés
contre la France, cette Bataille empescha que Jacques IId.
Roy d'Angleterre passast dans ses Royaumes, selon le
projet dont il a êté parlé dans les chansons precedentes
ainsy se fut au contraire ceux du Roy de France qui
furent retardés.
[302]
Nous fait assez voir qu'il s'en passe4.
4. L'auteur veut dire par là que s'il avoit pris un bon Conel
de quelque sage Ministre il n'eut pas hazardé si legerement
de faire combatre sa Flotte contre celle de ses Ennemis plus
forte de moitié que la sienne; mais ce Prince outroit la crainte
qu'on ne le crut gouverné, et sur ce principe il entreprit cette
année 1682. de plus grands desseins que les autres parce que
M. de Louvois Ministre et Secretaire d'Estat etoit mort le
16. Juillet de l'année precedente qu'on luy attribuoit la
plus grande partie des projets et des succés de la France,
et que le Roy vouloit faire voir a l'Europe qu'il entreprenoit
encore de plus grandes choses depuis la mort de ce Ministre
que devant.
[303]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Tranquilles cœurs. [X]
A Louis XIV. Roy de France, sur ce que
le dessein qu'il avoit de retablir Jacques
II. Roy d'Angleterre dans son Trosne,
comme il a êté dit plus haut, echoua par la
perte du combat naval donné les 29. et 30.
May 1692. dont il est parlé dans les deux
Chansons precedentes.
Si tu n'as pû quoique vainqueur1,
Retablir Jacques en sa place,
Pour un effet de ton bonheur,
Compte grand Roy cette disgrace,
C'est un profit tout clair d'espargner ce transport
Il ne vaut pas le port2.
1. On a veu dans les pieces de 1690. et 1691. les victoires que le
Roy avoit remportées sur les Ennemis.
2. On a veu aussi plus haut en plusieurs endroits l'incapacité
du Roy d'Angleterre.
[305]
Chanson [X] 1692.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Au Roy Louis XIV. aprés la perte du Combat
naval, donné par son Ordre le 29. et le 30. May 1692.
duquel il est {parlé} dans les trois Chansons precedentes,
sur le peu de capacité et d'experience des Ministres
de ce Prince.
Grand Roy par ce revers sinistre1,
Tu vois qu'il {te} faut un Ministre2,
A Saint Cir laisse Maintenon3,
Mets Pelletier à la Cuisine4,
Que Barbezieux reste a Meudon6,
Et
1. La perte du Combat naval.
2. C'est a dire un Ministre capable, car le Roy n'en avoit que trop d'autres.
3. Françoise d'Aubigné Marquise de Maintenon que le Roy menoit
partout avec lui, et qui etoit alors avec sa Majesté, puisqu'elle êtoit
dans la ville de Dinan, et que le Roy assiegeoit Namur, on a veu en
plusieurs endroits de ce Recueil le pouvoir qu'elle avoit sur l'esprit
de ce Prince, et les bruits qui couroient. On a veu aussi dans une
Chanson de l'an 1689. que c'etoit a sa priere et proprement pour
elle qu'il avoit fait batir et fondé une maison a St. Cyr prés
Versailles, a laquelle ce Prince avoit reuny et fait reunir par le
Pape la Manse Abbatiale de l'Abbaye de St. Denis en France, on
y elevoit de jeunes filles, la plus grande partie Demlles. sous les Ordres
de Made. de Maintenon qui y alloit tous les jours, et y avoit un superbe
appartement.
4. Claude le Pelletier Ministre d'Etat tres inepte et tres meprisé.
5. François-Marie le Tellier Marquis de Barbezieux secretre. d'Etat
au Departement de la guerre, jeune homme sans experience.
6. Maison de Francois Michel le Tellier Marquis de Louvois Ministre
et
[306]
Et prends quelqu'un pour la Marine7. { (I) }
et Secretaire d'Etat &ca. et pere du Marquis de Barbezieux.
7. Louis Phelyppeau Sr. de Pontchartrain Ministre et Secretre.
d'Etat avoit la Marine dans son Departement, et l'auteur de la
Chanson pretend qu'il ny êtoit fort expert.
{ (I) alias }
{Que Beauvilliers(I) aille à matines.}
{ (I) Gouverneur des Princes. }
[307]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.
Adressée aux peuples de Flandres, pendant que le
Roy de France Louis XIV. aprés avoir assiegé
et pris en personne la ville de Namur le 5. Juin
1692. en assiegeoit le Château, et sur Guillaume
Henry de Nassau, Courronné Roy d'Angleterre,
lequel avec une Armée de cent mil hommes des
puissances Alliées contre la France, qu'il comman=
=doit, s'étoit avancé sur le bord de la petite riviere
de Mehaigne pour secourir cette place, qui fut
prise le 30. du même mois.
Nota. Que Henry de Montmorency-Luxembourg, Duc
de Pincy, Pair et Mareschal de France, Chevalier des Ordres
du Roy, et Capitaine des Gardes de son Corps &ca. Couvroit
le Siege de Namur avec une Armée de François aussi forte
que celle du Prince d'Orange, et que celui cy aprés avoir fait
semblant de le voir combattre, ne l'attaqua neantmoins pas.
Que craignez vous {bons} Flamans,
Ayant pour vôtre deffense
Nassau1 dont l'experience
A fait tant de campemens2?
Il
1. Guillaume-Henry de Nassau, Prince d'Orange &ca.
2. C'est que ce Prince n'ayant presque rien entrepris a la teste des
armées qu'il a commandées en toute sa vie, n'a fait que des cam=
=pemens.
[308]
Il passe les plus habiles,
Car ce Prince a quarante ans3.
A veu prendre plus de villes4,
Que les plus vieux conquerants.
3. Il avoit a peu prés cet age l'an 1692.
4. L'auteur entend toutes les villes que les François ont
prises a sa veue comme Condé, Mons, St. Omer &ca. et
quiconque aura leu ce Recueil, en sera suffisamment instruit.
[309]
Chanson 1692.
Sur l'Air: de Joconde [X]
Sur la prise des villes et Chateau de
Namur dont il est parlé dans la Chanson
precedente, les 5. et 30. Juin 1692. par le
Roy Louis XIV. en personne, et sur ce que
Guillaume-Henry de Nassau Prince
d'Orange, Couronné Roy d'Angleterre
ne les secourut pas, quoique ces places
fussent assiegez a sa veue.
Guillaume a fait des Actions
D'une gloire immortelle,
Lorsqu'il nous a veu prendre Mons2,
Il deffendoit Bruxelles3,
Il vient nous voir prendre Namur,
Pour deffendre Liege4,
Sa
1. le Prince d'Orange.
2. On peut voir dans le Recueil de 1691. comme le Roy Louis
XIV. prit le 8. Avril de cette Année la Ville de Mons Capitalle
de Hainaut Commandant son Armée en personne.
3. On peut voir dans les pieces de 1691. que le Prince d'Orange
s'avanca jusqu'a la ville de Hall a 3. lieues de Bruxelle, du coté
de Mons avec une Armée sans pouvoir secourir cette derniere
place ce qui etoit proprement couvrir Bruxelle.
4. Il vint {avec} une Armée de 100000 hommes a dessein disoit on de
secourir Namur. Il se posta entre liege et l'Armée du Duc de
Luxembourg
[310]
Sa presence est un moyen seur;
Pour terminer un siege5;
Flamans, Hollandois6, vous voyez.
Jusqu'ou va son courage,
Pour le bien de ses alliez,
Il met tout en usage,
Car voyant Namur aux abois,
Pour contenter Baviere7,
N'a t'il pas fait semblant deux fois
De passer la riviere8.
Luxembourg qui couvroit le siege sans la combattre; ainsi il
couvroit plustot Liege qu'il ne se mettoit en etat de secourir la
place assiegée.
5. Ce Prince a eu le malheur de voir souvent prendre au Roy
Louis XIV. desplaces a sa veue dés l'an 1672.
6. Ce Couplet s'adresse aux peuples du pais bas.
7. Maximilien-Marie Duc de Baviere Electeur de l'Empire, et
Gouverneur perpetuel des pais bas Espagnols, dont il prit le Gou=
=vernement au commencemt. de 1692. avoit interest que Namur
fut secouru n'ayant plus de ce coté là aucune place forte dans
son gouvernement et il pressoit fort, disoit on, le Prince d'Orange
de combattre le Duc de Luxembourg.
8. On a veu que le Prince d'Orange avoit posté son armée sur les
bords de la petite Riviere de Mehaigne qui la separoit de l'Armée
Françoise Mr. de Luxembourg qui avoit ordre du Roy de ne point
faire un combat de postes, mais un general, lui laissa faire des
Ponts sur cette Riviere qu'il fit sembland de passer deux fois pour
desposter les Francois qui etoient avantageusement postez; Mais
il ne passa pas, et quitta meme cette Riviere pour s'aprocher
de Charleroy.
[311]
Chanson 1692.
Sur l'Air: d'une main je tiens mon pot
{ou, De mon pot je vous en repons.}
Sur la prise des ville et Chasteau de Namur
dont il est parlé dans les Chansons preceden=
=tes; dans laquelle l'auteur fait partler Guil=
=laume-Henry de Nassau Prince d'Orange
&ca.
Flamans1 à vôtre secours
Voyez comme je cours
S'agit il pour vôtre deffense
De depenser vous Patagons2,
De cela je vous en reponds;
Mais d'un Combat non, non3.
Faut il battre le Tambour
Pour braver Luxembourg4,
Faire
1. Les peuples des pais bas Espagnols et Hollandois.
2. Ces peuples avoient donné et donnoient tous les jours des sommes
immenses pour l'entretien de la guerre.
3. Il n'avoit tenu qu'au Prince d'Orange de combattre l'Armée
Françoise et qui l'attendoit de pied ferme, mais il ne voulut,
ou n'osa jamais hazarder une Bataille.
4. Henry de Montmorency Luxembourg, Duc de Piney,
Pair et Mareschal de France, Chtr des Ordres du Roy, Capite.
des Gardes du Corps de sa Majesté &ca. general de l'Armée
Francoise
[312]
Faire marcher en sa presence
En bon ordre mes Escadrons5,
De cela &ca.
Si Namur est aux abois,
Croyez moy, Hollandois,
Sur la Mehaigne6 en diligence,
Je feray construire des Ponts7,
De cela &ca.
Baviere8 comptez sur moy,
Je vous jure ma foy,
De ne point quitter cette place,
Qu'a la Capitulation9,
De cela &ca.
Mais
Françoise qui couvroit le siege de Namur; prés de laquelle le
Prince d'Orange avoit posté celle des Alliez contre la France
qu'il commandoit.
5. Le Prince d'Orange changea plusieurs fois de poste.
6. Riviere qui separoit les 2 armées et qui se jette dans la Meuse
au dessus de la ville de Namur.
7. Le Prince d'Orange avoit fait faire des Ponts sur la Mehaigne
qui faisoient croire qu'il la vouloit passer. Il passa meme du
Canon et quelqu'Infanterie dessus cette Riviere. Mais elle en
fut chassée par le Regiment de Dragons de Sailly et ce fut toute
la tentative que fit ce Prince pour secourir Namur.
8. Maximilien-Marie Duc de Baviere, Electeur de l'Empire
Gouverneur perpetuel des pais bas Espagnols, lequel commandoit
les Troupes Espagnoles, et les siennes dans l'Armée des alliez.
9. Le Prince d'Orange fut en presence du Duc de Luxembourg
tant
[313]
Mais bien que Namur soit pris10,
Rasseurez vos Esprits11,
Je feray pour garder Bruxelles12,
Ce que j'ay fait quand on prit Mons13,
De cela &ca.
tant que le Siege de Namur dura.
10. La ville de Namur fut prise le 5e. Juin 1692. et le
Chateau le 30e. du meme mois.
11. Il est certain que la Prise de cette place allarmoit fort tous
les pais bas Espagnols, qui n'avoient plus de places de guerre
de ce coste là. Bruxelles et Louvain villes sans fortifica=
=tions, etant deveneues leurs frontieres par la Prise de Namur.
12. Cette ville etant frontiere comme il vient d'etre dit, et etant
la capitale des pais bas Espagnols, le sejour de leur Gouvernr.
et de tous ses Conseils couroit risque d'etre assiegée, et
n'auroit pas pû resister.
13. On peut voir dans les pieces de 1691. que le Roy de France
Louis XIV. ayant assiegé en personne et pris la ville de
Mons le 8e. d'Avril de cette année, le Prince d'Orange,
s'avança seulement avec un corps d'armée jusqu'a Hall
trois lieues en deça de Bruxelles ce qui etoit plustost couvrir
Bruxelles, que tenter le secours de Mons.
[315]
Chanson 1692.
Sur l'Air: de Joconde [X]
En dialogue sur la Prise de Namur,
dans laquelle l'Auteur fait parler ........
Prince de Barbanson Gouverneur de cette
place pour Charles IId. Roy d'Espagne
lorsquelle fut assiegée, et Guillaume
Henry de Nassau Prince d'Orange &ca.
qui commandoit l'Armée des Alliez contre
la France, et qui devoit la secourir.
le Pr. d'Orange.
Gouverneur vous avez grand tort.
Vous deviez vous deffendre
le Pr. de Barbançon
Prince, qui n'est pas assez fort2,
Doit prudemment se rendre.
le Pr. d'Orange.
Mais ne me comptiez vous pour rien
Je vous voyois combattre3.
le Pr. de Barbançon
Ouy, mais Nassau je voyois bien
Que vous n'osiez vous battre4.
1. Il est certain que Namur fut for mal deffendu, et que la longueur
de
[316]
de ce Siege ne fut donc qu'a la bonté des Fortifications du
Chateau, a son assiette et au mauvais tems qu'il fit pendant
le siege.
2. C'est une erreur de dire que le Prince de Barbançon ne
fut pas assez fort pour se bien defendre, puisqu'il avoit 15.
Bataillons.
3. On peut voir dans les Commentaires des Chansons precedentes
comme le Prince d'Orange s'etoit avancé avec son Armée jus=
=ques sur le bord de la Mehaigne prés Namur.
4. On peut voir dans les memes Commentaires qu'il ne tit qu'au
Prince d'Orange de combattre l'armée du Duc de Luxembourg
qui couvroit.
[317]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Ah qu'il y va gayement
Sur la Prise des ville et Chateau de Namur
Nota. Que les Commentaires des Chansons precedentes
sufisent pour celle cy; ainsy on n'y en mettra point.
Berger et bergere allant,
Ah qu'il y va gayment
Mener leurs troupeaux a Dinan,
Tout au long de la Riviere1,
Ah qu'il y va ma bergere
Ah qu'il y va gayement.
Mener leurs troupeaux a Dinan,
Ah qu'il y va &ca.
Se disoient chemin faisant
Tout le long &ca.
Se disoient chemin faisant
Ah qu'il y va &ca.
Guillaume2 sur sa grand' Jument.
Tout le long &ca.
Guillaume
1. L'auteur entend la Riviere de Meuse ou celle de Sambre qui
se joignent toutes les deux à Namur.
2. Le Prince d'Orange.
[318]
Guillaume sur sa grand Jument,
Ah qu'il y va &ca.
Vient avec un grand Armement,
Tout le long &ca.
Vient avec un grand Armement,
Ah qu'il y va &ca.
Secourir le pais Flamand,
Tout le long &ca.
Secourir le pais Flamand,
Ah qu'il y va &ca.
Devant Namur le Roy3 l'attend,
Tout le long &ca.
Devant Namur le Roy l'attend,
Ah qu'il y va &ca.
Et Luxembourg4 en fait autant,
Tout le long &ca.
Et Luxembourg en fait autant,
Ah qu'il y va &ca.
S'il peut chasser Louis le Grand,
Tout le long &ca.
S'il
3. Le Roy de France.
4. Le Duc de Luxemboug.
[318]
S'il peut chasser Louis le Grand,
Ah qu'il y va &ca.
Je lui donnerai un Merle blanc.
Tout le long &ca.
Je lui donnerai un Merle blanc.
Ah qu'il y va &ca.
La dessus un homme courant
Tout le long &ca.
La dessus un homme courant
Ah qu'il y va &ca.
Leur a dit en les abordant
Tout le long &ca.
Leur a dit en les abordant
Ah qu'il y va &ca.
Namur est pris asseurement
Tout le long &ca.
Namur est pris asseurement
Ah qu'il y va &ca.
Et Guillaume a perdu son temps
Tout le long &ca.
[319]
Et Guillaume a perdu son temps,
Ah qu'il y va &ca.
Notre Roy revient triomphant
Tout le long &ca.
Notre Roy revient triomphant
Ah qu'il y va &ca.
Allons nous en dançant, chantant,
Tout le long &ca.
5. Le Roy de France.
[321]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Lerela, lere lan lere.
Sur la Prise de la ville et Chateau de Namur
Les François ont donc pris Namur
Malgré la force de son mur
En dépit d'Orange et Baviere,
Lere la, lere lan lere,
Lere la, lere lan la.
Si cent mil hommes n'avoient veu
Comme a Louis, il s'est rendu,
On n'eut jamais crû cette histoire
Lere la, lere lan lere,
Lere la, lere lan la.
Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire pour qui a
veu les precedentes.
[323]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Mon Chapeau de Paille.
Sur ce qu'aprés la Prise de la ville de Namur
et pendant le Siege du Chateau, on trouva force
Bombes, Grenades, et autres Munitions
de Guerre dans la Maison des P.P. Jesuites
de cette ville que les Espagnols y avoient
cachez, et dont ces Peres n'avoient pas donné
d'avis.
Nota: Que l'Auteur fait icy parler le Pere Recteur des
Jesuittes de Namur que le Roy Louis XIV exila a Dole
pour n'avoir pas declaré ce depost, dont on croit que les Ennemis
se vouloient servir pour assieger Dinan qui eteoit alors a la France
si on n'eut pas repris Namur.
Au Roy Guillaume1 en France on fait la guerre,
Pour la cause de Dieu2,
Moy qui detout fais mon profit sur terre3,
Je m'en soucie fort peu,
Et je soutiens que cela m'est licite
Car
1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange.
2. Il y avoit des gens qui regardoient cette guerre comme une guerre
de Religion a cause qu'il s'agissoit un peu de restablir sur son
trosne Jacques II. Roy d'Angleterre destroné par le Prince
d'Orange l'an 1688. sous pretexte qu'il etoit Catholique voyés
les Pieces de cette année.
3. C'est que les Jesuittes font d'ordinaire leur profit de tous.
[325]
Car je suis Jesuitte4 moy,
Car je suis Jesuitte.
Si l'on demande êtes vous Catholique
Avex vous de la Foy
Où si l'on dit, êtes vous heretique,
Quelle est donc vôtre Loy;
A ce discours ma reponse est subite,
Car je suis Jesuitte moy,
Car je suis Jesuitte.
Lorsque je croy que le Prince d'Orange5
Me doit servir d'appuy6,
De son costé aussitost je me range.
Je travaille pour luy7.
J'ay des garands d'une telle conduitte3;
Car
4. On peut voir par la maniere dont ce refrain est appliqué dans ces
Couplet cy et dans les autres, l'opinion que l'Auteur a de la Compnie.
de Jesus, qui a dire le vray, est assez generale.
5. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange &ca.
6. Ce Prince êtoit venu au secours des pais bas Espagnols, et
Hollandois ainsi il etoit le suport de tous les habitans de ce pais.
7. Lisez la 2de. partie de l'Argument, et vous verrez a quoy les
Munitions de guerre chachées par les Jesuittes de Namur êtoient
destinées.
8. L'Auteur veut parler des Espagnols, ou des Jesuittes même qui
passent pour se soûtenir les uns, les autres dans les infidelitez.
[326]
Car je suis Jesuitte moy,
Car je suis Jesuitte.
Contre Louis9 en depit de la foudre,
Et de ses interêts,
Dans mon Couvent je cache la poudre,
Des Bombes, des Boulets
Sans m'inquieter quelle en sera la suitte;
Car je suis Jesuitte moy,
Car je suis Jesuitte.
Jentends crier que c'est un crime enorme11,
Que c'est un vray forfait
Que l'on devroit pour me punir en forme,
Me conduire au gibet;
Mais je m'en ris quoique ce coup merite;
Car je suis Jesuitte moy,
Car je suis Jesuitte.
9. Louis XIV. du nom dit le Grand, Roy de France.
10. Lisez l'Argument de cette Chanson.
11. Tout le monde croyoit avec raison contre cette action des Jesuittes
de Namur.
[327]
Stances Irregulieres 1692.
Au Roy Louis XIV. aprés la Prise des
ville et Château de Namur, dont il est
parlé dans les pieces precedentes.
Sire les Muses desolées,
Aujourd'huy sans force et sans voix,
Viennent vous remontrer qu'elles sont accablées,
Par le nombre de vos Exploits
Fournier à tout ce que vous faites,
Est un Employ trop mal aisé,
Tant de siege ont epuisé
Nos Orateurs, et nos Poëtes1.
Nos parterres2 n'ont plus de fleurs a vous donner,
Ou s'il en reste quelques unes.
Ce ne sont que les plus communes,
Indignes de vous couronner
Dans
1. Le Roy Louis XIV. avoit pris un tres grand nombre de
places depuis l'an 1667. Tous les Poëtes et les Orateurs François
les avoient Celebrées a un tel excés qu'il etoit surprenant comment
il restoit encore des louanges pour sa Majesté.
2. Il faut se souvenir icy et dans tout le reste de cette piece que l'auteur
est Poete et qu'il parle pour lui et pour tous les poetes François ses
Confreres et pour les Orateurs.
[328]
Dans cette extremité, que voulez vous qu'on fasse,
Il n'est plus de Lauriez chez nous,
Quoique depuis trente3 ans sur le Mont de Parnasse
On n'en ait Cueilli que pour vous.
Nous chantasmes jadis la Conqueste de Troye4,
Et l'Univers encore s'obstine a l'admirer;
Mais ceux dont cette Ville enfin devint la proye5.
Nous donnerent dix ans pour nous y preparer6,
Puis retournans chez eux au sortir de l'Asie
Ces bons et paisibles heros.
Passerent en Bourgeois le reste de leur vie,
Et nous laisseront en repos.
Content d'une unique victoire,
Autrefois le brave Jason7.
Crût qu'il suffisoit pour sa gloire,
S'il
3. L'Auteur veut dire que depuis trente ans le Roy etoit victorieux.
4. Homere a parlé de la guerre de Troye dans son Iliade qui est
faite sur ce sujet. Le Lecteur ignorant y est renvoyé. Car il n'y
a pas moyen de d'escrire icy le siege de la guerre de Troye.
5. Les Grecs.
6. Le Siege de Troye selon les poëtes dura dix ans.
7. Lisez les II. 1res. Fables du VII. Livre des Metamorphoses d'Ovide
et vous verrez comme Jason envoyé à Colchos pour conquerir
la Toison d'or, par Pelias Roy de Thessalie son Oncle vint
a bout de cette entreprise. Cela ne se peut mettre icy.
[329]
S'il pouvoit obliger les Filles de memoire
A chanter une fois Colchos et la Toison,
A vous seul aujoud'huy nous ne pouvons suffire
Quittes de Mons8, Namur vient nous embarasser,
Nous avons beau faire et beau dire,
C'est toujours a recommencer.
Nous ne connoissons que l'histoire
Sire qui puisse y resister,
Sa maniere de raconter;
Est plus propre a se faire croire
Nous prendrons seulement le soin
De la rendre exacte et fidele,
C'est tout ce que peut nôtre zele
Et dont vôtre gloire a besoin.
8. Mons fut pris par le Roy le 8. Avril 1692. aprés 15 jours de
tranchée ouverte. lisez les pieces de cette année là sur le sujet.
[331]
Chanson 1692.
Sur l'Air de la Rochelle.
Sur Guy de Durfort Comte de Lorge, Duc
de Quintin Maāl de France, Chevalier des
Ordres du Roy, Capitaine des Gardes du Corps
de sa Mté. general de ses Armées en Allemagne
l'an 1692. lequel les 4. 5. et 6. Juillet de cette
année laissa echaper plusieurs occasions de
combattre avantageusement celle de l'Emperr.
a de l'Empire commandée par le Prince
Christian Ernest de Brandebourg Bareith.
Depuis le Combat d'Altenheim1,
Jusqu'aux fautes2 de Feversheim3,
L'on croyoit quelque experience.
A Lorge
1. L'an 1675 aprés la mort de Henry de la Tour d'Auvergne vicomte de
Turenne le Comte de Lorge son neveu duquel il est parlé dans cette Chan=
=son, se trouva commandant de l'Armée de ce General en Allemagne, il jugea
a propos de repasser le Rhin sur un Pont de batteaux, qu'on avoit fait
construire a Altenheim, et quoique le Comte de Vaubrun eut desja fait
repasser tres mal a propos cette Riviere a la 2de. ligne de l'Armée, le Comte
de Lorge soutint avec la 1re. tout l'effort de l'armée de L'Empr. et de
L'Empire commandée par le General Montecuculli qui l'attaqua le 1er.
aoust a la teste de son pont. Il repoussa meme les Ennemis et en fut fait
Mareschal de France.
2. Le Maāl de Lorge fit plusieurs fautes, car non seulement il laissa echaper
plusieurs occasions de combattre avantageusement les Ennemis qui avoient
passé le Rhin prés de Worms et devant lesquels il fut en presence les 4.
5. et 6. Juillet; mais il laissa meme piller une partie de ses baggages par
les Hussards de l'Armée Ennemie.
3. Ce fut prés la ville de Feversheim, et le long du ruisseau qui en porte
le
[332]
A Lorge; mais nous voyons bien,
Qu'il epuisa là sa science,
Ou que jamais, il ne sceût rien.
le nom que le Mareschal de Lorge fit toutes ces fautes.
4. Le Mareschal de Lorge.
[333]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Lere, la, lere lan lere.
Sur le Combat donné a Stenkerke prés
Enghien en Haynault le 3e. Aoust 1692. entre
l'Armée de France commandée par Henry
de Mommorency-Luxembourg Duc de Piney,
Pair et Mareschal de France, Capitaine des
Gardes du Corps du Roy Louis XIV. Chtr des
Ordres de sa Majesté, et general de ses
Armées en France, commandée par Guillaume-
-Henry de Nassau Prince d'Orange Cou=
=ronné Roy d'Angleterre.
Nota. Que la victoire de ce sanglant combat demeura a la
France son année etant demeuré maitresse du champ de bataille
de huit pieces de Canon, de 7. a 800. prisonniers, et de beaucoup
de Drapeaux, car il ny eut que l'Infanterie qui combatit.
Bavière1 à la sanglante humeur
Dit a Guillaume2 ayons du cœur,
Il faut tous ces Coquins3 de faire;
Lere
1. Maximilien-Marie Duc de Baviere Electeur de l'Empire, Gouvernr.
perpetuel des pais bas Espagnols Prince fort chaud, et fort violent
lequel commandoit les troupes Espagnoles dans l'Armée des Confederez.
2. Le Prince d'Orange.
3. La veille de ce Combat de Duc de Baviere appelloit les François
des
[334]
Lere la, lere lan lere.
Lere la, lere lan la.
Ils parurent le lendemain4
Ayant un assez bon dessein;
Mais cette ardeur devint moins fiere5;
Lere la &ca.
Au moment que nos Bataillons,
A coups d'Espée et de Spontons,
Leur firent tourner le derriere;
Lere la &ca.
Enfin le Brave Luxembourg,
Baviere, Orange, et de Brandebourg6,
Vous a donné les Estrivieres.
Lere la &ca.
des coquins, mais le lendemain il changea de langage.
4. Ils marcherent toute la nuit a dessein d'attaquer les François le
lendemain et Mr. de Luxembourg ne fut avertir de leur marche
que peu d'heures avant qu'ils attaquent, ce qui causa d'abord
du desordre dans l'armée Françoise.
5. Parce qu'ils furent repoussez et battus.
6. Il y avoit des troupes de ces 3. Princes dans l'armée des confe=
=derez.
[335]
Chanson 1692.
Sur l'Air: de la Rochelle
Sur le Combat de Stenkerke prés Enghien,
&ca. de même que l'Argument precedent
ainsy que le Nota.
Scavez vous brave Luxembourg,
Tout ce que l'on dit à la Cour,
De vôtre derniere bataille1,
Chacun publie hautement
Que vous n'avez rien fait qui vaille
Non de cœur, mais de Jugement2.
On scait que tous vos Bataillons
On fait de belles Actions3,
Qui brilleront dans nos histoire;
Mais aujourd'huy je vous dis
On
1. N'en deplaise a l'auteur, ce n'est qu'un Combat, car l'affaire
ne fut pas generale, l'Infanterie seule ayant combattu.
2. On pretend que Mr. de Luxembourg etant superieur en Cavalerie
aux Ennemis, et Inferieur en Infanterie, s'etoit mal posté, ce qui
donna envie au Prince d'Orange de l'attaquer. D'ailleurs il ne fut
averti au dessein des Ennemis que le matin et ils etoient en
marche dés minuit pour le venir chercher, aussi fut il d'abord
poussé et perdit 4. pieces de Canon.
3. l'Infanterie Françoise fit des prodiges de valeur, et reprit
non
[336]
On mesle a vos chants de victoire,
Un peu trop de deprofundis4.
Quoiqu'en disent les medisants,
Vôtre lettre5 a ses partisans,
Vous louez les gens a merveille6;
Mais il eut fallu sans façon
N'en deplaise a Monsieur Abeille7
Retrancher le Joly Garçon8.
non seulement le Canon perdu; mais 8. autres pieces aux Ennemis
comme il est dit dans l'Argument.
4. {La} Perte fut grande du costé du vainqueur; mais a la verité plus grande
du côté des vaincus.
5. C'est une Lettre que Mr. de Luxembourg escrivit au Roy, sur cette
Action et qui fut imprimée.
6. Mr. de Luxembourg y louoit beaucoup de gens.
7. L'Abbé Abeille est un auteur et un bel Esprit qui suivoit Mr. de
Luxembourg a l'Armée. Il est parlé de lui plus haut.
8. Mr. de Luxembourg dans sa Lettre au Roy en parlant du Mqs
de Rochefort Colonel du Regiment de Bourbonnois, dit que c'etoit
un fort joly garçon et l'auteur trouve cette louange bien seche en
comparaison de celles qu'il y donne aux autres officiers , cela fut
blamé du public.
[337]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Il a battu son petit frere
Sur le retour à la Cour de Henry de Mont=
=morency Luxembourg, Duc de Piney, Pair
et Mareschal de France &ca. aprés la Campa=
=gne de Flandres, où il commandoit les Ar=
=mées du Roy Louis XIV. et dans laquelle
se donna le 3e. Aoust le Combat de Steinkerke
dont il est parlé dans la Chanson precedente.
D'une maniere triomphale,
Comme Caezar vient de Pharsale1,
Luxembourg doit venir icy2,
Mais on nous ecrit de l'Armée3,
Que sans vendosme4 et sans Conty5,
Il revenoit comme Pompée6.
1. Jules Cezar vainquit Pompée dans la Pharsale], et revint triomphant
a Rome.
2. A la cour.
3. L'Armée de Flandres que Mr. de Luxembourg commandoit.
4. Louis-Joseph Duc de Vendosme Pair de France, Chtr des Ordres du
Roy, Gouverneur de Provence &ca. lequel servoit de Lieutenant general
dans cette Armée.
5. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du sang, Chtr des
Ordres du Roy, lequel servoit de Lieutenant general dans cette
armée.
6. L'auteur veut dire que comme Pompée fut batu par Cezar, a
Pharsale, le Duc de Luxembourg l'eut êté au combat de Steinkerke,
par
[338]
par le Prince d'Orange, n'eut êté la valeur du Prince de Conty et
du Duc de Vendosme. Il est certain que ces Princes firent des
merveilles; mais surtout le Prince de Conty qui retablit absolument
l'aisle gauche qui plioit; comme il vit que le Regiment de Bour=
=bonnois etoit presque tout dispersé. Il prit lui meme le Drapeau
Colonel de ce Regiment et le porta du costé des Ennemis pour y faire
revenir les officiers et les soldats, ce qui reussit. Il fit plusieurs
autres actions heroiques, ce qui reussit. Il fit plusieurs
autres actions heroiques, ce qui faisoit dire a toute l'armée que l'ame du
Prince de Condé son oncle, avoit combatu ce jour là, avec luy.
[339]
Stances 1692.
Sur Louis-Joseph Adhemar de Monteil
de Grignan Evesque de Carcassonne, leql.
êtoit à la teste d'une deputation que les
Estats de Languedoc firent l'an 1692.
a Pezenas, pour aller complimenter.......
de Gevaudan, femme de ........ M[ar]q[ui]s
de Gange Lieutenant pour le Roy de
cette Province et en cette année oublia sa
harangue, et demeura court.
Un Prelat1 enchanté d'une grace passante2,
Prodiguoit son encens par des foins superflus3,
Et s'efforçoit en vain d'une ame complaisante
A louer la beauté qu'on ne lui trouvoit plus.
Sa vertu du discours faisoit une partie4,
Plus pure, disoit il, qu'on ait veu de nos ans;
Quoique
1. L'Evesque de Carcassone.
2. Madame de Gange dont la beauté commençoit a passer.
3. Non seulement il etoit inutile de la haranguer au nom des Estats;
mais plusieurs y trouverent a redire, et surtout qu'un Evesque de
cette qualité de charheast de porter la parole on verra par la suitte
de ce Commentaire, et qui l'y engagea.
4. Ce Prelat la complimenta sur sa vertu qui etoit des plus medi=
=ocres et dont il connoissoit dit on la faiblesse mieux qu'un
autre.
[340]
Quoique l'une du Corps, l'autre Cœur bannie5,
Formassent un eloge6 assez a contre tems.
Le Saint Esprit choque1 de cette fausse organe7
Le saisit a la gorge et l'arresta tout court,
Tu me trahis dit il, demeure là, Prophane
A tant de vains propos je ne puis être sourd.
A ces mots il se tut, et d'une voix tremblante
Annonça quelques mots, et toujours la vertu8,
Sans aucun fondement sur ses Levres errante
S'esloignoit du sujet qu'il a tant combatu9.
Le
5. La Grace êtoit bannie du Corps de Made. de Gange, et la
vertu de son cœur.
6. Cet Eloge sur une beauté finie et une vertu mediocre rendoit
la harangue du Prelat tres fausse.
7. L'Auteur de ces stances blasmant, comme tout le monde, cette
Harangue, feint que le St. Esprit en fut lui même indigné
et regardant ce Ministere dans la bouche d'un Evesque,
comme une prophanation, lui arresta tout court la parole.
8. Ce Prelat demeura court en disant le mot de vertu qu'il repeta
plusieurs fois, sans pouvoir a chever le reste de son discours.
9. L'auteur veut dire que l'Evesque de Carcassonne, avoit
souvent combattu la vertu de Made. de Gange parce qu'il
avoit êté amoureux et dit on bien traité de cette Dame, cela
est assez ingenieux.
[341]
Le Prelat en êtoit aux vertus Theologales;
Mais son zele du Ciel ne pût être beni
S'il avoit sceu toucher les vertus Cardinales10,
Sans doute, son discours n'eut pas sitost fini.
10. Ce cy est plaisant, Madame de Gange etoit publiquement la
Maitresse de Pierre de Bonzi Cardinal Archevesque de Narbonne
et President né des Estats du Languedoc. Il en est parlé dans
ce Recueil sous le nom de Madlle. de Gevaudan, et c'etoit luy qui
l'avoit mariée à Mr. de Gange et qui avoit fait acheter a ce
Gentilhomme, la Lieutenance de Roy en Languedoc, novellemt.
crée. Mr. et Mad.e de Gange venaient aux Estats pour la 1re. fois.
le Cardinal qui vouloit faire du Chagrin a Nicolas de Lamoignon
de Basville, Coner. d'Etat et Intendant de Languedoc, fit or=
=donner une deputation des Etats a Mr. et a Made. de Gange
plus honorable que celle qui est reglée pour les Intendants.
l'Evesque de Carcassonne amy du Cardinal et de la Dame se
chargea de porter la parole pour obliger son Eminence, et c'est
par raport a l'amour du Cardinal pour Made. de Gange que
l'auteur dit que si l'Evesque avoit parlé des vertus Cardinales
il ne seroit pas demeuré court.
[343]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur........ de Sennecterre appellée Madlle.
de Menetou fille de Henry Duc de la Ferté,
et de Marie-Isabelle-Gabrielle-Angelique de la
Mothe-Houdancourt sa femme.
Ce n'est point la taille1. charmante,
De la Menetou qui m'enchante,
Ny son Clavessin, ny son Chant2,
Ny sa mine grimaciere3;
Mais c'est qu'elle est a quatorze ans4,
Plus putain que ne fut sa mere5.
1. Je ne scais pourquoi l'auteur traite icy la taille de Madlle. de
Menetou de Charmante; car elle n'est pas droite, il est vray que
sa mere prenoit grand soin de la faire bien habiller.
2. Elle chantoit et jouoit du Clavessin en perfection, et dansoit de
meme.
3. Elle minaudoit beaucoup.
4. Elle n'avoit que cet âge dans cette année 1692.
5. Il est mention en plusieurs en droits de ce Recueil du putanisme
de la Duchesse de la Ferté mere de Madlle. de Menetou.
[345]
Chanson 1692.
Sur l'Air: je vous le dis et le repete.
Sur les Chansons de Philippes-Emanuel de
Coulanges cy devant Maitre des Requestes.
Ouy, je le soutiens sans scrupule
Que ny Martial, ny Catulle,
Ces badins de l'antiquité
N'ont point merité les louanges,
D'agrément, de facilité,
Qu'on doit aux Chansons de Coulanges.
Il scait de la bouffonnerie
Bien distinguer la raillerie,
Sans que rien sente le fagot,
Il depeint tout d'aprés nature,
En plaisantant mieux que Marot
Et badinant mieux que voiture.
Corbinelli.
L'auteur de cette Chanson n'est pas avare de Louanges envers
Mr. de Coulanges, il est vray qu'il fait beaucoup de Chansons,
et il y en a plusieurs de lui dans ce Recueil, il faut convenir qu'il
les fait avec facilité; mais elles ne sont pour la pluspart que
de la prose rimée c'est a dire froides et incipides quoiqu'il y ait
du feu et de l'imagination dans quelques unes.
[347]
Epigrammes 1692.
Sur le IIIe. Volume du Livre intitulé
Parallele des Autheurs anciens et modernes
composé par Charles Perrault de l'Accade=
=mie Françoise dans lequel cet autheur
remarque quantité de defaut dans homere
et dans Virgile.
Clio vint l'autre jour se plaidre au Dieu des vers,
Qu'en certain lieu de l'univers,
On traitoit d'autheurs froids de Poëtes steriles,
Les homeres et les Virgiles,
Cela ne scauroit être, on s'est moqué de vous,
Reprit Apollon en courroux.
On peut avancer une telle infamie,
Est ce chez les hurons, chez les Topinamboux,
C'est à Paris, c'est donc a l'hospital des foux,
Non c'est au Louvre en pleine accademie.
Pour quelque vain discours sottement avancé,
Contre Homere, Platon, Ciceron et Virgile,
Caligula par tout fut traité d'insensé,
Neron de furieux, Adrien l'imbecile;
Vous donc qui dans la même erreur,
[348]
Avec plus d'ignorance, et non moins de fureur,
Dechirez ces heros de la grece et de Rome,
Perraut fussiez vous Empereur,
Comment voulez vous qu'on vous nomme.
Un bruit court que Junon, Bacchus, Jupiter, Mars,
Apollon, le Dieu des beaux Arts.
Les jeux mêmes les ris, les Graces et leur mere,
Et tous ces Dieux Enfant d'Homere,
Resolus de vanger leur pere
J'entent desja sur vous de dangereux regards
Perrault craignez enfin quelque triste avanture
Comment soutiendrez vous un choc si violent
Il est vray, Visé vous asseure
Que vous avez pour vous Mercure;
Mais c'est le Mercure Galant.
D'où vient que Ciceron, Platon, Virgile, Homere,
Et tous ces grands auteurs que l'Univers revere
Traduits dans tes ecrits nous parroissent des sots,
Perrault, c'est que prestant a ces Esprits sublimes
Tes façons de parler; tes bassesses, tes rimes,
Tu les a tous fait des Perrauts.
[349]
Epigrammes 1692.
Servant de reponse aux precedentes.
Qui sont ces gens qui pour les antiquailles1,
Font éclater un zele si chagrin?
Sont-ce Pedants nez au pais latin ?
Non, ce sont gens soi disans de Versailles2.
Des Preaux3 criant comme un sourd4,
Furieux dans la ville5 court.
Et comme un scandale exagere
Le mepris que l'on fait d'Homere6;
Mias les matins disent tout haut
Que
1. C'est a dire pour les auteurs anciens.
2. L'auteur entend par là Jean Racine Gentilhoome ordres. de la
Maison du Roy, Tresorier de France en la Generalité de Moulins, de
l'Accademie Françoise, et Nicolas Boileau des Preaux aussi de
l'Accademie Françoise, et auteur de l'Epigramme precedente, ils travail=
=loient conjointement a l'histoire du Roy Louis XIV. par l'ordre de ce
Prince qui leur donnoit pension pour cela. Cela les attachoit en quelque
façon a la Cour qui pour lors etoit a Versailles et comme ils êtoient
gens de peu, et neantmoins Courtisans, l'auteur les appelle gens soy-
disans de Versailles. Ils etoient fort dechainez l'un et l'autre contre
Charles Perrault, sur ce qu'il elevoit les auteurs modernes au dessus
des anciens.
3. Cette Epigramme cy s'adresse a Boileau des Preaux auteur des
precedentes contre Perrault.
4. Le pauvre homme etoit sourd.
5. Paris.
6. Il est certain que Perrault dans son 3e. Tome du paralelle des auteurs
anciens
[350]
Que sa veritable colere,
Est que dans son livre Perrault7.
A son gré ne l'encense gueres,
Et qu'il loue un peu trop Quinaut8.
Boileau9 de quoi te mesle tu?
On croiyoit te voyant languissant abatu10,
Par un long repentir ta muse convertie11.
Mais tu nous rends garands du livre de Perrault.
Si
anciens et modernes trouve ridicules dans les Poëmes
d'Homere.
7. Charles Perrault de l'Accademie Françoise, auteur du Paralelle
des autheurs anciens et modernes.
8. Perraut dans son livre loue fort Philippes Quinaut, auditeur
des Comptes a Paris, et de l'Accademie Françoise sur les Opera qu'il
avoit composés, et dans lesquels il reussissoit extremement, Et
a l'esgard de Boileau des Preaux, fameux par ses Satires, ses
Epitres, son Art Poetique en vers, et sa traduction du traité du Sublime
de Longin. Il en parle fort modestement. En quoi il a tort, Car
ses ouvrages honoreront eternellement nôtre siecle.
9. Nicolas Boileau des Preaux &ca.
10. Il etoit alors vieux.
11. L'auteur veut parler de ses satires, où il a fort medit et
nommé chacun par son nom.
12. Le Paralelle des auteur anciens et modernes, a quoi il faut
ajouter que cette Epigramme a êté faite au nom de l'Acca=
=demie Francoise que Boileau des Preaux semble accuser
d'appouver l'oppinion de Perrault dans l'Epigramme dont
il est l'auteur.
[351]
Si ce livre a quelque defaut,
Faut il nous insulter et nous prendre a partie,
Ton amy Furetiere êtoit un grand fripon13,
Et tu t'est attiré quelques coups de baston14,
Tout le corps de l'Accademie,
Qui vous receut tous deux et que vous dechirez;
Devroit il se charger de toute l'infamie
De deux membres deshonorez?
13. Voyez plusieurs Epigrammes plus haut de l'an 1686. où est
l'histoire d'Antoine Furetiere Abé de Chalivoy, lequel l'Acca=
=demie retrancha de son Corps.
14. Quelques gens ont dit que les satires de Boileau des Preaux
lui avoient attiré des coups de bâton.
[353]
Epigramme 1692.
Sur Bernard de Fontenelle de l'Accademie
Françoise, et sur quelques Poëtes Tragiques
dont les noms sont dans le Commentaire.
Ces jours passez chez vieil hist{o}rion1.
Un Croniqueur mettoit en question,
Quand à Paris commença la Methode
De ces Sifflets qui sont tant a la mode2,
Ce fut dit l'un aux pieces de Boyer3,
Gens pour Pradon4 voulurent parier;
Non, dit l'Acteur, voicy toute l'histoire
Que par degrez je vas vous debrouiller;
Boyer aprit au Parterre aba{r}ailler,
Quant a Pradon si j'ay bonne memoire
Pommes sur lui volerent l'argement,
Or quand sifflets prirent commencement.
C'est
1. Comedien.
2. Il s'etoit depuis quelque tems etably une methode parmi les spec=
=tateurs des Comedies, et surtout dans le Parterre, de siffler les
pieces qui deplaisoient.
3. Claude Boyer de l'Accademie Françoise qui avoit fait
representer quelques mauvaises Tragedies de sa façon.
4. Autre mechant Poëte Tragique.
[354]
C'est j'y jouois, jen suis temoins fidelle,
C'est a l'Aspard5 du sieurs de Fontenelle,
Par Burine.
5. Bernard de Fontenelle de l'Accademie Françoise dont
quelques Tragedies et entr' autres, une nommée Aspar, avaient
mal reussy.
[355]
Chanson 1692.
Sur l'Air: Sommes nous pas trop heureux.
Adressée au Sr. de Fontenelle de l'Accademie
Françoise, au sujet de l'Epigramme precedente
dont Jean Racine aussi de l'Accademie
Françoise, et Gentilhomme ordinaire de la
Maison du Roy, êtoit l'auteur.
Quand Racine avec aigreur,
Médit, méprise et querelle,
Ce n'est pas vous Fontenelle
Qui le mettez en fureur,
En vous il poursuit la race
De son plus grand Ennemy1,
Et n'en aura quoiqu'il fasse,
De
1. Pierre Corneille de l'Accademie Françoise Poëte si fameux
par ses admirables Tragedies, et Oncle de Fontenelle l'Auteur de
cette Chanson le regarde comme l'Ennemi, on peut mieux dire
l'Adversaire du Sr. Racine, parce que selon lui, et beaucoup d'autres
les Tragedies de celuicy ne sont pas de la force de celles de Cor=
=neille. L'auteur pretend que c'est en haine de ce dernier que Racine
fait des Epigrammes contre Fontenelle et non a cause de la
preference qu'il a donnée dans quelques uns de ses ouvrages
aux auteurs Modernes sur les Anciens dont le Sr. Racine est
un des plus zelez deffenseurs.
[356]
De vengeance qu'a demy2.
2. L'auteur pretend que Racine se vange mal par là, de la
superiorité que feu Mr. Corneille a au dessus de luy.
[357]
Epigramme 1692.
attribuée au Duc de Nevers.
Et adressée a Jean Racine Gentilhomme
ordinaire de la Maison du Roy &ca. sur le
meme sujet que les precedentes.
Racine je me rends, et c'est de bonne foy
Qu'aux modernes auteurs, les anciens je prefere,
Il valent mieux que toy, que moy
Et que l'Accademie2 entiere.
Mais je connois aussi sans chagrin, sans colere
Amateur de la verité
Que Lully3, Corneille4, et Moliere5,
Ont surpassé l'antiquité,
Pour la piece d'Aspar du Sieur de Fontenelle
Elle est mauvaise et je l'a soutiens telle,
Du chemin, du bon sens, l'auteur s'est fourvoyé;
Mais quand je vois les vers tomber sans harmonie;
Que
1. On a veu dans les pieces precedentes le sujet de celle cy, qui est le
Paralelle des auteurs anciens et modernes par Charles Perraut
de l'Accademie Françoise, et la division que ce livre causa parmy
les beaux Esprits.
2. L'Accademie Françoise.
3. Jean Baptiste Lully Excellent Musicien.
4. Pierre Corneille Poëte Tragique.
5. Jean Baptiste Moliere Poëte Comique.
[358]
Que je vois dans Esther7 deperir ton genie,
Hipocrite, rimeur8, historien trop payé9,
Avec tout l'Univers ma langue se delie,
Et je dis, ô fatale loy,
Quoi faut il voir un si grand Roy10,
Entre les mains de l'auteur d'Athalie11.
6. Voyez l'Epigramme precedente et le Commentaire.
7. Tragedie Chrestienne, composée par le Sr. Racine l'an 1689.
comme on peut voir dans une Chanson de cette année.
8. L'auteur de cette Epigramme êtoit persuadé avec beaucoup d'autres
que Racine faisoit le devot et ne l'etoit pas.
9. Le Roy lui donnoit 2000. Ecus de pension pour ecrire son histoire.
10. Louis XIV.
11. Autre Tragedie composée par Racine l'an 1691, voyez 2. Chansons
de cette année.
[359]
Epigramme 1693.
A Mrs. de l'Accademie Françoise au
sujet de la Chanson et des Epigrammes
precedentes.
Aprés un grand vocabulaire1,
Beaux Esprits2 n'a ton rien a faire
Qu'a s'aboyer, ce mordre et s'entrepigratigner3,
Quel Demon vous fait tous rimer,
Et sans quartier l'un et l'autre médire,
Vous nous avex fait assez rire4,
Graves auteurs escrivez gravement,
Et pour remplir vos destinées,
Commencez viste un Rudiment5,
Qui s'acheve dans trente années6.
1. Le Dictionnaire de la langue Françoise, commencé par l'Accademie
dès l'an 16.... sur les Ordres du Cardinal de Richelieu son....
Fondateur, et son 1er. protecteur. le Dictionnaire ne faisoit qu'etre
achevé et n'etoit pas même encore imprimé.
2. Les Accademiciens.
3. L'Auteur veut parler des Epigrammes de la Chanson précédente
au sujet des Auteurs anciens et modernes, lesquelles sont toutes faites
par des Accademiciens, les uns contre les autres.
4. Tout le monde se moquoit de cette guerre d'auteurs qu'etoient
echauffez et la traitoient aussi serieusement que si c'eût êté une
affaire d'Etat.
5. Un Rudiement de la Langue Françoise.
6. Voyez l'Article 1er.
[361]
Chanson 1693.
Sur l'Air de la Fronde.
Ce grand Dauphin sur qui la France,
Fonde toute son esperance
Reviens dressons lui des Autels,
Il merite qu'on le revere;
Ce fils du plus grand des mortels
Suit bien les traces de son pere.
[363]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de Joconde.
D'Adam nous sommes tous enfans,
La preuve en est connüe,
Et que tous nos premiers parens,
Ont mené la Charüe;
Mais la de cultiver enfin
Leur terre infortunée;
L'un a detelé le matin,
L'autre l'aprés dinée.
Je ne trouve rien de plus fou,
Que certaines Familles,
Qui donnent jusqu'au dernier sou
Pour établir leurs filles,
L'on veut des partis éclatans,
Ducs, Mareschaux de France,
Pour être leurs petits parens,
Et leurs mesalliances.
[365]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de Joconde.
A Made. de Coulanges. sur les devoirs qu'elle
rend à Made. de la Fayete, avec une obligation
si étroite qu'elle et plusieurs autres se sont
imposées, qu'elles n'osent y manquer chaque
semaine, elle y fut la semaine Sainte, son
Directeur lui en fit la guerre.
Ma fille recevez l'avis,
D'un Directeur sincere,
En Carême il n'est point permis,
En vain de se distraitre;
Laissez les inutiles soins,
Les visites frivoles;
Suspendez dans ce temps au moins
Le culte des Idolles.
[366]
Autre
Sur l'Air: des Rochelois.
Sur le même sujet que la precedente.
Avec l'Encensoir à la main,
Courez* au Faubourg Saint Germain,
Il faut reverer vôtre idolle,
Paroître sensible a ses maux,
L'admirer a chaque parolle,
Et lui conter bien des fagots.
Elle y retourna aussitost aprés les festes, sur quoi il fit
ce couplet.
[367]
{Mars}
Epigramme {Deliguiere} 1693.
Sur la mort de Robert grand Peniten=
=cier. {mort le 25. Mars 1693.}
Croyez vous que je me soucie,
Que Robert le Penitencier,
Personnage docte et foncier,
Ait depuis peu perdu la vie,
La mort de Robert le Traiteur
Me tiendroit beaucoup plus au cœur.
par Deliguiere.
Autre par le même
Sur ce qu'il meurt beaucoup de monde.
Il faut toujours vuider le verre
Pour dissiper nôtre chagrin,
Si l'on met tant de gens en terre
C'est qu'on ne boit point de bon vin.
[369]
Chanson 1693.
Sur l'Air: du Noel de ............... *
Sur la Bataille de la Marsaille en
Piémont, donnée le 4. Octobre 1693. entre
l'Armée de France commandée par
Nicolas de Catinat Mareschal de France,
et celle des confédérez, commandée par
Victor-Amedée Duc de Savoye, dans laqlle.
la 1re. fut victorieuse.
Na. Que le detail de cette Action est dans le
Commentaire.
Scavez vous ce qu'a fait Pierrot1,
Oh, oh
De sa formidable armée2
Il
1. Les soldats appelloient par sobriquet le Maāl de Catinat
Pierrot, et cela parce qu'ils appellent Pierrots, les soldats
du Regiment des Gardes Françoises, et que ce Mareschal avoit
êté, Enseigne, sous Lieutenant, Lieutenant, et Capitaine dans
ce Regiment, les Soldats le nommoient aussi le Mareschal
au Mr. de la Pensée, a cause de son esprit et de ses veuës pour
la guerre.
2. L'Armée commandée par le Mareschal de Catinat etoit consi=
derable le jour de la Bataille de la Marsaille, car Elle avoit
êté renforcée de plusieurs troupes de l'Armée d'Allemagne
et principalement de la Gendarmerie qui fut d'un grand
secours dans cette occasion.
[370]
Il a batu prés du Po3,
Oh, oh,
Les Troupes confédérées4,
Le detail de cette fameuse journée
Est porté par la renommée.
Plus.
3. La Bataille de Marsaille fut donnée sur la Riviere de
Chison et non pas sur le Po; mais cependant a une lieue ou 2.
de cette derniere riviere.
4. L'Armée Ennemie etoit composée de Troupes de l'Empereur
du Roy d'Espagne, du Duc de Savoye, parmy lesquelles étoient
des Bataillons de Religionnaires, que commandoit le Duc
Charles de Schomberg, et qui reconnoissoient le Prince d'Orange
pour leur Maistre. Cette armée commandée par le Duc de Savoyye
ayant passé la Chison, rencontra l'Armée Françoise dans un
terrain inégal, et coupé de Bois. Nôtre droite batit d'abord la
gauche des Ennemis qui ne tint pas. Nôtre centre tailla en pieces
celle des Confédérez. l'affaire fut plus considerable à nôtre gauche
où le Mareschal de Catinat avoit sagement fait passer la Gendar=
=merie pendant la nuit pour l'opposer aux Cuirassiers de l'Empr.
qui etoient a la droite des Ennemis. Notre Gendarmerie fut d'abord
poussée, et ne repoussa les Ennemis qu'a la seconde charge, qui
acheva la Victoire. Le Maāl montra une grande capacité dans
cette occasion, et nos Trouppes beaucoup de valeur, Et nôtre In=
=fanterie aussi bien que la Cavalerie chargea sans tirer, l'Epée
a la main ou la Bayonnette au bout du fusil et du mousquet;
nous gagnâmes outre le Champ de Bataille 4. Estendars, 78.
Drapeaux des Ennemis, et 30. pieces de Canon. Il y eut environ
2000. prisonniers des Ennemis, et 4. a 5. mil hommes de tués sur
la place, parmy lesquels fut le Duc Charles de Schomberg. Nous
y perdismes 1500. ou 2000. hommes dont le plus considerable, fut
le Sr. de la Hoguette Lieutenant general des Armées du Roy,
Sous Lieutenant de la 1re. Compagnie des Mousquetaires de sa Mté.
et Gouverneur de Mezieres et de Niort, homme d'un merite
singulier.
[371]
Plus loin que par Clérembault5
Oh, oh, oh, oh.
Voila ce qu'a fait Pierrot.
5. Ce fut le Comte de Clerembault Brigadier d'Infanterie
qui aporta au Roy la nouvelle de cette victoire, et que sa Mté.
recompensa sur le champ d'un Brevet de Maāl de Camp.
L'auteur a raison de dire que la Renommée celebroit cette victoire,
car elle êtoit considerable par elle même, et par la conjoncture.
Car les Alliez, ayant cette année Bombardée Pignerol et pris le
fort Se. Brigide prés cette place, et ayant l'année precedente
entré en Dauphiné, pris Guillestre et Embrun qu'ils abandon=
=nerent a la verité, nous avions besoin d'une victoire aussi
complette que celle là pour y retablir l'honneur de nos Armes
en Italie. Aussy dés ce moment là, le Duc de Savoye voyant
nos Troupes en Piemont et a la porte de Turin sembla t'il
entendre a quelques propositions de paix faites par les prison=
=niers, et le Comte de Tessé Chevalier des Ordres du Roy, et
Lieutenant general des Armées de sa Mté. fut même incognito a
Turin pour en traiter; on vera dans la suitte de ce Recueil
quel en fut le succés.
[373]
{Octobre}
Chanson 1693.
Sur l'Air ........
Louis le plus grand Roy du monde,
Tout triomphant qu'il est sur la terre et sur londe,
Aux Ennemis vaincus veut accorder la paix,
Alliez vôtre ligue, aliez vos projets
Contre un Roy si puissant, n'ont que l'impuissance,
Aimez vôtre vainqueur, acceptez sa Clemence,
Aimez vôtre vainqueur, acceptez sa Clemence,
Gardez vous, gardez vous contre lui de vous liguer jamais,
Gardez vous, gardez vous contre lui de vous liguer jamais,
Louis le plus grand Roy du monde,
Tout triomphant qu'il est sur la terre et sur l'onde,
Aux Ennemis vaincus veut accorder la paix.
[375]
Sonnet [X] 1693.
Au Roy Louis XIV. sur ce qu'il continuoit
la guerre avec ardeur, malgré la misere où
elle avoit réduit la France, et la disette où
elle êtoit alors y ayant eu peu de bled cette année
dans le Royaume, ce qui achevoit d'accabler
le peuple, et avoit mis le pain a un prix
excéssif.
Louis, tu vas courir de victoire1;
Mais prend bien garde de triompher en vain
Tu seras il est vray rassasié de gloire;
Mais nous le serons nous de pain.
Consulte ta bonté, prens soin de la memoire,
Crains qu'en parlant de nous fidelle Ecrivain
Ne dise un jour, Louis pour vivre dans l'histoire
Les a tous fait mourir de faim.
Que
1. On a veu plus haut que l'Armée du Roy en Flandres avoit
vaincu celle des alliez contre la France, au Combat donné a
Nerwinde le 29. Aoust 1693. l'armée de sa Majesté commandée
par le Mareschal de Catinat en Piemont se preparoit a combattre
celle du Duc de Savoye, et l'Armée victorieuse de Flandres faisoit
alors le siege de Charleroy qui se rendit le ............ du mois
de .............. .
[376]
Que peux tu desirer? mille et mille Lauriers
Te font nommer partout le plus grand des guerriers2,
Ta grandeur est presque Divine.
Laisse nous donc jouir des douceurs de la paix3,
Quel funeste plaisir d'obliger tes sujets
A crier victoire et famine4.
2. Il est certain que le regne du Roy Louis XIV. êtoit un tissu
continuel de victoires.
3. La paix êtoit non seulement desirée; mais necessaire à la
France, dans l'épuisement où elle etoit àlors d'hommes et
d'argent.
4. Les Armées du Roy êtoient victorieuses partout; mais le
peuple gémissoit par la disette de bled.
[377]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de Lampon.
Aprés la Bataille de la Marsaille;
C'est le Duc de Savoye qui parle.
On dit partout dans Paris,
Que Catinat m'a tout pris,
Il a menty, s'il s'en vante;
Car j'ay ma chaise roulante
Lampon, lampon,
Camarade lampon.
[379]
Chanson 1693.
Sur l'Air: des Ennuyeurs.
Adressée à Philippes-Emanuel de Coulanges,
sur les divers sentimens, touchant les
Autheurs anciens, et modernes.
Aujourd'huy dans les entretiens1,
A tort et a travers on compare
Les modernes aux anciens;
Et librement on se déclare,
Chacun fait des comparaisons
Sans nous en dire les raisons.
Apprens nous par quelque couplet2,
Ausquels on doit la préference,
Qui trouves-tu le plus parfait
Ou de Moliere3, ou de Terence4;
Mais
1. On ne parla longtemps que de cette querelle pour les auteurs
anciens et modernes.
2. Comme Mr. de Coulanges faisoit souvent des Chansons et
qu'elles etoient fort publiques, l'auteur de cellecy le prie d'en
faire une sur le sentiment qu'il a de ces auteurs, et lesquels
il prefere aux autres.
3. Poëte Comique François.
4. Poëte Comique Latin.
[380]
Mais dis nous sur quel fondement
Est appuyé ton sentiment,
Qui de Frapaole5, ou Guiccjardin6,
De Titelive7, ou de Saluste8,
Est d'un caractere plus fin,
Plus noble, plus fort et plus juste;
Dis nous enfin lequel d'entre Eux,
Choisit, arrange, ou narre mieux.
Trouves tu plus de dignité,
Et plus d'agrément dans le stile,
Plus de grandeur, et de beauté
Dans Corneille9, que dans Virgile10,
Qui des deux fait plus a propos
Agir et parler son heros.
Pour
5. Moine servite Italien qui a escrit l'histoire du Concile
de Trentre.
6. Italien qui a ecrit les guerres des Rois de France Charles.
VIII. et Louis XII. en Italie.
7. Il a escrit l'histoire Romaine en latin par Decades dont il
ne reste qu'une partie.
8. Il a aussi ecrit l'histoire Romaine en latin dont il ne reste
plus que la conjuration de Catilina et la guerre contre Jugurtha
avec quelques fragmens du reste.
9. Poëte Tragique François.
10. N'en deplaise a l'Auteur, Corneille ne peut être comparé avec
Virgile, puisque celui cy n'a point fait de Tragedies; mais
seulement
[381]
Pour confondre les tems passés
Où sembloit regner l'Eloquence,
Nos Orateurs ont ils assez,
D'art, de genie, et de science,
Impunement oublira t'on
Et Démosthene et Ciceron.
Tu peus sur cela scavamment11,
Instruire tes amis fideles,
Ton goût et ton discernement
Peuvent apaiser ces querelles,
Et je me suis fait une loy
De ne juger que comme toy.
Corbinelli.
seulement les Georgiques des Eclogues, et le Poëme heroique
de l'Eneide.
11. On ne peut s'empescher de blâmer encore l'auteur, de ce qu'il
traite Mr. de Coulanges de scavant.
12. Si l'Auteur forme ses décisions sur celles de Mr. de Coulanges,
il court risque de se meprendre.
Nota. Qu'il est surprenant que l'Auteur de cette Chanson ait
pris pour juge ce differend Mr. de Coulanges. Celui cy doit un
homme tres agreable, doux, de bonne compagnie toujours guay
et ce qui a fait plusieurs jolies Chansons, dont il y en a quelques
unes dans ce Recueil; mais il n'avoit aucune connoissance
des Belles Lettres ny aucune litterature. On pouvoit même le
regarder comme un homme tres ignorant, et par consequent très
incapable de décider sur une pareille maniere.
[382]
Autre
Sur le mesme Air
De Philippes-Emanuel de Coulanges,
servant de réponse à la precedente, et adressée
au Sr. de Corbinelli qui en êtoit l'auteur.
Pour un tres vulgaire rimeur,
Pour un insecte du Parnasse,
Vous me faites beaucoup d'honneur,
Corbinelli, je vous rends grace,
Loin de dire mon sentiment,
Je me retranche au compliment.
Mon illustre amy je me tiens
Dans mon ressort de balivernes*,
Quoi moy, juger des modernes!
Je les honore au dernier point
C'est pourquoy je n'en parle point.
*Il veut parler des Chansons qu'il a faites.
[383]
Epigramme 1693.
A Paul Godet des Marais, Evesque
de Chartres.
N'etes vous point ce grand Apôtre1,
Qui decendez du Firmament?
A ce grand Saint plus qu'a tout autre
Vous ressemblez parfaitement,
Je vous vois plein de sa doctrine2,
Et de sa puissance divine3,
Vous portez son illustre nom4,
Le même zele vous embrase,
Vous êtes comme lui le vaze
Ou le Godet5 d'Election.
1. St. Paul.
2. L'Evesque de Chartre êtoit bon Theologien, et scavoit par consequent
la Doctrine de St. Paul qui est celle de la Religion Chrestienne.
3. Les Evesque sont les successeurs des Apôtres.
4. L'Evesque de Chartres se nomme Paul.
5. Voila une Allusion bien basse sur le nom de la Famille de ce
Prelat.
Nota. Qu'il est douteux si cette Epigramme a êté faite pour se
moquer de ce Prelat, où si elle a êté composée par quelque fat qui a
cru bien dire lorsqu'il disoit des sotises. Ainsi il est bon de dire
icy que l'Evesque de Chartres êtoit un homme de tres petite naissce.
qu'il êtoit simple Prestre au seminaire de St. Sulpice à Paris, qu'il
eut une abbaye par le credit de la Marquise de Piennes sa parente;
qu'ayant
[384]
qu'ayant êté assez heureux pour être appellé avec d'autres Prestres,
a la Direction de la Maison de St. Louis a St. Cir pres Versailles,
par la Marquise de Maintenon, il gagna sa faveur passa pour
un St. dans son Esprit, en telle sorte qu'elle lui fit donner l'Evesché de
Chartres, et le mit assez avant dans l'Esprit, et dans la confiance
du Roy Louis XIV. néantmoins, c'etoit un homme tres plat, d'un
tres petit merite, quoiqu'homme de bien, d'ailleurs dévot, de Cabale,
et par consequent dangereux, glorieux, meffiant &ca.
[385]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere
Sur........................ Nompar de Caumont de la Force
veuve de ............... Grimoard de Beauvoir
Marquis du Roure.
Roure1 sensible à la tendresse,
Mettant à profit sa jeunesse,
Favorise divers amans,
Pour trois2, la chose est fort certaine,
Et que tous leurs embrassemens,
Ne l'a mettent point hors d'haleine.
Auprés d'Elle une grosse bourse,
Est d'une infaillible ressource,
Et c'est par là que ce Bourgeois3.
De qui le mérite est si mince
A fait cocu plus d'une fois,
Le
1. Le public dit Roule; mais c'est Roure.
2. On verra plus bas qui sont ces 3.
3. Un joueur appellé Frerot, homme de rien qui avoit dit
on {a} les bonnes graces de la Marquise du Roure pour de
l'argent.
[386]
Le heros4, le Prestre5, et le Prince6.
4. Louis Dauphin de France qui avoit êté amoureux de la
Marquise du Roure pendant qu'elle êtoit fille d'honneur de
Marie Anne Christine Victoire de Baviere sa femme.
5. ......... de Mauroy Prestre de la Congregation de St.
Lazare de Paris dont il a êté parlé plus haut dans les
chansons de 1691. Na. Qu'on y verra ses avantures, et
que dans cette année 1693. il fut condamné par le Parlement
de Paris a 9. ans de Galeres, dont le Roy sursit l'execution
à la priere du Duc d'Orleans son frere que la Duchesse
de Ventadour amie de Madlle. de Mauroy sœur du coupable
en avoit prié, et que sa Mté. ordonna qu'il demeuroit
prisonnier dans l'Abbaye des sept fonds en Bourgogne;
avec pouvoir a l'Abé qui es regulier de l'abandonner a la
rigueur de l'Arrest à la 1re. friponnerie qu'il feroit.
6. Louis de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne receu
en survivance a la charge de Grand Chambellan de France
du Duc de Bouillon son pere, lequel fut eperdument
amoureux de la Marquise du Roure jusqu'a sa mort
arrivée le 3e. Aoust 1692. au Combat de Steikerque où il
servoit de Brigadier de Cavalerie dans l'Armée que
commandoit le Maāl Duc de Luxembourg.
[387]
Chanson 1693.
Sur l'Air de Jean de Verth.
par Madame de Polignac
Sur .............. de la Baume-le Blanc,
de la Valiere, femme de Cesar-Auguste
Duc de Choiseul, Pair de France, Chtr
des Ordres du Roy, Lieutenant general
des Armées de sa Majesté &ca.
Si vous voulez1 pour quelque tems
Continuez a plaire
Moderez un temperament,
Qui pour se satisfaire
Vous fait accorder si souvent
Ce que l'on gardoit mieux du temps2,
De Jean de Verth.
Touchez à present votre cœur
N'est plus bonne fortune
On
1. Cette Chanson s'adresse à la Duchesse de Choiseul elle
même.
2. C'est l'honneur que cette Dame sembloit avoir abandonné car
elle êtoit d'une Coqueterie qu'on pouvoit appeller prostitution, jusques
là qu'on disoit qu'elle avoit, et avoit donné du mal Venerien.
[388]
On est si saoul de vos faveurs,
Elles sont si communes,
Que même vous ne pourriez pas,
Tenter le moindre des Goujats
de Jean de Verth.
Nota; Qu'on a crû inutile de commenter le reste de la
Chanson qui est assez intelligible d'Elle même.
[389]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Adressée a ........... de la Baume le Blanc
de la Valliere+; tant sur Elle que sur .......
Comte d'Albert Colonel Lieutenant du
Régiment de Dragons de Louis Dauphin
de France.
{+ femme de Cezar-}
{Auguste de Choiseul}
{Pair de France, Chtr. des}
{Ordres du Roy. Lieutt.}
{gnal des Armées de}
{sa Majesté}
Estre bien fait, mais imbecille 1,
Porter une Epée inutile2,
Se montrer timide et jaloux3,
Et changer de goût pour vous plaire4,
Choiseuil
1. Ce vers et les trois suivans, sont sur le Comte d'Albert, qui
etoit tres beau et tres bien fait, mais sans esprit.
2. L'Auteur veut parler en cet endroit d'une avanture qui arriva
chez la Duchesse de Choiseuil. Elle etoit enfermée dans son
Cabinet à Paris avec le Comte d'Albert lorsque le .......................
d'Aubusson Duc de la Feuillade, qui l'amoit, entra dans sa
Chambre malgré l'opposition que le Suisse de la Duchesse fit
a la porte. Il y dit plusieurs sotises contre cette Dame qui les
entendant de son Cabient ne pût s'empescher d'en sortir; et de
d'effendre au Duc de la Feuillade d'entrer d'avantage chez elle,
Le Duc repliqua, et le Comte d'Albert qui assistoit a cette
conversation ne se mit jamais en devoir d'en tirer raison. C'est
pour cela que l'auteur traite l'Epée de ce Comte d'inutile. Ce=
=pendant le Roy êtant informé de ce demeslé en prevint les
suittes, par des deffenses tres severes aux parties.
3. Le Comte d'Albert a ce que pretend l'auteur, etoit l'un et l'autre.
4. On pretend que le Comte d'Albert êtant naturellement sodomite,
avoit
[390]
Choiseuil pour être aimé de vous
Franchement n'est-ce pas trop faire5.
avoit changé de gout en faveur de la Duchesse de Choiseuil.
5. C'est qu'en vérité cette Duchesse etoit si decriée qu'elle ne
meritoit pas qu'on fit aucun effort, pour avoir ses bonnes
graces.
[391]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de Jean de Verth
par Made. de Polignac.
Sur ................ de Gramont Comte de Guiche
Colonel d'un Regiment d'Infanterie.
Guiche croit avoir de l'Esprit
Lorsque par nonchalance,
Il se moque de ce qu'on dit,
Ou rit par contenance;
C'etoit ma foy bien autrement,
Qu'on avoit de l'Esprit du temps
De Jean de Verth.
Il suffit de dire pour tout Commentaire, que le Comte de
Guiche n'avoit point d'Esprit, et néantmoins faisoit le
capable et le Critique.
[393]
Chanson 1693.
Sur l'Air: il a batu son petit frere.
Sur ............. du Fouilloux veuve de Paul
d'Escoubleau de Sourdis, Marquis d'Halluye
&ca.
Aussi rouge qu'une Ecrevisse1,
Aprés avoir rendu service
Pendant vingt ans à la Soissons2,
La d'Halluye releve boutique
Porthsmouth3, et {la} Grancé4, dit on,
Sont a present ses deux pratiques.
1. Elle avoit le visage extremement rouge.
2. Olimpe Mancini veuve de Eugene-Maurice de Savoye..
Comte de Soissons, Colonel general des Suisses et Grisons, Gouver=
=neur de Champagne et Brie. la Marquise d'Halluye etoit son
amie particuliere et sa confidente.
3. Louise-Renée de Pennacoûet de Kerouald Duchesse de
Porthsmouth en Angleterre, laquelle avoit êté maîtresse de
Charles II. Roy d'Angleterre, et qui êtant etably à Paris y
menoit une vie peu reguliere.
4. Marie-Louise Rouxel de Grancey, fille tres déréglée. Elle
avoit êté Dame d'Atour de Marie-Louise d'Orleans Reine
d'Espagne, ce qui lui donnoit le Titre de Dame.
5. La Marquise d'Halluye êtoit amie de ces deux Dames et
leur confidente.
[395]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur le desmeslé qu'eurent ensemble ...........
de Chambonneau et ............. Nompar de
Caumont veuve de ............. Grimoard de
Beauvoir Marquis du Roure.
Qu'est ce j'entends dans la foule1,
La Chambonneau et la du Roule2,
Qui veulent s'arracher les yeux,
La d'Aumont3 y devroit paroître,
Puisqu'il s'agit dans ce Combat
Que de la Braguete d'un Prestre4.
1. C'est lorsque Madlle. de Chambonneau chanta pouilles à la Maruise
du Roure devant la porte l'Envoyé de Dannemarck.
2. Tout le monde dit du Roule; mais c'est {de} Roure.
3. Françoise-Angelique de la Mothe-Houdancourt, femme de Louis-
Marie Duc d'Aumont Pair de France Chtr des Ordres du Roy, 1er.
Gentilhomme de la Chambre du Roy, Gouverneur de Boulogne, Pais
Boulenois &ca. laquelle êtoit devote de profession.
4. L'Auteur veut désigner par le mot de Prestre Philippes de Savoye
qui etoit Abbé de St. Pierre de Corbie, de St. Médard de Soissons, et de
N. D. du Gard.
Nota; Que ce demeslé vint de ce qu'aprés la mort de Louis de la
Tour d'Auvergne Prince de Turenne, tué au Combat de Steinkerque
le 3. Aoust 1692. la Marquise du Roure qui l'aimoit s'en consola tout
aussitot, en prenant pour amant en sa place le Prince Philipes de Savoye;
On dit même que ce fut par une déliberation prise entre elle, Marie Anne
de Manicini Duchesse de Bouillon mere du Prince de Turenne, et Cabre
Chambellan de Monsieur, don amant, lesquels trouverent a propos de
substituer
[396]
substituer le Prince Philippe en la place du deffunt, d'autant plus qu'il
êtoit neuveu de la Duchesse de Bouillon. Celuy cy entretenoit Madlle. de
Chambonneau laquelle outrée de l'infidelité de son amant le suivit a un
Bal que Mr. de Meyerskroon. Envoyé Extraordinaire de Dannemarck
donnoit au fils aîné du Roy son maître, lequel etoit lors à Paris. Le
Prince Philippe et la Marquise du Roure y etoient ensemble en
masque, Madlle. de Chambonneau les reconnut et comme ils sortoient
les suivit, jusques dans la rue où elle leur chanta mil injures.
[397]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de Lanturlu.
Sur quelques Dames de Paris.
Nimphe surannée1,
Vos roses, vos Lys2,
Renfoncent
Des plus rudes v.....
Halluye soyez chaste
Vous avez assez fou .......
Lanturlu, Lanturlu,
Lanturlu, Lanturlu.
Si tu veux encore
T'en faire couler
Nymphe que j'abhorre
Fais toy dépiler,
Et que ta chemise
Ne te tienne plus au cu
Lanturlu &ca.
La
1. .................. de Meaux du Fouilloux veuve de Paul d'Escoubleau
de Sourdis Marquis d'Halluye.
2. Elle metoit beaucoup de rouge et de blanc sur son visage quoique
vieille, dont l'auteur se moque.
[398]
La d'Entrague3 enrage
De ceque Crequy4,
Malgré lui décharge
Sans secours d'autruy5,
Quel malheur dit elle,
Que tout cela soit perdu,
Lanturlu &ca.
Des histoires salles
De la Polignac6,
Qui voudroit escrire,
Tout le miquemac,
Il faudoit des livres,
Pour plus de cent mille Ecus,
Lanturlu &ca.
La de Nesle7 ruine,
Ses adorateurs,
Aimant
3. ................ de St. Remy, veuve de ........... Comte d'Entragues
amie de la Marquise d'Halluye.
4. Joseph Marquis de Crequy Maāl des Camps et Armées du Roy
qui etoit beau et bien fait.
5. C'est qu'il se branloit.
6. Marie-Charlotte de Rambures femme de ............. Marquis
de Polignac Colonel d'une Regiment d'Infanterie.
7. ................. de Coligny veuve de ............ de Mailly M[ar]q[ui]s
de Nesle.
[399]
Aimant la cuisine,
Vend cher ses faveurs;
Il faut pour lui plaire,
Qu'on lui preste a fonds perdu,
Lanturlu &ca.
La Motte8 on publie
Vos déportemens,
Toute vôtre vie
Aigrit vos amans;
Il faut qu'ils s'en vangent
A coups de pied dans le cu;
Lanturlu &ca.
Quand on eut affaire
Dans vôtre quartier
Pour un Commissaire
On n'oza crier9.
On
8. .............. de Meugron veuve de ......... Comte de la Motte
Chevalier d'honneur au Parlement de Bourgogne.
9. La Comtesse de la Motte logeoit dans une portion de Maison
au faubourg St. Germain a Paris. Un jour la Princesse de
Bournonville sortant de chez elle fut arrosée d'un pot de
Chambre qu'un des Locataires de cette maison lui jetta sur la
teste. Elle en fit grand bruit, et menaça d'envoyer querir le
Commre. du quartier; mais le coupable sans s'etonner dit que
si l'on le faisoit venir, il se plaindroit de son côté de la vie
que
[400]
On dit que vos meubles
S'il venoit etoient perdus10,
Lanturlu &ca.
Si tu veux Tonnerre11,
N'etre point cocu
Songe a t'on affaire
Cache tes Ecus,
Ta femme12 peu sage,
Les donne au 1er. venu;
Lanturlu &ca.
On l'a dit brouillée
Avec Perigny13,
Elle en est faschée;
Mais de dans Paris
On en trouve mille
Quand on à la rage au cu
Lanturlu &ca.
Pour
que l'on menoit chez la Comtesse de la Motte et que c'étoit un vray bordel
cela allarma tellement la Princesse de Bournonville et elle, que la 1re. s'en
retourna doucement chez elle changer d'habit, sans pousser cette affaire.
10. Les Comres. jettent d'ordre. par les fenestres les meubles des bordels, qu'ils
font deloger pour avoir plutôt fait.
11. Ce couplet s'adresse a ........... de Clermont de Tonnerre 1er. Gentilhomme de
la Chambre de Philipes de France Duc d'Orleans frere unique du Roy Louis 14.
12. ............ de Hanivel de Menevilette.
13. ..............de Perigny cy devant Lieutenant au Regiment des Gardes
Françoises.
[401]
Pour la Bournonville14,
Elle borne ses soins
De dans sa famille,
Y trouvant ses besoings,
Messieurs ses deux freres15
A ce qu'on dit l'ont f........
Lanturlu &ca.
Vôtre sort m'étonne
Belle Richelieu16;
Je vous croyois bonne,
Pour un mauvais lieu,
Un autre commerce17.
Releve vôtre vertu
Lanturlu. &ca.
Vous êtes heureuse,
Mais quand au début,
Jamais
14. Marie-Victoire d'Albert de Luynes, femme de.......
Prince de Bournonville, Enseigne des Gensdarmes du Roy, de
laquelle il est parlé a l'article 9. de ce Commentaire.
15. ................ d'Albert Colonel d'un Regiment de Dragons, et
.................... d'Albert Chtr de Luynes Enseigne de Vaisseau.
16. Marie Charlotte Mazarini femme de Louis de Vignerot
Marquis de Richelieu.
17. François-Louis de Bourbon Prince de Conty en etoit alors
amoureux et dit on bien traité.
[402]
Jamais une gueuse
Ne se convertit,
Dedans six semaines
Vous serez a un Ecu;
Lanturlu. &ca.
L'on couche sans peine
Avec la Choiseul18;
Mais ses faveurs menent
Tout droit au Cercueil
Sans le pont de seve19.
Tout Paris êtoit perdu20,
Lanturlu. &ca.
La
18. ............ de la Baume le Blanc de la Valliere, femme de
Cezar-Auguste Duc de Choiseul Pair de France Chevalier des
Ordres du Roy.
19. Pour comprendre ce cy, il faut scavoir que la Marquise de
Polignac de laquelle il est parlé a l'article 6. de ce Commentaire,
etant brouillée avec la Duchesse de Choiseul pour lui faire
piece, fit afficher au bout du pont de seve sur le chemin de
Paris a Versailles où etoit alors la Cour, que ceux qui auroient
des maux veneriens pouvoient se servir d'un Chirurgien dont
le nom etoit dans l'affiche, lequel en avoit traitté cette
Duchesse avec succes; cela fit un fort grand bruit alors.
20. L'auteur pretend que la Duchesse de Choiseul avoit effecti=
=vement du mal, et que si le public n'en avoit pas êté averti
par cette affiche, tout Paris auroit êté infecté, parce qu'elle
accordoit ses faveurs facilement a beaucoup de monde.
[403]
La du Roure21, donne
Dedans la grandeur,
Ne voyant personne,
S'il n'est grand Seigneur,
Et devant les Princes22,
Elle tombe sur le cu,
Lanturlu. &ca.
La Crequi23. veut faire
La Dame d'honneur,
Une mine austere,
Un air de hauteur,
Ce sont là les preuves,
Que l'on a de sa vertu;
Lanturlu. &ca.
Un homme d'Eglise
Du soir au matin,
Luy
21.............. Caumont de la Force, veuve de ........... Grimoard
de Beauvoir Marquis du Roure.
22. Elle avoit alors pour amant le Prince Philippe de Savoye qui
avoit succedé a Louis de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne,
lui au Combat de Steinkerque, où il servoit de Brigadier de Cavalerie
le 3. Aoust 1692.
23. Anne-Charlotte d'Aumont femme de Joseph Marquis de
Crequy duquel il est parlé a l'Article 4. de ce Commentaire.
24. Charles-Maurice le Tellier Archevesque Duc de Reims, Pair
de
[404]
Lui fait en chemise
Suivre l'Aretin25,
Un Président même26,
Les postures a parcouru;
Lanturlu. &ca.
de France, Commandeur des Ordres du Roy, oncle de la
Marquise de Crequy, parcequ'elle etoit fille de Louis Marie Duc
d'Aumont Pair de France, et Madelaine-Fare le Tellier sa 1re.
femme, sœur de ce Prelat.
25. On pretendoit que ce Prelat avoit êté amoureux de la Marquise
de Crequy, et bien traité.
26. ....................... .
[405]
Chanson 1693.
Sur l'Air; du Rigaudon de l'Opera
d'Acis et Galatée.
Sur la mort de Paul Pelisson Fontanier
Abbé de Benevent, Prieur de St. Auran
d'Auch, Me. des Requestes, et de l'Acca=
=demie Françoise, arrivée à Versailles le
7. Fevrier 1693.
Paul Pelisson
Est mort en Philosophe1;
Il êtoit de l'etoffe
Dont on fait les bons2,
Beaucoup d'Esprit3,
Mais pauvre et politique;
Il
1. Il est certain que le Sr. Pelisson fut longtems malade
que tous ses amis lui aprirent le danger où il êtout et l'avertire
de se munir des sacremens de l'Eglise, et que soit qu'il n'y
eut pas de foy, ou qu'il se crût moins malade, qu'il n'etoit
il mourut sans avoir receu aucun. C'est pour cela que
l'auteur dit qu'il êtoit mort en Philosophe.
2. Les bons Philosophes qui n'ont point de Religion.
3. Son esprit et son scavoir sont fort connus par la quantité
de beaux ouvrages qu'il a faits, et entre' autres, son histoire
de l'Accademie Françoise dont il êtoit, et qui est chef-
d'œuvre par son stile, et le moyen qu'il a trouvé de faire une
histoire aussi agreable, d'une maniere aussi sterile.
[406]
Il chercha du credit4,
Pour en avoir;
Il fit le Catholique5,
Sa fin le fait voir6.
4. Il etoit d'une mediocre famille de Languedoc; mais par son
esprit et son ambition qui etoit excessive, il trouva moyen d'etre
le 1er. Commis de Nicolas Fouquet dernier surintendant des
Finances. Il fut compris dans la disgrace de ce Ministre, et
fut longtems prisonnier a la Bastille; mais s'etant encore
relevé de ce malheur; Il fut depuis Me. des Requestes, et eut
la regie des Œconomats; Pour scavoir que c'est, lisez l'article
second du Commantaire de la Chanson suivante.
5. Il avoit êté huguenot. Il s'etoit converty; mais l'auteur
juegant de sa conversion par sa mort, doute qu'elle fut sincere
et il n'etoit pas seul de son opinion.
6. Parce qu'il mourut sans sacrement.
[407]
Epigramme 1693.
Sur la mort de Paul Pelisson-Fontanier,
Me. des Requestes, Abbé de Gimont
Prieur de St. Auran d'Auch, de l'accademie
Françoise arrivée a Versailles le 7e. Fevrier
1693. et sur la grieve maladie qu'eut dans
le même tems Jean de la Fontaine Poëte,
de l'Accademie Françoise, de laquelle per=
=sonne ne doutoit qu'il ne mourut, veu son
âge.
Je ne jugerai de ma vie,
D'un homme avant qu'il soit eteint,
Pelisson1 meurt comme un impie,
Et la Fontaine comme un saint.
1. Voyez sur cela l'article 1er. du Commentaire de la Chanson
precedente.
2. La Fontaine avoit non seulement receu tous ces sacremens;
mais il mouroit avec une grande resignation a la volonté de
Dieu, et une parfaite repentance de ses pechez, accompagnée de
sentimens fort Chrestiens.
[409]
Epigramme 1693.
Sur l'Air des Ennuyeurs
Sur la mort de Paul Pelisson-Fontanier
&ca. dont il est parlé plus amplement dans la
Chanson précédente.
Ils etoient ravis nos Prelats1,
Que Pelisson leur Œconome2,
Fut passé de vie a trepas;
Mais
1. Les Archevesque, Evesques, et Abbez de France.
2. Pour entendre cecy, il faut scavoir que les Rois de France a titre de
régale sont les maitres des revenus des Benefices concistoriaux,
le siege vaccant, que depuis le Concordat fait l'an 1515. entre le
Pape Leon X. et le Roy François 1er. et qui leur donna ce Droit,
nos Rois ont toujours laissé le profit de ces Revenus appellez
Œconomats aux Prelats qu'ils ont nommé pour remplir les
Benefices vaccans. Le Roy Louis XIV. ayant resolu d'eteindre
le Calvinisme dans son Royaume, donna foce pensions
a ceux qui se convertissoient à la Foy Catholique, et pour que
ses revenus en fussent moins chargez, il retint le tiers de ces
Œconomats pour le payement de ces pensions. Les Prelats
jouissoient des deux autres tiers des Œconomats, et êtoient
obligez de compter pour celui que le Roy s'etoit reservé devant
le Sr. Pelisson a qui sa Majesté en avoit donné la Regie. Il traitoit
durement le Clergé pour ce tiers qui lui donnoit une
grande relation avec le Roy, à qui seul il rendoit compte de
son administration. Cela lui avoit attiré la haine universelle
des Prélats et des Ministres d'Etat. Cet Employ êtoit plus
beau en ce tems là, que dans un autre, a cause de la brouillerie de
la Cour de France avec celle de Rome; Car le Pape refusant des
Bulles aux Prelats de France, ils ne jouissoient de leur revenu que
comme
[410]
Mais aprenant que le Roy nomme
En sa place le Peletier3,
Ils pleurent tous le Trépassé4.
comme Œconomes, ainsi ils êtoient beaucoup qui etoient obligez
de compter devant Pelisson.
3. Claude le Peletier Ministre d'Etat, cy devant Controlleur gnal
des Finances; mais l'auteur se trompe lorsqu'il dit que le Roy
lui avoit donné la Regie des Œconomats aprés la mort de
Pelisson; puisque sa Majesté en chargea Henry D'Aguesseau
Coner. d'Estat; ce qui est de certain, c'est que si Claude le Peletier
avoit eu ce soint, il s'en seroit apparemment aussi mal acquitté qu'il
a fait de toutes les choses dont il a êté chargé.
4. P. Pelisson.
[411]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur Philippes de Savoye Chevalier de Malte,
Abbé, et Comte de St. Pierre de Corbie, Abbé
de St. Medard de Soissons, et de Ne. De. du
Gard; lequel êtoit amoureux de ........ Nompar
du Caumont de la force, veuve de ..................
Beauvoir Marquis du Roure.
Un Savoyard nommé Philippe1,
Est amoureux d'une Guenippe2,
Heureux, s'il évite le sort.
Des amans de cette mégére,
Qui traîne aprés elle la mort3
Où l'Hospital4, ou la Galere5.
1. Le Prince Philippes de Savoye.
2. La Marquise du Roure.
3. C'est que Louis de la Tour d'Auvergne Prince de Turenne &ca.
qui avoit êté fort amoureux de la Marquise du Roure, fut tué au
combat de Steinkerque où il servoit de Brigadier de Cavalerie.
4. L'auteur veut parler d'un joueur nommé Frerot qui avoit eu les
bonnes graces de cette Marquise pour de l'argent, et que cette passion
etoit quasi ruiné.
5. ..................... Mauroy Prestre Missionnaire de la Congregation de
St. Lazare, dont il est parlé plus haut avoit êté aussi amoureux
et bien traitté de la Marquise du Roure.
[413]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Tranquilles Cœurs.
A Maximilien-Henry de Bethune,
Chevalier de Sully, Colonel d'un Regiment
de Cavalerie, sur quelques femmes de Paris.
Veux tu scavoir, mon cher Sully,
Qui sont les putains de la ville1,
Au Marais est la Boislandry2,
La Torigny3 loge dans l'Isle4,
Polignac5 au Fauxbourg6;
La rue Saint Augustin7
Fourait la Saint Quentin8.
1. La ville de Paris.
2. ............... Turgot femme de Gilles d'Aligre Sr. de Boislandry
Coner. au Parlement de Paris.
3. ................ Bontemps femme de Jean-Baptiste Lambert Sr. de
Thorigny President de la Chambre des Comptes de Paris.
4. L'isle Notre-Dame à Paris.
5. Marie Charlotte de Rambures, femme de ........... Comte de
Polignac Colonel d'un Regiment d'Infanterie.
6. Fauxbourg St. Germain.
7. La rue neuve St. Augustin prés la porte de Richelieu.
8. ................. de ................. Dlle. de St. Quentin.
[415]
Epigramme 1693.
Sur Alcide Opera représenté a Paris
au mois de .......... 1693. et sur le Sr. de
Capistron qui en avoit fait le sujet et les
vers.
On nous dit qu'en forgeant l'on devient forgeron
Il n'en est pas ainsi de Capistron;
Au lieu d'avancer il recule1,
Lisez Hercules2.
1. Il avoit fait des Tragedies de Virginie, Arminius, Andronie,
Alcibiades, Tiridates, Ætius, et les opera d'Acis et Galathée,
d'Achilles et d'Aleide, et les dernieres pieces de sa façon êtoient
les plus mauvaises, quoique les autres ne valussent pas grand-
chose.
2. Hercules et Alcide sont la meme chose.
[417]
Epigramme 1693.
Sur tous ceux qui composoient la branche
de Bouillon de la Maison de la Tour d'Au=
=vergne.
Quoi faudra t'il que chaque jour
Les Bouillons fatiguent la Cour
De quelque incartade nouvelle1,
Si tu veux mettre à la raison
Grand Roy, cette folle maison;
D'un rang qui trouble leur cervelle,
Fais tomber ces audacieux,
Et pour punir leur fierté naturelle;
Remets les comme leurs Ayeux.
1. Il faudroit un volume entier pour expliquer toutes les incartades
que la Maison de Bouillon avoit faites depuis quelque tems. Voicy
les noms de ceux qui l'a composoient quand cette Epigramme a êté faite.
Godefroy-Maurice de la Tour d'Auvergne, souverain duc de Bouillon,
Duc d'Albret.
[419]
Chanson 1693.
Sur l'Air. {Du Confiteor}
Sur la Princesse de Turenne.
Mon Dieu que le monde est malin,
Dit la Princess de Turenne,
Si j'aime l'amour et le vin,
De quoy veut on se mettre en peine.
Suis je la seule en cet employ
Qui parle ainsy, qui baise et boit*.
{* au sujet d'une/ débauche de---------/de la veille de Noel/1691.}
Se peut-il qu'on ait oublié,
Comme j'en usois êtant fille,
Toute la Cour l'a publié,
J'ay les vertus de ma famille,
Je ne pers rien changeant de nom.
Qui dit Turenne dit Bouillon.
Je ne vois de chaque costé
Que de bons exemples a suivre,
D'Aumont, Ventadour, la Ferté,
Sont trois femmes qui scavent vivre,
La Mareschalle en son employ, {sa mere}
Fait comme elles et comme moy.
[420]
Serois tu bien seul gros Chesnet*, *Bointre
Ignorant du bruit de la ville,
On dit que dessous ton bonnet,
Ton épouse a mis chose utile,
Se fiant à la bonne foy
Du Rubantel et de Mauroy.
Demande lui duquel des deux,
Fit venir ton Dauphin plus vite,
Lequel fut le plus amoureux,
Du Cavalier, ou du Casuiste,
Par son aveu, on apprendra,
De qui ce cher poupon sera.
Si le plus cheri fut Mauroy,
L'enfant sera missionnaire,
Si Rubantel au leiu de toy,
En est le veritable pere,
Loin d'etre foible Magistrat
Il deviendra brave soldat.
[421]
Epigramme 1693.
Sur ............. Capistron. Poëte.
L'autre jour au Parnasse on disputa longtems,
Lequel auroit le pas de Corneille1, ou Racine2,
On louâ leur muse divine,
Et chacun eut ses partisans
Appollon dit sur cette cause
Racine est naturel, et Corneille pompeux
Ils sont admirables tous deux;
Mais Capistron n'est pas grand' chose.
1. Pierre Corneille de l'Accademie Françoise, Poëte
Tragique admirable.
2. Jean Racine de l'Accademie Françoise, Gentilhomme
ordinaire de la Maison du Roy autre Poëte Tragique excellent.
[423]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de l''Entrée des Magiciens
dans le IIIe. Acte de l'Opera d'Alcide.
Sur ce que l'an 1693. les nommez Avril, le
Duc, et.............. Musiciens proposerent au Conel.
de Louis XIV. de créer des maitres a chanter
en titre, avec des sindics de même que dans
les autres metiers, ce qui fut agrée, et executé
moyennant 30 000livres . qu'ils donnerent à S. Mté.
laquelle pour lors avoit besoin de tirer de
l'argent de tout pour subvenir aux frais de
la guerre.
L'an mil six cent nonante et trois
Un Provençal1 et deux autres sournois2,
En tapinois,
Ont brigué des Emplois;
Pour taxer le Bourgeois3,
Professant la Musique
Dans tout le païs Gaulois
Puisse
1. Avril êtoit Provençal et Chanteur de l'Opera de Paris.
2. Le Duc et ..... .
3. C'est a dire les Mes. a chanter.
4. La France.
[424]
Puisse ce Trio mal d'accord,
Pour expier un si grand tort5,
Au milieu de la place publique
Trouver la mort6;
Nous ferons un concert7,
En les voyant dancer,
Cabrioler, frizoter;
Et faire cent jolis tours en l'air;
Quel spectacle charmant,
De voir ce chastiment,
Songez a nous vanger grand Apollon8,
Où l'on va changer en boutique,
Ton sacré vallon.
5. Cela faisoit un tort infiny aux pauvres Maîtres de Musique,
dont la profession libre jusqu'a lors devenoit une maitrise qu'il
falloit acheter.
6. Estre pendus.
7. Cette Chanson est faite au nom de tous les Mes. a chanter.
8. ...... Dieu de la Musique.
9. ...... Le Parnasse.
[425]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a battu son petit frere.
Sur ce que Guy de Durfort de Lorge Duc
de Quintin Maāl de France, Chevalier des
Ordres du Roy, Capitaine des Gardes de
son Corps et général de ses Armées en Alle=
=magne ayant pris d'assaut la ville d'Hei=
=delberg, Capitale du Palatinat du Rhin le vingt
deuxe. May 1693. et le lendemain le
Chateau par composition, raza l'un et l'autre.
Nota. Que ce general fut fort blâmé de s'etre amusé
a razer cette place au lieu de marcher droit a l'armée Ennemie
commandée par le Prince Louis de Baden laquelle êtoit encore
foible et effrayée de la prise d'Heidelberg; mais celui cy ayant
veu qu'on ne le pressoit pas se mit sous Heilbron pour le couvrir
mit le Necker entre l'Armée de Maāl de Lorge, et la Sienne;
de maniere que celui cy ayant perdu du tems à Heidelberg et
renvoyé imprudemment ses Pontons à Philisbourg pour marcher
disoit il plus vite aux Ennemis, les trouva si bien retranchez
de l'autre côté du Necker qu'il fut obligé de s'en retourner dans
le Duché de Wurtemberg sans rien faire.
De Lorge vient de nous apprendre,
Jusqu'a quel point son cœur est tendre
Pour son frere le Grand Duras1.
Il
1. Jacques-Henry de Durfort Duc de Duras Mareschal de
France, Chevalier des Ordres du Roy, Capitaine des Gardes de
son corps, Gouverneur de Franchecomté, ville et citadelle de Bezançon
frere ainé du Mareschal Duc de Lorge.
[426]
Il prend Heidelberg pour lui plaire2,
Et fait mettre son huys abas5,
À fin de mieux vanger ce frere.
2. Le Mareschal Duc de Duras etant general de l'Armée
de France en Allemagne l'an 1689. attaqua imprudemment la
ville d'Heidelberg et ne la prit pas. {Voyez sur cela une chanson
de l'année 1689. qui est dans ce Recueil.}
3. La Chanson de 1689. dont il vient d'etre parlé finit par ces mots
en parlant du Maāl Duc de Duras.
Il auroit pris Heidelberg
S'il eut trouvé l'huis ouvert.
Ce cy y est relatif en parlant que le Maāl de Lorge ayant fait
razer Heidelberg en a mis l'huys a bas.
[427]
Chanson 1693.
Sur l'Air: des Triolets.
Sur ............... Turgot, femme de Gilles d'Aligre
Sr. de Boislandry, Coner. au Parlement de Paris,
laquelle êtant brouillée avec son mary pour ses
galanteries, fut accusée par lui d'avoir un mal
venerien, Anthoine Turgot Sr. de St. Clair Maitre
des Requestes, son pere ayant sceu que Mr. de
Boislandry son gendre avoit fait examiner
quelques chemises salles de sa femme, a dessein
de s'en faire separer en justice, sans rendre sa
dot, le prevint, et demanda le 1er. à Jean le
Camus Lieutenant Civil au Chastelet de
Paris, que sa fille fut visitée, ce qui fut fait
au mois de May 1693. par Bessiere et Passerat
Chirurgiens, qui déclarerent devant le Lieutenant
Civil que ce qui avoit parû à la Chemise de Made.
de Boislandry n'etoit que des Fleurs blanches, et
qu'Elle êtoit fort saine, ce qui engagea Mr. Turgot
de St. Clair, a poursuivre la séparation de sa fille
avec son gendre et a redemander la dot telle qu'il
l'avoit recüe.
Pauvre petite Boislandry,
Ne
[428]
Ne pleurez point vôtre aventure1,
Grace aux soins de vôtre mary,
Pauvre petite Boislandry,
Vôtre honneur sera retably2,
La faculté vous en asseure
Pauvre petite Boislandry
Ne pleurez point vôtre aventure.
Selon Bessiere et Passerat3,
Rien n'est plus net que vôtre affaire4,
Elle êtoit en fort bon etat;
Selon Bessiere et passerat.
Vous avez cher un Magistrat5,
De vos pieces6 fait Inventaire
Selon Bessiere et Passerat,
Rien n'est plus net que vôtre affaire.
Aprés {Avec} un tel Certificat
D'amans vous aurez affluance,
Malgré vôtre époux ce pied plat7,
Aprés
1. L'aventure d'avoire êté obligée de se faire visiter
2. Parce qu'elle se trouva saine.
3. Chirurgiens qui la visiterent.
4. Son C ....... .
5. Jean le Camus Lieutenant Civil du Chastelet de Paris, qui ordonna
la visite a la Reqte. de Made. de Boislandry et de Mr. Turgot de St. Clair son
pere.
6. Il est aisé de deviner quelles pieces.
7. Il n'y a jamais eu un plus grand sot que Mr. de Boislandry.
[429]
Aprés {Avec} un tel Certificat,
Est il bourgeois, Duc ou Prelat ?
Qui ne vous baise en asseurance8,
Aprés un tel Certificat,
D'amans vous aurez affluance.
8. Cette petite femme avoit eu nombre d'amans ce ne leur êtoit
pas cruelle.
[430]
Epigramme
A........ Turgot femme de Gille d'Aligre
Sr. de Boislandry Coner. au Parlement de Paris,
aprés qu'elle eut êté separé d'avec son mary pour
les causes raportées dans l'argument de la Chan=
=son precedente.
Nota. Que cette separation fut faite par la médiation
de Louis Boucherat Chancelier de France.
Enfin, heureuse, Boislandry
Vous laissez là vôtre mary,
Qu'il gronde, qu'il peste,
Cela ne vous doit plus causer aucun soucy,
Il donne de l'Agent1, et c'et assez pour luy,
Vous scavez où trouver le reste2.
1. La Negociation de cette séparation dura longtems, parce que
Made. de Boilandry et Mr. Turgot de St. Clair voulurent que
le mary rendit la dot telle qu'il l'avoit reçeue de sa femme,
ce qu'il ne pouvoit faire en ayant employé une partie a l'acquisition
d'une Maison où il logeoient, et qu'il offroit de rendre pour le prix
qu'elle lui avoit couté, mais enfin le mediateur regla que le
mary garderoit le bien et lui feroit 8000livres de pension.
2. L'auteur est persuadé qu'elle employeroit ses charmes et ses
faveurs pour ce reste.
[431]
Chanson 1693.
Sur l'Air: d'une main je tiens mon pot.
Sur la reception à l'Accademie Françoise, de
............ de la Bruyere. le 15. Juin 1693.
Les quarante beaux esprits1,
Grace à Racine2 ont pris,
{L'excellent et beau la Bruyere}
Dont le discours ne fut pas bon;
Du dernier je vous en reponds3;
Mais de l'autre, non non4.
Avec un air de Soldat,
Bien qu'il soit un pied plat5,
Devant les maîtres du langage,
Il parla presque bas breton;
Du dernier je vous en réponds6,
Mais de l'autre, non non7.
Dans
1. L'Accademie Françoise composée de 40. personnes.
2. Jean Racine Gentilhomme ordre. de la Maison du Roy, poëte Tragique,
et de l'Accademie Françoise, lequel contribua fort a faire recevoir le Sr. de
la Bruyere Accademicien.
3. L'auteur de cette Chanson asseure avec verité que la Bruyere fit une
mauvaise harangue à sa reception.
4. L'auteur ne répond pas que la Bruyere soit excellent ny beau, et il a
raison.
5. La Bruyere etoit un homme de rien.
6. L'auteur asseure que la Bruyere parla presque bas Breton dans sa
harangue.
7. L'auteur ne conconvient pas que les Accademiciens soient les maîtres
du langage.
[432]
Dans son fichy compliment,
Il dit effrontement
Qu'il n'avoit pas brigué sa place,
Cet endroit fut assez bouffon;
Du dernier je vous en reponds8,
Mais de l'autre non non9.
Avec d'assez brillants traits,
Il fit de faux Portraits10,
Racine au dessus de Corneille11,
Pensa faire siffler, dit on
Du dernier je vous en reponds12,
Mais de l'autre, non non 13.
L'Accademie en fremit,
Et dans son couroux dit,
Je vangerai bien ce grand'homme14,
L'honneur
8. L'Auteur asseure qu'il fut assez bouffon que la Bruyere
dit qu'il n'avoit pas briqué sa place dans l'Accademie parce qu'il
l'avoit extremement solicitée.
9. L'auteur ne veut pas repondre qu'il n'eut pas brigué sa place, car
cela etoit faux.
10. La harangue que la Bruyere fit a l'Accademie le jour de la
reception etoit pleine de portraits que l'Auteur trouve faux.
11. La Bruyere dans sa harangue mit Racine fort au dessus de
Pierre Corneille, si fameux, par ses excelentes Tragedies.
12. L'Auteur asseure que cette préférence de Racine a feu Corneille pensa
faire siffler ceux qui entendirent cette harangue.
13. L'Auteur ne convient pas que Racine soit au dessus de Corneille.
14. Pierre Corneille.
[433]
L'honneur le veut et la raison,
Du dernier je vous en reponds15,
Mais de l'autre non non16.
Racine ce franc devot17,
En a fait dire un mot,
Par un grand et modeste Evesque18,
Qui vint ménacer en son nom 19,
Du dernier je vous en reponds20,
Mais de l'autre non non21,
L'Academie a cedé
Quelques uns ont grondé;
Mais toujours juste et toujours sage,
Elle
15. L'Auteur assure que l'honneur, et la raison veulent qu'on venge
le grand Corneille de cet affront.
16. L'Auteur est persuadé que l'Accademie ne le vengent pas.
17. Racine faisoit le dévot et êtoit fort avant dans la cabale des
dévots qui dominoit à lors.
18. Jacques Benigne Bossuet Evesque de Meaux &ca. de l'accademie
Françoise.
19. Mr. l'Evesque de Meaux vint de la part de Racine à l'Accademie
Françoise, que si comme on l'avoit proposé on ôtoit cet Article.
en Racine estoit mis au dessus de Corneille lorsqu'on feroit im=
=primer cette harangue suivant l'usage de l'Accademie, Racine
ny remettroit plus le pied, et que cela feroit un tort considérable
à cette Compagnie.
20. L'Auteur assure que Mr. de Meaux ménaça l'Accademie au
nom de Racine.
21. L'Auteur ne veut pas repondre que ce Prelat soit un grand, et
modeste Evesque.
[434]
Elle a tremblé pour le jetton22,
Du dernier je vous en reponds23,
Mais de l'autre non non24.
Mais la Bruyere a pris feu,
Il jure que dans peu,
Dans ses merveilleux caracteres25,
Il l'a mettra tout de son long,
Du dernier je vous en reponds26;
Mais de l'autre non non27.
Dieu veuille que cet autheur28,
Dont je suis serviteur,
Et que toutes les Dames courent,
Fasse
22. A chaque sceance de l'Accademie, on distribue 30. Jettons
d'Argent aux Accademiciens qui s'y sont trouvez et l'Auteur
asseure que sur les menaces de Mr. de Meaux, les Accademiciens
eurent pour que Racine par son credit ne leur fit retrancher, ces
jettons que le Roy donne, s'ils n'excécutoient pas ce que ce Prelat
leur disoit.
23. L'Auteur repond que l'Accademie trembla pour le jetton.
24. L'Auteur ne veut répondre que l'Accademie soit toujours
juste et toujours sage.
25. Un livre fait par la Bruyere intitulé, caracteres ou mœurs de
ce siecle.
26. L'Auteur asseure que le Bruyere mettra l'Accademie tout de
son long dans les prochaines Editions de son Livre des Caracteres,
qui sont pour la pluspart, des Portraits satiriques.
27. L'Auteur ne repond pas que les Caracteres de la Bruyere soient
merveilleux.
28. La Bruyere.
[435]
Fasse encore pris qu'un Factum29,
Du dernier, je vous en repons30,
Mais de l'autre non, non31.
29. L'Auteur veut parler des Factums que Antoine de Furetiere abbé
de Chalivoy de L'Accademie Francoise, fit contre cette Compagnie sur
ce qu'elle le vouloit chasser parce que disoit elle, que dans un Dictionnre.
qu'il faisoit alors imprimer il avoit volé plusieurs articles qu'elle
avoit composé depuis son Etablissement sur la langue Françoise, et
dont on n'a encore rien veu.
Furetiere dans ces Factums tournois fort en ridicule l'Accademie
et une partie des Accademiciens. Voyez sur cela dans ce Recueil,
les Epigrammes de 1686. cette affaire y est tout de son long.
30. L'Auteur répond que la Bruyere homme Comique, et fort
satirique, fera par la suitte encore plus contre l'Accademie que
Furetiere n'a fait par ses Factums.
31. L'Auteur ne répond pas que les Dames courent la Bruyere
qui est fort laid.
[437]
Chanson 1693.
Sur l'Air de Lampon.
Sur la réception à l'Accademie Françoise,
de la Bruyere, le 15 Juin 1693.
Les quarante beaux Esprits1, {bis}
Sont tombez dans le mépris {bis}
Ils n'avoient plus Furtiere2,
Mais ils ont pris la Bruyere3;
Lampon, lampon, la Bruyere lampon.
Par des Portraits ressemblans,
Ils seront en beaux draps blancs4,
Chacun aura son affaire5,
On ne les respecte guere6;
Lampon &ca.
Pour
1. L'Accademie Françoise qui est composée de 40. personnes.
2. Voyez dans ce Recueil les Epigrammes de 1689. Elles vous instruiront
comme l'Accademie, par une Déliberation publique, voulut en retran=
=cher Antoine Furetiere Abé de Chalivoy, qui pour se défendre fit 3.
Factums contre Elle, où il tournoit la pluspart des Accademiciens en
ridicule.
3. L'Auteur de cette Chanson etoit Furetiere tres bien remplacé par la
Bruyere qui est aussi satirique que l'autre, comme le témoigne son
livre des Caracteres, ou mœurs de ce siecle plein de Portraits contre tout le
monde.
4. L'Auteur prétend que qui peindroit comme la Bruyere les Accademiciens
feroit des Tableaux tres ridicules, et il ne se trompe pas.
5. Il est certain que la Bruyere auroit en de la peine à ne les pas peindre
tels qu'ils sont.
6. Tout le monde connoissant le ridicule de ces gens là, ne les épargnoit gueres.
[438]
Par Racine7, et Despréaux8,
Leurs portraits sont des plus beaux9,
Ils sont flattez a merveilles
Aux depens du grand Corneille10,
Lampon &ca.
Le bénigne Bossuet11
Est un Prélat tout parfait12,
Sa personne est un chef d'œuvre,
Nôtre Harlay ny fait œuvre13,
Lampon &ca.
La sévére Regnier
Ne scavoit plus le nier,
La Bruyere est son dédale,
Il le met dans sa cabale,
Lampon &ca.
La
7. Jean Racine Poëte tragique de l'Accademie Françoise.
8. Nicolas Boileau des Preaux, Poëte Satirique de l'Accademie
Françoise.
9. La Bruyere dans la harangue qu'il fit le jour de sa réception
à l'accademie loüe fort ces deux Poëtes.
10. Dans cette harangue la Bruyere éleve Racine au dessus de feu
Pierre Corneille, fameux pour ses admirables Tragédies.
11. Jacques-Benigne Bossuet Evesque de Meaux &ca. de l'Accademie
Françoise.
12. La Bruyere dans sa harangue, dit que la postérité regarderoit
un jour ce Prelat comme un Pere de l'Eglise.
13. Francois de Harlay archevesque de Paris, Duc & Pair de
France.
[439]
La Bryere l'a promis,
Il mordra ses Ennemis14;
Mais chacun lui fait la guerre15,
Mordra t'il toute la terre;
Lampon. &ca.
France &ca. aussi de l'Accademie Françoise, vint à cette recéption.
La Bruyere ne dit pas un mot de lui, et loua l'Evesque de Meaux
en sa présence.
14. Par son stile satirique et ses Portraits.
15. Personne n'aime la Bruyere, et chacun trouve a redire aux
Portraits de son livre, où une infinité de gens sont tournez en
ridicule, et reconnus quoique sous de faux noms.
[441]
Epigramme 1693.
Sur la Réception à l'Accademie Françoise
de ......... la Bruyere le 15.Juin 1693.
L'Accademie enfin1. a receu la Bruyere
Elle pourra s'en repentir2,
Toutes fois, il est bon que pour nous divertir
Elle ait toujours un Furetiere3.
1. Il eut beaucoup de peine a être receu à l'Accademie Françoise;
c'etoit un homme peu connu avant qu'il eut fait imprimer une
Traduction des Caracteres de Théophraste, avec les Caracteres, ou
mœurs de ce Siecle; de maniere qu'il lui falut jouer quantité de
ressorts pour entrer dans cette Compagnie, et il n'y eut pas même
êté receu, que ses amis y vouloient faire ................ deslors ne
les eut prié de lui donner leurs suffrages.
2. Cet homme êtoit fort costique, et son Livre de Caracteres, ou
mœurs de ce Siecle, n'etoient que des Portraits satiriques de tout
ce qu'il y a de plus considérable à la Cour et à la Ville, de l'un et
de l'autre sexe. Cela avoit donné un si grand débit à ce Livre
qu'on l'avoit imprimé pour la 7e. fois cette année 1693. l'Auteur
conclud. de là, que la Bruyere étant entré dans l'Accademie
où il y a grand nombre de ridicules, c'est en quelque façon mettre
le loup dans la Bergerie, parce qu'il les satirisera tous par
la suitte.
3. Voyez dans ce Recueil les Epigrammes de l'an 1685. Elles
vous instruiront, comme quoi les Accademiciens par une
Déliberation publique, voulurent retrancher de leur corps
Antoine Furetiere Abé de Chalivoy leur Confrere, qui pour
se défendre fit 3. Factums contre l'Accademie, où il en
tournoit la plus grande partie en ridicule.
L'auteur de cette Epigramme cy, croit Furetiere, tres bien
[442]
remplace par le Sr. de la Bruyere, qui est aussi satirique pour
le moins que l'autre.
[443]
Epigramme 1693.
Sur ce que François-Seraphin Regnier des
Marais, Secrétaire perpetuel de l'Accademie
Françoise &ca. avoit fait entrer dans cette
Compagnie le Sr. de la Bruyere.
Grand Cardinal1 plains ton Accadémie,
Elle a receu dans ton sein un Serpent2,
Dont le venin sur elle se répand3,
Et dont le choix la couvre d'infamie,
De l'avoir fait, la folle se répand3,
Et dont le choix la couvre d'infamie,
A tout le monde Elle en fait ses excuses,
C'est lui, dit elle, à mon perpetuel4,
Cet homme, droit, integre, ponctuel,
Ouy, c'est hélas ! à ses soins, à ses ruses
Qu'on
1. Armand-Jean du Plessis de Richelieu, Cardinal Duc de
Richelieu, Pair de France &ca. avoit établi l'Accademie Françoise.
2. L'Auteur veut parler de la Bruyere.
3. On a veu plus haut que la Bruyere dans son Livre des Carac=
=teres, ou mœurs de ce siecle, avoit mis plusieurs Portraits satiri=
=ques de gens connus dans la harangue qu'il fit à l'Accademie
Françoise, le jour de sa réception. Il fit aussi les Portraits de
plusieurs Accademiciens, et c'est pour cela que l'Auteur de cette
Epigramme, dit que le venin de la Bruyere se répand desja
sur l'Accadémie. Il prétend d'ailleurs que cet homme êtoit indigne
d'etre Accadémicien.
4. L'Abbé Regnier des Marais, que l'auteur nomme
[444]
Qu'on doit ce choix odieux et fatal,
Que puisse t'il être un jour aussi mal
Auprés du Roy5, qu'il est auprés des Muses6.
perpetuel, parcequ'il êtoit Secretaire perpetuel de l'Accademie
Françoise.
5. Louis XIV.
6. l'Auteur en disant que l'Abé Regnier est mal auprés des
Muses, veut faire entendre qu'il n'est pas trop bon poëte.
[445]
Epigramme 1693.
Sur ce que dans la harangue que le Sr. de la
Bruyere fit le 15. Juin 1693. à l'Accademie
Françoise lorsqu'il y fut receu, il y avoit
un Article qui metoit les Tragédies de Jean
Racine au dessus de celles de Pierre Corneille.
Comme ce dernier tout mort qu'il êtoit avoit encore ses Par=
=tisans dans l'Accademie, et entr' autres, Thomas de Corneille,
et Bernard de Fontenelle son neveu, cette préférence donnée
si légerement, et si hors de saison, troubla toute cette Compagnie
en telle sorte, qu'on proposa d'oster cet endroit de la harangue
de Mr. de la Bruyere, lorsque selon la coutume; on la feroit
imprimer. Racine ayant sceu cela, se formalisa de son
costé, fit son parti dans l'Accademie pour que la harangue
fut imprimée comme elle avoit êté prononcée. Il pria même
Jacques-Benigne Bossuet Evesque de Meaux, de dire à l'Ac=
=cademie, que si on ôtoit cet article, il n'y remetroit jamais le
pied. et s'en plaindroit au Roy. C'est toute cette contestation
qui a donné matiere aux Epigrammes suivantes.
Racine, ce Poëte en honneur, en crédit1.,
Dont la dévotion sommeil2,
Lorsque de sa gloire il s'agit3,
Prétend par ses amis, qui pour lui font merveille4,
L'emporter
1. Racine êtoit fort bien auprés du Roy Louis XIV. qui lui avoit
donné une Charge de Gentilhomme ordinaire de sa Maison.
2. Il êtoit dévot et fort avant dans la Cabale des dévots.
3. C'etoit lhomme du monde le plus glorieux, et le plus vain.
4. Il avoit de puissans amis comme Made. de Maintenon, le
Maāl Duc de Luxembourg &ca. sans compter toute la Cabale des
devots tres puissante pour lors.
[446]
L'Emporter sur le grand Corneille5;
A quoi s'exposent ses flateurs;
Desja dans Capistron6, & déja dans Abaille7.,
Tout l'orgeuil Gascon8 se reveille,
Contre lui9, disent ces Auteurs,
Demandons justice pareille,
N'avons nous pas des Protecteurs10.
Racine détaché de la gloire du monde,
Scahant que la Bruyere avoit dit quoique mal,
Que Corneille, le grand Corneille,
Loin d'etre préféré n'etoit pas son égal.
Cet éloge est fait a merveille
Dit-il, qu'on n'oste rien, qui vit pour le Seigneur11,
Doit avoir soin de son honneur
Pour
5. Pierre Corneille dit l'aîné, fameux Poëte Tragique, apellé
partout le grand Corneille a cause de son merite, et pour le distin=
=guer de Thomas Corneille dit le cadet son frere, aussi Poëte
Tragique, et de l'Accadémie Françoise; mais fort inférieur à son
aîné.
6. Capistron Poëte Tragique médiocre.
7. Capistron, et Abeille êtoient du costé de Gascogne.
8. Capistron, et Abeille êtoient du costé de la Gascogne.
9. Contre Racine, au dessus duquel Capistron et Abeille, l'auteur
pretend qu'ils peuvent demander d'etre mis, puisqu'il veut estre
au dessus de Corneille.
10. Capistron êtoit domestique du Duc de Vendosme, et Abeille
demettroit.
11. On a déja dit que Racine êtoit dévot.
[447]
Pour maintenir les dits de la Bruyere,
Qui me feroient grand tort s'ils êtoient retranchez;
Je perdois le grand Corps12, qui s'est par ses péchez
Avisé d'écouter une plainte grossiere13,
Aux dévots tels que moy14 l'on ne fait point d'afront;
Les mots ont êté dits, les mots demeuront;
Voila le fait, toute l'Accademie
En est témoin, comment nommerat'-on
Ce sentiment Chrestien d'éviter l'infamie,
Qui tomberoit sur son grand nom,
S'il faisoit à Corneille un parti plus honneste;
Voulez vous que je vous parle net,
C'est proprement faire dans son bonnet,
Et puis le mettre sur sa teste.
Mon Dieu, quelle comparaison,
Disoit toute bonne Cervelle,
Quand on faisoit le parallele
Du grand Racine, et de Pradon15;
Mais
12. l'Academie Françoise.
13. On a dit dans l'Argument que sur les plaintes des amis de
Corneille on proposa d'oster cet Article de la harangue de la
Bruyere lorsqu'on la feroit imprimer.
14. Les dévots sont tous glorieux.
15. ......... Pradon natif de Rouen, Poëte Tragique des
plus mauvais.
[448]
Mais quand Racine au grand Corneille
Vient se comparer sans raison,
Chacun s'ecrie à la pareille,
Mon Dieu quelle comparaison.
Quand au grand Corneille on s'obstine
De vouloir préférer l'ambitieux Racine;
Je l'avoueray, je prendrois feu,
Si quelque grand Auteur entroit dans la Carriere;
Je dis, il m'importe fort peu,
Que Pascal soit devant, ou Pascal soit derriere16.
Ce Peintre nouveau la Bruyere17,
Qui de tant de Portraits se croit l'original,
A force d'outrer la matiere,
Quand il peint ses amis, les flatte et les peint mal;
A l'entendre, le grand Corneille
De Racine fut l'apprentis,
Et des Preaux18 par un pareil motif,
De
16. C'est un vers de Dom Japhet d'Armenie, Comédie de feu Paul
Scaron, devenu Proverbe.
17. L'Auteur apelle la Bruyere, peintre nouveau a cause de son
Livre des Caracteres, ou Mœurs de ce siecle, qui êtoit plein de
Portraits.
18. Nicolas Boileau Sr. des Preaux Poëte satirique, et de l'Accademie
Françoise que la Bruyere loüa fort dans sa harangue.
[449]
De nos jours est l'autre merveille;
Quand il parle de Bossuet19,
En presence de Harlay20 même,
C'est le Prélat le plus parfait
Tant il flatte ceux qu'il aime;
Que vous semble de ses Portraits?
Les trouvez vous équitables?
Ils seroient plus raisonnables
Si Theophraste les eût faits21.
19. Dans cette même harangue, la Bruyere loüe fort Jacques-
Begnigne Bossuet Evesque de Meaux, aussi de l'Accademie
Françoise, jusqu'a dire qu'il seroit mis par la postérité au
nombre des Peres de l'Eglise.
20. François de Harlay Archevesque de Paris, Duc et Pair de
France &ca. aussi de l'Accademie Françoise, assista à cette
harangue. La Bruyere en loüant l'Evesque de Meaux, ne dit
pas un mot de ce Prélat, ce qui fut trouvé tres imprudent.
21. La Bruyere avoit traduit les Caracteres de Théophraste, Livre
tres judicieux, que l'auteur trouve qu'il n'a pas imité en faisant
tous les Portraits dont sa harange êtoit pleine, et que l'on ne
trouva pas tous justes.
[451]
Epigramme [X] 1693.
Sur ce que Jean Racine Gentilhomme ordre.
de la Maison du Roy, et de l'Accadémie Fran=
=çoise, publioit partout, qu'il regretta le tems qu'il
avoit employé a comparer ses Tragédies, par les
scrupules qu'il a de la corruption des sentimens
que ses vers peuvent avoir causé.
Dés que la pauvreté ne lui fait plus de peur1,
Racine ce Tragique autheur,
Dont la dévotion trouve tant d'incrédules2,
Déteste tout haut les moyens
Qui l'ont comblé d'honneurs, de biens3,
Et plein de délicats scrupules,
Met
1. Racine avoit êté autrefois fort pauvre.
2. Racine êtoit fort avant dans la Cabale des dévots et aparoissoit
l'être, mais la pluspart des gens croyoient qu'il ne l'étoit pas, et
qu'il en faisoit semblant pour faire sa cour au Roy, et en
obtenir des graces de sa Majesté, qui êtoit dévot de bonne foy.
3. C'étoit par ses Tragédies que Racine s'estoit fait connoistre,
qu'il avoit acquis de la réputation, qu'il avoit commencé à
s'enrichir en partageant comme Auteur l'argent qu'en retiroient
les Comediens, enfin cela l'avoit fait connoître du Roy qui lui avoit
donné le soin d'ecrire sa vie conjointement avec Nicolas Boileau
Sr. des Preaux, et lui avoit donné une pension de 6000livres. et une
Charge de Gentilhomme ordinoire dans sa Maison, avec plusrs.
autres graces.
[452]
Met sur son compte les péchez
Qu'ont pû faire les gens que ses vers ont touchez;
Il n'en est pas chargé peut être autant qu'il pense4;
Mais au lieu d'etaler son dévot embaras,
Si ses biens mal acquis troublent sa conscience5,
Pourquoi ne s'en défait-il pas ?
4. L'Auteur veut dire par là, ou que les Tragédies de Racine
n'emouvoient gueres les passions, ce qui n'est pas vray, ou bien
que le siecle êtoit assez corrompû pour n'avoir pas besoin
d'Eguillon pour se porter au mal, ce qui est tres vray.
5. C'est a dire le bien qu'il avoit acquis en partageant le profit
de ses Tragédies, avec les Comediens qui les representoient,
ce qui lui a valû beaucoup.
[453]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Je ne scaurois.
A Jean Racine de l'Accadémie Françoise,
Gentilhomme ordre. de la Maison du Roy, leql.
pria Jacques-Benigne Bossuet Evesque de Meaux,
aussi de l'Accadémie Françoise, de dire à cette
Compagnie, que si en faisant imprimer la
harangue que le Sr. de la Bruyere avoit faite
à sa reception, on y ôtoit comme il avoit êté
proposé, l'endroit dans lequel ce nouvel Accadé=
=micien met le Sr. Racine et ses Tragedies au
dessus de celles de feu Pierre Corneille, il n'iroit
plus à la Accadémie, et qu'il s'en plaindroit au
Roy.
Suis ce que je te conseille
Sans t'en vouloir plaindre au Roy1,
Souffre que le grand Corneille2,
Soit mis au dessus de toy;
Je ne scaurois3;
Qu'il
1. Lisez l'argument.
2. feu Pierre Corneille si fameux pas ses admirables Tragé=
=dies.
3. Nota, Que dans tous les endroits de cette Chanson, où il y a
Je ne scaurois & j'en mourrois, c'est Racine que l'auteur fait parler
[454]
Qu'il soit en place pareille,
J'en mourrois.
Ta vanité me chagrine4,
Loin d'être friant d'honneur,
La dévotion, Racine5,
Veut qu'on soit humble de cœur;
Je ne scaurois,
Fais en du moins quelque mine,
J'en mourrois.
Si tu ne veux pas me croire,
Quitte le dévot sentier6;
Duppé par ta vieille gloire,
Reprends ton premier mêtier7;
Je
4. Racine êtoit l'homme du monde le plus vain, et le plus
glorieux, pour ne pas dire insolent.
5. Racine faisoit le dévoit, l'étoit de profession, et fort avant
dans la Cabale des dévots, tres puissante pour lors.
6. La dévotion et la Cabale des Dévots.
7. Le metier de Poëte Tragique qu'il disoit avoir quitté par
dévotion, bien qu'il y eut acquis toute sa réputation, et gagné
tout son bien en partageant comme auteur avec les Comediiens
qui les representoient, l'argent qu'ils en recevoient, et qui êtoient
fort considérable, car ses Tragedies, êtoient parfaitement
belles.
[455]
Je ne scaurois,
Imprime donc ton histoire8;
J'en mourrois.
8. Racine conjointement avec Nicolas Boileau des Preaux
continuoit l'histoire du Roy Louis XIV. par ordre de sa
Majesté, qui leur donnoit a chacun une pension pour cela
l'Auteur prétend qu'elle ne valoit rien, et que Racine seroit
mort de douleur si elle avoit êté imprimée.
[457]
Epigramme 1693.
Sur ce qu'aprés la mort de François
Tallemant 1er. Aumônier de Made. Duchesse
d'Orleans, et sous doyen de l'Accademie
Françoise, Louis Phelypeaux Ministre, et
Secretaire d'Estat &ca. pria cette Compagnie
de donner la place du deffunt à ....................
de la Loubere Tolosain, qu'il avoit mis au=
=prés de hierosme Phelypeaux de Pontchar=
=train Coner. au Parlement de Paris, son fils
unique.
Na. Que cette Epigramme s'adresse aux Accadémiciens
qui composoient l'Accademie Françoise.
Pour Accadémicien vous aurez la Loubere1.,
Pontchartrain se déclare, et veut qu'on le préfere
Au mérite le plus certain2;
Cela sera, quoiqu'on en die;
C'est
1. L'Autheur ne doute par le Sr. de la Loubere n'ait place
dans l'Accademie du moment qu'un Ministre aussi accrédité
que Mr. de Pontchartrain la demande pour luy.
2. L'Auteur ne paroist pa bien persuadé que le Sr. de la Loubere,
eut le mérite necessaire pour entrer à l'Accadémie Françoise;
mais il se trompe; Car il avoit fait quantité de vers très jolie; et
tres galans, et donné au public son voyage de Siam, où il avoit
êté en qualité d'Envoyé Extraordinaire pour le Roy Louis XIV.
l'an 1687. lequel est plein de bon sens, et d'érudition. Il fut
imprimé l'an 1691.
[458]
C'est un Impost que Pontchartrain
Veut mettre sur l'Accadémie3.
3. Pour bien entendre ce cy, Il faut scavoir deux choses, la 1re.
que Mr. de Pontchartrain êtoit Controlleur gnal des Finances
dans un tems où le Royaume accablé sous le poids d'une
grande guerre, avoit besoin de fournir beaucoup d'argent
extraordinairement pour la soûtenir; ce qui obligeoit ce
Ministre à le charger tous les jours de nouveaux Impots.
La 2de. que depuis son Ministere, il avoit fait entrer directemt.
ou indirectement beaucoup de gens à l'Accadémie Françoise.
C'est ce qui fait dire à l'Autheur, que Mr. de Pontchartrain,
met cet Impost sur l'Accadémie Françoise.
[459]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur le même sujet que l'Epigramme précé=
=dente.
Na. Que cette Chanson n'est autre chose que cette
Epigramme changée. Ainsi elle n'a pas besoin de Com=
=mentaire. Il suffit du précédent a peu de chose prés.
Messieurs1 vous aurez la Loubere,
L'Interest2 veut qu'on le préfee,
Au mérite le plus certain;
De ce choix vainement l'on crie,
C'est un Impost que Pontchartrain
Amis sur vôtre Accadémie.
1. Cela s'adresse aux Accadémiciens.
2. C'est que la pluspart des Accademiciens avoient besoin de Mr.
de Pontchartrain chez qui êtoit le Sr. de la Loubere, et qui avoit
demandé par lui la place vaccante dans l'Accadémie.
[461]
Juin
Chanson 1693.
Sur le même Air de Mairane.
Ce n'est point la beauté charmante,
De la Vaubecour qui m'enchante;
Son rouge, ni son mauvais blanc;
Mais c'est son industrie extrême
Qui join les mines d'un Enfant
A la taille de Polipheme.
[463]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Des Triolets.
A Gaspard Lescalopier Coner. au Parlement
de Paris, qui se sépara d'avec ............. Colin
sa femme, aprés plus de 20. ans de mariage.
Pour moi je ne scais pas pourquoi
L'escalopier; ton front t'allarme,
Je te le dis de bonne foy;
Pour moy je ne scais pas pourquoi
Ton pere1 plus sage que toy,
N'auroit pas fait tant de vaccarme2,
Pour moy je ne scais pas pourquoy
Lescalopier ton front t'allarme.
Pour en user bien a propos,
Et éviter la Calomnie,
Pour ton honneur, et ton repos,
Pour en user bien a propos
Il
1. ................. l'Escalopier aussi Coner. au Parlement de Paris.
2. La femme de ce l'Escalopier pere, fut tres Coquette, et son
mari la fit mettre aux Feuillantines; on peut se souvenir d'une
vieille Chanson là dessus qui finissoit par ces mots.
On me tue, on m'assassine.
On me met aux Feuillantines.
Cette Chanson avoit plusieurs couplets, et beaucoup de gens de ce tems là
y êtoit compris.
[464]
Il y falloit songer plustost3,
Ou bien ni songer de la vie;
Pour en user bien a propos,
Et éviter la Calomnie.
Quand une femme a quarante ans4,
L'on n'en doit point prendre d'ombrage
Pour peu qu'on aie de bon sens;
Quand une femme a quarante;
Et lorsqu'elle est folle en ce tems,
C'est au mari d'etre plus sage,
Quand une femme a quarande ans
L'on n'en doit point prendre d'ombrage.
3. C'est que Mr. et Made. l'Escalopier avoient êté plus de 24 ans
ensemble, et que le mari {^lui} avoit déja passé d'autres galanteries,
comme on verra dans la Chanson suivante.
4. Madame l'Escalopier avoit bien cet âge alors.
[465]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Tranquilles cœurs.
Au même Gaspard l'Escalopier, sur le
sujet que la précédente.
Dis moy mon cher l'Escalopier
Pourquoi faire tant de vaccarme1,
Puisqu'un Président a Mortier2
Ne t'avoit point causé d'allarme3;
Faut-il que l'Acocat4 te fasse plus de peur
Que ce grand Sénateur.
1. Mr. l'Escalopier fit grand bruit, et en causa un grand dans Paris,
sur les sujets qu'il crût avoir de se plaindre de sa femme.
2. Louis Molé Président à Mortier.
3. Il avoit êté autrefois amoureux, et dit on bien traité de Madame
l'Escalopier, ils logeoient porte a porte dans la ruë de Braque à
Paris, et cependant si Mr. l'Escalopier en avoit êté jaloux, cela
n'avoit pas paru.
4. Louis-François l'Advocat Me. des Comptes à Paris qui fut cause
de la séparation de Mr. et de Made. l'Escalopier, parcequ'il en êtoit
amoureux et aimé de cette derniere. Son mary en prit ambrage, et
l'on prétend même qu'aprés lui avoir défendu de voir sa femme
il lui donna des coups de baton un jour qu'il le trouva chez lui depuis
cette deffense. Ce Mr. l'Avocat êtant un grand homme assez bien fait;
mais d'ailleurs un fat, quoiqu'il fit le capable sur toutes sortes
de matieres.
5. Le Président Molé.
[467]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de Joconde.
A Marie-Anne Colbert veuve de Louis de
Rochechouart Duc de Mortemart, Pair de France;
sur ce qu'ayant pensé louer une Maison au haut
de la rüe des Tournelles à Paris, et proche le rempart
de la ville, le marché se rompit.
Scachez que tout le Paradis1.
Vous pleure et vous regrette,
Quand vous refusez un logis
Si propre à la retraitte2;
Mais adorable Mortemart,
Vous croyez je le gage,
Que malaisement du rempart 3
On en fait le voyage.
1. Pour bien comprendre cette Chanson, il faut scavoir que la Duchesse
de Mortemart, êtoit dévote depuis quelque tems.
2. Ce logis êtoit fort reculé.
3. Les actions qui se passent sur les remparts, ne sont d'ordre.
[469]
Chanson 1693.
Sur la défaite des Flottes Angloise, et Hollan=
=doise, destinées pour l'Italie, Cadix, et Smirne,
et escortées par 34. Vaisseaux de Guerre, que
Commandoit le Chevaler Rook Anglois, et
que Anne-Hilarion de Costentin Comte de
Tourville, Maāl, et Viceamiral de France, attaqua
prés Cadix le 27. Juin 1693. et qu'il poursuivit
le 29. et l2 29. en telle sorte qu'il y en eut 75. de
pris, ou brulez, ou coulez à fonds.
Il est à nous l'Empire de Neptune1,
Disoient partout enflez de leur fortune,
Le fier Batave, et l'Orgueilleux Anglois,
Et leur fortune êtoit, que de trois fois,
Deux fois vaincus, ils avoient vaincu l'une2.
Ce
Na. Qu'aprés cette défaite le Maāl de Tourville voulut brusler ceux
des Vaisseaux Ennemis qui s'etoient refugiez dans le port de Cadix,
et ne pût y entrer, et que le Chtr de Coetlogon Chef d'Escadre qu'il
avoit envoyé à Gibraltar pour brûler ceux qui s'etoient retirez
dans le port de cette ville en vint à bout, et en brûla.
1. C'est à dire la Mer.
2. Depuis le Commencement, où l'on êtoit alors. Il y avoit eu trois
Combats navals, entre la Flotte de France, et celles d'Angleterre
et de Hollande le 1er. le ..... du mois de .......... 1689. sur les
Costes d'Irlande, dans la Baye de Bauthry, où le Comte de
Chasteaurenault Lieutenant gnal de l'Armée Navale de France,
batit
[470]
Ce fut sans gloire, ils n'en eurent aucune,
Car ils n'ont pû malgré notre infortune,
Dire jamais d'un seul vaisseau François,
Il est à nous2.
Peuples que ligue une fureur commune4,
Et que l'éclat de la France importune;
Calez la Voile, et connoissez les Rois
De l'Occéan, En l'an nonante et trois
Du mois de Juin vers la fin de la Lune5,
Il est à nous6.
batit celle des Ennemis qui vouloient s'oposer au débarquement de quelques
Troupes que le Roy de France, Louis XIV. en oyoit en Irlande au secours
des sujets de ce Royaume, fidelles à leur Roy légitime. Le 2d. le 10. Juillet
1690. Où le Comte de Tourville Viceamiral de France batit dans la
Manche les Flottes Angloise et Hollandoise, commandées par le Comte
de Torrington. Il en est parlé plus amplement dans les pieces de cette
année là qui sont dans ce Recueil. Le 3e. le 29. et 30. May 1692.
aussi dans la Manche, à la hauteur de Barfleur, sur la Coste de
Normandie, où les Ennemis battirent le même Comte de Tourville
avec une grande perte. Il est aussi parlé de ce Combat dans les peices
de 1692. qui sont dans le present Recueil; On voit par ce détail, que nous
avions remporté 2. Victoires en 3. Combats, et qu'ainsi nous n'avions
êté batus qu'une fois de trois.
3. Dans ces 3. Combats ils n'ont pas pris un seul Vaisseau François
à la vérité, ils en brulerent dans celui de 1692.
4. Il n'est mention dans la derniere partie de ce Recueil, que de la quantité
de Princes et de peuples unis contre {^la France} pendant la guerre cruelle qui êtoit
alors.
5. Lorsque le Combat dont parle ce Rondeau cy fut donné, la Lune
êtoit dans son déclin; Car pendant cette année 1693. les Lunes alloient
presque comme les mois.
6. L'Empire de Neptune, ou la Mer.
[471]
Chanson 1693.
Sur l'Air .......................................
On chante partout à la Cour,
Vive Tourville, et Luxembourg;
On chante partout à la ville.
Vive Luxembourg & Tourville.
Cette Chanson fut faite sur la Victoire de Mr. de Luxem=
=bourg.
Et sur le Combat Naval donné par Mr. de Tourville, contre
les Anglois et les Hollandois.
[473]
Chanson [X] 1693.
Sur l'Air: Enfin graces au dépit &ca.
Adressée aux Courtisans qui êtoient revenus à
Versailles, avec le Roy Louis XIV. le .... Juin 1693.
au retour du voyage que sa Majesté avoit fait
en Flandres pour y assembler ses Armées.
Na. Que cette Chanson a êté faite par Louise-Françoise
de Bourbon fille naturelle du Roy, femme de Louis Duc de
Bourbon Prince du Sang, Grand Maître de France, et
Gouverneur de Bourgogne en survivance de Henry-Jules de
Bourbon Prince de Condé, son pere.
Enfin aprés un mois1, je vous vois de retour,
Courtisans surannez2, vrais remedes d'amour,
Je vous revois vieux fous si cheris de nos meres3;
Lorsque restez sur nos Frontieres,
Nos amans loin de nous font dans le champ de Mars4
Pour livrer leurs beaux jours aux plus cruels lazards;
Ah qu'une vieille Cour à nos yeux est hideuse5,
On
1. Le voyage du Roy ne dura gueres plus d'un mois.
2. Comme le Roy avoit plus de 54. ans. ses Courtisans êtoient aussi
vieux.
3. Les Courtisans êtoient vieux, ainsi ils avoient êté aimez jeunes
des meres des femmes d'apresent.
4. Tous les jeunes gens êtoient restez à l'armée, de maniere que les
seuls vieillards de la Cour êtoient revenus avec le Roy.
5. Non seulement la Cour êtoit hideuse par les vieillards qui y
êtoient alors, dont la figure déplaisoit, mais aussi parce que la
dévotion du Roy en avoit banny les plaisirs, ce qui la rendoit
infiniment triste.
[474]
On n'y parle jamais ny d'amour, ny d'amant6,
Qu'une Princesse est malheureuse
D'y passer ses plus jeunes ans.
Que c'est une chose ennuyeuse
De ne voir que de vieux Pédans.
6. Le Roy êtoit fort revolté contre la galanterie, lui qui
avoit êté l'homme de son Royaume le plus galant.
7. En cet endroit Made. la Duchesse par d'Elle, c'étoit la
Princesse du monde la plus vive, la plus gaye, et qui
aimoit le plus ses plaisirs, ainsy la tristesse de la Cour
lui êtoit insuportable.
Na. Que cette Chanson est plus ingenieuse qu'elle ne paroist
car si l'on y veut mettre au singulier les mots de Courtisans suran=
=nez, de vrais remedes d'amour, de vieux fous de cheris de nos
meres &ca. On verra que Made. la Duchesse l'a faite sur ............ .
[475]
Rondeau [X] 1693.
Sur Guillaume-Henry de Nassau Prince
d'Orange. &ca. au sujet du Combat de Neerwinde
donné le 29. Juillet 1693. entre l'Armée des.
Princes Conféderez, contre la France, comman=
=dée par ce Prince, et l'Armée Françoise sous
les Ordres de Henry de Montmorency-Luxem=
=bourg, Duc de Piney, Pair & Mareschal de
France &ca. dans lequel les François eurent
l'avantage.
Il a bien fait du fracas, et du bruit
L'Usurpateur1, depuis quatre vingt huit2,
Bien cabaler est son grand scavoir faire3,
Il a par là destrosné son beau pere4,
Et mis en feu l'Europe qu'il séduit5..
Pour le Combat, d'ordinaire il le fuit6;
Mais
1. Le Prince d'Orange que l'auteur nomme Usurpateur avec
raison parce qu'il avoit usurpé les Royaumes de Jacques second,
Roy d'Angleterre, son beau pere.
2. On peut voir dans les pieces de l'an 1688. qui sont dans ce
Recueil, comme quoi la guerre où l'on êtoit alors avoit commencé
cette année là, comme le Prince d'Orange y avoit contribué, et le beau
role qu'il jouoit.
3. C'etoit le plus grand politique de son tems.
4. Jacques II. Roy d'Angleterre.
5. C'est{-oit} le Prince d'Orange qui avoit par son scavoir faire uny toute
l'Europe contre la France.
6. Il est certain que le Prince d'Orange évitoit autant qu'il pouvoit
les
[475]
Mais s'il le faut, et qu'il y soit réduit,
Il le soutient dans la derniere affaire7,
Il a bien fait.
Toujours vaincu jamais rien ne lui nuit8,
Seul
les Actions décisives; mais c'estoit sans interest de faire durer la
guerre, et d'eviter tout ce qui auroit pû contribuer à la Paix, comme
sont ces mêmes actions décisives, puisqu'etant le nœud de tous les
Princes liguez contre la France, et jouant ainsi le plus beau role
que particulier ait jamais joué; Il eut déchu par la paix de cet
Estat florissant, où le maintenoit la guerre.
7. Il fit des merveilles de sa personne dans le Comat de Neerwinde,
comme soldat, et s'y conduisit un grand Capitaine, en telle sorte qu'au
moyen du retranchement qu'il fit faire devant le centre de son armée,
on ne le put attaquer par là. Le Mareschal Duc de Villeroy qui
commandoit l'aisle droite des François, ne put forcer le Village
de Lauden, et l'aisle gauche commandée par Armand-Jean de
Joyeuse fut repoussé 2. fois au Village de Neerwinde, et n'en
demeura maîtresse que la 3e. par la valeur extraord re. de François-
-Louis de Bourbon Prince de Conty, qui servoit de Lieutenant gnal
dans cette armée; la Victoire n'eut pas n'eut pas même êté complette si Henry
Marquis d'Harcourt Lieutenant général des Armées du Roy, ne
fut venu au bruit du Canon avec un Corps de 22. Escadrons qu'il comman=
=doit sous huy, et n'eut attaqué les alliés entre Neerwinde et la Gette
et les prenant ainsi en flant, ne les eut obligé de se retirer en leur tuant
beaucoup de monde.
8. On a pû voir dans ce Recueil combien de fois le Prince d'Orange,
a êté batu, et cependant peu de tems a prés, son armée a toujours esté
rétablie. Cette fois icy, il en avoit êté de même, car ayant fait venir 30.
Bataillons qu'il avoit sous Liege, et 14000. hommes qui avoient force
par ses Ordres les lignes qui étoient entre la Lys et l'Escaut pour
sauver la Chastellenie de l'Isle, le Tournaisis &ca. de la Contribution
son armée se trouva aussi forte qu'elle êtoit au paravant le
Combat.
[477]
Seul de la guerre, il recueil le fruit9,
A t'il un sort10, a t'il un caractere,
Et nous11, mais chut, le mieux est de se taire12,
Et l'on dira, l'Auteur13 s'est bien conduit,
Il a bien fait.
9. Tous les peuples de l'Europe, et surtout les François gémissoient
de cette guerre, et lui seul y trouvoit son compte.
10. Est il sorcier de se rétablir si viste.
11. Nous autres, les François.
12. L'Autheur ne veut plus parler de ce Combat qui nous gosta prodi=
=gieusement, Car nous y eumes 4520. hommes tuez sur la place, et
5187 de blessez. Il est vray que les Ennemis y perdirent d'avange
de leur aveu. aussi durat-il depuis 9. heures du matin jusqu'a 4. du
soir.
13. L'Auteur de ce Rondeau.
14. Il a bien fait de se taire.
Na. Que le Mareschal Duc de Luxembourg ayant en ordre du Roy
Louis XIV. dont il commandoit l'Armée en Flandres de prendre la Ville
et la Château de Huy, et d'aller en suite chercher l'Armée des Alliez
pour la combattre; Il détacha François de Neuville Duc de Villeroy
Pair et Mareschal de France, qui servoit sous luy avec un détachemt.
considérable pour prendre huy, ce qui fut executé, car la ville se
rendit le 21. Juillet, au bout de 24. heures, et le Château a discretion,
le lendemain le Mareschal Duc de Luxembourg marcha ensuitte,
le 28. aux Ennemis, qui étoient campez sur la Riviere de Gette prés
la petite ville de Lewe en Brabant, ayant à leur gauche au Village
de Lauden, et leur droite à celuy de Neerwinde, avec une hauteur
devant le centre de leur armée, le Duc de Luxembourg ne pût les attaquer
que le lendemain, et la nuit ils se retrancherent si bien, qu'on ne pût
forcer le village de Lauden, ny le centre où étoit un grand retranchemt.
On fut repoussé deux fois à Neerwinde; mais ce postre ayant êté
forcé, les Ennemis furent obligez de se retirer de la Gette, et d'aban=
=donner le champ de Bataille, avec 75. pieces de Canon.
[479]
Epigrammes. [X] 1693.
Sur une Ode Françoise dans le stile de Pindare
Poëte grec, composée, et mise au jour au mois de
Juillet 1693. par Nicolas Boileau Sr. des Preaux
de l'Accademie Françoise, sur la Prise de Namur
par le Roy Louis XIV. au mois de Juin 1692.
Boileau tu veux, dis-tu, suivre a grands pas la trace,
De Pindare, qui plein d'audace,
Scait quelque fois sortir de la raison1,
Pour y rentrer même avec plus d.....
Mais tu suis assez mal ses pas
Dans tes emportemens bizarres2,
Car si loin du bon sens, comme lui tu t'égares,
Comme lui tu n'y rentres pas.
Horace a dit à la postérité
Que Pindare jamais ne peut être imité3,
Pour
1. Pindare dans ses Ouvrages prend un stile élevé, d'où vient
qu'on apele Pindariseur un homme qui veut parler le même langage.
2. L'Auteur trouve que Boileau des Preaux en voulant imiter Pindare
dans son Ode, s'emporte trop loing, et ne revient pas comme ce Grec, à
la raison.
3. Horace commence ainsi l'Orde 2de. de son {IVe} Livre.
Pindarum quisquis studet œmulari,
Jule, ceratis ope Dœdalea,
Nititur pennis vitreo daturus,
Nomina ponto.
[480]
Pour prouver ce que dit Horace,
Des Preaux suit Pindare, et se casse le cou4,
C'est obliger de bonne grace,
Ces anciens dont il est fou.
Ouy des Preaux, de ton yvresse5,
Ton Ode nous est caution;
Mais que ce soit des liqueurs du Permesse6,
C'est une belle question.
Ouy j'aime l'Ode Pindarique,
De ce redoutable Critique7,
Qui sur le sacré Mont8 fait aujourd'huy la Loy.
Perrault9, quel monument il éleve a ta gloire;
Mais
4. L'auteur prétend que cette Ode de des Preaux, ne vaut rien, et il
n'est pas le seul de ce sentiment.
5. Cette Ode de des Preaux commence ainsi.
Quelle docte & sainte yvresse
Me fait aujourd'huy la Loy,
Charles Nimphes de Permesse,
N'est-ce pas vous que je voy.
l'auteur se moque de cette Docte et sainte yvresse.
6. Le Permesse, est une de 2. Fontaines du Parnasse, et les
Nimphes du Permesse, sont les Muses.
7. Boileau des Preaux Poëte Satirique. + 8. Le Parnasse.
+
9. Charles Perrault de l'Accademie Françoise que Boileau des
Preaux fronde à la fin de son Ode sous le nom de l'Auteur de St.
Paulin. Il faut scavoir aussi que Perraut avoit fait un paralelle
des Auteurs anciens avec les modernes, dans lequel il mettoit ceux
cy au dessus des autres. Boileau s'en formalisa, et outre plusieurs
écrits qu'il fit contre Perrault, il composa encore cette Ode cy dans
le
[481]
Mais quand je songe à son histoire10,
Que je plains le Siecle, et le Roy11.
Vôtre amy des Preaux a fait un mauvais pas,
Dont rien au monde ne le pare,
Il agit contre lui, s'il efface Pindare13,
Il passe pour un sot, s'il ne l'efface pas14.
N'en doute point Boileau la voix publique,
Fait le procés à l'Ode Pindarique,
Laisse les vers, ta Muse est au tombeau;
Mais la préface15 est une belle chose,
On y retrouve encore le grand Boileau,
Il scait encore injurier en prose16.
le stile de Pindare pour faire avoir la supériorité des anciens
sur les modernes, comme elle ne reussit pas, l'auteur dit a Perraut
que c'est un monument que Boileau a élevé à sa gloire.
10. C'est que Boileau des Preaux par Ordre du Roy, composoit
l'histoire de la vie de sa Majesté conjointement avec J. Racine.
11. Il plaint le Roy Louis XIV. parce qu'il croit que l'histoire de ce
Prince écrite par Boileau, ne vaudra pas mieux par son Ode
Pindarique.
12. Ce cy est adressé a un amy de Boileau.
13. Puisqu'il croit les anciens au dessus des modernes.
14. Puique Pindare peut être effacé.
15. Un avis au Lecteur qui précédoit l'Ode, et ne valoit rien.
16. Cet avis est plein d'injures contre les paralelles de Perraut, et
ceux qui sont de son sentiment.
[482]
1693. Ode
Sur l'Ode dans le stile de Pindare Poëte
Grec, dont il est parlé dans les Epigrammes
précédentes, composée par Nicolas Boileau
de l'Académie Françoise.
Nota. Que cette Ode cy est faite pour critiquer celle de
Boileau des Preaux, qu'elle la parodie en plusieurs endroits
soulignez sont des mots et des termes de l'autre que l'auteur
de celle cy critique.
Qu'elle est la nouvelle yvresse1
Qui fait à Boileau la Loy,
Sous ces haillons du Permesse2,
Est-ce donc lui je vois,
Accourez troupe pédante3,
Les sons que sa Lire enfante
Sont propres à vous toucher,
Accourez voir le faux germe4,
Dont au bout d'un an de terme5
Sa Muse vient d'accoucher.
Mais
1. L'Ode de des Preaux, commençoit par ces mots. Qu'elle docte et
Ste. yvresse. l'auteur de celle cy s'en moque.
2. Le Permesse est une des 2. Fontaines du Mont Parnasse.
3. L'Auteur adresse cette Ode aux Pédans, dont il pretend qu'elle doit
être admirée.
4. L'Auteur compare cette Ode aux Pédans, dont il pretend qu'elle doit
être admirée.
5. L'Ode de des Preaux est faite sur la prise de Namur en 1692.
et cette Ode n'a parû qu'en 1693. plus d'un an aprés.
[483]
Mais non, c'est un grand modele,
Dont au public il fait part6,
Pour faire voir qu'il excelle,
Dans tous les genres de l'art,
Voulez-vous de l'Heroique
C'est une Ode Pindarique7,
Dont Namur est le sujet;
Ne demandez vous qu'a rire,
C'est au fonds une satire,
Dont Perraut seul est l'objet8.
Là dans des phrases sauvages9,
Vous verrez tout en un tas,
Déployer toutes leurs rages,
Princes, vents, peuples, frimats.
Là vous verrez Nassau blesme10,
Plein
6. des Preaux dans l'avertissement qu'il met devant son Ode
dit qu'elle peut servir de modele à ceux qui n'ont pas le gout
des anciens poëtes.
7. Ou dans le stile de Pindare.
8. Dans le même avertissement qui precede l'Ode, des Preaux
désigne Charles Perraut de l'Accademie Françoise, au sujet
des Paralelles que celui cy a fait des auteurs anciens, et modernes
en faveur de ceux cy, et il est certain que des Preaux n'a fait son
Ode, que pour faire voir à Perrault la supériorité des anciens
sur les modernes.
9. Il est certain que dans l'Ode de des Preaux, il y a des façons
de parler fort barbares, comme sont entr'autres les endroits
souslignez dans celle cy qui en sont tous tirez.
10. Le Prince d'Orange a qui des Preaux, donne cette Epithete
extraordinaire.
[484]
Plein de la fureur extrême,
Dont ses sens sont agitez;
Pédans11, maquez l'excellence,
De cette heureuse cadence,
Vous modernes profitez12.
Pour bien dépeindre une place,
Dont les deffenseurs vaillans
Par leur feu, par leur audance,
Eloignent les assaillans;
Dites que dix mille Alcides,
D'Eclairs au loing homicides,
Font petiller leurs remparts,
Voila quel nouveau sublime,
L'homme que Phœbus anime14,
Fait briller de toutes parts.
Est-ce ainsi que sans génie
Avec des vers durs, et secs,
Il imite l'harmonie,
Et
11. Les mêmes Pédans, à qui l'auteur adresse cette Ode cy.
12. Il a desja êté dit que cette Ode de des Preaux, est faites pour
l'instruction des Poëtes modernes a ce qu'il pretend, et pour leur
faire avoir la supériorité des anciens.
13. Namur dans l'Ode des Preaux.
14. Des Preaux commence ainsi la derniere strophe de son
Ode, Pour moy que Phœbus anime.
[485]
Et la Noblesse des Grecs15,
En vain aux bois du Parnasse,
A suivre Pindare, Horace;
Il s'engage en son déclin16,
De ces bois les avenües,
Ne lui sont pas si connuës,
Qu'a l'auteur de Saint Paulin17.
15. Des Preaux prétend que son Ode imite le stile des Poëtes
Grecs, et surtout de Pindare, et l'auteur de celle cy n'en
convient pas.
16. Des Preaux êtoit alors fort vieux, et le met dans son Ode
en disant, Ma Muse dans son déclin.
17. C'est Perrault auteur d'un Poeme Chrestien, appellé Saint
Paulin; mais ce cy fait encore un plus grand jeu. Des
Preaux finit son Ode par ces vers qu'il adresse aux
Ennemis de la France.
Pour moy que Phœbus anime
De ses transports les plus doux,
Rempli de ce Dieu sublime,
Je vois plus hardy que vous,
Montrer que sur le Parnasse,
Des bois frequentez d'horace,
Ma Muse dans son déclin,
Scait encor les Avenuës,
Et des routes inconnuës
A l'auteur de Saint Paulin.
L'Auteur de cette Ode cy trouve cette fin trop basse pour
une Ode, et il s'en moque icy. Il prétend de plus que l'Auteur de St.
Paulin, qui est Perraut, connoist mieux ses Avenües des Bois
du Parnasse que des Preaux.
[486]
1693. Epigramme
Sur ce que dans la derniere strophe de l'Ode
en stile Pindarique, faite par Nicolas
Boileau des Preaux, et de laquelle il est
parlé dans les Epigrammes, et dans l'Ode
précédentes; Cet Auteur se moque de Charles
Perraut sous le nom de l'auteur de St. Paulin.
Voyez sur cela le Commentaire 17. de l'Ode
précédente.
Nota; Que Charles Perraut est l'auteur Epigramme
cy, et qu'il t'adresse à Nicolas Boileau des Preaux.
Quand d'un esprit satirique, et malin,
Vous maltraitez l'auteur de Saint Paulin,
Je me plains, il est vray; mais lorsque de Pindare
J'oze dire un peu librement
Que c'est un auteur qui s'egare1,
Vous criez éffroyablement
Que contre vous je me déclare2;
Ce
1. Dans le Livre intitulé, Paralelle des auteurs anciens, et
Modernes, duquel il est tant parlé dans ce Recueil; Perraut
qu'en est l'auteur, dit en parlant de Pindare, que ce Poëte
s'egare souvent.
2. Boileau des Preaux, dans ses discours, et dans plusieurs
vers qui sont dans ce Recueil, a pris avec une chaleur excéssive
le parly de Pindare contre le sentiment de Perraut, et ils
se sont tellement échauffez l'un l'autre que cela a dégénéré
en
[487]
Ce procédé n'est-il pas bien honteux,
Et plein d'une injustice extrême,
L'Auteur de Saint Paulin n'est autre que moi même;
Mais Pindare et vous sont deux.
en une querelle personnelle, en telle sorte que Boileau fort
vif a regardé l'opinion de Perrault sur Pindare comme une
insulte à sa personne à cause qu'il s'etoit déclaré le deffenseur
de Pindare et des autres anciens.
3. Perrault prêtend que quelque déffectueux que Pindare, soit
selon lui, Boileau des Preaux lui est encore fort inférieur.
[489]
Chanson 1693.
Sur l'Air de ....................
Sur ............. de ............ Marquis de Sainte
Hermine Colonel d'un Régiment de Dragons.
Sainte Hermine, Sainte Hermine,
Nous te voyons verluisant1,
Et nous t'avons veu vermine2,
Sainte hermine, Sainte hermine.
1. C'est a dire brillant, heureux, paré, magnifique.
2. C'est a dire gueux, malotru, malvêtu &ca. Il êtoit proche parent
de Françoise d'Aubigné Maintenon qui l'avoit élevé, et comme
la grande Fortune de cette Dame avoit êté fort prompte, celle
des siens l'avoit aussi êté.
[490]
[X] Chanson
Sur l'Air: de Fanfare.
Conduit le soleil jamais on ne s'egare,
Disoit Jacques à Guillaume, on me fera raison;
D'un air de fanfare Guillaume lui répond,
Mon beaupere tatare pompon.
Autre
Sur l'Air; de Turelure.
[X] Villeroy ce Mareschal,
Grand Général en peinture,
Iroit au feu, comme au bal;
Turelure,
S'il ne craignoit la brulure
Robin turelure, lure.
[491]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de ..........
Dans laquelle sont tous les noms des Mds.
de Paris, apellés Curieux, c'est a dire vendeurs
de toutes sortes de curiositez de France, et des
pais Estrangers, comme Cabinets, Bureaux,
et autres meubles d'ornement &ca. lesquels tro=
=quoient aussy.
Nota; Que les noms de ces Marchands sont si obscurs,
qu'on n'a pas jugé a propos de les honorer d'un Commentaire.
On a mis cette Chanson dans ce Recueil par la seule raison
qu'ils êtoient alors fort à la mode.
Voulez vous de la Chine,
Des ouvrages exquis,
Des Porcelaines fines,
Des Cabinets de prix,
Aimez vous la Pagode,
Et cherchez vous la mode;
Voyez, Raclaux, Malafer, et Quesnel,
La le Brun et d'Autel.
Encores, la de l'Isle,
La Noel, ou Castel,
Vendent chose inutile;
[492]
Aussibien que l'Autel;
La Fresnay, et Varennes,
En ont leurs chambres pleines,
Varebouze, et l'Abbé Veteris,
En ont beaucoup aussy.
[493]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur Louis Dauphin de France, lorsqu'il
revint à Versailles le 9. Septembre 1693. au
retour d'Allemagne, où il commandoit l'Armée
du Roy Louis XIV. son pere.
Ce grand Dauphin sur la France,
Fonde toute son esperance,
Revient, dressons lui des Autels;
Il merite qu'on le révere,
Ce fils du plus grand des mortels,
Suit bien les traces de son pere.
[495]
Chanson 1693.
Sur l'Air: du Rigaudon de l'Opera
d'Acis & Galatée.
Sur Claude le Peletier Ministre d'Estat.
C'est un pupu1,
Que Peletier Ministre,
C'est un Oiseau sinistre,
Sans force et vertu2,
Et cependant
Rentré dans sa Coquille3,
Le petit pédant
Il a plus mis,
De
1. L'auteur de cette Chanson compare Mr. le Peletier le
Ministre, a de certains Oyseaux, nommés des Pupu, autremt.
des hupes, lesquels sont fort salles, et fort puants, aussy ce
Ministre l'est-il extrement.
2. Il n'avoit mérite quelconque.
3. C'est a dire rentré dans sa Maison et dans sa famille, où
il s'aimoit, parce que c'estoit le seul endroit où il fut estimé.
Il y êtoit tout a fait sédentaire depuis l'an 1689. qu'il avoit
abdiqué le Controle général des Finances, comme on peut voir
par les pieces de cette année là qui sont dans ce Recueil, car
il n'avoit presque plus d'affaires.
[496]
De bien dans sa Famille4,
Qu'il n'a fait d'Amis.
4. Il avoit en 6. ans de tems qu'il fut Controlleur général
des Finances, amassé beaucoup de bien, une charge de Président
à Mortier du Parlement de Paris pour son fils, et une belle
terre à la Campagne apellée Villeneuve le Roy, qu'il avoit
fait magnifiquement bâtir.
5. Il n'avoit pas un seul amy, aussi n'avoit-il jamais songé
a en faire.
[497]
Epigramme 1693.
Dans laquelle l'auteur fait parler un
homme amoureux de ......... veuve
de ....... Solus, sur ce que ..........
Barcos Secrétaire de François de Neuville
Duc de Villeroy Pair et Mareschal de France,
amoureux de cette même femme, en êtoit
disoit on, malade de Jalousie.
Barcos se meurt, étrange événement,
Il meurt d'avoir apris que je suis vôtre amant;
Dites lui qu'il n'a qu'a paroître,
Je me retire, c'en est fait;
Il est juste que le valet
Vive des restes de son maître*.
* Le Mareschal Duc de Villeroy avoit êté amoureux, et
bien traité de cette femme, avant que Barcos en fut
amoureux.
[499]
Epigramme 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur ............ Pronde Partisan, lequel se
voulant faire Président de la Chambre des
Comptes de Paris, offrit d'épouser pour cet
effet ............. de Maupeou Cousine de .....
de Maupeou femme de Louis Phelypeaux.
Comte de Pontchartrain Ministre et Sécretre.
d'Estat, Controlleur général des Finances
laquelle êtoit fort laide, fort sotte, et fort
pauvre.
Un fripon1 que l'on nomme Pronde,
Connu pour tel de tout le monde,
Hors Caumartin1 son protecteur,
Voudroit en ce jour à la honte,
D'un Ministre3 rempli d'honneur,
Se faire Président des Comptes.
1. Les Financiers sont pour l'odinaire tous les fripons.
2. Urbain-François-Louis le Febvre de Caumartin Conseiller
d'Estat ordre. et Intendant des Finances, protigeoit Pronde, et
c'étoit lui qui vouloit faire ce mariage.
3. Louis Phelypeaux Comte de Pontchartrain, dont il est parlé
dans l'Argument, et dont l'auteur de cette Chanson est persuadé
que l'honneur soufriroit si un homme tel que Pronde avoit
épousé sa parente.
[500]
Mais la recherche de sa vie,
Fait connoître son infamie,
Et que les Prisons de Paris4,
Furent sa retraite ordinaire,
En attendant le Piloris,
Que mérita deux fois son Pere5.
4. Pronde avoit êté deux fois en prison, comme on y met souvent
les Partisans qui sont obligez solidairement les uns pour les
autres; mois il ni avoit pas couché, et ces 2. emprisonnements
avoient êté declarez en justice injurieux et tortionnaires.
5. On disoit que son pere avoit fait 2. fois banqueroute, crime
qu'on punit du Pilory.
[501]
Parodie 1693.
de la Chanson précédente, sur les mêmes
rimes, et sur le même air, en faveur du
même Pronde.
D'un galant homme nommé Pronde,
Connu pour tel dans le beau monde,
Pontchartrain est le protecteur,
Ses énnemis auront la honte,
De le voir tout couvert d'honneur,
Se faire Président des Comptes.
Par la recherche de ta vie,
Délateur couvert d'infamie1,
L'on te menera par Paris,
Comme l'on mene d'ordinaire
Ceux que l'on met au Piloris,
Pour vanger l'ombre de son pere2.
1. Ce Couplet s'adresse à l'auteur de la Chanson précédente.
2. L'auteur de cette Parodie ne convient pas que le pere de Pronde
ait fait banqueroute, c'est pourquoy il veut que l'auteur de la
Chanson precedente soit lui meme mis au Pilory pour sa
Calomnie.
[503]
Chanson 1693.
Sur .......... de Ligny femme de ............
Landgrave de Furstemberg, qu'on disoit
aimer ................ de Francine Me. d'hostel
du Roy.
La Princesse de Furstemberg,
Se met tous les jours à couvert,
Sous le Marquis de l'Opera*.
Alleluya.
* L'Auteur de cette Chanson apelle Francine le Marquis
de l'Opera, parceque c'etoit lui qui en avoit le privilege, depuis
la mort de Lully pere de sa femme. Ce nom de Marquis
de l'Opera donne un grand ridicule à la Princesse de Furstem=
=berg qui l'aimoit.
[505]
Chanson [X] 1693.
Sur l'Air de; Orléans, Boisgency, Nôtre-
Dame &ca.
Sur la Campagne de l'an 1693. et les Généraux
qui commandoient les Armées du Roy de
France Louis XIV.
Luxembourg1, Catinat2,
Ont fort bien servi l'Estat;
Mais Lorge4, mais Lorge.
1. Henry de Montmorency-Luxembourg, Duc de Piney, Pair
et Mareschal de France &ca. qui comman=
=doit l'Armée du Roy en Italie.
2. Nicolas de Catinat Mareschal de Frence &ca. qui comman=
=doit l'Armée du Roy en Italie.
3. Le 1er. avoit batu les armées des Alliez au Combat de Neerwinde,
comme il a êté dit plus haut; Le 2d. avoit gagné le 4e. Octobre la
Bataille de la Marsaille en Piémont sur les Armées des Confédérez,
commandées par le Duc de Savoye, dans laquelle il avoit défait
absolument les Ennemis. Il leur prit 98. Drapeaux, 4. Estendars,
et trente pieces de Canon. La Relation de ce Combat faite au
Roy par ce Mareschal portoit autre ce qui vient d'etre dit, qu'il
falloit que les Ennemis eussent perdu dans cette action 7. à 8000.
hommes sur la place, qu'il y avoient environ 2000. prisonniers, et
que les François n'avoient eu que 1500. ou 2000. de tuez.
Nota; Qu'aprés le Combat de Neerwinde, le Mareschal Duc
de Luxembourg assiégea Charleroy qui se rendit le ............. .
4. Guy de Durfot de Lorge, Duc de Quintin, Mareschal de France
&ca. commandoit l'Armée du Roy en Allemagne, ne fit rien de toute
cette Campagne, Car ayant pris aprés peu de résistance le .......... du mois
de
[506]
de May, la Ville et le Château de Heidelberg, il s'amusa à razer et
détruire cette place, au lieu de marcher à Heilbron, qui lui auroit aporté
les Clefs, ce qui l'auroit rendu le maître de tout le pais qui est entre le Rhin
et le Necker; de maniere qu'ayant marché trop tard. Il y trouva les
Ennemis fortifiez devant lesquels il n'osa passer le Neker. Ce fut ce qui
obligea le Roy, comme il a êté dit plus haut a fortifier cette Armée d'un
Corps de troupes considérables commandé par Mgr le Dauphin son fils,
et le Mareschal de Bouflers sous lui. Cette Armée devenüe tres
nombreuse commandée par le Dauphin, et 3. Mareschaux de France;
scavoir le Mareschal Duc de Lorge, Claude de Choiseuil, et N.....
de Bouflers, ne fit pas de plus grands exploits, car le Prince Louis
de Baden genéral de celle de l'Empire, se retrancha si bien prés
Heilbron qu'il fut impossible à l'Armée de France d'attaquer la
ville ny les Ennemis, ce qui rendit cette Campagne inutile et desagréable
pour le Rotaume autant qu'heureuse et glorieuse pour l'Empire.
Cela fit un tort considérable au Mareschal Duc de Lorge qui passoit
déja pour un médiocre général. L'on dit même que cela le brouilla
avec le Mareschal de Choiseuil qui servoit en second avec lui, et qui
l'avoit vivement pressé de quitter heidelberg aprés la place prise, pour
marcher promptement à Ailbron, parce qu'en êtant le maître, comme
il l'eut êté infailliblement, on auroit étably des quartiers d'hiver en
Allemagne qui l'auroient désolée, et peut être même causé la paix
générale, dont la pauvre France avoit alors grand besoin.
[507]
Chanson [X] 1693.
Sur l'Air: Quand Iris prend plaisir à boire.
Sur l'Entreprise que les Anglois firent inutilemt.
sur la ville de St. Malo, au mois de Novembre
1693.
Nota; Qu'une Flotte Angloise composée de ......... Voiles
parut devant St. Malo le 26. Novembre, qu'ils prirent et brûlerent.
sans résistance au Couvent de Récolets dans une Isle proche
de la Ville. Ils la bombarderent ensuitte pendant 3. jours sans
effet. et le 4e. jour ayant fait avancer prés le rempart, une
Fregatte pleine de feux d'artifice de Bombes, Carcasses, Pierres,
Mats &ca. Ils y mirent le feu croyant abismer la Ville qui est
fort serrée; mais soit qu'il manquast quelque chose a cette
machine infernale, soit que le feu y fût mal mis, ou qu'elle
fut mal tournée, non seulement elle fit peu de domage à St.
Malo; mais elle tua ceux qui la conduisoient, dont les Corps
furent trouvez morts sur le rivage aprés la retraite de la Flotte,
qui suivit le mauvais succez de cette Entreprise.
Luxembourg1 finit sa carriere,
En défaisant l'Armée entiere,
Du grand Guillaume de Nassau2,
Qui perdit tout, Canons, Drapeaux, Timbales3;
Mais
1. François-Henry de Montmorency-Luxembourg, Pair, et
Mareschal de France &ca. qui commandoit l'Armée de Flandres.
2. L'Auteur veut parler du Combat de Neerwinde donné le 29. Juillet
1693. dont le détail est plus haut dans un Rondeau.
3. Voyez ce Rondeau du dit 29. Juillet 1693.
[508]
Mais ils s'est rédimé sur l'Eau,
Il a pris4 malgré saint Malo,
Des Capuchons,
Des Capuchons et des scandales5.
Du succez de cette entreprise,
Sa valeur est presque surprise,
Son cœur s'enfle, il vise plus haut;
Faisons, dit il triompher l'Angleterre,
Emportons saint Malo d'assaut;
Il part, il tonne et de plein saut
Il va donner,
Il va donner du nez en terre.
Maintenant il triomphe à Londres6,
Tous ses échos lui vont répondre,
Saint Malo de peur ébranlé7,
Vive
4. Le reste de la Chanson est ironique, et il faut scavoir aussi
que quand l'auteur dit que le Prince d'Orange a pris, qu'il
part &ca. ce n'est pas que ce Prince fut en personne en l'entreprise
sur St. Malo; mais je lui attribue le tout, parce que c'etoit
par ses Ordres.
5. L'Auteur veut parler icy du Couvent des Récolets que prirent
les Anglois prés St. Malo, parce que ces Religieux ont des
Capuchons et des sandales.
6. La ville capitale d'Angleterre.
7. L'Auteur ne doutoit pas que les Gazetiers de Hollande, de
Bruxelles, d'Allemagne, et autres pais liguez contre la France,
qu'il nomme {la} Echos du Prince d'Orange, parce qu'ils ne disoient
que
[509]
Vive Nassau, la gloire l'environne,
Un gros Couvent de Récolets
Qu'il a pris d'assaut et brûlé,
Met un fleuron,
Met un fleuron à sa Couronne8.
que ce qu'il vouloit, ne peignissent le domage arrivé à St.
Malo, bien plus grand qu'il n'etoit, car tout cela se rédui=
=sit à une Maison percée a des Vitres et a des thuiles cassées.
8. Tout le succez de cette entreprise fut le couvent de Recolets
pillé et brûlé.
[511]
Chanson [X] 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Dans laquelle l'Auteur fait parler une des
filles de la Maison de St. Louis de St. Cir,
à Françoise d'Aubigné Marquise de
Maintenon, sur ce qu'ayant changé la regle
de cette Maison sur la fin de l'an 1693. Elle
y mit des Prestres de la Congrégation de St.
Lazare pour Directeurs.
Croyez moy sans barbes debique1,
Au Diable vous ferez la nique2,
Ces peres ont plus d'un Mauroy3,
De trois regles pourquoi cette ogle4
Nôtre
1. Les Prestres de cette Congrégation de St. Lazare, avoit
une barbe au menton, qu'on appelle vulgairement Guillaumets,
et qui ressemblent assez à une Barbe de Chevre, et qui les
faisoit apeller par le Vulgaire, Barbes de Bique, et
Barbichets.
2. C'est a dire vous ne craindrez point le Diable.
3. Voyez dans les pieces de 1691. tout ce que fit le St. Mauroy
l'un des Prestres de cette Congrégation.
4. La Marquise de Maintenon avoit fait, ou fait faire
une regle pour la Maison de St. Louis à St. Cyr; composé de 3.
autres regles, scavoir de celle des Filles de Ste. Marie de ........
[512]
Nôtre seul Apostre est le Roy5,
Nos vœux sont d'etre bonnevoglie6.
5. Le Roy Louis XIV.
6. C'est a dire pleines de bonne volonté.
[513]
[X] Chanson 1693.
Sur l'Air: de la Rochelle, ou depuis Janer.
Sur l'Assemblé générale de Police tenüe à Paris
dans la Chambre de St. Louis au Palais, le 20.
Novembre 1693. composée de Députez de toutes
les Cours Souveraines, et autres, pour trouver des
moyens de secourir le nombre apresque infiny, de
pauvres qui êtoient dans Paris, et qui souffroient
beaucoup a cause de la disette de Bled, qui
avoit êté presque générale en France cette année.
C'est nôtre prémier Président1,
Homme humain et compatissant2,
Qui touché de nôtre misere,
Dit au Roy3, d'une humble façon4,
Vous n'aurez qu'a me laisser faire
On aura du pain a foison5.
Mais
1. Achilles de Harlay Chef de cette Assemblée comme 1er.
Président du Parlement de Paris.
2. Ce cy est dit ironiquement, car c'étoit l'homme du monde le plus
dur et le plus sec.
3. Le Roy Louis XIV.
4. Le 1er. Président êtoit lhomme du monde le plus haut et le
plus glorieux mais comme il êtoit faux en tout, il affectoit
une grande modestie dans ses actions, surtout dans son
langage. On peut juger de là avec quelle humilité affectée il parloit
au Roy.
5. Lorsque le 1er. Président parla dans cette Assemblée, il fit
d'abord
[514]
Mais comme ce grand Magistrat
Fuit en tout le faste et l'éclat6,} {Fuit tout sans faste, et sans éclat}
Crainte d'en avoir seul la gloire7;
Il a convoqué prudemment
Toute la gent a Robe noire8,
Pour demander leur sentiment.
Il leur a dit modestement9,
Le mal vient du gouvernement,
On n'a ny soin, ny prévoyance,
Et nous jadis Tuteurs des Rois10;
Souffrirons nous que nôtre France,
Soit reduitte aux abois.
Messieurs voicy l'heureux moment
Pour rétablir le Parlement,
Tel qu'il fut du tems de nos peres;
Faisons donc connoitre aujourd'huy
Que
d'abord comprendre qu'il avoit des moyens seurs pour faire
revenir l'abondance à Paris.
6. On vient de dire Article 4. que le 1er. Président affectoit une fausse
modestie en tout, ainsi ce cy est dit ironiquement, car dans le
fond, personne n'étoit si glorieux que luy.
7. Autre ironie, car il eut êté bien faché de laisser quelque chose
a faire aux autres.
8. On a dit dans l'argument que cette assemblée êtoit composée
de Députez de toutes les Compagnies de Robe qui sont à Paris.
9. Voyez les Articles 4. 6. et 7. de ce Commentaire.
10. Le Parlement de Paris prétend être Tuteur des Rois, pendant
leur minorité.
[515]
Que la France dans ses miseres,
N'a de recours qu'a nôtre apuy11.
J'avois donné de bons advis,
Plût à Dieu qu'on les eut suivis,
Et plût à Dieu que nos Ministres12,
De leur sentiment moins jalous.
Previnssent les malheurs Sinistres
En prenant des Conseils de nous13.
Mais si nous fournissons du pain
A ce peuple qui meurt de faim,
Peut être verrons nous renaitre;
Ce tems par nous si regretté
Où le Parlement sera maître
Comme dans la minorité14.
Pour vous quel comble de bonheur !
Si dans le fort de la rumeur,
Nous pouvions un jour {^faire} dire
Comme
11. Dans ce Couplet tout entier, l'auteur parle des tems de guerre
civile pendant la Ligue, et la France où le Parlement de Paris
êtait le maître, bornoit la puissance des Rois et leur faisoit
même la guerre, de maniere qu'il falloit qu'ils le menageassent.
12. Les Ministres d'Estat.
13. Du Parlement.
14. Dans la minorité du Roy Louis XIV. le Parlement de Paris
êtoit si bien le maître qu'il fit la guerre au Roy.
[516]
Comme on crioit du bon vieux tems,
Vive le Roy nôtre bon Sire,
Et nos Seigneurs du Parlement15.
Flatté par un si beau projet,
Chacun opina du bonnet;
Sacrifions tous nos Epices16,
S'écrie un zelé Magistrat17,
Et la Chambre18 offrit ses saucisses19,
Grande ressource pour l'Estat.
Alors le premier Président,
Les yeux baissez20, le cœur content;
Choisir à chacun son employ,
Chercher du Bled, c'est vôtre affaire,
La mienne est d'en parler au Roy.
15. Du tems de cette guerre, les partisans du Parlement crioient
Vive le Roy, & le Parlement. Car bien qu'ils fissent la guerre
contre le Roy et la Reine Anne d'Autriche sa mere, ils
disoient que c'étoit pour l'interrest de ce Prince.
16. Les Epices qu'on donne aux Raporteurs des Procez.
17. ..............
18. La Chambre des Comptes.
19. On sert des saucisses à la Beuvette de la Chambre.
20. Il a toujours les yeux baissez.
21. Le résultat de cette assemblée, fut que le 1er. Président, dit
qu'il en rendroit compte au Roy, est l'auteur s'en moque.
[517]
Chanson 1693.
Sur l'Air: lerela, lere lanlere &ca.
Sur Achilles de Harlay 1er. Président du Parlemt.
de Paris.
Monsieur le premier Président,
Veut passer pour homme important,} {Surtout veux faire le plaisant.}
Et pour tres propre aux affaires;
Lere la, lere lan lere,
Lere la lere lan la.
Portant une barbe de C....1
Il croit ressembler à Caton;
Mais il n'en a que l'air austere2,
Lere &ca.
Il brocarde3 au lieu d'écoute,
Le Client qui veut lui parler,
De sa tres malheureuse affaire,
Lere &ca.
1. Ce 1er. Président avoit une barbe fort extraordinaire.
2. C'étoit l'homme du monde qui avoit l'air le plus austere;
il n'etoit rien moins dans l'interieure, car il êtoit fort
debauché.
3. Il êtoit fut, médisant, et fort malin, et comme le tempe=
=ramment l'emportoit souvent sur le soin qu'il prenoit
de se contrefaire, il brocardoit souvent les gens qui le
venoient
[518]
Il reconduit un Procureur,
Et puis il insulte au Seigneur4,
Et se croit sage en sa maniere.
Lere &ca.
Qu'il a montré d'habileté,
Lorsqu'on s'assembla pour le Bled5.
Quoiqu'il ait seul gâté l'affaire6;
Lere &ca.
Estre Ministre et Chancelier7,
C'est là Sire8, le vray mestier,
De ce sujet si necessaire;
Lere &ca.
S'il
venoient solliciter, et cela avec beaucoup de sel et d'esprit
en telle sorte que tout êtoit plein de ses bons mots; Mais
les pauvres plaideurs ne lui demandoient rien moins que
les brocards qu'ils remportoient souvent pour tout fruit.
4. Il êtoit bizarre, et sujet à sa mauvaise humeur, dont il
convenoit devant ses amis. Cela faisoit qu'il accabloit
quelque fois de Civilitez des gens de néant, et traittoit
mal des gens de la 1re. qualité.
5. {Voyez la Chanson precedente avec son Commentaire.}
6. Il gasta le fruit de cette Assemblée, parce qu'ayant dit
qu'il en parleroit au Roy pour tout resultat, elle devint
infructueuse.
7. C'etoit l'homme du monde le plus ambitieux, et il est
bien certain qu'il aspiroit a être Chancelier, et Ministre
d'Estat.
8. Ce Couplet s'adresse au Roy Louis le grand.
[519]
S'il ne remplit les deux Estats9,
Prenés villes, gagnés Combats,
Vous ne pourez le satisfaire10,
Lere la, lere lan lere,
Lere la lere lan la.
9. De Chancelier, et de Ministre.
10. A cause de son ambition démésurée.
[521]
Epigramme 1693.
Sur la mort d'André de Betoulat Comte
de Vauguyon Sr. de Fromenteau &ca. Chtr
des Ordres du Roy, et Coner. d'Estat ordre.
qui se donna 2. Coups de Pistolet dans la
teste le ........ Décembre 1693. aprés avoir
donné plusieurs autres marques de folie.
Que Fromenteau1 se soit donné
D'un Pistolet dans la cervelle;
Il êtoit fou2; cette nouvelle,
Ne ma point du tout étonné;
Mais je ne puis que je ne pleure,
Comme
1. On l'avoit autrefois apellé Fromenteau; mais alors
il s'apelloit le Comte de la Vauguyon. Il est parlé de lui
en plusieurs endroits de ce Recueil, ainsi on n'en dira
pas d'avantage.
2. Il donna plusieurs marques de folie les dernieres années
de sa{vie}, car le Roy êtant a Fontainebleau sur la fin de l'an
1690. Il mit tout d'un coup l'Epée a la main contre Louis-
-Charles Prince de Courtenay sans aucune querelle précé=
=dente, et dans la propre maison de sa Majesté, l'année
suivante il voulut batre dans la Maison de Charles Colbert
Comte de Croissy Ministre et Secretaire d'Estat, à Versailles,
le Sr. de l'Anglée, parcequ'il ne trouvoit pas qu'il prlast
assez respectueusement de M. frere unique du Roy,
En l'année 1692. trouvant un Palfrenier de M. le Prince
qui abreuvoit un Cheval; il le fit descendre, monta dessus
a poil, et vint à toutes jambes de Versailles à Paris se metre
à la
[522]
Comme d'un malheur sans pareil,
De ceque c'êtoit la meilleure
Des bonnes testes du Conseil3.
à la Bastille, disant qu'il êtoit mal auprés du Roy.
Enfin l'an 1693. il se tua de sang froid dans sa chaise de 2.
coups de Pistolet à Paris.
3. Il êtoit Conseiller d'Estat ordinaire, et l'auteur qui a
méchante opinion des Coner. du Roy Louis XIV. veu le
méchant état des affaires du Royaume, confond les Coners.
du Conseil d'Estat, et les Ministres du Roy, pour dire que
Fromenteau connu pour fou, avoit même la teste meilleure
que ceux qui gouvernoient l'Estat avec sa Majesté.
[523]
Epigramme 1693.
Sur les Opera d'Alcide, d'Enée et Didon,
et de Medée, qui furent representez à
Paris l'an 1693.
En dépit de Phoebus pourquoi rider ton front.
Autant de vers perdus, mon pauvre Capistron1,
Plus on t'entend, et plus tu paroist insipide2;
J'en prens à témoin ton Alcide3,
Fontenelle4 à mieux fait, il se le tient pour dit5,
De son silence aussi tout Paris l'aplaudit,
Aprés lui la Saintonge5 enfante un autre Enée,
Chacun en rit, sa Muse est surannée,
Que faire, il faut pourtant un Opera nouveau;
Si
1. Capistron avoit composé les Vers, et le sujet de l'Opera
d'Alcide, et le tout ne valloit pas grand chose.
2. Il avoit {^fait} plusieurs autres ouvrages que celui là, comme on put
voir dans plusieurs endroits de ce Recueil, qui tous êtoient
fort médiocres.
3. L'Opera d'Alcide.
4. Bernard de Fontenelle de l'Accademie Françoise, fit
l'Opera d'Enée et Lavinie qui fut representé l'an 16.... .
5. L'Opera d'Enée et Lavinie ne reussit pas, et Fontenelle
n'en voulut plus faire, car il avoit fait aussi celuy d'Achilles.
6. La femme d'un Avocat de Paris, apellé Saintonge avoit
fait les vers, et le sujet de l'Opera d'Enée et de Didon,
dont les airs furent faits par un petit Musicien du Roy
nommé des Marais.
[524]
Si l'on croit Charpentier7, il a fait des merveilles;
Mais quels tristes accords écorchent mes Oreilles8.
Pour composer un chant si beau,
Sans doute dans ce jour quelque maudit Corbeau,
Aura meslé sa voix à celle de Corneille9.
7. Charpentier Musicien de Paris, composa la Musique de cet
l'Opera de Medée, fait par Thomas Corneille de l'Accadémie
Françoise.
8. La Musique de cet opera êtoit une Musique d'une dureté infinie
et tres desagréable.
9. Thomas Corneille faisoit aussi des vers fort durs, ainsi une
Musique dure avec des vers durs, faisoit un étrange effet.
[525]
Chanson 1693.
Sur l'Air: des Folies d'Espagne.
Sur l'Opéra de Médée, representé à Paris, sur
la fin de l'année 1693. dont la Musique êtoit
composée par Charpentier, et les vers faits par
Thomas Corneille de l'Accademie Françoise.
De Charpentier, et de Thomas Corneille,
Allez tous voir l'Opéra merveilleux,
N'y portez point ny d'esprit, ny d'Oreilles1.
Il suffira que vous ayez des yeux2.
Charpentier, ta Musique est nouvelle3,
Et Lully ne te reproche rien4;
Mais
1. Les vers faits pas Thomas Corneille, êtoient fort durs et le sujet
froidement traité. la Musique êtoit aussi fort dure et fort triste.
2. C'est que les habits des Acteurs êtoient fort beaux et tout neufs.
3. Charpentier avoit composé cette Musique dans un goust tout
nouveau, et qui ne plaisoit pas.
4. Feu Jean-Baptiste Lully &ca. ............. dont la Musique vivra
éternellement par sa grande beauté. L'auteur prétend que la
memoire de Lully ne doit rien reprocher à Charpenter, parcequ'il
s'en faut beaucoup que la Musique de celui cy éfface celle du
déffunt.
[526]
Mais aussi Francine5 en a dans l'aisle,
Car on dit que l'Argent ne va pas bien6.
5. Francine Gendre de Lully, et qui avoit eu le privilege des Opera,
aprés la mort de son beaupere.
6. L'Opera de Medée tomba d'abord; personne n'y alloit plus, et
comme Francine avoit fait de grands frais pour cet Opera, il y perdit
considérablement.
[527]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Reveillez vous belle endormie.
Sur quelques Dames veuves, de la Cour.
Nota; Que cette Chanson a êté faite à la fin du mois de
May 1693. dans la ville du Quesneu en hainault, où êtoient les
Dames de la Cour pendant que le Roy Louis XIV. êtoit à la
teste de ses Armées, du côté de Gemblours, ce qui ne dura pas longtems;
Car. S. Mté. revint aussitost à Versailles avec toutes ces Dames, aprés
avoir fait un détachement des Bataillons, et d'Escadrons qu'il
envoya en Allemagne sous Louis Dauphin de France son fils
et Louis-François de Boufflers Mareschal de France.
Or sus chantons a tour de rolle
Les jeunes veuves de Paris1,
Ce qu'on en dit est assez drole,
Ce qu'elles font est encor pis.
Le mariage est à la mode,
Chez les veuves de qualité,
Elles ont trouvé la methode,
De faire tout en seureté.
Avec l'amy de préférence
Elles
1. Ce n'est pas que les veuves, dont il est parlé dans cette Chanson
fussent des femmes de la ville; mais c'est que cette Chanson
ayant êté faite au Quesnoy, où elles n'etoient pas, l'auteur les
apelle veuves de Paris, parcequ'elles y êtoient pendant le
voyage du Roy.
[528]
Elles font choix d'un grand benest2;
Et lorsque le terme s'avance3,
Le pauvre sot est toujours prest.
Vassé4 fut toute la premiere
Qui s'avisa d'agir ainsi,
Elle fit voir Surville pere5,
En même nuit qu'il fut mary6.
Nangis7 suivit ce beau modele,
Elle fit cent amans heureux;
Et quand les frais sont faits pour elle,
On fait payer Blanzac8 pour eux.
Mortemart
2. Ce qu'elles vouloient faire de cet amant, demandoit qu'il fut
fort sot.
3. Le terme d'accoucher.
4. Anne-Louise de Crevant d'Humieres, laquelle êtant veuve de...
Grongnet Comte de Vassé, Vidame du Mans, s'appelloit Made. la
Vidame, ou Made. de Vassé.
5. ......... de Hautefort Marquis de Surville, Brigadier d'Infanterie
Colonel Lieutenant du Régiment d'Infanterie du Roy, second mary
d'Anne-Louise d'Humieres, grosse de lui.
6. L'an 1685. Anne Louise d'Humieres êtant veuve du Vidame du Mans,
se trouva grosse sans scavoir de qui, tant elle avoit d'amans heureux,
le Marquis de Surville en êtoit un, et François de Bourbon Prince de Conty
qui êtoit amoureux de Julie d'Humieres sœur d'Anne Louise, fit si bien
qu'il l'obligea a avouer l'Enfant, et à l'épouser, de maniere que dans
une nuit il fut pere et mary.
7. ............. d'Alongny de Rochefort, veuve de .............. de
Brichanteau Marquis de Nangis Brigadier d'Infanterie, et Colonel-
Lieutenant du Regliment Royal de Marine, laquelle se trouva grosse
l'an 1692.
8. .............. de la Rochefoucault Marquis de Blanzac, Colonel
du
[529]
Mortemart9. conduit mieux l'affaire;
L'amour la meine au Sacrement10.,
Et quand elle a bseoin d'un pere,
Le pere est l'Epoux, et l'amant11..
Mais Seignelay12 tout au contraire
Alloit à Sceaux13 planter des Choux;
Mais de peur de manquer de pere,
Elle nomme plûtôt l'Epoux14..
Pour la Princesse de Turenne15,
Elle est dans un état fatal,
Sa
du Régiment d'Infanterie de Guienne qui avoua cet enfant, et épousa
la Marquise de Nangis.
9. Marie Anne Colbert veuve de Louis de Rochechouart Duc de
Mortemart Pair de France général des Galeres, Gouverneur de Champagne
et Brye.
10. On prétendoit qu'elle avoit accouchée du fait du Comte de Ferdinant
de Furstemberg, et l'avoit ensuitte épousé secretement n'ayant pû
obtenir pour lui des honneurs du Louvre pour se les conserver en
l'epousant publiquement; mais beaucoup de gens traitoient ce bruit,
de Calomnie.
12. .......... de Goyon de Matignon seconde femme et veuve de
Jean Baptiste Colbert, Marquis de Seignelay, Ministre et Secretre.
d'Estat.
13. ............ Maison de plaisance du Marquis de Seignelay à 2. lieües de Paris
où sa veuve passa une grande partie de l'Esté 1692. pendant sa
premiere année de veuvage.
14. On prétendoit qu'elle avoit un Gentilhomme domestique de son
mary, et fort bien fait apellé Ventabrun.
15. ................ de Levy de Ventadour veuve de la Tour d'Auvergne
Prince de Turenne &ca.
[530]
Sa grossesse est sa moindre peine16,
Sa famille est son plus grand mal.
Elle dit tout sans nul mistere17;
Mais elle se plaint en effet
De ce qu'on l'empesche de faire,
Ce que sa race {mère} à toujours fait.
16. On peut voir plus haut dans une Epigramme de cette année
1693. comme quoi la Princesse de Turenne avoit déclaré qu'elle
êtoit grosse du Chevalier de Bouillon, frere de son mary, pour
l'epouser; mais cela se trouva faux par la suitte.
17. C'est la même chose que l'Article précédent.
18. L'Auteur veut parler de Marie-Charlotte-Eleonore de la
Mothe-Houdancourt, femme de Louis de Levy Duc de
Ventadour Pari de France, mere de la Princesse de Turenne;
de Françoise-Angelique de la Mothe-Houdancourt, seconde
femme de Louis-Marie Duc d'Aumont Pair de France
&ca. tante de la Princesse de Turenne, et de Marie-Anne
Mancini, femme de Godefroy-Maurice de la Tour d'Au=
=vergne Duc de Bouillon, Pair et Chambellan de France,
mere du feu Prince de Turenne, qui toutes les 4. avoient eu
des galanteries; mais ces deux dernieres en beaucoup plus
grand nombre, et bien plus publiquement que les deux
autres.
[531]
Chanson 1693.
Sur l'Air: de la verte jeunesse, qui tourne à tous {notté Vol 1. pag. 91}
Dans laquelle l'auteur fait parler ...........
Gilbert femme de Joseph-Jean-Baptiste
Fleuriau Sr. d'Armenonville Intendant des
Finances, à ............. Raguier Marquis de
Poussé qu'elle aimoit.
La d'Armenonville,
Disoit à Poussé,
Je crois par la ville
Que tu as baisé;
Faut-il que je t'aime,
Petit scelerat !
Quand tu as baisé;
Quand tu est à même
Tu ne prens qu'un rat.
Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire, il y faut
seulement expliquer que le mot de Rat, est icy équivoque; Car
s'il veut dire que le Marquis de Poussé satisfait mal l'ardeur
de Madame d'Armenonville, il veut dire aussi que cet amant
en la caressant prend la fille de Gilbert Marchand de toille
à l'Enseigne des Rats à Paris.
[533]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Il a batu son petit frere.
Sur Catherine Amelot femme de........
Comte de Vaubecourt Mareschal des Camps, et
Armées du Roy, Colonel d'un Régiment d'In=
=fanterie, Lieutenant général pour le Royau
Gouvernement de Metz, païs Messin, et Evesché
de Verdun.
Na. Que cette Chanson est une Parodie de deux autres
qui sont dans ce Recueil, la 1re. de l'an 1690. sur Charles de
Lenox Duc de Richemont, et la 2de. de 1692. sur...........
de Senecterre Dlle. de Menetou, fille du Duc et de la Duchesse
de la Ferté.
Ce n'est point la grace charmante1,
De la Vaubecourt qui m'enchante;
Son rouge ny son mauvais blanc2;
Mais c'est cette industrie extrême,
Qui joint les mines d'un enfant3,
A la taille de Poliphême4.
1. Cela est dit ironiquement, car la Comtesse de Vaubecourt
avoit tres mauvaise grace.
2. Il est certain qu'elle mettoit du rouge; mais jusques icy, on
ne l'avoit pas accusé de mettre du blanc.
3. Il est vray qu'elle minaudoit quelque fois.
4. Elle êtoit fort grande et fort grosse, quand a Polipheme
c'est un géant Cyclope dont il est parlé dans le 9e. Livre
de Lodissé d'Homere, où le lecteur peut s'en instruire s'il
ne scait pas ce que c'est.
[534]
1693. Sur le Prince d'Orange.
Avec cent mille Combatans,
L'Usurpateurs de l'Angleterre,
Promet par cent faits éclatants,
D'être le heros de la guerre,
Où sont donc ces faits inoüis,
Il les laisse faire à Louis.
[535]
Chanson 1693.
Sur l'Air: Lampon Camarade &ca.
Il court un bruit par Paris, bis
Que Bulonde a pris Conis .... bis
Il a menty s'il s'en vante,
Il n'a pris que l'épouvante;
Lampon, Lampon,
Camarade lampon.
En scavez vous la raison, bis
C'est que les Commis {Conis} de Piémon, bis
Ne sont pas comme ceux de France,
Qui se prenne sans résistance,
Lampon, lampon,
Camarade Lampon.