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Early Modern Parisian Soundscapes

 

 

 

RECUEIL

DE

CHANSONS,

VAUDEVILLES, SONNETS,

ÉPIGRAMMES, ÉPITAPHES,

ET AUTRES VERS,

 

Satiriques & Historiques. avec

des remarques curieuses de=

=puis 1694 jusque & compris

1695.

 

VOLe. VIIIe.

 

 

                                                                                                                        [1.er]

                                                                                                            1694.

Chanson sur l'Air: Je suis l'Archiduc Leopold

 

L'Onophage,

ou le mangeur d'Asne.

 

Aux Scavans.

 

Epigramme.

 

Enfans d'Apollon, & des Muses,

Scavans dont les doctes Escrits,

Charmeront tous les beaux Esprits,

Lorsque vous décrirez les ruses,

De cet affamé Procureur,

Ou plustôt de cet écorcheur,

De qui la dévorante pance,

Engloutit des vivans l'animal le plus doux;

Que si {de} ce baudet vous prenez la défense,

En écrivant pour lui, vous parlerez pour vous.

 

 

L'Onophage

 

Chanson

 

Sur l'Air: Je suis l'Archiduc Leopold.

 

Il faut avouer cette fois,

Que Paris êtoit aux abois,

                                                                                                                        [2]

Bien que chacun fit bonne mine.

Puisqu'un Procureur de la Cour

A mangé pendant la famine,

L'Asne du moulin de la Tour.

 

Cette ville êtoit donc sans pain,

Et tout le monde avoit grand faim,

On y faisoit fort maigre chere;

Enfin tout s'en alloit périr.

Quand pour vivre on a veu le frere,

Avoir fait son frere mourir.

 

Il êtoit assez renommé

D'etre un Procureur affamé;

Mais durant la disette extreme,

Il falloit qu'il fut enragé,

Et si chacun eut fait de même,

Paris se fut entremangé.

 

Que de veuves, que d'Orphelins,

Que l'on auroit veu d'assassins

Le fils auroit mangé son pere,

Le Cousin meurtri le parent,

Et je croy même que la mere,

Auroit dévoré son enfant.

                                                            Mais

 

                                                                                                                        [3]

 

Mais le Ciel quittant son couroux,

Nous regarda d'un œil plus doux;

Car s'il n'eût apaisé son ire,

Tous les Baudets êtoient péris,

Et puis alors on eût pû dire,

Il n y à plus d'asnes à Paris.

 

Sauvez vous Clercs, et Procureurs,

Gagnez au pieds Solliciteurs;

Lorsqu'il n'aura plus de pratiques,

Prenez garde à vous Avocats.

Il vous prendra pour des bouriques,

En vous voyant porter des sacs.

 

Marchands, Bourgeois, et Artisans,

Ecoliers, Docteurs, et Pedants.

Allez nuds pieds, quittez vos chausses,

Afin d'eviter le trépas;

Car il vous mangera sans sausse,

S'il vous rencontre avec des Bâts.

 

Menez, vos Asnes, Plastriers,

Avecques ceux d'Aubervilliers,

Que ce gourmand ne les attrape;

Courez viste et doublez le pas,

Car même à la mule du Pape,

Il ne le pardonneroit pas.

 

                                                                                                                        [4]

Pauvres Musniers que je vous plains,

Puisqu'il faudra dessus vos reins,

Porter le bled, et la farine,

Comme des chevaux de relais;

Car si l'on avoit la famine,

Il mangeroit tous vos Mulets.

 

Fuyez la rage de ses dents,

Poëtes rimeurs impudents,

Vôtre ignorance vous condamne;

Vos burlesque n'en peuvent plus;

Vôtre Pégase n'est qu'un asne,

Et tous ceux qui montent dessus.

 

Ecrivains dont les sots discours,

Que l'on imprime tous les jours,

Sont témoins de vos Asneries;

L'on vous donnera des licous,

Et pour finir vos railleries,

Ce loup vous égorgera tous.

 

Ou bien implorez le secours,

Des Mulets d'Auvergne et de Tours;

Tenez bon, consultez l'Oracle,

Vous n'irez pas tous seuls aux coups,

Car tous les Asnes du Bazacle

Ont le même interest que vous.

                                                            La

 

 

                                                                                                                        [5]

 

La Procureuse est en danger,

Il l'a pourroit aussi manger,

Si la faim quelque jour le presse,

Excitant ses boyaux goulus;

Il croira que c'est une asnesse,

Quand il sera monté dessus.

 

Parisiens où est vôtre cœur,

De souffrir que ce Procureur,

Vous traite comme des Canailles,

Qu'il ait vos citoyens meurtris,

Car êtant né dans vos murailles,

Cet Asne est enfant de Paris.

 

Prenez les armes, vangez vous,

Et lui donnez cent mille coups;

Dépeschez tost, vous l'avez belle;

Maintenant qu'on est en repos;

Si la guerre se renouvelle,

Il vous mangera jusqu'aux os.

 

On dit que le brave Samson,

De la maschoire d'un Asnon,

A sceut tres vaillamment combattre,

Et défaire les Philistins;

Mais ce Procureur en a quatre,

Dont il tuera tous ses voisins.

 

                                                                                                                        [6]

 

D'une seul, Caïn cruel,

En assomma son frere Abel;

Ainsi que disent les histoires:

Pourquoi faut il donc que ce chien,

Se soit servi de deux machoires

Afin de dévorer le sien.

 

Partout se trouvent des méchans

A la ville aussi bien qu'aux champs,

Qui sont plus malins que le Diable,

Pour commettre milles délicts.

Mais pour écorcher son semblable,

Ce Procureur est encore pis.

 

On dit qu'il a changé son nom,

Qu'il n'est plus qu'un pauvre piéton

Pour avoir mangé sa monture,

Et que sa femme, et Fagotin,

Pour n'avoir autre nourriture,

En ont fait bien souvent festin.

 

Mais qui l'auroit jamais pensé,

Que ce Procureur insensé,

Eût fait cet horrible carnage.

Plaideurs, cessez vos différens,

Fuyez ce méchant, dont la rage.

N'a pas épargné ses parens.

 

                                                                                                                        [7]

 

Sa femme dit qu'il est prudent,

D'avoir serré le curedent ;

Qu'il chérit comme des merveilles.

Pour faire avec elle la paix,

Et qu'il a gardé les Oreilles

Qu'il montre à tous ceux du Palais.

 

Du sang il en fit du boudin,

Qu'il envoya par Fagotin.

A tous ceux de son voisinage,

Et de la peau un bon Tambour,

Afin d'animer le courage,

A tous les grands Clercs de la Cour.

 

Il est un fort bon ménager

De tout ce qu'il n'a pû manger,

Mesme des choses les plus ordes;

Veu que des boyaux les plus longs,

Il en a fait faire des Cordes,

Pour servir à des Violons.

 

Dis-moy donc, monstre plein de fiel,

Procureur Barbare, et Cruel,

Infame, et vilain Onophage,

Loup affamé, plus que brutal;

Pourquoi exerce tu ta rage

Contre cet aimable animal.

 

 

                                                                                                                        [8]

Tes sens contre toy révoltez

Te bourdent de tous côtez,

Ta conscience te gourmande,

Le sang de ton frere épanché,

Demande à tous que l'on te pende,

Afin de punir ton péché.

 

Puis j'ecriray sur un Tableau,

Cy gisent dessous ce tombeau,

Deux gros Asnes, qui par envie

Les uns pour les autres sont morts;

Ils êtoient deux pendant leur vie,

Et maintenant ce n'est qu'un Corps.

 

 

 

 

Admirable Métempsichose !

Effet prodigieux! changement plein d'horreur!

Ce n'est plus qu'une même chose,

Le frere, et le parent, l'asne, et le Procureur.

 

 

 

                                                                                                                        [9]

Chanson [X]

 

Sur les Conquestes du Mareschal Duc de

Noailles pendant sa Campagne de Catalogne

en 1694

 

[MUSIQUE]

 

Les François ont du courage partout où croit le bon vin, n'ont ils

pas porté sur le Rhin l'horreur et le Carnage, foudres, muids, et Ton=

=neaux, ils ont tous mis à sec, ils ont donné le même Echec aux gros Céliers de

Catalogne, Palamos est desja vuidé, et le soldat affrian=

=dé dans Gironne en repos, et a rougir sa trogne, et pour

faire un entier régal, il ira s'en yvrer jusqu'a l'Escuri-al, et pour

faire un entier régal, il ira s'en yvrer jusqu'a l'Escurial.

 

                                                                                                                        [11]

                                                                                                            1694.

Chanson

Sur l'Air; J'ay perdu un bon amy.

 

Sur Anne-Jules Duc de Noailles, Pair et

Mareschal de France, lequel êtant en priere dans

l'Eglise des Jacobins de la ruë St. Honoré à

Paris, fut aperceu par l'auteur de cette Chanson

qui l'a fit sur le champ.

 

Voyez vous bien ce heros,

            Si dévot1,

Et son humble contenance,

Il semble qu'il va parler,

            Et crier,

Je suis le dernier de France2.

 

1. Le Mareschal Duc de Noailles êtoit dévot, et se donnoit pour

tel, quoique bien des gens le soubçonnassent d'etre hypocrite.

2. Cette fin est maligne, car il affectoit une grande humilité, et il

êtoit l'homme du monde le plus glorieux.

 

                                                                                                            [12]

 

1694.                           Épigramme

 

Sur le même Anne-Jules Duc de Noailes,

Pair et Mareschal de France.

 

Ces jours passez1 en parlant de Versailles,

Un courtisan sage et prudent2,

En fit le portrait à l'instant3,

S'il voyoit à présent Noailles,

N'en pouroit il pas dire autant4.

 

 

1. L'Auteur se trompe en cet endroit, car l'histoire dont il va

parler est arrivée il y a plusieurs années.

2. Henry de Beringhen 1er. Escuier du Roy, Gouverneur de la

Citadelle de Marseille, Chtr des Ordres du Roy, vieux courtisan

d'une sagesse consommée.

3. Le C. de Beringhen en parlant de Versailles que le Roy Louis

XIV. faisoit bastir alors pour y faire son sejour ordre. avec des

depenses immenses, disoit que c'estoit un favory sans merite,

parceque la nature y refusoit tout.

4. L'Auteur pretend que le Mareschal Duc de Noailles, que le

même Roy combloit de biens, peut être apellé un favory sans

mérite.

 

 

                                                                                                            [13]

 

Chanson

Sur l'Air: J'ay perdu un bon amy. [x]

 

Au Roy Louis XIV. sur Anne-Jules Duc de

Noailles Pair et Mareschal de France.

 

Pour rendre vôtre Conseil,

            Sans pareil1,

Sire il ne faut qu'une chose,

En ostant le Pontchartrain,

Dés demain,

Prénez le vainqueur de Rose2.

 

 

Alors d'un esprit égal,

            Et légal,

Vos affaires gouvernées.

Vous conduiront seurement

            Promptement,

A la paix des Pirennées.

 

1. Il est a remarquer que la mauvaise opinion que tout le monde avoit du

Conseil du Roy, et combien de vers satiriques des dernieres années

roulent là dessus.

2. Anne-Jules Duc de Noailles qui prit Rose en Catalogue par composi=

=tion le 9. Juin 1693. mais il faut remarquer en ce cy la malignité

de l'auteur malplacé, qui nommant ce Mareschal le Vainqueur de

Rose, semble lui donner un nom glorieux et cependant le plaisante

sur cela.

3. Autre plaisanterie, le mareschal Duc de Noailles a ce que dit faus=

=sement l'auteur, affectant une grande légalité, mais il l'étoit en effet.

4. Autre plaisanterie le Traité des Pirenées conclu entre la France

                                                                                                            et

 

 

 

                                                                                                            [14]

 

et l'Espagne le 7. Novembre 1659. êtoit fort bon alors pour la France

mais en cette année 1694. ce Traité eut êté tres desavantageux, et

l'on disoit que nos Ennemis nous y vouloient réduire. C'est là dessus

que l'auteur vouloit par malice donner une idée de l'incapacité du

Mareschal Duc de Noailles, tant dans le Conseil qu'à la guerre,

réduiroit la France aux traité des Pirenées, s'il êtoit à la teste des

affaires, au lieu de Louis Phelypeaux Comte de Pontchartrain

Ministre et Secretaire d'Estat, et Controlleur général des Finances.

 

 

 

                                                                                                            [15]

Chanson

 

Sur l'Air: J'ay perdu un bon amy.

 

Ou Parodie de la Chanson cy devant sur la

Bataille de Torrol de Mongry ou du Ter, que

Anne-Jules Duc de Noailles Pair et Maāl de

France, général de l'Armée Françoise en Catalo=

=gne, gagna le 27. May 1694. sur celle d'Espage.

commandée par D. Fernand Pachcco Duc

d'Escalonne, Viceroy de Catalogne.

 

Nota. Que le Mareschal Duc de Noailles ayant sceu que

l'Armée Ennemie êtoit retranchée de l'autre côté de la Riviere

du Ter pour lui en empescher le passage, et couvrir par là les villes

de Palamas et de Barcelonne, y marcha avec toute la sienne,

forca le passage et les Retranchemens à la veüe et sous le feu

des Ennemis, batit et mis en déroute l'armée Espagnolle, la

poursuivit 4. leiues durant jusques a des défilés impraticables

leur prit leurs munitions, et leurs Bagages, et Equipages, et

leur tua, on prit 5. ou 6000. hommes, parmy lesquels il eut plus

de 3000. prisonniers. Les Ennemis furent attaqués par leur droite;

leur Infanterie fit peu de resistance; mais leur Cavalerie chargea

jusques a trois fois même dans la Riviere. Jean-François

Marquis de Noailles Lieutenant general d'Auvergne servant

de Brigadier de Cavalerie dans l'Armée que commandoit le

Mareschal Duc de Noailles, son frere, en aporta la nouvelle

au Roy avec les Drapeaux pris sur les Ennemis, et fut fait

Mareschal de Camp, le 4. Juin 1694.

 

Quiconque a fait la Chanson,                                      *par le Marquis

            Tout de bon,                                                   de Thury.

Mérite la represaille,

D'avoir oser mal parler,

            Et railler,

 

                                                                                                            [16]

Du fameux Duc de Noailles;

 

Ceux qui l'ont veu chez Rigaut,

            En heros,

Vont louer la contenance,

Et trouveront bon je croy,

            Que le Roy,

L'ait fait Mareschal de France.

 

Tout ainsi que Luxembourg,

            A son tour,

Il scait donner des Batailles;

Comme lui sans s'épagner

            Ferraille,

Ho que diront ces Canailles?

 

Aussi bien que Catinat,

            Au Combat,

Il a monstré sa vaillance,

Et l'on peut dire de luy,

            Aujourd'huy

C'est l'honneur de nostre France.

 

 

                                                                                                            [17]

 

Quadrain [x]                                                                1694.

 

Sur Louis Phelypeaux Comte de Pontchar=

=train Ministre et Secretaire d'Estat, Controllr.

général des Finances.

 

On diroit que Pontchartrain,

De la paix fait son affaire;

Car les choses vont un train,

Qu'il faut créver, ou la faire.

 

1. L'Auteur prétend que Mr. de Pontchartrain nouveau dans

le Ministere, et accablé des affaires de l'Estat, à la teste desqls.

il êtoit, poussoit toujours en avant sans réflechir sur l'avenir;

Qu'il outroit tout pour avoir de quoy fournir journellement aux

frais immenses de la guerre; de maniere que tout êtoit épuisé,

il ny avoit aucun argent dans le Commerce, la disette de tout

êtoit excessive dans le Royaume, et comme le public suivant sa

coutume se prenoit à Mr. de Pontchartrain de ce malheureux estat

qui donnoit aux puissances alliées contre la France une grande

supériorité sur Elle. L'auteur veut que ce ministre a force de tout

gâter, travaille a faire la paix généralle, parcequ'il la faudra

demander aux Ennemis la corde au cou, êtant hors d'etat de

soutenir la guerre contre eux; car le Prince d'Orange faisoit

de nouvelles levées pendant que faute d'argent le Roy Louis

XIV. êtoit obligé de diminuer chaque compagnie de Cavalerie de 10.

Maîtres, encore n'avoit {^alors} donné aucun argent aux troupes pour les

Recruës. bien plus il y avoit desja longtems qu'on ne leur payoit

plus la solde ordinaire; tout le Royaume souffroit par la disette

de Bled et de Vin. Le nombre de pauvres êtonnoit; En un mot

tout gémissoit en France, Ce qui donnoit la licence de crier, et même

d'escrire comme si l'on êtoit pas bien empesché avec toute

l'Europe sur les bras, d'autres auroient êté bien embarrassez.

 

                                                                                                            [19]

 

Epigramme [x]                                                1694.

 

Sur les 4. derniers Ministres d'Estat

qui ont gouverné les Finances du Royaume

de France.

 

            Sous Fouquet qu'on regrette encore,

            Nous avons veu le Siecle d'Or1,

            Le siecle d'argent vint ensuitte,

Qui fit contre Colbert, concevoir du chagrin2,

L'indolent Pelletier par sa fade conduitte

            Amena le siecle d'Airain3;

Mais la France aujourd'huy sans argent et sans grain,

            Au siecle de fer est reduit

            Par le hazardeux Pontchartrain.

 

1. Nicolas Fouquet surintendant des Finances disgracié et

fait prisonnier l'an 1661 ménageoit peu l'espargne, et obligeoit

quantité de gens. c'est pourquoi l'auteur compare son ministere

à l'age d'or.

2. Jean-Baptiste Colbert seul Controlleur général des Finances

aprés la supression de la surintendance, et la disgrace de Mr.

Fouquet fut plus moderé dans ses graces; mais il mit les

Finances dans un si bon ordre, que l'auteur compare son ministere

à l'age d'argent.

3. Claude le Pelletier Controlleur general des Finances par la

mort de Mr. Colbert l'an 1683 homme mou, et ignorant, nuisit

fort aux finances par son incapacité, c'est pourquoi l'auteur

compare son ministere à l'age d'Airain .

4. Louis Phelypeaux Comte de Pontchartrain, fut nommé

 

                                                                                                            [20]

en 1690. Controlleur general des Finances par la démission volontre.

qu'en fit Mr. le Pelletier, poussa tout, si bien que comme l'on a veu

dans le Commentaire du Quadrain precedent, l'argent ne rouloit plus

dans le Commerce, et l'on manquoit de tout en France. C'est ce qui

obligea l'auteur a comparer son ministere à l'age de Fer. Il a été

a plaindre d'etre à la teste des Finances dans un tems si difficile,

où ses prédécesseurs auroient êté sans doute aussi embarassez que

luy.

 

                                                                                                            [21]

Epigramme. [x]                                                                       1694.

 

Sur Louis Phelypeaux Comte de Pontchar=

=train Ministre et Secretare d'Estat, Controlr.

            général des Finances.

 

Colbert1. avec son sérieux

Prévoyoit un malheur sinistre,

Il méditoit, il resvoit creux,

C'estoit en tout un vray minsitre2,

Tout au contraire Pontchartrain,

Soit guerre, soit peste, ou famine3,

Il rit, il joue, il badine;

Ce n'est au fond qu'un turlupin4.

 

1. Jean-Baptiste Colbert Ministre et Secretaire d'Estat

Controlleur general des Finances, mort l'an 1693.

2. Il est certain qu'il êtoit tres capable de gouverner les Finances;

mais ce n'est pas a dire qu'il fut un vray ministre d'Estat,

il faut bien d'autres qualitez.

3. La disette de Bled êtoit àlors fort grande dans le Royme.

4. N'en deplaise à l'auteur de cette Epigramme, l'Epitete qu'il

donne icy ne convenoit point à Mr. de Pontchartrain, il

n'etoit point un Turlupin, il est vray que pour cacher une

partie des maux que luy causoit àlors l'etat des affaires, il

faisoit semblant en public d'etre gaillard, et c'est de quoi il

faudroit le louer, car cette dissimulation êtoit àlors fort

neccessaire, en son particulier et devant ses amis, il découvroit

sans peine le chagrin de son cœur.

 

 

                                                                                                            [23]

Epigramme. [x]                                                                       1694.

 

Sur les victoires que la France avoit

remportées, depuis le commencement de la

guerre, et le malheureux estat où elle se

trouvoit alors, malgré ses prospéritez

par la faute de ceux qui la gouvernoient.

 

France le plus beau des Estats1.,

Que je prévois sur toy d'evenemens sinistres2;

Tu triomphes par tes soldats3,

Et tu peris par tes Ministres4.

 

1. Il est certain que la France par sa situation sur deux mers,

ses bornes, sa fertilté, l'esprit et la valeur de ses habitans,

son climat &ca. est le plus beau Royaume de la Chretienté.

2. L'Auteur prétend que la guerre, la disette de Bled et d'argt.

et le mauvais gouvernement, faisoient craidre toutes sortes

de malheurs pour le Royaume.

3. Toutes les pieces de ce Recueil, depuis 1688, ne parlent presque

que des victoires remportées sur les Ennemis de la France

par la valeur de ses troupes.

4. Il est certain qu'on eut pû trouver quelque ressource dans

l'Estat, si l'on avoit voulu s'en prévaloir, et tout périssoit

par incapacité.

 

                                                                                                            [25]

Chanson

Sur l'Air des Branles de Metz. [x]

 

Sur le même sujet que la precedente.

 

Mauvais faiseurs de Satire,

Taisez vous méchans railleurs,

Allez vous vanter ailleurs.

De trouver le mot pour rire,

Des vers que vous aurez faits;

Ne songer qu'a vous dédire

Des vers que vous aurez faits,

Vous serez mal satisfaits.

 

Si la Campagne passée

Luxembourg et Catinat

Ont tous deux avec éclat

Fait triompher leur Armée;

Il n'êtoit pas encore tems;

Telle êtoit la destinée,

Il n'etoit pas encore tems

Que Noailles en fist autant

 

Que dira la renommez

Du Combat des Catalans

Qui fera plus en dix ans

 

                                                                                                            [26]

 

 

Que lui donne cette journée?

La victoire suit ses pas,

L'Espagne en est etonnée.

La victoire suit ses pas,

Et ne le quittera pas.

 

Si de Campredon et Roses

L'on ne fit que peu de bruit,

Il ne s'etoit pas réduit

A de si petites choses,

Et ce n'est pas chez Rigos*                                         *Rigaut

Devant Campredon et Roses,

Et ce n'est pas chez Rigos

Qu'on admire ce heros.

 

                                                                                                            [27]

 

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air de Lampon.

 

Sur le même sujet que les précédentes.

 

Messieurs les mauvais plaisans, bis

Avec vos vers médisans, bis

Vous n'aurez rien fait qui vaille,

D'attaquer le grand Noailles;

Lampon, Lampon,

Camarade lampon.

 

Si vous l'avez outragé, bis

Il s'est noblement vangé, bis

En gagnant une bataille,

Quand votre chanson le raille;

Lampon &ca.

 

Les traits qu'avoit peint Rigaut, bis

Ne se sont point trouvés faux, bis

Il a fait voir la vaillance,

D'un vray Mareschal de France,

Lampon &ca.

 

Dans cet important combat, bis

Il parût avec éclat, bis

 

 

                                                                                                            [28]

 

Plein de sagesse et de gloire

Rien ne manque à sa victoire;

Lampon &ca.

 

Avouez donc cette fois, bis

Que vous aurez sur les dois, bis

Qu'en guerre mieux il s'exprime,

Que vous n'avez fait en rime,

Lampon &ca.

 

Mais à la Cour, comme ailleurs, bis

Si vous n'êtes bon railleurs, bis

On voit du moins que vous êtes

Messieurs, de fort bon Prophetes,

Lampon, lampon,

Camarade lampon.

 

 

                                                                                                            [29]

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air; Reveillez vous belle endormie [X]

 

Sur la prise de Gironne.

 

Espagnols vous perdez Gironne,

Palamos, et les environs,

Et vous craindrez pour Barcelonne,

Ce ne sont pas là des Chansons.

 

Nous avons pris tous vos bagages,

Vos Drapeaux et tous vos Canons,

Un autre fois soyez plus sages,

Et ne croyez pas aux Chansons.

 

Guerriers suivez ce grand Noailles,

Et prenez de lui des leçons

Gagnez comme lui des Batailles

Et ne faites plus de Chansons.} Ce ne sera pas des Chansons

 

 

                                                                                                            [31]

Sonnet                                                                                     1694.

 

En bouts rimez sur la Prise des ville et

Château de Palamos, assiegés par l'Armée

Françoise, que commandoit Anne-Jules Duc

de Noailles, Pair et Mareschal de France.

 

Nota, Qu'aprés la Bataille du Ter le Mareschal Duc

de Noailles assiegea Palamos, que la tranchée y fut ouverte

le ........ Juin et la ville prise d'assaut le ........ suivant, avec

perte de 600. des assiegez qui y furent tuez, et autant de

prisonniers, que le reste de la garnison s'etant retiré dans le

Château y capitula le ....... et que le Gouverneur avec 1400.

hommes qui lui restoient se rendirent prisonniers de guerre.

Comme Palamos est situé sur le bord de la mer méditerrannée

l'Armée navalle de France commandée par Anne-Hilarion

de Costentin Comte de Tourville Mareschal et Viceamiral

de France, investissoit la place du costé de la mer, et le Bailly

de Noailles Lieutenant general des Galeres les commandoit.

 

Heros! c'est peu pour toy que les honneurs d'un ..... buste,

Ta gloire persera la zone des ..... glaçons,

Et pour grossir encore les guerrieres...... moissons

Ton cœur est assez grand ton bras assez... robuste.

 

Tes triomphes nouveaux seront dignes d'Auguste,

Donne aux Enfans de Mars souvent de ces ... leçons,

Il n'est plus qu'Apollon dont les Doctes.... Chansons,

De tes faits éclatans puissent parler... juste.

 

Quel plaisir de te voir brillant d'un noble .... orgueil,

 

                                                                                                            [32]

Faire aux fiers Espagnols un foudroyant ... accueil,

Opposant à leurs traits ton armée pour .... digue,

 

C'est à toy, c'est à toy d'en mouvoir .... les ressorts;

Mais au moins de tes jours ne sois trop ... prodigues,

Rien ne pourroit calmer nos douloureux ... transports.

 

 

 

                                                                                                            [33]

                                                                                    Mars

Chanson [x]                                                                 1694.

 

Sur l'Air: J'ay perdu un bon amy

ou, Voicy le jour solemnel.

 

Sur un Portrait d'Anne-Jules Duc de Noailles

Pair et Mareschal de France, Chevalier des Ordres

du Roy, 1er. Capitaine des Gardes du Corps de sa

Majesté, Gouverneur des Comtez et Vigueries de

Roussillon, Conflans et partie de Cerdagne, ville,

Château et Citadelle de Perpignan.

 

Avez vous veu ce heros1,

            Chez Rigos2,

Ô la fiere contenance,

Il semble qu'il vâ parler3,

            Et crier,

Je suis Mareschal de France4.

 

Voila tout ce que j'ay fait

            En portrait5,

                                                Voila

 

 

1. Le Mareschal Duc de Noailles.

2. C'est le nom du Peintre qui a fait le Portrait nommé Hiacinte

Rigault.

3. Ce Portrait êtoit assez ressemblant.

4. L'auteur prétend que c'estoit un fort grand sujet de joye au

Mareschal Duc de Noailles d'etre Mareschal de France, car

ses services n'etoient pas assez considerables pour devoir esperer

cette dignité, et qu'il en êtoit tant vain.

5. Il avoit fait peindre dans son Portrait les 2. sieges suivans

qui êtoit tout ce qu'il avoit fait

 

                                                                                                            [34]

 

Voila Campredon2, et Roses7,

Mais si je suis secondé

            Cet Esté8,

On verra bien d'autres choses.

 

Que le Roy9 chez les Flamans

            Allemans

Laisse reposer la foudre10,

Qu'il me donne des guerriers

            A milliers,

Je mettray Madrid11. en poudre.

 

Luxembourg12 a bataillé

            Feraillé,

Pendant la Campagne entiere13,

                                                            Catinat

 

6. Campredon se rendit le 23. May 1689.

7. Rose se rendit le 9. Juin 1693.

8. Il marchoit beaucoup de troupes pour renforcer l'armée de

Catalogne, que le Mareschal Duc de Noailles avoit toujours

commandée depuis l'an 1689.

9. Le Roy Louis XIV.

10. Le Roy faisoit aussi la guerre en Flandres et en Allemagne.

11. Madrid la Ville capitale de l'Espagne.

12. François-Henry de Montmorency-Luxembourg Duc de

Piney Pair et Mareschal de France qui commandoit l'armee

de Flandres depuis 1690.

13. Depuis que le Mareschal Duc de Luxembourg servoit en

Flandres, il avoit donné 4. Combats, dans lesquels il avoit

toujours êté victorieux, scavoir celui de Fleurus en 1690.

de Leuse ou de la Cataire en 1691. de Stenkerque en 1692. et de

Nerwinde en 1693. et il avoit pris Hay et Charleroy cette derniere

année.

 

                                                                                                            [35]

 

Catinat14 en fait souvent

            Tout autant15

Ce n'est pas là ma maniere16.

 

Que l'on chante à haute voyx,

            Leurs Exploits,

Que l'on vante leur vaillance,

Que m'importe, si le Roy,

            Prend en moy

Plus qu'en eux de confiance17.

 

Je laisse les Courtisans,

            Ignorans,

Admirer souvent Turenne18 | Louer Condé et Turenne,

Et je m'en raporte au Roy,

            Qui me croit

Beaucoup plus qu'un grand Capitaine.

 

14. Nicolas de Catinat Mareschal de France qui commandoit

l'Armée de Piemont depuis 1689.

15. Le Mareschal de Catinat avoit gagné la Bataille de Staffarde

en 1690. celle de la Marsaille en 1693. et pris Nue, Montmeliant

Suze, et plusieurs autres places.

16. Le Mareschal Duc de Noailles n'avoit aucune victoire par

devers lui que les sieges de Campredon et Roses.

17. Il est certain que le Roy aimoit et avoit grande confiance au Mal.

Duc de Noailles, l'auteur de la Chanson ne croit pas que cela fut

bien fondé.

18. Henry de la Tour d'Auvergne Vicomte de Turenne, l'un des

grands Capitaines de son temps.

 

 

                                                                                                            [36]

 

Autre sur le même air.

 

Il revient donc ce heraut

            De Rigaut;

Qu'a jamais Dieu le benisse,

Il ne pouvoit sur ma foy

            Rendre au Roy

Un plus important service.

 

 

                                                                                                            [37]

 

Sonnet                                                                                     1694.

 

En bouts rimez, dans lequel l'auteur fait

parler les pauvres du Dioceze d'Auch, sur

les secours qu'ils tirerent d'Anne-Tristan

de la Baume de Suze, leur Archevesque,

pendant l'année 1694. et sur le mérite et

les vertus de ce Prélat.

 

Dressons, nécessiteux, à Suze un digne.... Buste,

Il nous a réchaufez dans le tems des .... glaçons,

Livré dans nostre faim largement ses.... moissons,

Par la le Moribond est devenu ..... robuste.

 

Que ce Prélat est grand en lui tout est.... auguste,

Sa vie est un tissu d'excellentes .... leçons,

Il regarda toujours comme simples... chansons,

Tout ce qui ne fut point noble, solide .... juste;

 

Ennemi de tout tems du faste et de ... l'orgueil,

Il fait à tous venans un favorable .... accueil,

Et ne connut jamais que la raison pour ... digue.

 

Aussi sans le secours d'aucun secrets.... ressorts.

De cent talens pour lui la nature .... prodigue

Fait voler sur ses pas nos cœurs pleins de .... transports.

 

 

Ce Sonnet n'a pas besoin de Commentaire. Il suffit de dire

                                                                                                            [38]

 

que quelque idée que l'auteur y ait voulu donner du mérite

de ce Prelat la vérité est encore infiniment au dessus.

 

                                                                                                            [39]

 

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air: de Mais.

 

Sur Charles-Honoré d'Albert Duc de

Chevreuse et de Luines, Chevalier des Ordres

du Roy, Comte de Montfort &ca. Capitaine

Lieutenant des Chevaux legers de la Garde

du Roy.

 

 

Nostre Conseil1 n'a pas la main heureuse2,

Dit l'autre jour une ame fort pieuse3;

            Mais;

Si le Roy y met Chevreuse,

Tout yra mieux que jamais5.

 

Nostre Seigneur par sa toute puissance,

Fera bientost ce bonheur à la France,

Car,

                                                                        Au

 

1. Le Conseil du Roy.

2. Il est aisé de voir par toutes les pieces qui precedent, et principalemt.

par celles de cette année et de 1693. que les affaires du Royaume

n'étoient pas en bon êtat.

3. L'auteur fait parler dans cette Chanson un de ces devots

de Cabale, qui regnoient fort àlors à la Cour.

4. Le Roy Louis XIV.

5. Cela est plaisant, l'auteur prétend que ce Dévot, ou cette ame

pieuse qu'il fait parler, est persuadée que si le Duc de

Chevreuse êtoit Ministre d'Estat, les affaires en iroient

mieux. l'auteur par ce trait se moque egalement et des

                                                                                    Devots

 

 

                                                                                                            [40]

 

Au Conseil de Conscience

Ce Duc a desja grand part6.

 

Les gens de bien7 redoublent leur priere,

Pour que ce Duc ait part au Ministere,

            Car

S'il est jamais pour la guerre,

Ce sera un grand hazard8.

 

 

Dévots qui raisonnoient tout de travers, et du Duc de Chevreuse

qui n'avoit d'autre mérite que celui d'etre de leur Cabale, et

des Ministres qui étoient gens de peu de capacité, et du Roy

qui se servoit de tels Ministres.

6. Ce Duc dévot de profession avoit grand credit auprés du Roy

que les Devots gouvernoient.

7. Les Devots.

8. C'est que le Duc de Chevreuse avoit donné forte preuves qu'il

n'etoit pas guerrier.

 

 

                                                                                                            [41]

 

Chanson [X]                                                                             1694.

 

Sur l'Air: de la Rochelle.

 

Sur ce qu'une Flotte Angloise et Hollandoise

ayant fait une décente prés de Brest, le 17.

Juin 1694. ceux qui avoient déja mis pied a

terre au nombre de 7. à 800. furent taillez

en pieces et obligez de se retirer dans leus Vaissx.

 

Nota. Que le Roy Louis XIV. ayant prevut que les

Ennemis pouroient hazarder une decente du côté de Brest

a dessein de bombarder cette place, y avoit envoyé le Sr. de

Vauban son 1er. Ingenieur et Lieutenant general de ses

Armées pour y commander; que la Flotte Ennemie ayant

parû devant Brest le 16 Juin, leva l'Ancre le 17. a onze

heures du matin, aprocha le plus qu'elle put de la pointe de

Camarec. On se canonna prés de 2. heures de part et d'autre,

aprés quoi les troupes destinées à la décente, et qui étoient

au tour du Vaisseau Amiral dans de petits Bastimens

plats et mastez, entrerent dans l'Anse du Temet, et

s'etant mis en état de debarquer, mirent à terre 6. à 700.

hommes. le Marquis de Langeron Chef d'Escadre

commandoit de ce côté là parceque le Sr. de Vauban dés que

les Ennemis parurent, prit le poste du côté de la Rade de

Bertheaume où ils auroient deu vraysemblablemnt décendre,

le Maquis de Langeron à la teste de 8. Compagnies Franches

de la Marine, garnies de quelques milices du pais, aprés un

grand feu de Mousqueterie de part et d'autre, sortit des

Retranchemens les renversa, leur prit 400. hommes en tua,

ou noya 500. parmy lesquels étoient le general Talmach,

qui commandoit le débarquement, prit 7. de leurs Bâtimens

échouez; un Vaisseau Hollandois de 34. pieces de Canon

ayant aussi échoué en cette occasion, fut aussi pris, on

 

                                                                                                y

 

                                                                                                            [42]

y trouva 40. hommes morts, et l'on en fit soixante quatre

prisonniers.

 

 

Croyez moy, laissez nous en paix

Anglois, 7 ne revenez jamais,

Pour vous la Bretagne est fatale,

Vous le sentites par le sort,

De vôtre Machine Infernale1

Où son auteur trouva la mort.

 

Aujourd'huy vous n'en doutez plus,

Vos gens prés de Brest décendus

Sont tous demeurez sur la place;

Par la prison, ou le trépas,

Chacun d'eux a payé l'audace,

D'avoir fait en Bretagne un pas.

                                                Dans

 

1. Lisez une Chanson sur la fin de l'an 1693 qui commence

par ces mots Luxembourg finit sa Carriere, vous verrez

ce que c'est que cette Machine Infernale avec laquelle les

anglois et hollandois voulurent ruiner la ville de St. Malo

au mois de Novembre dernier.

2. Parmy les morts que les Ennemis laisserent l'an 1693 sur

la Greve de St. Malo en se retirant, on y trouva un homme

bien vêtu qu'on prétend être l'auteur, ou du moins le Conductr.

de cette Machine.

 

                                                                                                            [43]

 

Dans le détroit on vous attend3,

Sans vous Barcelonne se rend4,

Menez là vos flotantes mines5,

Icy6, nous avons en tout temps

Et des Ecueils pour vos machines7,

Et des Langerons pour vos gens8.

 

 

3. L'Armée Navale de France commandée par Anne-

-Hilarion de Costentin Comte de Tourville Mareschal et

Vice amiral de France, êtoit alors dans la Méditerranée où

elle avoit servy au siège de Parlamox, et sur l'avis qu'Elle avoit

eu de la Cour, que celle des Ennemis vouloit la Combattre, il

passoit le détroit de Gibraltar pour cela. Elle y êtoit allé

l'attendre ou du moins faisoit route pour cela.

4. L'auteur se méprend icy, ce n'etoit pas Barcelonne qu'on

assiegeoit; mais Gironne, devant lequel êtoit l'Armée

commandée par le Mareschal Duc de Noailles.

3. Ce sont les Machines pareilles à celles dont les Ennemis

s'etoient servis pour abymer la ville de St. Malo, dont ils

avoient plusieurs dans leur Flotte.

6. En Bretagne.

7. On prétend que sans son écueil qui est a l'entrée du port de St.

Malo que les Malouins seuls connoissent, et qui détourna

cette Machine flotante, les Machines des Ennemis eussent

l'an 1693. abismé cette ville.

8. Lisez l'argument.

 

 

                                                                                                            [45]

 

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

A ............ de Toureil de l'Accademie

Françoise; sur un Livre de sa façon, qu'il

venoit de donner au public; Intitulé Essais de

Jurisprudence.

 

Ton livre est bien fait, je l'avouë,

Au titre prés chacun le louë,

Chacun y reconnoît ta main;

Mais au lieu de Jurisprudence,

Apologie de Pontchartrain

Seroit bien mieux, comme je pense.

 

 

Pour l'intelligence de cette Chanson; Il suffit de scavoir

que ce Livre étoit fort mauvais dans le projet et dans l'execu=

=tion. Car le Sr. de Toureil y avoit voulu rendre la jurisprudence

aiscé en la donnant par des maximes qu'il prétendoit for egayées,

ce qui ne lui reussit pas; mais outre cela, son stile étoit si figuré

que la jurisprudence toute embarassée qu'elle est, étoit plus

facile a comprendre; En dernier lieu il faut aussi scavoir, que

Louis Phelypeaux Sr. de Pontchartrain Ministre et Secretre.

d'Estat, Controlleur gñal des Finances &ca. avoit mis le Sr. de

Toureil auprés de Hierôme Phelypeaux son fils unique en

qualité de Gouverneur, et qu'ayant reconnu que cet homme quoique

de bonnes mœurs, d'ailleurs étoit violant, opiniatre, presompteux,

médisant, insociable, ne savoit pas vivre, et ne connoissoit

pas l'usage du monde, résolut de la chasser de chez lui, n'en

trouvant pas de sujet a point nommé, il prit un pretexte peu

 

 

                                                                                                            [46]

spécieux. Car il se plaignit de ce que cet homme dans la harangue

qu'il fit l'an 1692. à l'Accademie Francoise lorsqu'il y fut receu,

l'avoit trop loué et trop designé, ainsi affectant une fausse modestie,

il le fit prier qu'il ne le revist plus. Beaucoup de gens qui ne

connoissoient le Sr. de Toureil que pour son scavoir, et pour son

Eloquence, car il en avoit beaucoup, blâmerent fort Mr. de Pontchartrain

de ce procedé, et l'auteur de la Chanson rapellant ce fait, dit fort

plaisamment que le mauvais Livre des Essais de Jurisprudence

justifie Mr. de Pontchartrain d'avoir chassé d'auprés de son fils

l'auteur d'un si méchant ouvrage, et qu'ainsi il seroit mieux nommé

s'il étoit intitulé Apologie de Pontchartrain; que d'être apellé

Essais de Jurisprudence.

 

                                                                                                            [47]

 

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air: de ....... [X]

 

Sur François de la Chaise d'Aix, Jesuitte

Confesseur du Roy de France Louis XIV.

 

Le Pere de la Chaise,

Dedans son beau Jardin1.,

Tous les jours à son aise

Fesse le meilleur vin2,

Et laisse croire un Paradis

A ce pauvre Louis3.

 

 

1. L'auteur veut parler icy de la Maison de Mont-Louis

apartenante aux Jesuittes de la Maison professe de St.

Louis à Paris, que le P. de la Chaise leur avoit fait bastir

aux dépens du Roy, pour leur divertissement et dans laquelle

il êtoit le maître si absolu qu'elle étoit aproprement parler

à luy, et qu'il ne faisoit que la prester aux Jesuittes lorsqu'il

n'etoit pas à Paris. Le jardin en êtoit fort beau, avec des

Fontaines. Le Roy y avoit donné les Orangers, et ce Pere

y avoit le principal apartement et en distribuoit aux Peres

de ses amis. Les autres Jesuittes n'y couchant jamais.

2. Le Pere de la Chaise donnoit souvent des festes et des

repas bons et délicats dans cette maison, et depuis peu il

avoit donné un grand diner à Emanuel-Theodoze de la

Tour d'Auvergne de Bouillon, Cardinal Grand Aumonier

de France &ca. lequel fut cause de cette Chanson cy.

3. Le Roy êtoit alors devot, et le P. de la Chaise son Confessr.

l'entretenoit dans ses sentiments, car la Conscience du Roy,

êtant délicate, ce Pere le gouvernoit plaisamment. l'auteur

                                                                                                avec

 

                                                                                                            [48]

avec quelque impieté, dit que le Pere de la Chaise pendant qu'il

se rejouit, laisse croire un Paradis au Roy que la peur de l'autre

monde gesne, cependant en tout, et c'est pour cela que l'auteur

traite sa Majesté de pauvre homme.

 

 

                                                                                                            [49]

 

Epigramme [X]                                                                                    1694.

 

Sur l'Estat auquel etoit la France au

commencement de l'an 1694.

 

Le pain blanc se mange à grands frais1,

Le bon vin ne se trouve gueres2,

Et l'argent qui sert à tout faire

Devient plus rare que jamais3;

Plaignons amy4 nos infortunes,

La guerre augmente nos besoins;

Les femmes seules sont communes,

Et c'est dont l'on use le moins6.

 

1. Le Pain êtoit d'une grande cherté par tout le Royaume

et surtout à Paris, parceque l'année 1693. on avoit peu

recueilly de Beld.

2. Il ny avoit pas en non plus abondance de vin l'an 1693.

3. Il ny avoit plus du tout d'argent dans le Commerce, chacun

tenoit sa bourse fermée, ce qui causoit une grande désolation,

car le Roy ne payoit ny gages ny pensions, ny meme la

solde des troupes, ainsi tout gemissoit faute d'argent.

4. C'est un amy qui parle à un autre.

5. La guerre épuisoit les hommes et l'argent, la terre demeuroit

inculte faute de laboureurs, et le Commerce étoit perdu,

aussi bien que le credit du Roy et des particuliers.

6. C'est que la sodomie étoit alors fort en vogue.

 

                                                                                                            [51]

 

Epigramme [X]                                                                                    1694.

 

Allégorique sur le Roy Louis XIV. et

ses Ministres, au sujet de l'Estat où êtoit

la France au commencement de l'année 1694.

 

 

Avec un Pilote si sage1,

Et de si mauvais Matelots2,

Le vaisseau3 fera-t'il naufrage,

Vaincra-t'il la mer et les flots4;

Quand à moy, pour parler sans feindre

Je ne scay plus qu'en augurer,

Les Matelots me font tout craindre,

Le Pilote tout esperer.

 

1. Le Roy.

2. Les Ministres d'Estat qui étoient pour lors Paul Duc de

Beauvilliers Pair de France, Chtr des Ordres du Roy 1er. Gentil=

=homme de sa Chambre. Chef du Cond. Royal des Finances,

Gouverneur des Enfans de Louis Dauphin de France. Charles

Colbert Marquis de Croissy Secretaire d'Etat au Département

des Affaires Estrangeres, Greffier des Ordres du Roy. Claude le

Pelletier cy devant Controlleur general des Finances, Louis

Phelypeaux Comte de Pontchartrain Controlleur général des

Finances, Secretaire d'Estat au Département de la Marine,

Simon-Arnauld St. de Pomponne cydevant Secretaire d'Estat

au Département des Affaires Estrangeres, Et Louis-François

le Tellier Marquis de Barbezieux Secretaire d'Estat au Dépar=

=tement de la Guerre, que l'auteur prétend être tous fort ignorans.

3. La France.

4. La Guerres affreuse qui reunissoit alors presque toute l'Europe

contre le Roy, la disette de Bled, et d'argent qui étoit grande

                                                                                                            la

 

                                                                                                            [52]

la puissance des Ennemis, et tous les autres maux dont la France

étoit affligée.

 

 

                                                                                                            [53]

Chanson                                                                      1694.

 

Sur l'Air; Jay perdu un bon amy.

 

Sur Achilles de Harlay 1er. President du

            Parlement de Paris.

 

Nostre premier Président

            A present.

Veut donc se faire connoître

Il a caché l'Aubespin1;

            Mais enfin

Polastron2 vient de paroistre.

 

Avec un triste maintien3,

            Que soustient,

Sa digne barbe de Chevre4,

Il se croit plus de renom,

                                                Que

 

 

1. Ce l'Aubespin êtoit un Bar....., dont le Commerce avec ce 1er.

President avoit fait grand bruit dés le tems qu'il étoit Procureur gñal.

2. Autre bar... du premier President dont il est parlé plus haut

dans une Chanson de cette année.

3. Il ny à pas au monde un phisionomie plus triste que celle

du premier President.

4. Le premier President portoit une barbe grise fort extraordre.

avec un toupet au menton, ce qui la fesoit ressembler a une

Barbe de Chevre.

 

                                                                                                            [54]

            Que Lamoignon5,

Et que son Onde Bellievre6.

 

Mais c'est par des actions,

            Que leurs noms

Sont celebres dans l'histoire7,

L'équité regnoit en Eux.

            Et tous deux

Scavoient bien placer la gloire

 

Celui cy fait autrement

            Laschement,

Ne songe jamais qu'a plaire,

Il vend aujourdhuy la Cour8, { Sans cesse il prône à la Cour

            A Luxembourg9, { Luxembourg

Pour avancer ses affaires.

                                                                                    Il

 

 

5. Guillaume de Lamoignon fait premier President du Parlement

de Paris l'an 1637, et mort l'an 1678. homme de grande vertu, et de

grand scavoir, dont ce 1er. President cy avoit épousé la fille.

6. Pomponne de Bellievre fait 1er. President du Parlement de Paris

l'an 1652. et mort l'an 1657. tres estimé par sa probité et sa fermeté.

7. Il est certain que l'histoire parlera toujours avec éloge de ces 2.

grands hommes.

8. La Cour de Parlement.

9. Pour entendre ce cy, il faut scavoir que François-Henry de

Montmorency-Luxembourg avoit alors un Procés au Parlement de

Paris, qui est la Cour des Pairs de France, contre 16. Ducs et Paris, pre=

=tendant que par son Duché Pairie de Pincy, il devoit avoir rang, et

sceance de l'an 1581. que cette terre avoit été érigée en Pairie pour la

1re. fois. Ceux cy pretendoient que cette Erection ne devoit pas avoir

                                                                                                                        lieu

 

                                                                                                            [55]

 

Il en sera Chancelier

            Le premier,

Cette intrigue se démesle10,

On croit qu'il y parviendra,

            Mais [il] faudra,

Que le grand diable s'en mesle11..

 

Voila tout ce qu'on scait,

            Du projet

De ces deux amis intimes12,

Craignons tous leur union,

                                                            Leur

 

lieu, et qu'il falloit qu'il s'en tint à celle de 1661. faite pour lui,

ce Procès faisoit alors grand bruit, et parla chose et par la qualité

des parties. Le premier President amy du Mareschal Duc de

Luxembourg, parroissoit fort partial pour lui, et c'est ce qui fait

dire à l'auteur de cette Chanson, qu'il vendoit le Parlement

à ce Duc.

10. De jour en jour la partialité du premier President parroissoit

de plus en plus.

11. On se doit souvenir icy, que le Mareschal Duc de Luxembourg

fut mis en prison l'an 1680. accusé de magie, pour avoir eu

commerce avec de pretendus sorciers, et contre le privilege des

Pairs de France, et des Grands Officiers de la Couronne; Il

fut jugé par des Commissaires. L'Auteur par raport à cette

avanture, veut faire entendre, que si le Duc de Luxembourg

gagne son Procés contre les 16. Ducs, par le moyen du premier

President, il le fera Chancelier par le secours du Diable, ce qui

ne peut arriver par une autre voye.

12. Le Mareschal Duc de Luxembourg, et le premier President.

 

                                                                                                            [56]

 

            Leur passion13,

Leur vengeance14, et leurs maximes15.

 

 

13./14./15.} Ils étoient tous deux fort vindicatifs, fourbes, sans Religion,

ny probité.

 

                                                                                                            [57]

Chanson                                                                      1694.

Sur l'Air: de ..........

 

Sur Hercules-Meriadec Prince de Rohan

Colonel d'un Régiment de Cavalerie, Gouvernr.

en survivance de Champagne et Brie.

 

Nota. Que dans cette Chanson, l'auteur fait parler ce Prince

et qu'elle a été faite au sujet d'une avanture assez plaisante.

Il causoit un jour avec N........ de la Porte-Mazarini Duc

de la Meilleraye Pair de France, et parlant de François de Rohan

Prince de Soubise &ca. son pere, d'Anne de Chabot-Rohan sa

mere, et de feu son frere Louis Prince de Rohan, mort Colonel

de Cavalerie, l'an 1689. Il disoit toujours suivant l'usage des

Princes, Mr. mon pere, Made. ma mere, et Mr. mon frere. Ce

discours importuna le Duc de Meilleraye, qui le quitta en lui

disant. Mr. mon Cul veut faire une selle, permettez moy de l'aller

pousser.

 

Monsieur mon pere,

En rêvant un jour à l'ecart,

Rencontra Madame ma mere,

Et de ce coup vint par hazard.

Monsieur mon frere.

 

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire, aprés ce qui

a êté dit dans l'Argument.

 

 

                                                                                                            [59]

Epitaphes.                                                                               1694.

 

d'Anne Bigot 2de. femme et veuve de .....

Cornuel Tresorier général de l'ordinaire de

la guerre, morte à Paris le 7. Février 1694.

âgée de 88. ans.

 

Cy gist qui de femme n'eut rien1,

Que d'avoir donné la lumiere,

A quelques Enfans3 gens de bien,

Et peu ressemblans à leur mere2,

Célimene4, qui de ses jours

Comme le sage, a sans foiblesse

Achevé le tranquille cours,

                                                Dans

 

 

1. Elle avoit l'esprit masle et fort au dessus de son sexe pour sa

pénétration et sa fermeté.

2. Elle laissa 4. Enfans scavoir 2. filles les aînées, et 2 garçons,

l'aînée des filles apellée .... Cornuel n'étoit pas mariée

quoique fort vieille. La 2de. ... Cornuel avoit épousé Regnie

Marquis de Gerchy. L'aîné des garçons nommé ......

êtoit aussi dans le célibat, et le 2d. et dernier de tous, aussi garçon

estoit Brigadier de Cavalerie et Colonel d'un Régiment.

3. Les deux filles étoient tres impertinentes, le fils aîné étoit assez

honneste homme, mais fort ridicule et assez fat, le cadet seul

apellé Villepion, s'estoit distingué à la guerre par sa valeur, et

sa sagesse, avec un esprit médiocre; Il est aisé de voir par là

combien ces 4. Enfants ressembloient peu à leur mere.

4. Il est difficile de deviner pourquoi l'auteur nomme d'un nom

aussi galant que ce lui de Célimene une femme aussi vieille

que Made. Cornuel. Cela auroit pû lui convenir dans sa

jeunesse qu'elle êtoit fort aimable et fort coquette.

 

 

                                                                                                            [60]

Dans ses mœurs quelle politesse5,

Quel tour, quelle délicatesse,

N'éclatoit point dans ses discours6,

Ce sel tant vanté dans la Grece7,

En faisoit l'assaisonnement,

Et malgré la froide vieillesse

Son esprit leger8, et charmant,

Eut de la brillante jeunesse,

Tout l'esprit, et tout l'agrément9;

On vit chez elle incessamment,

Des plus honnestes gens l'Elite,

                                                            Enfin

 

5. Elle avoit conscervé une extrême politesse jusques à sa mort.

6. Jamais personne n'a eu plus de délicatesse, et un esprit plus

vif et plus juste. le nombre infini de bons mots qu'elle a dit,

qui couloient de source, qui naissoient sur le champ, et dont

tout le monde se souvient en en fait souvent l'aplication, en

sont des monumens éternels.

7. Le Sel Attique, c'est ainsi que les anciens apelloient la

délicatesse répandüe dans les ouvrages d'esprit, parceque les

Atheniens vifs et spirituels y mettoient ces assaisonnemens

plus que les autres nations.

8. L'Epitete de Leger pour l'esprit, est un mot nouveau qui

veut dire plein de feu et d'imagination.

9. Il est certain que Madame Cornuel avoit l'esprit agréable,

mais c'estoit par caprice et par saillie, car quand elle n'etoit

pas échauffée, sa narration êtoit longue et ennuyeuse.

10. Dans sa jeunesse elle avoit toujours veu ce qu'il y avoit de

plus spirituel dans le grand monde; Mais sur la fin de sa

vie elle se mesloit beaucoup de mauvaise Compagnie

parmy les gens qui venoient chez elle.

 

                                                                                                            [61]

Enfin pour faire un peu de mots

Comprendre quel fut son mérite,

Elle eut l'estime de Lenclos11.

 

 

Autre sur la même.

 

Cy gist qui surtout à propos,

Sceut toujours placer les bons mots12,

Sans vouloir en être aplaudie13,

Exempte de la maladie

De tous les gens qui pensent bien,

Loin de la froide raillerie

A sa vivacité fleurie,

Son esprit de refusoit rien,

Et qu'une fine raillerie

Faisoit briller son entretien;

Vous qui fûtes charmez du sien

                                                            Honnestes

 

11. Anne de Lenclos dont il est parlé en plusieurs endroits de ce

Recueil, qui eut toutes les vertus, à la chasteté prés sur laquelle

elle se ménagea si peu dans sa jeunesse qu'on lui peut donner

le nom de fameuse Courtisane. L'auteur a raison de louer Made.

Cornuel sur l'estime et l'amitié que Madlle. de Lenclos avoit pour

elle, car rien n'etoit plus capable de faire honneur.

12. Voyez l'Article 6. de ce Commentaire.

13. Madame de Cornuel disoit de bons mots avec une telle vivacité

que souvent elle ne s'en apercevoit qu'aprés qu'on les lui avoit

reperez, ainsi il s'en falloit beaucoup qu'elle eut en veue d'etre

aplaudie.

 

                                                                                                            [62]

Honnestes gens, pleurez sans cesse,

Et vous ennemis du bon sens,

Poussez mille cris d'allegresse,

Et parlez sans crainte en tout temps14.

 

Autre sur la même.

 

Cy gist Phryne15 qui dans sa vie,

se fit en tous lieux respecter;

Par les traits de sa raillerie16,

Et qui sceut si bien raconter17,

Qu'on eut voulu toujours l'entendre;

Gardes toy si tu n'es qu'un sot,

Passant, en ce lieu de te rendre,

Et crains que sur toy de sa cendre,

Il n'eschape encore un bon mot18.

 

14. ... Il est certain qu'elle tiroit rudement sur les sots.

15. Phrine étoit une fameuse Courtisane de l'ancienne Grece, et

les auteurs parlent de 3. qui ont porté ce nom, et qui ont fait le

même métier, tant le nom étoit heureux. Mais il est extraordre.

que l'auteur nomme Madame Cornuel de ce nom. Il est certain

qu'elle avoit êté coquette dans sa jeunesse, et la médisance vouloit

que tous ses enfans ne fussent pas de son mary; mais cet incident

assez ordinaire dans tous les ménages ne la jamais fait regarder

comme une Courtisanne.

16. Ces bons mots n'êtoient autre chose que raillerie.

17. Voyez l'Article 9. de ce Commentaire.

18. Voyez l'Article 14. de ce Commentaire.

 

 

                                                                                                            [63]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air du Carillon.

 

Sur quelques uns des principaux amans

de Louise-Thereze de Sennecterre, femme

de Louis de Crussol Marquis de Florensac.

 

 

Le Dauphin1, le Conty2,

Et le petit Duc aussy3,

Bien d'autres, bien d'autres4.

 

1. Louis Dauphin de France avoit êté amoureux de la Marqse.

de Florensac.

2. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du sang, Chtr

des Ordres du Roy, en avoit aussi êté amoureux.

3. Louis Duc de Bourbon Prince du Sang, Chtr des Ordres du

Roy, Pair et Grand Me. de France en survivance &ca.en êtoit

lors amoureux et jaloux à la fureur, non sons raison, comme

on verra dans l'article suivant. Nota. Que ce Prince êtoit

fort petit.

9. Cette Dame êtoit fort aimable, et for coquette, et avoit eu

beaucoup d'amans.

 

 

                                                                                                            [65]

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air: de ......

 

Sur plusieurs personnes de la Cour et de la

            Ville.

 

Mille amans en foule,

Vous offrent leur cœur;

Mais pour vous du Roule1,

Il faut un bon, tan lire lire la,

La la la tire lire,

Il faut un bon payeur.

 

A Saillant2 pour plaire,

La Mothe-Cochon2,

A d'une aûne entiere

Retréci son tan lire lire la

La la la tire lire

Retréci son jupon.

 

1. ........ Caumont de la Force veuve de ..... Grimoard

de Beauvoir Comte du Roure

2. ..... d'Estaing Marquis de Saillant Capitaine au Regiment

des Gardes Françoises.

3. ...... Maugron veuve de ..... Comte de la Motte,

apellée la Motte-Cochon à cause qu'elle ressembloit assez à cet

animal.

 

                                                                                                            [66]

Mais la Bournonville4,

S'en va sans façon,     + Criant par la ville,

+

Qui veut de mon tan lire lire la,

La la la tire lire,

Qui veut de mon bonbon5.

 

D'Espinoy la belle6,

Quitte sa rigeur7,

Sully8 meurt pour elle,

Et touche son grand tan lire lire la,

La la la tire lire,

Et touche son grand cœur.

 

Le mary9 commode,

Adore Sully,

Pour estre à la mode,

Il prendra son tan lire lire la,

La là la tire lire,

Il prendra son party.

                                                            D'Espinoy

 

 

4. Marie-Victoire d'Albert femme de ...... Prince de

Bournonville Enseigne des Gensdarmes du Roy.

5. Elles étoient une troupe de jeunes femmes en société, qui s'étoient donné

des noms entre elles et celui de la Princesse de Bournonville êtoit Bonbon.

6. Elisabeth de Lorraine femme de Louis de Melun Prince d'Espinoy

Colonel du Regiment de Picardie.

7. Ce cy est une pure médisance.

8. Maximilien-Henry de Bethune de Sully appellé le Chtr de Sully

Colonel d'un Regiment de Cavalerie.

9. Louis de Melun Prince d'Espinoy.

 

 

                                                                                                            [67]

D'Espinoy l'aisnée10,

Helas n'en peut plus

Faute d'hymencé,

Elle prend le tan lire lire la,

La la la lire lire,

Elle prend le Camus11.

 

La Melun12 pour plaire,

A laîné Clermont13,

Bientost s'en va faire

Alonger son tan lire lire la,

La la la tire lire,

Alonger son menton.

 

La belle du Roule15,

Paroît sans façon,

On y court en foule

Pour mettre dans son tan lire lire la,

                                                                        La

 

 

10. Marie-Marguerite de Melun d'Espinoy, sœur aînée du

Prince d'Espinoy.

11. ...... le Camus-des Touches Capitaine au Régiment

de Picardie.

12. Anne de Melun autre sœur du Prince d'Espinoy.

13. ......... de Clermont de Roussillon Enseigne des Gensdarmes

du Roy.

14. Elle avoit le menton fort court, et l'auteur plaisante dessus.

15. Voyez l'Article 1er. de ce Commentaire.

 

                                                                                                            [68]

La la la tire lire,

Pour mettre dans son trone.

 

Quand elle est friponne16,

C'est avec raison,

Pourveu qu'on lui donne,

Vous aurez son tan lire lire la,

La la la tire lire,

Vous aurez son bonbon.

 

L'aimable Choiseuille17,

A ses appetits,

Elle n'est pas seule,

Qui veuille de gros tan lire lire la,

La la la tire lire,

Qui veuille de gros fruits.

 

Thorigny18 la belle,

Se mourant d'ennuy,

Richelieu19 dit elle,

                                                            Ah

 

16. Elle êtoit fort coquette et grande friponne.

17. ........ de la Baume le Blanc, femme de Cezard-Auguste

Duc de Choiseuil Pair de France Chtr des Ordres du Roy, &ca.

18. ...... Bontemps femme de Jean Baptiste Lambert

Sr. de Thorigny President de la Chambre des Comptes de Paris.

19. ........ de Richelieu.

 

                                                                                                            [69]

 

 

Ah si j'avois un tan lire lire la,

La la la tire lire,

Ah si j'avois un lit.

 

Cossé20, veut qu'on cede,

Aux charmes qu'elle a,

Elle est rogue et laide,

Et fait toujours tan lire lire la,

La la la tire lire,

Et fait toujours caca21.

 

20. ...... Bechameil femme de ....... Comte de

Cossé Capitaine de Cavalerie.

21. On pretend qu'elle avoit le ventre trop libre.

 

 

                                                                                                            [71]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air; d'une main je tiens mon pot.

 

Sur l'Estat où êtoit la France au commencemt.

de l'année 1694. et les nouvelles qui se débitoient.

 

Personne en ce pais cy1,

N'est exempt de soucy;

On n'entend que crier misere;

Adressez vous au Ministere2,

Des Edits je vous en repons3;

Mais {pour du Beld} de l'Argent, non non4.

 

Plus d'un homme est démeublé

Par la cherté du Bled5,

On dit toujours qu'il en arrive6;

                                                            Mais

 

1. La France et principalement à Paris.

2. Aux Ministres d'Estat.

3. Le Roy et ses Ministres inventoient tous les jours de nouveaux

Edits pour trouver de l'argent.

4. Les Edits ruinoient le peuple et ne produisoient rien, à cause de la

misere du Royaume, et de la rareté de l'argent qui n'etoit point

en mouvement, et qu'un chacun tenoit caché.

5. La Récolte avoit êté fort mauvaise l'année precedente, le Bled

êtoit par consequent fort cher et les pauvres gens vendoient leurs

meubles pour vivre.

6. On avoit envoyé une Flotte dans le Nord, commandée par Jean

Barth Flamand, Capitaine de Vaisseau, pour acheter du Bled et

en amener en France, on disoit toujours qu'il venoit, et cependant

on en avoit aucunes nouvelles depuis longtems; On scavoit seulement

                                                                                                                        que

 

                                                                                                            [72]

Mais on n'en voit point sur la rive7,

De faux bruits, je vous en repons8,

Mais pour du Bled non non9.

 

On ne peut avoir la paix,

Aprés tant de hauts faits10,

Pour donner un peu de joye,

On promet celle de Savoye11,

De désirs, je vous en repons12,

                                                            Mais

que les glaces l'avoient arresté longtems dans les mers du Nord

et que les Ennemis avoient envoyé des Vaisseaux pour l'attaquer.

7. Sur le rivage de la Seine et dans les ports de Paris.

8. L'Auteur de cette Chanson a raison de dire qu'on parloit fort

du Bled qui devoit venir.

9. Effectivement on voyoit peu de Bled, et il encherissoit.

10. On peut voir dans ce Recueil que la France avoit remporté

beaucoup de Victoires signalées depuis la guerre.

11. On parloit fort de la paix de Savoye, et la France s'estoit

pour ainsi dire jetté a la teste de ce Duc par les propositions

avantageuses qu'elle avoit faites. On dit qu'on lui offroit Cazal

et même Pignerol, outre tout ce qu'on avoit pris sur lui depuis

la guerre, Et avec cela une somme d'argent considérable pour

le dedommager des maux que les Armées de François, avoient

fait dans ses Estats; Comme le Traité qu'il avoit fait avec

les Confédérés êtoit finy, il les avoit escoutées, et il avoit envoyé

l'Abbé Grimani l'un de ses sujets, à l'Empereur pour lui

en faire part, et scavoir de lui si ses alliés avoient mieux

à luy offrir.

12. Le Conseil du Roy, et sa Majesté même témoignoit une si

grande envie de la paix de Savoye, que tout le monde le voyoit

et que cela êtoit honteux à l'Estat.

 

                                                                                                            [73]

Mais du succez, non non13.

 

Dé-montrer {tant} la vouloir,

C'est pour ne point l'avoir14,

L'Ennemi scait nostre foiblesse,

Plus on la veut, moins il s'empresse15,

Battez-le16, je vous en répons,

Recherchez-le, non non.

La Gazette tous les jours

Nous vante le secours;

De l'entremise du Saint-Pere17,

Mais à nos maux que peut-il faire?

                                                                        Des

 

13. Les gens sensés doutoient avec raison du succez de la Négociation

qu'on jaisoit pour la Paix de Savoye; car le Duc avoit une haine

contre la France, qu'on pouvoit apeller fureur, l'Abbé Grimani

ne la haïssoit pas moins, et l'Empereur interressé a empescher

ce Traité, faisoit marcher des Troupes en Piémont, ce qui obligea

de Roy à renforcer son armée d'Italie commandée par le

Mareschal de Catinat de 20. Bataillons et de 7. Régimens

de dragons.

14. Voyez l'Article 12. de ce Commentaire.

15. Non seulement le Duc de Savoye; mais les autres Alliez

à qui on faisoit aussi des Propositions de paix tres avan=

=tageuses, connoissoient comme nous le besoin, et l'envie qu'on

en avoit, et ils se tenoient plus fermes, quoiqu'ils en eussent

aussi grand besoin de leur costé, et même envie, excepté

le Prince d'Orange.

16. C'est a dire remportez toujours des Victoires sur eux.

17. Le Pape Innocent XII. qui travailloit de son mieux

a pacifier l'Europe.

 

                                                                                                            [74]

 

Des pardons18, je vous en répons;

Mais pour la paix, non non19.

 

Il falloit mieux y penser20,

Avant que commencer21,

Quand l'affaire est mal enfournée,

Comment démesler la fusée;

Des discours22, je vous en répons;

Mais du bon sens23, non non.

 

 

18. Il avoit alors donné un Jubilé pour la paix.

19. Le Pape n'etoit pas assez autorisé parmy les Alliez

contre la France dont une grande partie êtoit même de

Protestans, pour que l'on eut esperer la paix par son ministere.

20. L'auteur veut dire, qu'en commençant une guerre les bons

politiques doivent toujours penser à la paix, qui la doit suivre.

21. Avant que Commencer la guerre.

22. L'auteur veut dire que les Ministres de la France raison=

=noient fort dans le Conseil du Roy, et ailleurs.

23. L'auteur ne croit pas les Ministres bien habiles.

 

 

                                                                                                            [75]

Chanson                                  [X]                                           1694.

 

Sur l'Air: des Ennuyeurs

 

Sur Louis-François le Tellier Marquis

de Barbezieux, Chancelier des Ordres

du Roy, Secretaire d'Estat au Départemt.

            de la Guerre.

 

 

Tout le monde est surpris du choix,

Du plus grand des Rois de la terre1,

D'avoir pris un jeune bourgeois2,

Pour le Ministre de la guerre,

Qui passe le jour à lorgner3,

Toute la nuit à yvrogner.

 

Pour paroistre de qualité,

Il a fait choix d'une princesse4,

Par le Conseil de la Ferté5.

                                                            Elle

 

 

1. Le Roy Louis XIV.

2. La famille de le Tellier êtoit toute bourgeoise et venoit de ....

3. Lorgner est un mot nouveau qui veut dire jetter de doux regars.

4. Marie de Lorraine, femme d'Antoine Grimaldi Duc de

Valentinois de qui le Marquis de Barbezieux êtoit alors fort

amoureux.

5. Marie-Isabelle-Anngelique de la Mothe-Houdancourt, femme

de Henry de St. Nectaire Duc de la Ferté Pair de France, Sennecterre

êtoit la confidente de cette passion.

 

                                                                                                            [76]

 

Elle répond à sa tendresse,

Ce fut derriere un paravant,

Qu'il en devint heureux amant6.

 

 

6. On prétend que dans un bal, que Monsieur frere unique

du Roy, donna au Palais Royal à Paris l'hiver de 1694.

et où le Marquis de Barbezieux, et la Duchesse de Valentinois

vinrent en masque qu'ils se joignirent derriere un paravant

où la Duchesse accorda les dernieres faveurs à son amant.

 

 

                                                                                                            [77]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air: Il fait tout ce qu'il déffend.

 

Sur un Brevet de retenüe de 50. mil Escus, que

le Roy Louis XIV. donna au mois de Février

1694. à Achilles de Harlay, sur sa Charge

de 1er. Président du Parlement de Paris, par

dessus un autre Brevet de retenuë de cent mil

Escus qu'il avoit desja sur la même Charge

du jour qu'il en avoit êté pourveu.

 

 

Un Magistrat fort habile1,

En lamentant sur le pain2;

Avoit mis toute la ville3.

Au point de mourir de faim4;

Mais le Roy5 plein de prudence6,

                                                            Paye

 

1. Le premier President.

2. On a veu plus haut l'assemblée faite dans le Palais à Paris le

20. Novembre 1693. pour remedier à la disette de Bled, et

à la cherté du pain. Le Lecteur est renvoyé à la Chanson qui

parle de cette assemblée à la quelle cy est relative.

3. Paris.

4. La même Chanson du 20. Novembre 1693. explique l'inutilité

de l'Assemblée pour la police des Bleds par la fuite du 1er.

president, ce qui pensa mettre la famine à Paris, la misere des

Provinces y avant augmenté le nombre des Pauvres qui y

venoient de toutes parts.

5. Le Roy Louis XIV.

6. Cela est ironique.

 

                                                                                                            [78]

Paye sa rare Eloquence7,

De cinquante mille Ecus,

Afin qu'il n'en parle plus.

 

7. Autre ironie, car dans l'Assemblée, le 1er. President parla

fort mal, et pour tout résultat, dit qu'il en parleroit au Roy.

 

 

                                                                                                            [79]

Epigrammes.                                                                           1694.

 

Sur Michel le Pelletier Evesques d'Angers.

 

            Ovide1 charmant conteur,

Du vigilant Argus3, racontant les merveilles,

Croit nous conter des choses nompareilles;

            Mais il se trompe de l'imposteur,

            Car dans {nos} jours heureux3 qu'il scache,

            Que le Pasteur le Pelletier,

Garde de son seul œil son troupeau tout entier5;

Argus de ces cent yeux ne pût garder sa Vache6.

 

 

1. Publius Ovidius Naso Chevalier Romain, Poëte fameux

connu de tout le monde, qui vivoit à Rome du temps de l'Empereur

Auguste.

2. Ovide dans le 1er. livre de ses Metamorphoses raconte que Jupiter

ayant changé en Vache la Nimphe Io dont il êtoit amoureux,

de peur que Junon sa femme ne la découvrit, cette Déesse la

reconnut, et la demanda à Jupiter qui n'osa la lui refuser, Elle

la donna en garde à Argus qui avoit la teste environnée de

cent yeux, deux desquels se fermoient tour à tour pour prendre

du repos tandis que les autres demeuroient ouverts.

3. C'est icy un angevin qui parle ironiquement, car l'Espiscopat

de Michel le Pelletier êtoit regardé comme un tems fort rude

et fort malheureux pour son dioceze, dont il maletraitoit un peu

trop le Clergé.

4. C'est a dire son Diocese.

6. Ovide dit dans la Fable d'Argus que Mercure par l'ordre

de Jupiter endormit ces cent yeux en lui racontant la fable

de Pan et de Sirinx. Luy coupa ensuitte la teste et délivra ainsi

la Vache Io que Junon lui avoit donnée en garde.

 

                                                                                                            [80]

Autre sur le même                                                                  1694.

 

            Marphorio

Que fait Michel dans cette Tour1?

Si c'est un Cabinet d'Amour,

Il est bien fait à la moderne.

 

            Pasquin

Je vais te le dire en amy,

C'est que ne voyant qu'a demy2.

Il a besoin d'une Lanterne3.

 

1. Cette Epigramme par demande et réponse entre Pasquin, et

Marphorio, est faite à l'exemple des Pasquinades de Rome,

sur un petit Pavillon que......... le Pelletier Abbé de St.

Aubin d'Angers, frere de l'Evesque avoit fait bastir sur une

Tour de la ville d'Angers, pour y aller quelque fois s'y retirer.

2. On a desja dit que l'Evesque d'Angers êtoit borgne, et il alloit

quelque fois avec son frere se retirer dans ce Pavillon.

3. Ce Pavillon ressembloit à une Lanterne.

                                                                                    Autre

 

                                                                                                            [81]

Autre sur le même                                                                  1694.

 

 

Des sermons de Michel, tout le monde est surpris1,

Ce sont des sentimens, si hauts, si salutaires,

Et des Expressions si nobles, et si claires,

            Que d'amour divin tout épris,

Cet illustre Prélat charme et touche en nos chaires,

            Et le peuple, et les beaux esprits;

A la haute faveur de son illustre pere2,

Il ne doit point le rang3, où chacun le révère.

A ces rares talens cet honneur êtoit deu,

            C'est le mérite et la vertu

            Qui dans le beau regne où nous sommes,

            Font aux yeux du vice abatu

            L'heureux destin de tous les hommes.

 

 

1. Au commencement de l'an 1694. l'Evesque d'Angers fit

des Missions dans cette ville où il preschoit. On ne peut dire si

cette Epigramme faite sur ses sermons est ironique.

2. Claude le Pelletier Ministre d'Estat.

3. L'Episcopat.

 

Nota. Que l'Evesque d'Angers êtoit fort pieux, bon doux et

tres bien intentionné, mais avec peu d'esprit, et d'ailleurs, gouverné par

des séminaristes dévots, de cabale, durs, et costiques, qui lui faisoient

employer les voyes de rigueur pour coriger son Clergé, ce qui révoltoit les

peuples contre luy.

 

 

 

                                                                                                            [83]

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air: de Lampon.

 

Sur Achilles de Harlay 1er. President du

Parlement de Paris.

 

Harlay, ce triste barbon,

Harlay ce triste barbon.

            Le petit Polastron1,

            Le petit Polastron,

Il le fait pour se distraire

De la publique misere

            Lampon, lampon,

            Camarade lampon.

 

 

1. .......... de Polastron, Enseigne au Regiment des Gardes

Françoises.

2. On a veu plus hait la misere où êtoit alors le Royaume par

la disette de Bled et d'Argent.

 

                                                                                                            [85]

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air: de jeunes Zéphirs

 

Sur les amours de Louis Dauphin de France,

avec ........ de Caumont de la Force, veuve

de .......... Marquis du Roure, qu'il aimoit

alors, et qu'il avoit desja aimé du tems qu'elle

êtoit fille d'honneur de la Reine Marie-The=

=reze d'Autriche sa mere.

 

Veuille le ciel que l'aimable Climene1,

Et le heros2, qui seul charme son cœur3

Combler les jours d'une éternelle ardeur,

Et que Venus pour eux forme une chaîne,

D'amour sans fin, et de plaisir sans peine,

D'amour sans fin, et de plaisir sans peine.

 

1. La Marquise du Roure.

2. Monseigneur le Dauphin.

3. Elle n'avoit alors d'autre amant que ce Prince.

 

 

                                                                                                            [87]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air: de Joconde.

 

Adressée à Marie-Anne de Bourbon

Princesse legitimée de France, veuve de Louis-

-Armand de Bourbon Prince du sang, et

de Conty, sur le bruit qui couroit qu'elle

aimoit..... de Clermont-de Roussillon

Enseigne des Gensdarmes du Roy.

 

Princesse l'objet de nos vœux1,

Dieux ! que viens-je d'aprendre ?

On dit que Clermont est heureux;

Ma foy c'est trop descendre,

Les amours en sont indignez,

Et regagne Cythere2

Et les yeux de larmes noyez,

S'en plaigne à leur mere3.

 

1. Cette Princesse avec un agrément infiny, et un air merveilleux.

2. Les Poëtes feignoient que Venus êtoit neé de la puissance

d'engendrer du Ciel et de l'Écume de la mer, et qu'elle abor=

=da en l'Isle de Cithere en grece, presentement nommée

Cerigo, elle y avoit un temple, où les mêmes Poëtes croyent

qu'elle faisoit sa demeure avec les amours ses Enfans, qu'on

y adoroit avec Elle.

3. Venus.

 

                                                                                                            [89]

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air: de Joconde.

 

A Marie de Lorraine d'Armagnac,

femme d'Antoine de Grimaldy Duc de

Valentinois; sur ce qu'elle aimoit Louis-

-François le Tellier Marquis de Barbezieux

Sécrétaire d'Estat.

 

Princesse1, le monde est surpris,

Du choix qu'on vous voit faire,

Barbezieux remporte le prix2,

Sans mériter de plaire3;

Pour moy je ne m'étonne pas,

De cette préférence,

L'argent a pour vous des appas4,

Peu d'autres en ont en France.

 

1. Elle êtoit doublement Princesse par elle, de la Maison de Lorraine

et par son mari fils unique du Prince de Monaco.

2. Cette Princesse êtoit charmante, et avoit donné de l'amour à

plusieurs personnes, sans en avoir fait d'heureux, à ce que l'on

croyoit.

3. Il êtoit aussi sot, et aussi brutal, qu'il etoit bourgeois.

4. C'estoit par l'argent qu'il donnoit à cette Princesse qu'elle l'avoit

fait heureux.

 

 

                                                                                                            [91]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air de Joconde.

 

Sur .............. de Brouilly, femme de Henry-

Alexis de Chastiillon Chevalier des Ordres du

Roy, 1er. Gentilhomme de la Chambre de Philipes

fils de France Duc d'Orleans frere unique

du Roy &ca.

 

La Chastillon a de l'amour,

Pour le Prince Camille1,

Cela durera peu de jours2,

On le dit par la ville;

Elle a le C.... bas et puant,

Et de facile entrée,

A ce que disent tous les gens

Qui l'ont bien chevauchée.

 

1. Camille de Lorraine de la Branche d'Armagnac apellé

le Prince Camille, Colonel d'un Regiment de Cavalerie.

2. C'est qu'elle êtoit fort infidelle.

 

 

                                                                                                            [92]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air de Joconde.

 

Sur Camille de Lorraine appellé le Prince

Camille, Colonel d'un Régiment de Cavalerie,

et sur ...... de Brouilly, femme de Henry-

-Alexis de Chastillon Chevalier des Ordres du

Roy, et 1er. Gentilhomme de la Chambre de

Philippes de France Duc d'Orleans frere

unique du Roy &ca.

 

Camille croit la Chastillon,

Pour lui tendre et fidele1,

Un Mousquetaire2, ce dit-on,

A refusé la belle,

Prince3, aimez là tranquillement,

Cette digne maîtresse,

N'ayant pû faire un autre amant,

Vous garde sa tendresse.

 

1. Le Prince Camille êtoit passionnement amoureux de

cette femme et la croyoit fidelle.

2. Ce n'est qu'une façon de parler pour marquer le dereglement

de Made. de Chastillon.

3. Ces quatre derniers vers s'adressent au Prince Camille.

 

                                                                                                            [93]

Vers                                                                                         1694.

A Nicolas Boileau-des Préaux, de

l'Accademie Françoise, Poête Satirique;

sur sa Satire X. faite contre les femmes, qui

parût pour la 1re. fois au mois de Mars

                        1694.

 

Censeur1. du genre humain, critique redouté,

            Puisque ton extrême bonté,

Daigne nous accorder une pleine licence,

            D'examiner sans complaisance

Ton chef d'œuvre nouveau2, ce Chef d'œuvre vanté3,

J'ozeray sans détour dire ce que j'en pense.

 

Jadis encore enfant au Parnasse conduit,

Disciple curieux, apliqué, pacifique,

J'ecoûtois les leçons de ton art poétique4,

Toujours avec plaisir, quelquefois avec fruit,

                                                                                    Peu

 

 

1. Il est aisé de reconnoître Boileau des Preaux à ces Epithetes.

2. La Satire Xe. de Despreaux.

3. Il y avoit longtems qu'on parloit de cet ouvrage comme d'une

merveille, car elle êtoit faite il y avoit longtems à ce que dit des

Préaux lui même, dans la préface qui précede cette satire, où il

dit aussi que ses amis à qui il l'avoit leüe en parloient avec

Eloge.

4. L'Art Poetique de Despreaux, ouvrage excellent.

 

 

                                                                                                            [94]

Peu sensible aux douleurs de ceux que tu déchires5,

Epris de ton Lutrin6, yvre de tes Satires7;

Je voyois sans pitié tous ces auteurs proscrits,

Dont les noms rebute grossissent tes écrits,

Ta colere contre eux me sembloit légitime,

N'admirer pas tes vers, me paroissoit un crime,

Et loin d'etre accusé d'un fol entestement,

Je suivois du public le commun sentiment8;

Cet heureux tems n'est plus, ta muse surannée9,

Des lauriers dont jadis elle fut couronnée;

Laisse ternir l'éclat, et foible en son déclin,

Pour suivre un faux sentier quitte le droit chemin,

Se fatigue, et déja voisine du délire,

Enfante avec effort cette longue Satire10,

Où par un long Canal d'injurieux propos,

Ton fiel le plus amer se répond à grands flots11;

Que te sert d'etaler les peintures infames,

Le portrait de Lays12, n'est pas celui des femmes;

                                                                                    En

 

5. des Préaux a dechiré un grand nombre d'auteurs dans ses

Satires, ses Epitres, et ses autres ouvrages, comme Chapelain,

Cotin, Cassagne, l'Abbé de Pure, Pradon, Perrault &ca.

6. Poeme de des Preaux.

7. Satire de Despreaux.

8. Ses ouvrages ont extremement plû au public, et avec raison, car cet

auteur fera éternellement honneur à son siecle.

9. ......... Il étoit alors fort vieux.

10. La Xe. Satire.

11. Cette Satire est pleine d'injure contre les femmes.

12. Lays êtoit une fameuse courtisanne; née dans la ville d'[Hitare?]

                                                                                                            en

 

 

                                                                                                            [95]

 

En faveur du beau sexe, on est mieux prévenu,

Estranger tu parcours un païs inconnu;

Arreste, et desormais plus sage, ou plus timide,

Cesse de voyager sans lumiere, et sans guide,

Reviens, ma foible voix ne se peut retenir,

De ton égarement tu ne peux revenir;

Je te rapelle en vain; mais qu'elle est ton idée;

Dieux ! de quelle fureur ton ame est possedée,

Ose dans ces transports affreux et violents,

Arracher du tombeau les cadavres sanglants13,

Laisse, laisse en repos des mânes misérables,

Et ne viole pas l'azile des coupables14,

Pourquoy vas tu perçant le séjour de l'oubly,

Ramener à nos yeux un voce ensevely.

C'est assez n'attens pas que ma muse s'aplique

Au pénible détail d'une exacte critique,

Je n'ose m'engager dans un dessein si haut.

Et j'en cede lhonneur à l'illustre Perraut15;

                                                                                    S'il

 

en Sicile et surnommé la Corinthienne, parcequ'elle demeura

longtems à Corinthe, Elle vivoit l'an 420. de Rome, et comme

des Preaux a dit dans sa 10e. Satire beaucoup de mal des femmes,

l'auteur de ces vers dit que des Preaux en les peignant, a fait des

portraits de Lays.

13. L'auteur veut parler de l'histoire de feu ...... Tardieu Lieutt.

Criminel du Chtet de Paris, et de sa femme dont l'avarice sordide

fut enfin cause de leur mort, et que des Preaux raporte tout au

long dans sa 10e. Satire.

14. L'auteur entend par là que le tombeau êtant l'azile de tout le

monde, des Preaux auroit pû se passer de reveiller la memoire

de ces gens morts il y a longtemps.

15. Charles Perrault de l'Accademie Françoise, Ennemy de des

                                                                                                Preaux

 

                                                                                                            [96]

 

S'il embrasse à la fois dans ses doctes censures16,

Les transpositions, les mauvaises césures,

Les maris bons Chrestiens17, et le lit éffronté,

Et que dans son couroux un volume irrité,

Fasse voir les Erreurs de ta longue satire;

Il pourra le remplir, s'il daigne tout écrire,

Pour moy plus paresseux et moins fasché que luy,

Je ne puis {plus} longtems écrire sans ennuy;

D'abord avec plaisir j'entre dans la carriere;

Mais s'il faut trop courir, je demeure en arriere,

Et sans me fatiguer à la suitte des mots,

Dés qu'Apollon me fuit, je lui tourne le dos;

Enfin tu me fais voir le succés que je doit craindre

Un auteur abondant, qui ne peut se contraindre,

Et qui se laissant vaincre à l'ardeur de rimer,

Veut écrire sans cesse, et ne rien suprimer.

 

Preaux, comme on peut voir dans les pieces inserées dans ce

Recueil, à la fin de l'an 1692.

16. Dès que la 10e. Satire de Despreaux parût Perrault son ennemy

fit une Critique en prose de cet ouvrage, ou entre autres choses,

il y blasmoit les transpositions et les mauvais Césures.

17/18} Termes qui sont dans la 10e. Satire de Despreaux, et que/ Perrault blasme dans sa Critique, avec raison.

 

 

                                                                                                            [97]

 

Epigrammes.                                                                                       1694.

 

Sur la Xe. Satire de Boileau des Preaux

de l'Accadémie Françoise, laquelle parût

pour la 1re. fois au mois de Mars 1694.

 

Nota; Que cette Satire étoit faite contre les femmes.

 

 

Quand des Preaux fut sifflé sur son Ode1,

Ses partisans crioient partout Paris,

Pardon, Messieurs, le pauvret s'est mépris,

Plus ne louêra, ce n'est pas sa methode2,

Il va draper le sexe Féminin3,

A son grand nom4 vous verrez s'il déroge.

Or il paroist, cet Ouvrage divin5,

Pis ne vaudroit, quand ce seroit Eloge6.

 

Des Préaux, tu vieillis, et les muses sont femmes,

                                                                                    C'en

 

1. L'Ode que fit des Preaux, sur le siege de Namur, et qui

parût l'an 1693, voyez les Epigrammes, et l'Ode faites sur

celles là et insérées dans ce Recueil.

2. Il est certain que la louange n'etait pas le caractere de Despreaux.

3. L'auteur veut parler de la Xe. Satire de Despreaux.

4. Le nom de Satirique.

5. La Xe. Satire.

6. Elle n'etoit pas bonne et l'auteur dit que des Preaux n'auroit

pu faire plus mal, quand il auroit voulu louer ce qui êtoit

absolument contre son caractere.

 

                                                                                                            [98]

C'en est fait, il leur plaist de te disgracier7,

Contre leur juste Arrest, s'il faut que tu reclames,

Cotin8 dans peu de mois t'attend chez l'Epicier9;

 

Ma foy, ta Muse est décrépite,

Sa derniere production10,

En tous lieux passe pour maudite11,

Seulement quelque Sodomite,

En a loué l'intention12.

 

Boileau si vanté sur Parnasse13,

Vient de faire un ouvrage, et sans art et sans grace14;

En vain il a voulu répandre son venin

            Sur tout le sexe Féminin,

 

                                                                        Apollon

 

7. Surtout dans sa Xe. Satire, où les muses semblent l'avoir

abandonné.

8. L'Abbé Cotin Aumosnier de feuë Anne-Henriette d'Angleter=

=re Duchesse d'Orleans, et méchant auteur, que des Preaux a

déchiré presque dans tous ses ouvrages.

9. des Preaux en pillant l'Abbé Cotin, disoit que ses Ouvrages

se vendoient à la livre chez les Epiciers.

L'auteur veut dire que la Xe. Sature de Despreaux s'y vendra de

même avec les Ouvrages de Cotin.

10. La Xe. Satire.

11. Beaucoup de gens la trouvoient mauvaise.

12. Parce qu'elle parloit contre les femmes que les sodomites mé=

=prisent.

13. Il est certain que Boileau des Preaux a fait des Ouvrages

admirables.

14. Sa Xe. Satire.

 

                                                                                                            [99]

Apollon15 si chery des belles

A pris plaisir a l'egarer,

Et les Muses qui sont femelles

Ont refusé de l'inspirer.

 

15. Apollon êtoit le Dieu des vers selon les payens.

 

 

 

Chanson

 

Sur l'Air: Quand le péril est agréable.

 

Sur le même sujet.

 

Des Preaux reprend la Stire,

Amy, scavez vous bien pourquoy;

C'est que de la gloire du Roy

Il n'a plus rien a dire.

 

 

                                                                                                            [101]

Chanson                                                                                              1694.

Sur l'Air...............

 

Sur ......... de Courcillon de Dangeau

femme de Charles-Edouard d'Albert de

Chevreuse-Montfort-Cornette des Chevaux

legers de la garde du Roy.

 

La fille à Dangeau1,

Ressemble à Dangeau2,

Dangeau à mon cu3;

De là je conclus

Que la fille à Dangeau,

Ressemble à mon cu,

Comme deux gouttes d'eau.

 

 

1. Elle êtoit fille de Philippes de Courcillon Marquis de

Dangeau, Chtr des Ordres du Roy, Gouverneur de Touraine,

et de............. Morin sa 1re. femme.

2. Il est certain qu'elle ressembloit fort à son pere.

3. C'est qu'il a le visage fort large.

 

 

                                                                                                            [103]

 

Chanson                                                                                              1694.

 

Sur l'Air: Réveillés vous belle endormie.

 

Sur Anne-Charlotte d'Aumont, femme

de Francois-Joseph Marquis de Créqui, Mal.

des Camps, et des Armées du Roy.

 

 

Escoutez la fidelle histoire,

De la Marquise de Crequy;

J'entreprend de chanter sa gloire,

Jamais sujet n'a tant fourny.

 

De l'exemple de Messaline1,

Son cœur ne s'est point contente,

Dans ses plaisirs beaucoup plus fine,

Elle imite Pasiphae2.

 

L'excés de sa lubrique rage,

                                                D'un

 

1. Valerie Messaline, femme de l'Empereur Clodius, renommée

par son impudicité, qui alla à tel excés, que du vivant même

de son mary, elle épousa publiquement C. Silius Chevalier

Romain, ce qui obligea cet Empereur tout pacifique qu'il étoit

à la faire mourir.

2. Pasiphae selon la Fable, fille d'Apollon, et femme de

Minos Roy de Crete; laquelle devenüe amoureuse d'un

taureau, engendra le Minotaure. On verra dans l'Article

suivant, pourquoy l'auteur compare la Marquise de Crequy

a Pasiphae.

 

                                                                                                            [104]

 

D'un Prélat3 lassant la vigueur4,

Des animaux de tout étage,

Trouverent place dans son cœur.

 

Valets, baladins, Mousquetaires5,

Egalement furent heureux;

Car pour être seur de lui plaire,

Il ne faut qu'estre vigoureux.

 

Un amant d'elle se rebute,

Souvent dés la premiere nuit;

Pour un seul jour l'autre débutte,

Chacun fait place à qui le suit.

                                                            Dégouté

 

3. Charles-Maurice le Tellier Archevesque Duc de Rheims

Pair de France, Commandeur des Ordres du Roy, Coner. d'Etat

ordre. Me. de la Chapelle de sa M. lequel avoit êté longtems

amoureux de la Marquise de Crequy quoiqu'elle fut sa niece,

Car elle étoit fille de Louis-Maris Duc d'Aumont Pair de France

et de Madeleine-Fare le Tellier sa 1re. femme, sœur de cette Arche=

=vesque. Ce Prelat étoit brutal, colere, et outre cela vigoureux dans

le déduit amoureux. C'est par cette raison que l'auteur compare

la Marquise à Pasiphaé, parceque si celle cy avoit aimé in

Taureau, celle là avoit disoit-on aimé l'Archevesque de Rheims,

qui étoit lui même un espece de Taureau.

4. Dans le tems que l'Archevesque de Rheims étoit en Commerce

avec la Marquise de Crequy sa niece, il la logeoit et êtoit toujours

avec Elle. Il la quitta tout d'un coup, et on prétendoit que s'etoit

parce qu'il s'etoit aperceu qu'elle ne lui êtoit pas fidelle; mais

l'auteur veut que ce soit qu'elle ait lassé la vigeur de ce Prelat

toute excessive qu'elle êtoit par sa grande ardeur.

5. Ce sont des façons de parler pour donner une grande idée de

l'impudicité de la Marquise de Crequy.

 

 

                                                                                                            [105]

Dégouté par la jouissance,

Bientost l'amour change en mépris,

C'est ainsi que sans inconstance,

Elle essaye de tout Paris.

 

 

                                                                                                            [107]

 

Chanson                                                                                              1694.

 

Sur l'Air: Il a batu son petit frere.

 

Sur ........ de ........... femme de........

Solus Bourgeois de la ville de Lion.

 

Aprés la paix des Pirenées,

On celebra deux himenées,

A Lion, à Saint de Luz;

Le premier du Roy nôtre sire2,

L'autre de l'aimable Solus3,

Pour qui Schelton4 encore soupire.

 

1. Elle fut conclue le 7. Novembre 1659.

2. Le mariage de Louis XIV. avec Marie Thereze d'Autriche

fut célébré a St. Jean de Luz le 9. Juin 1660.

3. L'auteur veut faire voir que Made. de Solus n'estoit plus

jeune, puisquelle fut mariée en même tems que le Roy Louis

XIV.

4. Gentilhomme Anglois qui avoit suivy en France Jacques II.

Roy d'Angleterre.

 

 

                                                                                                            [109]

 

Epigramme                                                                                         1694.

 

Adressée aux habitans de la ville de

Gironne en Catalogne; sur la Prise de cette

ville, par l'Armée Françoise que commandoit

Anne-Jules Duc de Noailles Pair et Mal. de

France.

 

Nota: Qu'aprés la prise de Palamos le Mareschal

Duc de Noailles assiegea la ville de Gironne, que la tranchée

y fut ouverte de 24. Juin, qu'elle se rendit à composition le

20. suivant et que la Garnison. sortit la Cavalerie à pied, et

l'Infanterie desarmée, avec promesse de ne servir de la

Campagne.

 

Quand vos Rois1. ont êté de vrais Rois Catholiques2,

            Saint Narcisse a prié pour vous2;

Mais quand il voit Nassau Chef de tant d'hérétiques4,

Séduire vôtre Prince, et l'unir avec tous5,

Ce grand saint qui scait bien qu'il sert un Dieu jalous,

            Qui ne peut souffrir de partage

Cesse de proteger un Prince si peu sage;

                                                                        Et

 

1. Les Rois d'Espagne.

2. Les Rois d'Espagne portent le tître de Rois Catholiques

depuis Ferdinant V. à qui le Pape Alexandre VI. le donna apres

la prise de Grenade l'an 1492.

3. St. Narcisse est le Patron de la ville de Gironne et ses habitans

ayant êté assiegés 21. fois sans avoir êté pris attribuent ce bon=

=heur à l'intercession de ce St. auprés de Dieu.

4./5./6.} C'est a dire quand St. Narcisse voit le Roy d'Espagne nôtre

                                                                                                            Me.

 

 

                                                                                                            [110]

 

            Et par un équitable choix,

Se range du party du plus juste des Rois6.

 

Maître entrer dans une ligue, dont Guillaume-Henry de

Nassau, Prince d'Orange, et couronné Roy d'Angleterre

hérétique, est chef et composée de Princes qui le sont pour la

pluspart, alors il abandonne la protection de Gironne, et s'unit

avec Louis XIV. Roy de France, prince juste, et tres Chrestien,

et laisse prendre cette ville à son armée.

 

                                                                                                            [111]

 

                                                                                                            Juillet

Chanson                                                                                              1694.

 

Sur l'Air; Ah qu'il y va gayement.

 

Sur toutes les Expeditions, faites en Catalogne,

depuis le 27. May jusques au 30. Juin 1694.

que Gironne fut pris par l'Armée Françoise,

que commandoit Anne-Jules Duc de Noailles

Pair & Maãl de France, desquelles on peut voir

le détail dans les pieces précédentes.

 

Na. Que ce fut un Officier de l'Armée qui fit

cette Chanson.

 

Noailles en son chemin faisant;

Ah qu'il y va gayement;

Malgré plus d'un retranchement,

Passe une grande riviere1;

Ah qu'il y va gayement,

Ah qu'il y va gayement.

 

Malgré plus d'un retranchement,

Ah qu'il y va gayement,

L'Espagnol2 plein d'estonnement,

Tout le long de la riviere.

                                                Ah

 

1. Le 27 May, le Mareschal Duc de Noailles, fit passer

la Riviere du Ter prés de Torroel de Mongry à son armée sous

le feu de l'Armée Espagnole retranchée de l'autre côté, et gagna

la bataille du Ter.

2. L'armée Espagnolle.

 

 

                                                                                                            [112]

Ah qu'il y va gayement,

Ah qu'il y va gayement.

 

L'Espagnol plein d'estonnement,

Ah qu'il y va gayement,

Ne resiste pas un moment3,

Tout le long de la riviere,

Ah qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Ne resiste pas un moment.

Ah qu'il y va gayement,

Palamos4 l'attend fierement;

Tout le long de la riviere,

Ah qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Palamos l'attend fierement;

Ah qu'il y va gayment;

Mais s'ils se déffend vivement5,

                                                            Sa

 

3. Dés que l'Armée Françoise eut passé le Ter, l'Infanterie

Ennemie s'en fuit aussi bien que le Duc d'Escalonne

Viceroy de Catalogne; la Cavalerie combatit chargea jusques

à 3. fois, et fut défaite.

4. Aprés la Bataille gagnée le Mareschal Duc de Noailles

assiegea les ville et Château de Palamos le ...... Juin.

5. La Ville de Palamos fut prise d'assaut le ...... suivant

et le Château se rendit le ..... .

 

 

                                                                                                            [113]

Sa gloire en est plus entire,

Ah qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Mais s'il te déffend vivement,

Ah qu'il y va gayement;

Gironne6 devant ce torrent,

Tout le long de la riviere,

Ah qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Gironne devant ce torrent,

Ah qu'il y va gayement;

Ne resiste pas plus longtems,

Que feroit une chaumiere7,

A qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayement.

 

Ne resiste pas plus longtems,

Ah qu'il y va gayement;

S'il court ainsi rapidement,

Tout le long de la riviere,

Ah qu'il y va ma bergere,

Ah qu'il y va gayment.

                                                            S'il

 

6. Aprés la Prise de Palamos le Mãal Duc de Noailles mit le siège

devant Gironne le 22. de Juin.

7. Cette ville se rendit le 29. aprés 5 jours de tranchée ouverte

quoique tres bien munie, et tres bien fortifiée.

 

 

                                                                                                            [114]

S'il court ainsy rapidement8,

Ah qu'il y va gayement

Madrid9 avant qu'il soit un an10,

Sera la place frontiere10,

Ah qu'il y va ma bergere

Ah qu'il y va gayement.

 

8. Le Mareschal Duc de Noailles.

9. Ville Capitale d'Espagne, et le séjour du Roy.

10. C'est a dire la Place frontiere de la France, parceque le

Mareschal Duc de Noailles prendra dans peu toute l'Espagne,

jusques à Madrid, s'il continue ses Conquestes avec la même

rapidité.

 

 

                                                                                                            [115]

Epitaphes                                                                                            1694.

 

d'Antoine Arnauld Docteur de Sorbonne,

fameux par un si grand nombres d'Ouvrages

admirables, et par la persécution des Jesuittes,

qui poursuivoient en lui le party des Jansenistes,

dont il êtoit le chef, et qui l'obligerent a sortir de

France, et a se retirer enfin dans un fauxbourg

de Bruxelles, où il ne fut connu qu'a sa mort

arrivée le 8. Aoust 1694. à l'age de 8.... .

 

 

            Aprés tant de fameux combats1,

            Toujours suivis de la victoire2,

Arnauld succombe enfin sous la Loy du trépas,

Et du lit de la mort, passe au sein de la gloire;

            Il reçoit dans l'Eternité

            La récompense et la couronne

            Que le Dieu de vérité donne

            Aux Martirs de la vérité.

                                                                                    Cet

 

 

1. Tout le monde scait combien Mr. Arnauld fut persécuté par

les Jesuittes qui employerent toute l'autorité du Roy Louis XIV.

pour le chasser de l'université de Paris, où il étoit Docteur en

Théologie, et l'obligerent à sortir de France sans retour.

2. Tout chassé qu'estoit Mr. Arnauld, les Jesuittes et leurs

adherans le persecuterent par leurs écrits, ausquels, il

répondit toujours avec supériorité.

 

 

                                                                                                            [116]

 

Cet homme tout de feu lorsqu'il falloit combattre3;

Pour la fois, pour son Roy, pour l'Eglise et pour Dieu4;

            Ce foudre qu'on voyoit abattre

            Les hérésies en tout lieu5;

            Qui soumit à la foy de Pierre6,

            Turenne7, et le Roy d'Angleterre8,

            Et confondit par ses Escrits

L'usurpateur du Thrône9, et l'ennemy des Lys10;

Le redoutable fleau de Calvin11, de Pélage12,

Ce prodige d'esprit, ce scavant personnage,

Vivoit comme un enfant dans la simplicité13,

                                                                                    Et

 

3. C'est a dire combattre pour la Religion qu'il a déffenduë, avec

des écrits admirables.

4. Mr. Arnauld n'a jamais eu d'autre objet que la France, et

l'Eglise dans les écrits qu'il a donnés au public.

5. Il avoit écrit avec grand succez contre les Calvinistes, contre

Claude l'un de leurs ministres.

6. A l'Eglise Romaine.

7. Henry de la Tour d'Auvergne Vicomte de Turenne Mareschal

de France &ca. étoit né huguenot et fut converty par les livres de

Mr. Arnauld. l'an. 16....... .

8. Jacques II. Roy d'Angleterre, n'etant que Duc de York, fut

converti par les mêmes Livres.

9. Il écrivit fortement contre Guillaume-Henry de Nassau Prince

d'Orange, lorsqu'il détrosna l'an 1688. ce meme Roy Jacques II

comme on a veu dans plusieurs pieces de ce Recueil, et pincipalemt.

de ce Volume.

10. Le même Prince d'Orange le plus cruel ennemy, et le plus

dangereux que la France ait jamais eu.

11. Voyez l'Article 5.

12. Il avoit aussi écrit contre les Pelagiens.

13. Jamais homme n'a êté si simple avec tant de scavoir, et d'Esprit.

 

                                                                                                            [117]

 

Et jamais on ne vit dans un même génie,

Tant d'élévation, et tant d'humilité.

 

Pour obscurir l'éclat de sa gloire infinie,

En vain le corps entier de l'université14,

Joint au crédit d'Annat15, son animosité,

L'Oratoire16 s'unit aux troupes Jesuitiques,

Saint Sulpice17 se ligue avec les hérétiques,

Malbranche18, et Saint Sorlin19, meslant leurs passions

Rassemblent contre lui toutes leurs visions.

Jurieu20, Claude21, Malet22, le Savoyard de Ville23

                                                                                                Amelote

 

14. L'Université de Paris qui le retrancha de son Corps l'an 1664.

a titre de Janseniste.

15. Le Pere François Annat Jesuitte Confesseur du Roy Louis

XIV. qui persécutoit les Jansenistes, et surtout Mr. Arnauld

comme leur chef.

16. La Congrégation des Prestres de l'Oratoire êtoit attaché au

party du Jansenisme, et comme telle persécutée par les Jesuittes.

Lassée de cette persécution, elle fit l'an 1673. une Profession de

foy qui la réconcilia avec ses Ennemis, ainsi elle abandonna

Monsr. Arnauld.

17. La Congrégation des Séminaristes de St. Sulpice, se ligua

l'an 16.... .

18. Le Pere Malbranche Prestre de l'Oratoire écrivit contre

Mr. Arnauld, mais ce ne fut que sur la métaphisique. Il parût

à la vérité une grande aigreur entre eux.

19. ............. des Marest. Poëte plus connu par la Comedie des Visi=

=onnaires qu'il avoit faite, que par le reste de ses ouvrages, avoit écrit

sous le nom de St. Sorlin contre les Jansenistes et Mr. Arnaud. Ceux

cy lui repondirent fortement par un Livre qu'ils intitulerent les Visionnaires.

20. Jurieu Minsitre de la Religion P.R. Natif de Sedan et étably à Roterdam,

qui avoit fait un livre contre Mr. Aranud, intitulé, l'Esprit de Mr. Arnauld.

21. Jean Claude autre fameux ministre de la R.P.R. qui a fort

écrit contre la Religion Catholique et auquel Mr. Arnauld a fortement

répondu.

22. ....... Malet Docteur en Theologie, et Curé à Rouen, qui a fort

escrit contre les Jansenistes, et Mr. Arnauld.

23. Les Jesuittes sous le nom du Savoyard de Ville, firent un Livre

contre Mr. Arnauld.

 

                                                                                                            [118]

Amelote24, Meynier25, Maimbourg26, jettent leur bile,

Nicole27. l'abandonne, et pour comble d'ennuy,

Seul le laisse en Hollande errant et sans apuy,

Rien ne peut ébranler cet homme incomparable

La grace l'avoit fait, comme elle, insurmontable.

Il combatit pour elle, elle vainquit pour luy.

 

24. Le Pere Amélote Prestre de l'Oratoire ennemy des Jansenistes

et de Mr. Arnauld a écrit contre eux.

25. Jesuite déchaîné contre Mr. Arnauld.

26. Autre Jesuitte animé contre les Jansenistes, et Mr. Arnauld.

Ce fut lui que le Pape Innocent XI. fit sortir de la Compagnie

de Jesus l'an 1681. pour avoir écrit dans quelques une de ses

histoires trop librement contre la puissance du St. Siege.

27. Mr. Nicolle fameux Janseniste, et qui êtoit en fuite

avec Mr. Arnauld, lassé d'etre persécuté, l'abandonna, et

s'accommoda avec les Jesuittes, pour vivre en repos dans sa

Patrie.

 

            Autre sur le même

 

Du déffenseur des Jansenistes,

De l'ennemi des Molinistes;

Depuis peu les jours sont finis,

Ceux cy le traitent d'hérétique,

Ceux là, de Saint de Paradis,

Qui croira t'on? la voix publique,

Sa fin, sa vie, et ses écrits.

 

                                                                                                            [119]

Autre qui est la même que la précédente,

à l'exception de quelques mots, et vers, qui

sont différents.

 

Aprés tant de fameux combats,

Toujours suivis de la victoire,

Arnauld voit enfin trépas,

Et du lit de la mort, passe au lit de la gloire;

Il reçoit dans l'Eternité

La riche et brillante couronne,

Que le Dieu de vérité donne,

Aux Martirs de la vérité.

Cet homme toujours grand lorsqu'il falloit combattre;

Qui sapoir l'Erreur en tout lieu,

Ce foudre qu'on voyoit abattre

Tout ce qui s'opposoit à Dieu,

Cet Ennemi terrible à Calvin, à Pelage,

Ce Docteur si plein de courage

Pour détruire l'impieté;

Tout couvert qu'il êtoit d'une gloire infinie,

Vivoit comme un enfant dans la simplicité,

Et jamais on ne vit dans un même génie,

Tant d'élévation et tant d'humilité.

 

 

Il est mort la nuit du 7. au 8. d'Aoust 1694. entre minuit

et une heure, d'une Fluxion sur la Poitrine. Il êtoit né

le 6. de Fevrier l'an 1612. et êtoit le 22e. Enfant.

 

                                                                                                            [121]

 

Au Rd. Pere Bouhours, et aux....

Jesuittes, sur la mort de Mr. Arnauld.

 

Incomparable auteur, toi qui dans les ruelles,

De tes doctes Ecrits as puisé les modelles,

Et de qui les Billets* si tendrement écrits,                 *Billets d'amour du/ P. Bouhours

Font nargue hautement aux plus galans esprist;

Enfin Arnauld n'est plus, et ce vieux* hérétique,       *Epithete que le P./Bouhours a donné/

Que tu faisois l'objet de la haine publique,                à Mr. Arnauld.

Vient en rendant l'esprit, tout percé de tes traits,

Par son heureux trépas de fixer tes souhaits,

            Et vous scavans auteurs d'un nouvel Evangile,

Docteurs accommodans, à qui tout est facile,

Vous que les coups fourrez que portoit ce Docteur,

Ont souvent fait trembler jusques au fond du cœur;

Ce Vieillard qui vouloit que vôtre Compagnie

Renonçat tout a fait aux douceurs de la vie,

Qui condamnoit Bauni, Lessius, et Sanchez,

Mariana, Cellot, Escobar, et Vasquez.

Qui vouloit soutenir la grace triomphante,

Qui ne pouvoit souffrir la grace sufisante;

Est mort, graces au Ciel et ce coup du destin,

En reversant Arnauld, fait tomber Augustin,

Triomphez, Cette mort si longtems attenduë,

Vous rend la liberté que vous aviez perdue;

La morale sévére incommodoit partout,

 

                                                                                                            [122]

Sur les moindres écarts, on vous poussoit à bout,

Cette distinction que Dijon a veu naître,

Se cachoit sottement, et n'osoit plus paroître,

Ey quoiqu'en gémissant, on avoit mis a part,

Les commodes Escrits du scavant Escobar;

Triomphez; qu'apresent les nouvelles doctrines,

Par le trépas d'Arnauld, sortent de leurs ruines;

Preschez-nous desormais tout ce qu'il vous plaira,

Arnault vient de mourir, un chacun se taira.

            Et toi docte Bouhours, tu peux en asseurance

Répandre sur ce mort, toute ta médisance,

Tu peux par tes Ecrits le noircir en tout lieu,

En faire un Ennemi de la grace, et de Dieu;

Déja nous avons veu de dans plus d'un volume,

Quel venin sur Arnauld peut répandre ta plume,

Attache à tes côtez Daniel et le Tellier,

Et répans à loisir ton fiel sur le papier,

Que l'interest du Ciel n'arreste point ton zele,

Qui déplait à ton corps, est pis qu'un infidel;

Mais pour couvrir Arnauld d'un oprobre éternel,

Fait taire le public, et son amy Quesnel.

 

                                                                                                            [123]

Epitaphe                                                                                  1694.

 

d'Antoine Arnauld Docteur de Sorbonne.

 

Chery des uns, hay des autres1,

Admiré de tout l'Univers,

Et plus digne de vivre au siecle des Apostres,

Que dans un siecle si pervers,

Arnauld vient d'achever sa carriere pénible;

Les mœurs n'eurent jamais de plus grave censeur,

            L'erreur, d'ennemi plus terrible,

L'Eglise, de plus ferme, et plus grand déffenseur.

 

1. Mr. Arnauld êtoit chery des Jansenistes, et hay des

Molinistes, et principalement des Jesuittes.

 

 

                                                                                                            [125]

Vers Irreguliers                                                                       1694.

 

Sur la mort d'Antoine Arnauld.

 

Na. Que ces Vers cy sont Satiriques, et contre Mr. Arnauld,

sur ce qu'il avoit toujours soutenu que le Pape n'etoit que le 1er.

des Evesques, sans avoir de jurisdiction sur eux, et que les

Conciles êtoit au dessus de lui, ce qui est contraire aux

pretentions de la Cour de Rome.

 

Au Paradis ce bienheureux monta1.,

            Finissant icy sa Carriere,

            A la porte il se presenta,

            Que voulez vous, lui dit Saint Pierre?

            Sacré Portier des Bienheureux2,

Répond Arnauld d'un ton respectueux,

            Je viens demander le partage,

            Du céleste héritage

            Où toujours ont tendu mes vœux;

            Plusieurs le demandent de même

Dit le Saint, je n'ay pas l'autorité suprême

D'ouvrir et de fermer la porte à qui je veux;

            Il faut assembler les apôtres

            J'ay ma voix comme {tous) les autres,

                                                                                    Vous

 

1. Mr. Arnauld.

2. Tout le monde scait que St. Pierre est apellé le Portier du

Paradis, et qu'on dit que c'est lui qui en ouvre ou ferme la

porte.

 

                                                                                                            [126]

 

Vous l'ave dit3; j'en n'ay que cela,

De ce Saint lieu l'entrée est difficile;

            Nous convoquerons un Concile,

            En attendant demeuré là.

 

3. Voyez l'Argument sur cela et le reste.

 

                                                                                                            [127]

Vers Irreguliers                                                                       1694.

 

Servans de réponse aux précédents.

 

Arnauld ayant icy fini sa course sainte,

A Saint Pierre portier du bienheureux séjour,

            Alla se presenter sans crainte,

Demandant d'etre admis à la céleste cour;

Lorsqu'un Démon tout noir, sans colet, ny manchettes1,

Faisant le bon valet, au saint vint remontrer;

            Quoi! l'allez vous laisser passer,

Luy, qui fit contre vous, tant de brigues secrettes2.,

            Qui soumit vôtre autorité,

            Aux décisions d'un Concile3,

            Et qui vous rendit inutile

            Le droit d'Infaillibilité4,

            Taisez vous, esprit de malice,

                                                            Lui

 

 

1. L'auteur dépeint ici un Jesuitte, et par conséquent, un

Ennemi irréconciliable de Mr. Arnauld.

2. Tout le party des Jansenistes dont Mr. Arnauld êtoit le Chef,

êtoit fort ligué pour soutenir les Propositions contre la

primauté, et l'Infaillibilité du Pape successeur de St.

Pierre.

3. Mr. Arnauld soutenoit avec les Jansenistes que le Pape êtoit

soumis aux Conciles.

4. Les Jansenistes soutenoient aussi que le Pape n'etoit pas

infaillible, et il est a remarquer que les Molinistes adversaires des

Jansenistes, à la teste desquels les Jesuittes étoient, soutenoient

le contraire de ces Propositions.

 

 

                                                                                                            [128]

 

Luy dit le Saint Portier, il m'a rendu justice,

            Et maintenu la vérité;

Il eut acquis la pourpre escrivant le contraire5,

Mais son cœur fut toujours trop droit et trop sincere

Il mérite d'entrer dans la félicité.

 

5. Il est certain que Mr. Arnauld eût êté Cardinal, s'il eût

voulu se retracter en faveur du St. Siege.

 

 

                                                                                                            [129]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air; de la Baronne.

 

Faites au sujet d'un Portrait en mignature,

que Mademlle. de Brosse, faisoit faire d'Elle.

 

            En mignature,

De la Brosse on peint les appas,

Si l'on imite la nature,

Certains endroit1 ny sera pas,

            En mignature.

 

            C'est médisance2,

Car la Brosse l'a fort petit,

Vous le verrez tous, que je pense,

Et vous me direz tous aussi,

            C'est médisance.

 

            Sur la mesure3

En doit on croire la d'Achy3?

                                                Elle

 

1. Le C........ .

2. Ce 2d. Couplet a êté fait par Madlle. d'Achy pour répondre

au premier.

3. Ce 3e. Couplet est une replique au second, et l'auteur y attaque

Mademoiselle d'Achy qui l'avoit fait, Elle a épousé depuis

le Marquis de Mimeur, et est cousine de la Dlle. de la

Brosse.

 

                                                                                                            [130]

Elle l'a veu4, c'est chose seure;

Mais quoi, tout lui paroist petit,

            Sur sa mesure.

 

4. C'est a dire que Mademlle. d'Achy a veu le C. de Mademlle.

de Brosse.

 

                                                                                                            [131]

Epigramme                                                                             1694.

 

Sur la Déclaration du Roy du mois d'Octobre

1694. qui ordonne que toutes les Communautés

Régulières et Séculieres, et tous les particuliers

qui possedent des Eaux des Rivieres, Ruisseaux,

sources, Fontaines, et autrement, soit pour la

décoration de leurs Maisons ou pour améliorer

leurs héritages payeront les sommes ausquelles

ils seront taxez au Conseil pour être confirmées

à l'avenir dans la possession, et jouissance

des dt. Eaux.

 

Amy, le Conseil des Finances,

Fait voir par son Edit nouveau1,

Que l'on a tant saigné la France2,

Qu'on n'en tire plus que l'Eau3.

 

 

1. Edit ou Déclaration dont il est parlé dans l'Argument.

2. L'Auteur veut dire que l'on avoit tant fait d'Edits à la

charge du peuple depuis l'an 1689. que la guerre étoit

commencée.

3. L'Auteur compare icy la France à ces malades qu'on

a tant saignez, qu'on n'en tire plus que de l'Eau, et

dit a propos de cet Edit que l'on a tant épuisé le Royaume

par des Taxes qu'on n'en peut plus tirer d'argent, qu'en

taxant les Fontaines.

 

                                                                                                            [133]

 

Stances                                                                                    1694.

 

Sur le même sujet que l'Epigramme

            précédente.

 

Bouchez, Nayades, vos Fontaines,

Et cessez d'embélire nos plaines,

Par le Cristal de vos Ruisseaux,

On vous a déclaré la guerre,

Faites rentrer toutes vos Eaux;

Jusques au centre de la terre.

 

Les Muses les voyant si pures,

Ont feint dans leurs nobles figures

Quelles étoient de par argent,           Que vos flots étoient argentés

Cette douce et flateuse idée              Sur cette expression divine

A fait penser aux Partisans,                Les Partisans se sont flatés

D'avoir de vous une lipée.                  Que chaque source est une mine.

 

Que si le Dieu qui vous fait vivre,

Nimphes, vous ordonne de suivre,

L'Ordre qu'il ne veut pas troubler;

Obeissez à la nature,

Qui vous commande de couler;

Mais qui vous permet le murmure.

 

 

Quiconque aura leu l'Epigramme précedente avec son

                                                                                    argument

 

                                                                                                            [134]

argument et son Commentaire, n'aura pas besoin d'explication

pour ces Stances cy qui sont adressées aux Nayades, lesquelles

selon les payens et les Poëtes anciens, étoient les Deésses qui

presidoient aux Fontaines.

 

 

                                                                                                            [135]

Parodie                                                                                   1694.

 

d'une vieille Chanson qui finit par ces mots,

La volonté me change d'aller à Montauban.

 

Sur ....... de Gontaut de Biron, Colonel

du Régiment d'Infanterie de la Marche,

& sur Charlotte de Bautru femme de ......

de Rohan Prince de Montauban.

 

Quand Biron de retour1,

Eut reveu sa Mégere2,

Fit trois pas en arriere,

Ah mon Dieu, qu'il est grand3;

La volonté me change

D'entrer dans Montauban4.

 

 

1. de retour de l'Armée. Il étoit Colonel du Régiment

d'Infanterie de la Marche.

2. la Princesse de Montauban qui étoit merveilleusement

laide, méchante et vieille, et trés bien comparée à une

Méjere.

3. son C...... .

4. C'est a dire de la S.... .

 

                                                                                                            [137]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air: J'ay perdu un bon amy.

 

Sur François-Henry de Montmorency-

Luxembourg Duc de Pinay, Pair et Maāl de

France &ca. lorsqu'il revint à la Cour aprés la

Campagne de l'an 1694. qu'il avoit commandé

les armées du Roy Louis XIV. en Flandres,

sous Louis Dauphin de France.

 

Luxembourg pour bredasser              Luxembourg a putassé

            Tracasser1,                                          Tracassé,

Vient cet hiver à Versailles                 Passe l'hiver à Versailles.

Secondé d'Albergoti2,

            Qui le suit,

De plus prés là qu'aux Batailles.

                                               

                                                Par

 

 

1. Le Maāl Duc de Luxembourg étoit brave, plein d'esprit, et

bon Capitaine, mais Jamais homme n'a êté plus petit à la Cour,

par les minuties dans lesquelles il se jettoit. Il etoit dans les

tracasseries et les petites intrigues de femmes, les raports, les

Contes, et les amourettes. Il avoit alors 67. ans. et etoit toujours

amoureux, en un mot il n'etoit plein que de petitesses, dés qu'il

avoit quitté les Armées, et brilloit d'autant plus dans ces petites

choses, qu'il étoit alors necessaire a l'Estat, et que le Roy le

ménageoit et êtoit même parfois obligé de plier sous ses volontez.

2. Albergoti Florentin. Mal. de Camp. Lieutenant Colonel du

Regiment Royal Italien que le Mal. Duc de Luxembourg

aimoit; il êtoit l'un des Espion de la Cour, cependant amy de ce

Mareschal, qu'il ne quittoit ny à l'armée ny à la Cour, et dont il

êtoit le confident.

3. L'auteur de cette Chanson prétend qu'Albergoti manquoit de Valeur.

 

 

                                                                                                            [138]

 

Par le secours de la Chouin4,

            Du Dauphin5,

Il pensoit faire à sa guise,

Mais un billet indiscret6,

            A tout net,

Déconcerté l'entreprise

                                    Si

 

4. Mademlle. Chouin êtoit fille d'honneur, et la confidente

de Marie-Anne legitimée de France, veuve de feu Louis-

-Armand de Bourbon Prince de Conty. On verra plus bas

article 6. qu'elle fut la conduitte, et la disgrace de cette fille.

5. Louis Dauphin de France, qui avoit commandee l'armée

de France, qui servoit en Flandres cette année 1694. et que le

Mareschal Duc de Luxembourg qui servoit sous lui, esperoit

de gouverner par le secours de Madlle. Chouin, parceque cette

fille gouvernoit Made. la Princesse de Conty sa maîtresse

et que cette Princesse avoit grand pouvoir sur l'esprit de Mgr

le Dauphin.

6. Pour l'intelligence de ce cy, il faut scavoir que ..... de

Clermont de Chatte Enseigne des Gendarmes du Roy,

êtoit assés heureux pour être aîmé de Made. la Princesse

de Conty, et être en commerce de Lettres de part et d'autres

mais elle aimoit de son côté Clermont, et en êtoit aimée,

de maniere qu'elle trahissoit sa maîtresse, qui ne servoit,

toute aimable qu'elle êtoit, que de pretexte aux amours de

Clermont, et de la Chouin, tres laide, tres puante, la pauvre

Princesse de Conty vivoit dans cette ignorance, et êtoit trahie

par sa suivante, et son amant. Car celui cy sacrifoit à la

Chouin les Lettres de la Princesse, au point, qu'il les lui

renvoyoit de l'armée. par malheur une de ces Lettres

sacrifiées avec celles de Clermont, fut interceptée par le

Roy, qui fut surpris comme on peut l'imaginer, aprenant

les amours de la Princesse sa fille naturelle, et la perfidie

                                                                                                des

 

 

                                                                                                            [139]

 

Si certain cas fut echeu7,

            Il eut crû

Estre du moins connestable,

Et faire ses Bredassiers8, } Et faire ses putassiers

            Tracassiers,

Tous gens fort considérables.

 

Mais s'il ne remplace point

            A son point,

Clermont9, et sa lorgnerie10,

                                                Je

 

 

des deux autres. Il envoya chercher cette Princesse, et lui

montra les Lettres, Elle ne put soutenir cet affront, Elle tomba

évanouie sur le Canapé du Roy, et ce Prince, tout en colere qu'il

etoit de la conduitte de sa fille, fut attendry de son état present,

il l'a releva l'embrassa, et lui promis qu'il ne lui parleroit jamais

de cette affaire; Elle de son côte suplia sa M. de chasser sur le

champ la Chouin et d'eloigner Clermont, afin qu'elle ne le vit

jamais, ce qui fut éxécuté à l'heur même.

7. Si le Roy Louis XIV. fut mort, Mr. de Luxembourg esperant

gouverner Mr. le Dauphin son successeur faisoit de grands

projets pour lui, et ses amis, car il étoit aussi plein de veuës

que s'il eut êté fort jeune.

8. Ses amis et ses Confidens, qui entroient dans toutes ses peurilités,

et dont les principaux êtoit Albergoti, Louis d'Oger

Marquis de Cavoye, Grand Maā des Logis de la Maison

du Roy, Jean Racine Gentilhomme ordre. de la Maison du

Roy, Clermont dont il vient d'etre parlé ...... d'Estaing

de Saillant Abé de St. Vincent de Senlis. Dreux-Louis du Gué

de Bagnoles Coner. d'Estat, Intendant en Flandres, &ca. tous ces

gens là formoient une ligue assés puissante à la Cour.

9. Duquel il a êté parlé article 6. et qui venoit d'être exilé

comme il a êté dit.

10. Clermont lorgnoit assez publiquement la Princesse de Conty,

                                                                                                            et

 

 

                                                                                                            [140]

 

Je tiens le party batu11,

            Et vraiment,

Adieu la tracasserie12.

 

et il êtoit surprenant que le Roy Louis XIV. si méfiant

ne s'en fut pas encore aperceu.

11. C'est a dire le Mareschal Duc de Luxembourg, et ses amis

qui éffectivement formoient un party à la Cour.

12. C'est a dire que par la disgrace de Clermont, et de la Chouin

Mr. de Luxembourg n'avoit plus personne qui le pût soutenir

dans les projets qu'il formoit sur Mr. le Dauphin, à moins

que par la suitte, il ne trouvast quequ'un qui les pût remplacer.

 

                                                                                                            [141]

Epigrammes                                                                            1694.

 

Sur la Satire faite contre les maris; par le

Sr. Renard Tresorier de France à Paris.

l'an 1694.

 

Quand Boileau1, bien ou mal, nous eut dépein les femes2,

On crût que l'himen alloit éteindre son flambeau;

Mais Renard aussitôt en raluma les fammes.

En donnant des Maris aux femmes de Boileau3.

 

Les Maris de Renard4, les femmes de Boileau5,

Font paroistre à nos yeux l'himen for redoutable6,

                                                                                    Le

 

 

1. On a veu plus haut parmy les pieces de 1693. que Nicolas

Boileau Sr. des Préaux, avoit fait une Satire sur les femes

a le mariage.

2. Cette Satire de Boileau qui disoit du mal des femmes ne fut

pas approuvée de tout le monde, et il y avoit du bon et du

mauvais.

3. Le Sr. Renard dans sa satire contre les maris les dépeint

avec de si vilaines couleurs; que l'auteur de cette Epigrame

a raison de dire qu'ils sont dignes des femmes que dépeint

Boileau.

4. Les maris que Renard a peint dans sa Satire.

5. Les femmes que Boileau a peint dans sa Satire.

6. Parce que les femmes et les maris sont peints si ridicules

et si fâcheux dans ces deux satires, que personne ne

voudroit se marier avec de telles créatures.

 

                                                                                                            [142]

Le Dieu d'himen pourtant est riant, jeune et beau;

Mais si comme l'amour, il veut se rendre aimable,

            Il faut qu'il porte son bandeau7.

 

7. Les anciens Poêtes avoient feint que l'amour portoit

un bandeau, parce que, lorsque l'on aime, on ne voit point

les défauts de l'objet aimé. L'auteur pretend qu'il faut être

de même dans le mariage, et passer legerement sur les

imperfections de ce qu'on a épousé, sans quoy on ne peut

être heureux en ménage.

 

                                                                                                            [143]

Chanson                                                                                  1694.

Sur l'Air de la Fronde.

 

Sur plusieurs personnes de l'un et de l'autre

Sexe, de la Cour, et de la Ville.

 

Albert1 seul ne te peut suffire,

C'est pourquoi tu prens Luxembourg2;

Il faut que tu sois en délire,

C'est de la rage au lieu d'amour

Choiseuil, Brion3 pouvoit sans peine

Te procurer meilleure aubeine;

Quoiqu'il l'ait fort long, et fort gros4,

La vieillesse a bein des défauts.

                                                            La

 

1. Ce Couplet s'adresse à ......... de la Baume le Blanc,

femme de Cezar-Auguste Duc de Choiseul Pair de France

Chevalier des Ordres du Roy, Lieutenant général de ses armées

laquelle aimoit Louis-Joseph Comte d'Albert Colonel

Lieutenant d'un Regiment de Dragons de Mgr le Dauphin.

2. La Duchesse de Choiseul accordoit aussi ses faveurs à

François-Henry de Montmorency-Luxembourg Duc de

Piney, Pair et Mareschal de France, &ca. qui avoit alors 67 ans.

3. ........... Nompar de Caumont de la Force, femme

de ........... de Briou Bourgeois de Paris.

4. Mr. le Mareschal Duc de Luxembourg avoit le V........

fort long et fort gros.

5. On a desja dit qu'il avoit 67. ans.

 

 

                                                                                                            [144]

 

La Polignac6, dit que Contade7

Est devenu mauvais acteur:

Elle fait cas de l'Embrassade

Du Prélat8 et de sa vigueur.

Depuis qu'elle à cet ordinaire

On ne peut plus la satisfaire,

L'Outil du pauvre petit Bouin9.

Luy paroist un virebrequin.

 

Monsieur de Reims est fort aimable,

On trouve peu de tels amans,

Il plaît au lit, et à la table,

Ce sont de merveilleux talens;

Polignac en est enchantée,

Il paye cher chaque journée;

Enfin il l'a sert à souhait,

Car il tient beaucoup du Mulet.

                                                            La

 

6. Marie-Françoise de Rambures femme de....... Comte

de Polignac Colonel d'un Regiment d'Infanterie.

7. Gaspard de Contade Lieutenant au Regiment des Gardes

Françoises, jeune homme fort bien fait, et fort vigoureux.

8. Charles-Maurice le Tellier Archevesque Duc de Reims

Pair de France, Commandeur des Ordres du Roy &ca.

9. ...... Bauin apelle vulgairement Bouin Conseiller au

Parlement de Paris.

 

                                                                                                            [145]

 

La Richelieu10 toujours espere,

Que Monseigneur11 la lorgnera,

Elle a crû trouver la maniere

De le charmer à l'Opera,

Où d'Entragues12 en femme habile,

La plus fameuse de la ville,

La conduisit d'un air serein;

Quoiqu'elles eussent pris trop de vin13.

 

Mais le Prince14 avoit dans l'idée

Quelqu'autre objet aparemment,

C'est une triste destinée

D'estre méprisé si souvent15,

On devroit se rendre justice,

Et moins compter sur l'artifice16,

Ses fleurs blanches font mal au cœur,

On connoît de son nez l'odeur.

                                                            Quel

 

10. Charlotte Mazarini femme de Louis Vignerot Marq.

de Richelieu Gouverneur de la Ferté.

11. Louis Dauphin de France.

12. ......... de .......... veuve de ........... d'Entragues.

13. La Marquise de Richelieu et la Comtesse d'Entragues

furent à l'Opera un jour que Mgr y êtoit, et Elles êtoient

toutes deux si yvres que tout le monde s'en aperceut.

14. Monseigneur.

15. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du sang,

avoit êté amoureux de la Marquise de Richelieu, et l'avoit

abandonné.

16. Sur le fard dont l'auteur pretend que se servoit la Marquise

de Richelieu.

 

                                                                                                            [146]

 

Quel sortilege a tu crû faire,

Puante Chouin17, double excrement,

As tu pû te flater de plaire,

Jusqu'a mener au sacrement18,

Ignores tu qu'une Rivale19,

Dont la beauté est sans égale

Punit un volage Berger20,

Et tost, ou tard scait se vanger.

 

Quand on vit arriver Soucelles21,

Chacun se disoit à la Cour,

Aparemment elle est pucelle,

Elle n'a point connu l'amour;

Mais tant s'en faut qu'elle soit neuve,

                                                            Elle

 

17. ............. Chouin fille d'honneur de Marie-Anne de

Bourbon Princesse legitimée de France, veuve de Louis-

-Armand de Bourbon Prince de Conty et du sang.

18. Lisez le Commentaire d'une des Chansons de cette année

precedentes, qui commence par ces mots Luxembourg

pour bredasser, vous y verrez ce que c'est que cette intrigue

de Mademoiselle de Chouin, qui en trahissant sa maîtresse

vouloit épouser le Comte de Clermont Enseigne des

Gendarmes du Roy.

19. La Princesse Douairiere de Conty, Princesse tres aimable.

20. Le Comte Clermont éxilé pour cela.

21. ............ de Soucelles fille d'honneur de Charlotte-

-Elizabeth de Bavieres femme de Philippes Duc

d'Orleans &ca.

 

 

                                                                                                            [147]

 

Elle en scavoit plus qu'une veuve22,

Luxembourg23 nous dit pour certain

Qu'elle imite bien l'Aretin.

 

22. Il n'est pas vray que Mlle. de Soucelles fut coquette quand

elle vint à la Cour.

23. François-Henry de Montmorency-Luxembourg Duc

de Piney, Pair, et Mareschal de France, qui étoit disoit on,

amoureux et bien traité de Madlle. de Soucelles.

 

 

                                                                                                            [149]

Chanson                                                                                  1694.

 

Sur l'Air du Noel de ........

 

Sur plusieurs personnes de la Cour, et de la

ville, de l'un, et de l'autre Sexe.

 

De Brosse1. dans son Chasteau2,

            Oh oh,

Attendoit en allegresse,

Que d'Albret3 dessous l'Ormeau,

            Oh ohl

Sans l'himen la fit Princesse4;

Mais hélas sa joye est changée en tristesse,

Car point n'ira son Altesse5,

Faire un Chefdoeuvre si beau,

            Oh, oh, oh,

Faire un Chefdoeuvre si beau.

 

Sassenage6 n'est pas beau,

            Oh oh,

                                                Et

 

1. .......... Dlle. de Brosse.

2. voyez 4.

3. Emanuel-Theodoze de la Tour d'Auvergne Duc d'Albret

fils aîné du Duc de Bouillon.

4. Mlle. de Brosse aimoit le Duc d'Albret, et l'attendoit au retour

de l'armée dans son Château de ...... en ..... pour coucher

avec lui, a ce que pretend l'auteur.

3. le Duc d'Albret, la Maison de la Tour d'Auvergne avoit

rang de Princes en France.

4. ....... Comte de Sassenage 1er. Gentilhomme de la

                                                                                    Chambre

 

 

                                                                                                            [150]

 

Et pourtant on se démene7,

Pour avoir ce jouvenceau,

            Oh, oh,

J'en scay la raison certaine,

Chastillon8, Tonerre9, et Martel-Fontaine10,

Ne scauroient plus trouver sans peine,

Des marqueurs pour leur tripot11,

            Oh, oh, oh,

Des marqueurs pour leur tripot.

 

D'Espinoy12 ce pauvre sot,

            Oh, oh,

S'aplaudit d'avoir sceu faire

A sa femme un gros marmot13,

            Oh, oh,

                                                            Pour

 

Chambre de Philippes fils de France, Duc d'Orleans &ca.

7. Le Comte de Sassenage plaisoit à beaucoup de femmes, peut

être parce qu'il êtoit jeune, et avoit le nez long.

8. .......... de Brouilly femme de Henry-Alexis de Chastillon

1er. Gentilhomme de Philippes fils de France Duc d'Orleans,

&ca. et De. d'Atour de Charlotte-Elizabeth de Bavieres Duchesse

d'Orleans.

9. ............. de Hanyvel de Menevilette, femme de .....

de Clermont Comte de Tonnerre.

10. .......... de Bordeaux, femme de ........ Martel

Comte de Martel-Fontaine, 1er. Escuier de Francoise-Marie

de Bourbon legitimée de France, femme de Philippes

d'Orleans Duc de Chartres  &ca.

11. C'est a dire de Galands.

12. Louis de Melun Prince d'Espinoy Colonel du Regiment

de Picardie.

13. Elizabeth de Lorraine femme du Prince d'Espinoy

                                                                                    laquelle

 

 

                                                                                                            [151]

 

Pour obeïr à sa mere14,

Par hazard, si malgré les soins de la mere15,

Cet Enfant ressemble à son pere16,

Au diable, le pauvre sot,

            Oh oh oh,

Au Diable le pauvre sot.

 

Feuquieres17, n'est pas fort beau,

            Oh oh,

Cependant on se démene

Pour avoir ce Jouvenceau,

            Oh oh,

                                    J'en

 

laquelle avoit accouché d'un garçon.

14. Pélagie Chabot de Rohan Princesse Douairiere d'Espinoy

avoit marié son fils le ......... avec Elizabeth de

Lorraine, celle cy avoit accouché d'une fille morte née, et sa

belle mere craignoit qu'elle n'eut plus d'enfant d'autant plus

qu'elle êtoit 10. ans plus vieille que son mary. Cette Douairiere

qui aimoit avec fureur son fils qui êtoit alors unique, et la

maison de ce fils ne cessoit de le solliciter de coucher avec sa

femme; celui cy d'une humeur for extraordinaire, et fort

rustre, n'aimoit point son épouse, qui etoit fort belle et

fort vertueuse; ainsi ce ne fut pas sans de grandes solli=

=citations de la part de sa mere que le Prince d'Espinoy se

résolut d'engrosser sa femme.

15. Ce cy est une médisance affreuse, car la Prince d'Espinoy

êtoit pleine de vertu, et ce que l'auteur veut icy insinuer des

soins qu'elle avoit pris pour faire des Enfans, qui ne ressemblassent

pas au Prince d'Espinoy est une fausseté atroce.

16. Au Prince d'Espinoy.

17.  ....... de Pas Marquis de Feuquieres Gouverneur des

ville et Citadelle de Verdun, Lieutenant general des armées

                                                                                                du

 

 

                                                                                                            [152]

 

J'en scais la raison certaine;

Marillac18 fatigué de garder la belle19,

Ne peut se défaire d'elle,

Sans lui donner ce magot20,

            Oh oh oh,

Sans lui donner ce magot.

 

Hocquincourt21, s'écrie tout haut,

            Oh oh,

Je ne veux point de Feuquieres,

On me prendroit pour un sot,

            Oh oh;

S'il devenoit mon beau frere,

Son humeur22, avec sa mauvaise mine,

                                                                        Le

 

du Roy, homme fort laid, et fort décrié pour son mauvais

cœur.

18. René de Marillac Coner. d'Estat ordinaire, Coner. d'honneur

en tous les Parlemens de France.

19. L'auteur entend icy Marie-Madelene de Monchy d'Hoquin=

=court, jeune, aimable et riche demlle. qui n'avoit ny pere ny mere,

et qu'on parloit de marier avec le Marquis de Feuquieres, ce qui

arriva peu aprés. l'auteur veut que Mr. de Marillac pressast

ce mariage pour se défaire de Madlle. d'Hocquincourt qui êtoit alors

chez luy comme sa parente.

20. On a desja dit que Feuquieres êtoit fort laid et fort méchant.

21. Louis-Leonor de Monchy d'Hocquincourt abé et alors

l'aîné de sa Maison, parce que Charles et Jean-Georges et ses freres

ainez avoient eté tuez à l'Armée. Il s'oposoit au mariage

de Madlle. d'Hocquincourt sa sœur avec Feuquieres, fondé sur

la disproportion de l'age, car celui cy êtoit beaucoup plus

vieux, et outre cela sur sa laideur et ses mauvaises qualitez

qui ne permettoient pas de croire qu'une femme pût être heureuse

avec luy.

22. C'est a dire sa méchanceté et son mauvais cœur.

 

 

                                                                                                            [153]

 

Le rend propre à Proserpine23,

C'est la femme qu'il lui faut,

            Oh, oh, oh,

C'est la femme qu'il luy faut.

 

23. Proserpine selon les Payens, êtoit la Déesse des Enfers.

 

 

                                                                                                            [155]

Sur Madame de M...........                                                                               1694.

 

En stile Marot.

 

 

C'est le destin de la gent pretaniere,

Qu'age augmentant, n'augmente le profit,

Et tel se vend, commençant sa carriere,

Qui bien souvent achete le déduit;

Partant ne puis de la prude amarante,

Assez louer les talens inoüis;

Jeune elle êtoit, d'un Eseu trop contente,

Aujourd'huy vieille, elle prend un Louis.

 

 

 

                                                                                                            [157]

Chanson                                                                                                          1694.

 

Sur l'Air des Branles de Metz.

 

Sur plusieurs personnes de l'un et de l'autre

sexe de la Cour et de la ville.

 

Richelieu1 vous voulez plaire,

A nôtre amoureux Dauphin2;

Mais croyez moy, c'est en vain,

Car il ne vous veut rien faire,              {Conty qui vous a quitté

Conty3 qui vous a quitté                     {A bien gâté votre affaire,

L'en a beaucoup dégoûté4.

 

On dit que d'Armenonville5,

Jouit de tous vos appas;

Peut on faire un choix si bas,

Vous n'etes pas trop habile,

                                                De

 

1. Charlotte Mazarini femme de Louis de Vignerot Marquis

de Richelieu, Gouverneur de la Fere.

2. Louis Dauphin de France.

3. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du Sang,

Chtr des Ordres du Roy &ca.

4. Le Prince de Conty avoit êté amoureux, et dit on bien traité

de la Marquise de Richelieu, et l'on disoit qu'il l'avoit trouvée

fort puante, surtout par le C..... et le nez.

5. Joseph-Jean-Baptiste Fleuriau Sr. d'Armenonville,

Intendant des Finances, qu'on disoit alors amoureux, et bien

traité de la Marquise de Richelieu.

 

                                                                                                            [158]

 

De vous entester d'un fat;

Vous avez de la beauté,          {Vous êtes un peu trop facile

Qui si souvent prend un rat;

Scachez mieux en profiter.

 

Valentinois6, tous vos charmes,

N'ont donc pas sceu l'arrester7,

Il est salle {se lasse} est salle de payer;

Croyez moy sechez vos larmes;

Laissez faire à la Ferté8,          {Emploiez ailleurs vos armes

Elle en a un tout trouvé9.        {Laissez faire à la Ferté,

 

Rohan10 me paroist tranquille,

De sa femme11 il ne craint rien,

                                                            Je

 

6. Marie de Lorraine femme d'Antoine Grimaldi, Duc de

Valentinois &ca. elle êtoit fort belle.

7. Louis-François le Tellier Marquis de Barbezieux, Chancelier

des Ordres du Roy, Secretaire d'Estat au Département de la guerre.

On a veu par quelques pieces de ce Recueil qu'il avoit êté amoureux

de la Duchesse de Valentinois, et ne l'estoit plus.

8. Marie-Isabelle-Gabrielle-Angelique de la Motte-Houdancourt

femme de Henry de Sennecterre Duc de {la} Ferté-Sennecterre

Pair de France, qui avoit êté la confidente de la Duchesse de

Valentinois, et du Marquis de Barbezieux.

9. Elle êtoit excellente maquerelle, et la Duchesse de Valentinois

belle comme le jour, l'auteur conclud de là que celle cy ne sera

pas longtems sans amant.

10. Hercules-Meriadec Prince de Rohan Colonel d'un

Regiment de Cavalerie, gouverneur de Champagne et Brie.

11. ......... de Levy de Ventadour, cy devant veuve de Louis

de la tour d'Auvergne Prince de Turenne.

 

 

                                                                                                            [159]

 

Je connois certain blondin12,

Qui publie par la ville,

Que l'on a beau la garder13,               {Qu'il n'en est que plus facile,

Elle fait son premier métier14.            {Que l'on a beau la garder,

 

La Feuillade15 est en colere,

De voir que la Chambonneau16,

Est plus douce qu'un agneau,

Quand Conty17, sans trop d'affaire,

Obtient d'Elle en un moment,            {Le don d'amoureux mystere,

Ce qui finit son tourment.                  {Obtient d'elle en un moment,

 

Saint Quentin18 tu es à plaindre,

Tu ne trouves plus d'amans,

Il te faudroit de l'Argent;

Pour toy je commence à craindre

Qu'on ne veuille plus payer                {Cessus donc de te contraindre;

Le retour de ta beauté.                       {Qu'on ne veuille plus paier

                                                Pour

 

12. .............. .

13. Anne de Chabot de Rohan, Princesse de Soubize

regardoit de fort prés aux actions de la Princesse de Rohan

sa belle fille.

14. On a veu dans quelques pieces precedentes de ce Volume que la

Princesse de Rohan, pour être fort gallarde dans le tems

qu'elle êtoit veuve du Prince de Turenne.

15. ...... d'Aubusson de la Feuillade Duc de Roannez

Colonel d'un Regiment de Cavalerie, Gouverneur du Dauphiné.

16. Putain de Paris que le Duc de Feuillade entretenoit.

17. Francois-Louis de Bourbon Prince de Conty et du sang &ca.

18. Dlle. de qualité de Normandie, et grande putain.

 

 

                                                                                                            [160]

Pour toy charmante Villere19,

Tu ne t'es point démenti20,

Tu as pris Albergoti21,

Reste indigne de la terre,

Pour remplacer Périgny22;                  {Il merite de te plaire,

Tu ne pouvois mieux choisir               {Pour remplacer Perigny

 

Oh malheureuse Duchesse,

Dis nous oh laide Choiseuil23,

Ton C..... est il en grand deuil,

Montre t'il de la tristesse,

Albert24 est emprisonné25,     {Malgré toute ta tendresse

Il est réduit à jeuner26.            {Albert est emprisonné,

                                                                                                Foix

 

19. C'êtoit la sœur de Madlle. de St. Quentin autre grande putain que

le Marquis de Seignelay Ministre et Secretaire d'Estat, avoit

longtems entretenue, et dont il avoit même des Enfans. Elle êtoit

aussi grande putain, et avec dix mil Ecus que Mr. de Seignelay lui avoit

donnez en mourant. Elle s'etoit marié avec un Gentilhomme Normand

apellé Villiers-le Tirant, et non pas Villere, comme dit cette Chanson.

20. C'est a dire tu es aussi grande putain que ta sœur de St. Quentin.

21. Albergoti Maāl des Caps et armées du Roy, Florentin

de nation, insigne fripon, Espion, raporteur, fourbe &ca.

22. ............. de Périgny.

23. ............. de la Baume le Blanc, femme de Cezar-August de

Choiseul Duc de Choiseul, Pair de France, Chevalier des Ordres du

Roy, Lieutenant general de ses Armées &ca.

24. Le Comte d'Albert êtoit alors à la Conciergerie du Palais de Paris

pour s'etre battu contre un nommé Reynac*, cy devant major du

Regiment de Navarre, et Commandant dans la ville et Chasteau

d'Huy au païs de Liege que les Ennemis avoient pris le ....... .

26. C'est a dire à se passer de maitresse.

 

*Barberin de Reynac.

 

                                                                                                            [161]

 

Foix27, ne crains tu point d'affaire

Avec un certain Prélat28,

Polstron29 n'est pas un fat,

Comment as tu pû lui plaire30,

Ce grivois aime l'argent,                     {Pour vouloir gratis rien faire,

Je le scay d'un President31.                 {Ce grivois aime l'argent,

 

D'Espinoy32, garde ta femme33,

Et ne fais plus de Chansons34,

Malgré tes doctes leçons;

Elle brûle au fond de l'ame;

Pour Sully35, qui dit partout

Que tres souvent il la f ..... .

 

27. Marie Charlotte de Roquelaure femme de Henry-Charles

de Foix Duc de Rendan Pair de France, Chevalier des

Ordres du Roy &ca. et

28. Frere de l'Esvesque de Tours.

29. Jeune Officier au Régiment des gardes Françoises.

30. C'est qu'il êtoit sodomite.

31. On a pû voir dans une piece de cette année qu'Achilles de

Harlay 1er. President du Parlement de Paris, aimoit et entretenoit

ce petit Polastron.

32. Louis de Melun Prince d'Espinoy &ca. Colonel du Régiment

de Picardie.

33. Elizabeth de Lorraine.

34. Il êtoit soubçonné d'avoir fait plusieurs Chansons contre le

tiers et le quart.

35. On a pû voir dans quelques pieces de cette année, qu'on accusoit

la Princesse d'Espinoy, d'aimer Maximilien-Henry de Bethune

Chevalier de Sully, et lui d'etre amoureux d'Elle; mais c'est

une médisance, car elle êtoit fort vertueuse.

 

 

                                                                                                            [163]

Chanson                                                                                                          1694.

 

Sur l'Air: sur la gentille rive, la rive de

Lignon.

 

Sur l'heureuse arrivée de Made. la Marquise

de Louvois, dans son Comté de Tonnerre,

et Baronnie d'Ancy-le Franc. par Mr. de Coulanges.

 

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson,

Il faut Ancy- le Franc célebrer en Chanson,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

Il faut Ancy le Franc célebrer en Chanson,

A grands frais le bâtit Antoine de Clermont,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

A grands frais le bâtit Antoine de Clermont,

Sa devise est partout, partout son Ecusson,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

Sa devise est partout, partout son Ecusson,

Bernardin épousa l'héritiere d'Usson,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

Bernardin épousa l'héritiere d'Usson,

Et Tonnerre par là tomba dans sa Maison.

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

                                                                                                            [164]

 

 

Et Tonnerre par là tomba dans sa Maison.

Maintenant ces Chasteaux ont changé de Patron,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

Maintenant ces Chasteaux ont changé de Patron,

Les posse aujourd'huy Dame de grand renom,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

Les possede aujourd'huy Dame de grand renom,

Dame Anne de Souvré, qu'on vante avec raison,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

Dame Anne de Souvré, qu'on vante avec raison,

A qui le Ciel donna des vertus à foison,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

 

A qui le Ciel donna des vertus à foison,

Suffit pour la louer de prononcer son nom,

Sur la gentille rive, la rive d'Armenson.

                                                           

                                                            Imprimé à Ancy le Franc.

 

                                                                                                            [165]

Madrigal                                                                                                          1695.

 

A Françoise de Sévigné, femme de

François Adhemar de Monteil Comte de

Grignan &ca. Chevalier des Ordres du Roy,

Lieutenant général pour sa Majesté au Gou=

=vernement de Provence; sur le mariage de

Louis-Provence Adhemar de Monteil Mqs

de Grignan, Colonel d'un Regiment de

Cavalerie son fils, célebré le 3. Janvier 1695.

 

            Cette beauté brillante et fiere1,

En joignant vos leçons2 à ses Charmes vainqueurs3;

Prendra bientost la part que vous lui voudrés faire,

            Dans l'Empire des cœurs4.

 

1. La nouvelle Marquise de Grignan.

2. Madame la Comtesse de Grignan avoit êté fort belle, et

fort coquette, et avoit même beaucoup de Charmes.

3. La Marquise de Grignan êtoit aussi fort aimable.

4. La Comtesse de Grignan avoit eu beaucoup d'amans.

 

 

                                                                                                            [167]

Epitaphe.                                                                                                         1695.

 

De François-Henry de Montmorency-

-Luxemborug, Duc de Pincy, Pair et Maāl

de France, Chevalier des Ordres du Roy,

Comte de Bouteville, Lusse et Ligny en

Barrois, Sgr de Precy, Dangu, &ca. Capitaine

de la plus ancienne Compagnie Françoise des

Gardes du Corps, Gouverneur de Nrmandie

en survivance de son fils Charles-François

de Montmorency-Luxembourg Duc de

Beaufort, Commandant pour sa Majesté

dans ladite Province, mort à Versailles le 4.

de Janvier 1695.

 

 

 

Icy gist qui malgré l'envie

Qu'on eut d'attenter à sa vie1,

                                                            Fut

 

1. Pour l'intelligence de ce cy, il faut scavoir, que la Mareschal

Duc de Luxembourg s'etoit brouillé l'an 1678. avec François-

-Michel le Tellier Marquis de Louis ministre, et Secretaire

d'Estat &ca. Celui cy le fit accuser d'etre sorcier, pour avoir êté

par curiosité chez une dévinaresse nommée la Voisin qui fut

brûlée dans la greve à Paris par arrest d'une Chambre extra=

=ordinaire, que le Roy Louis XIV. avoit établie à l'Arsenal

pour juger plusieurs personnes accusées de magie. Le Maāl

Duc de Luxembourg fut obligé de se mettre à la Bastille,

et tout Officier de la Couronne qu'il êtoit, il fut jugé lui même

par cette Chambre, où il courut beaucoup plus de risque par

l'animosité de Mr. de Louvois, qui conduisoit cette Chambre

que par sa prétenduë sorcellerie; car il fut absous.

 

 

                                                                                                            [167]

 

Fut aimé du plus grand des Rois2,

Et qui de victoire en victoire,

Poussa ses illustres exploits

Jusques au comble de la gloire3;

Son infatigable valeur,

Répandoit partout la terreur4;

Et sous ce heros les Armées

Toujours à vaincre, accoutumées,

Ne craignoient que de n'avoir pas,

Assés d'Ennemis a défaire,

Ou de les voir dans les Combats

Trop indignés de leur colere.

Destins, il êtoit donc escrit

Qu'il ne trouveroit qu'en son lit

La mort qu'au milieu des Batailles,

Et parmy tant de Funerailles

Il chercha si longtems en vain;

Pleure, France sa triste fin,

Ou plustost ton sort déplorable,

                                                            Tu

 

2. Louis XIV. auprés duquel ce Maāl Duc de Luxembourg

revint en grace aprés son Arrest d'absolution, et quelques

mois d'exil dans ses Terres.

3. On peut voir par les pieces précedentes qui sont de ce Volume

les glorieuses actions de ce Seigneur.

4. On peut voir de même quelle supériorité il avoit sur les

armées ennemies, puisqu'il ne les a jamais combatuës qu'il

n'ait remporté la victoire.

 

                                                                                                            [169]

 

Tu viens de perdre ton apuy5;

Desormais France, inconsolable,

Qui te déffendra comme lui6.

 

5. Il est certain que le Mareschal Duc de Luxembourg êtoit

l'appuy de la France, puisqu'outre la supériorité qu'il

s'etoit acquise par son bonheur et sa capacité sur les armées

Ennemies, il ny avoit point de general dans le Royaume,

de la conduitte duquel on pût esperer de si heureux succés

dans le Commandement des Armées,

6. Il est certain que de tous les Generaux dont le Roy se

servoit alors, personne n'etoit capable de le remplacer.

 

 

                                                                                                            [167]

Chanson

 

Sur l'Air: du secours de Philisbourg,

            ou

du petit Comte de Tallard.

 

Sur la mort de Mr. de Montmorency-

-Luxembourg.

 

Le bon Luxembourg en mourant

A fait un tres beau Testament,

Et digne d'un tres grand Capitaine;

Il a rendu son ame à Dieu,

Mais on doute fort qu'il la prenne,

C'est ce qui nous importe peu.

 

Il rend tout le monde content,

Sur le fait le plus important,

Que la chose est bien digérée,

Ce heros plein de bonne foy

Laisse au grand Conty son Epée

Son Baudrier à Villeroy.

 

 

                                                                                                            [171]

Chanson.                                                                                                         1695.

 

Sur l'Air de l'hirondelle. [X]

 

Les tristes regrets des fidelles François, sur

la mort de Mr. le Mareschal Duc de

Luxembourg.

 

François regrétons nuit et jour

La mort du grand Luxembourg,

C'estot un grand appuy de la France,

Partoit dedans le Champ de Mars,

Il a paru dedans tous les hazards,

En faisant voir sa vaillance.

 

Et pour la foy de Jesus Christ

Il a batu les Ennemis.

Cestoit un vray pillier de l'Eglise,

Dans les attaques et dans les Assauts,

Combattant secondez du tres haut,

A fait plusieurs entreprises.

 

Mais nostre divin Créateur

A pris son bon serviteur,

Dans son Paradis lui a fait place

Pour récompenser ses bienfaits.       

 

                                                                                                            [172]

 

Dedans le Ciel il l'a mis en paix,

Dieu lui a fait cette grace.

 

Regretons tous braves Soldats,

La mort de ce Général,

Pleurez la mort de ce grand heros d'armes,

De Monseigneur de Luxembourg,

En France on le regrette partout

Depuis qu'il a rendu l'ame.

 

N'y a point de brave guerrier

En tout lieu en tout quartier

Qui ne le pleure, et qui ne regrette

Le Mareschal de Luxembourg,

Et qui n'accuse le malheureux jour

Qui nous cause cette perte.

 

Les Prophetes l'ont annoncé,

Chacun en scait la vérite,

L'on n'en doute plus dedans la France,

Il nous prédisoit seulement,

Qu'il auroit bientost la mort d'un grand,

Tristesse et réjouissance.

 

L'on entend à cette fois,

Les Anglois, et les hollandois

                                                Dans

 

                                                                                                            [173]

 

Dans leur païs et dessus leur terre,

Chanter la mort de Luxembourg,

Se réjouissant chacun à leur tour

De ce grand foudre de guerre.

 

Luxembourg ce brave guerrier,

Est mort couvert de Laurier;

Dieu lui veuille donner la récompense.

Il le retient auprés de lui,

Et il place {de} dans le Paradis,

Ce grand suport de la France.

 

Le Roy le regrette en ce jour,

Et les Princes de la Cour,

En ont un grand regret de dans l'ame;

Tous les Officiers et Soldats

Regrettent le funeste trépas

De ce généreux Gend'arme.

 

Il est mort ce grand Luxembourg,

La mort à finy ses jours

Le quatre de Janvier dedans Versailles;

Prions le grand Dieu tout puissant

Qui le mettent dedans son firmament;

Aprés ses belles Batailles.

                                                                                               

                                                                                                            [174]

 

1695.               Epigramme

 

Sur la mort du même François-Henry de

Montmorency-Luxembourg, Duc de Piney,

Pair et Mareschal de France, Chevalier des

Ordres du Roy &ca.

 

            Aprés cent Combats éclatants,

            Toujours suivis de la Victoire1,

Luxembourg à finy la course de ses ans;

Le Roy, la Cour, l'armée honorent sa mémoire,

D'éloges, de regrets véritables et grands;

Quelle gloire pour lui? quel trait pour son histoire?

            Fasse le Ciel que cette gloire

            N'augmente pas avec le tems2.

 

 

1. Jamais homme n'a êté plus heureux à la guerre que le Mareschal

Duc de Luxembourg, il a vaincu partout où il a combattu.

2. L'auteur veut dire icy que les généraux qui devoient commander

l'armée, que sa mort laissoit sans Général, lui étoient tellement

inferieurs, et devoient trouver tant de difficulté, que s'acquittant

mal de leur employ, la gloire de leur prédécesseur en paroistroit

encore plus éclatante par la suitte.

 

Nota; Que cette Epigramme est une Parodie de l'Epitaphe

d'Antoine Arnauld, qu'on peut voir parmy les pieces de l'an 1694.

 

 

                                                                                                            [175]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

En bouts rimez, à Marie-Anne de

Bourbon Princesse légitimée de France,

veuve de Louis-Armand de Bourbon

Prince de Conty et du Sang.

 

Tout plaît, tout allarme en vous, et la taille et le .... buste1,

Le feu de vos regards embrase les ...... glaçons,

De mirtes amoureux moins faisoit de .... moissons

Celle fit filer la main la plus .... robuste2.

 

On voit dans vos beaux yeux briller le sang ... auguste,

Qui donne à tous les Rois d'immortelles .... leçons2,

Mais Princesse, oserai-je en mes foibles .... chansons

Parler de votre esprit grand, poly, noble .... juste4.

 

Telle qu'on peint Junon5 severe sans .... orgueil,

                                                                                    Des

 

1. Madame la Princesse de Conty Douairiere avoit une taille et

un air admirable.

2. Omphale Reine de Lydie qui ayant rendu Hercule amoureux

d'Elle, le posseda a tel point, qu'il s'habilla en fille, prit une Quenouille

et fila avec les filles de cette Princesse, c'est ce que les payens

disoient dans la vie fabuleuse de ce heros.

3. La Princesse de Conty êtoit fille naturelle de Louis 14. Roy de

France, et de Jeanne de la Baume le Blanc Duchesse de la

Valiere, et c'est de ce Prince que l'auteur entend parler icy.

4. Je suis surpris que l'auteur se soit étendu sur l'esprit de cette

Princesse, car ce n'estoit pas par là qu'elle brilloit.

5. La Déesse Junon sœur et femme de Jupiter le Me. des Dieux

selon les Payens.

 

                                                                                                            [176]

Des graces vous avez le séduisant ..... accueil,

Cependant prés de vous je ne scais quelle ... digue.

 

Des cœurs les plus touchez suspend tous les .... ressorts

Et les dons précieux que l'amour vous .... prodigue

Inspirent même aux Dieux d'inutiles ... transports.

                                                                                    Madlle. de Murat.

 

 

            Envoy.

 

d'Hipocrene aujourd'huy j'emprunte le secours,

            Vous permettez que l'on vante vos Charmes,

Mille et mille Rivaux dans la lice où je cours,

            Me causent de justes allarmes;

Mais Princesse songez que ces foibles mortels

Brûlent le même encens sur differens autels,

Et pour d'autres sujets, quand Apollon m'apelle,

Deussent ils me donner une gloire immortelle,

Loin de les célebrer, je les néglige tous;

Ma muse à vos beautez sera toujours fidelle,

            Et n'a jamais chanté que vous.

 

Pour l'intelligence de ce cy, il faut scavoir, que ce sonnet et les

suivants, avoient êté faits sur le bruit qui s'estoit répandu à Paris

que le Prince de Conty avoit promis son Portrait, à celui ou celle

qui feroit le plus beau Sonnet à sa louange, sur ces bouts rimez;

mais cela êtoit faut; Cependant c'est sur ce bruit que tous les Poëtes

s'estoient mis en devoir de mériter ce prétendu prix proposé.

 

                                                                                                            [177]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même, sur mêmes rimes, par

Louis Duc de Bourbon Prince du Sang,

Chevalier des Ordres du Roy, Pair, et Grand

Me. de France, Gouverneur de Bourgogne,

et Bresse, en survivance de Henry-Jules de

Bourbon Prince de Condé 1er. Prince du Sang

son pere.

 

J'adore tout en vous, l'esprit, l'ame, et le .... buste,

Je bruslerois pour vous au milieu des ... glaçons

Si de tant de beautez, je faisois des ... moissons

J'egalerois la nuit du héros si .... robuste1.

 

L'amour vous a fait naître2 avec un air.... auguste,

Vous êtes son ouvrage, écoutez ses .... leçons

Ne les regardez pas comme vaines .... chansons,

Donnez lui vôtre cœur, c'est un tribut trop ... juste.

 

Vous avez de Venus3 la noblesse, et l'orgueil,

                                                                        Pour

 

1. Hercules que les Payens disoient avoir dépucellé en une nuit

50. filles.

2. La 1re. Douairiere de Conty êtoit fille naturelle du Roy Louis

XIV. et de Jeanne de la Baume le Blanc Duchesse de la Valliere.

3. Venus êtoit la Déesse de la beauté et de la galanterie selon les

Payens qui la disoient mere des amours et suivie partout des graces.

 

 

                                                                                                            [178]

 

Pour un Dieu cependant elle eut un tendre .... accueil4,

Sa fierté fut alors une inutile .... digue.

 

Heureux si comme lui pris dans mille .... ressorts5,

De vos beautez pour moy vous deveniez .... prodigue,

Je rendrois tous le Dieux jaloux de mes ... transports.

                                                                                   

                                                                        Par. Mr. le Duc.

 

 

Envoy6

 

Princesse trouvez vous quelque chose d'etrange

            Dans ma témérité,

Songez que les désirs sont la juste louange

            Qu'on doit à la beauté.

                                                            Par la Fare

 

4. Ovide dans la 5e. Fable du 4e. Livre de ses Metamorphoses, raconte

que Mars Dieu de la Guerre, et Venus s'aimoient, et qu'etant

couchés ensemble, le soleil rival de Mars en avertit Vulcain, mary

de Venus, ce Dieu cy fils de Jupiter et de Junon, et le Dieu des

Forgerons, fit de petites chaines si délicates qu'ils êtoient presque

imperceptibles, et en ayant entouré le lit où étoient Mars et Venus,

et en ayant averti les Dieux, les amena tous sur les lieux et leur

fit voir ces amans couchés ensemble, cette Fable est fort triviale.

5. Ce sont ces filets dans lesquels Vulcain prit Mars et Venus

couchés ensemble; c'est à dire en bon françois que le Duc de

Bourbon voudroit bien aussi avoir êté pris couché avec la

Princesse de Conty.

6. Cet Envoy a êté fait par Charles-Auguste de la Fare-Laugiere

apellé le Marquis de la Fare Capitaine des Gardes du Corps de

Philippes de France Duc d'Orleans, et dans cet Envoy il fait une

maniere d'Apologie de ce Sonnet, lequel éffectivement est fort libre.

 

 

                                                                                                            [179]

 

Vers Irréguliers                                                                                                           1695.

 

Adressés à Louis Duc de Bourbon Prince

du sang, au sujet du Sonnet précedent qu'il

avoit fait pour Made. la Princesse de Conty.

 

            Adressez mieux vôtre Sonnet

            De la Déesse de Cithere1,

Votre épouse icy le plus digne Portrait,

Et si semblable en tout, que le Dieu de la guerre2

La voyant dans vos bras, entreroit en couroux.

Mais ce ne seroit pas la premiere avanture,

Ou d'un Condé Mars eut êté jaloux3,

Adieu grand Prince, heureux Epoux,

Vos vers4 semblent faits par voiture5.

                                                            Pour

 

1. L'auteur veut parler icy de Françoise de Bourbon Princesse

légitimée de France, femme de Louis Duc de Bourbon

et l'a compare à Vénus, apellée la Déesse de Cythere, parceque

cette Isle lui étoit consacrée, a cause que cette Princesse êtoit jeune

belle, et aimable, telle qu'on peint Venus. Nota que ces Vers sont

relatifs au sonnet precédent.

2. Le Dieu Mars.

3. L'auteur veut icy parler de feu Louis de Bourbon Prince

de Condé, et du sang, grand pere du Duc de Bourbon, et si

fameux par ses Exploits que le Dieu de la guerre en eut êté

jaloux avec raison.

4. Le Sonnet precendent dont le Duc de Bourbon êtoit l'auteur.

5. Tout le monde a leu les Lettres et les poësies du feu Sr. de Voiture,

                                                                                                                        et

 

                                                                                                            [180]

 

Pour la Venus que vous avez chez vous.

 

et connoist ce Poëte si galand, qui vivoit en France pendant

la régence de la Reyne Anne d'Autriche et la minorité du

Roy Louis XIV.

 

 

                                                                                                            [181]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même, sur les mesmes rimes.

 

Celui qui vous verroit jusqu'au dessous du ... buste

Fut il né plus gelé que sont les .... glacons,

Brusleroit mille fois plus qu'autems des moissons

Ne brusle au grand soleil le Laboureur ... robuste.

 

En vain lorsqu'on vous voit une naissance ... auguste

Inspirent du respect les timides .... leçons,

Ce que la raison dit ne paroist que ... chansons,

Où le cœur dit qu'amour est un tribut trop .... Juste.

 

Armez vous contre nous dit plus Farouche.... orgueil,

Oposez à nos vœux le plus sévère ... acceuil

Tout contre vos appas est une foible.... digue.

 

Quand vos yeux d'un cœur tendre animent ressorts

La nature pour vous en miracles .... prodigue

En feroit un plus grand d'arrester nos .... transports.

 

Ce sonnet n'a pas besoin de commenataire.

 

                                                                                                            [182]

 

Sonnet                                                                                                            

 

A la même, sur les mêmes rimes.

 

Permets à l'Univers de t'élever un ..... buste

L'amour t'a fait connoître où regnent les ... glaçons1

De l'un à l'autre Pole, il t'a fait des .... moissons

Le plus foible pour toy vraiment le ... plus robuste.

 

Ce Dieu2 présida seul à ta naissance ... auguste3,

Princesse, tu devrois écouter ses ... leçons

Tu traite tous nos vœux d'inutiles ... Chansons,

Se faire aimer de tous, sans aimer, est il ... juste.

 

De Pallas dans ton air on voit le noble ... orgueil4,

De Venus dans tes yeux on voit le noble .... accueil5,

La raison ne peut pas toujours servir de .... digue.

 

Je connois dans les cœurs de trop puissans .... ressorts,

Et nature pour toy de Graces si ..... prodigue

Ne nous laisse jamais maîtres de nos ... transports.

 

1. C'est a dire les païs du nord, comme la Suede, Norvege &ca.

2. L'amour.

3. Cette Princesse êtoit fille naturelle du Roy Louis XIV. et

de Jeanne de la Baume le Blanc Duchesse de la Valliere.

4. Pallas selon les payens Déesse de la guerre.

5. Venus selon les Payens, Deesse de la volupté.

 

                                                                                                            [183]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même, sur les mêmes rimes.

 

Les graces de concert aiment vôtre ... Buste,

Mais vôtre cœur, Conti, plus froid que les ... glaçons

De vos yeux sans danger voit les riches ... moissons

Et réduit sans pouvoir l'amour le plus .... robuste,

 

Vôtre esprit, vôtre air doux, et vôtre port ... auguste1,

Feroient faire souvent de severes ... leçons

D'inutiles soupirs et de tendres .... chansons;

Mais oser vous aimer, n'est ni permis2 ni juste.

 

Le sang du grand Louis3 inspire sans ... orgueil

Une noble fierté sous un civil .... accueil

Qui sert contre l'amour d'une puissante ... digue.

 

Prés de vous il joueroit en vain tous ses .... ressorts,

La vertu dont le Ciel fut pour vous si .... prodigue.

                                                                                    Calmeroit

 

1. Rien n'estoit comparable à l'air majestueux de la Princesse

Douairiere de Conty.

2. Il est certain que le Roy êtoit tres severe à cette Princesse,

et que quiconque eut osé l'aimer, eut être perdu. Il en avoit plus

d'un exemple; mais elle êtoit naturellement encline à la tendresse,

et pour quoi ne l'auroit elle pas êté, puisqu'elle êtoit jeune, et belle, et

nourrie au milieu d'une Cour aussi galante que celle de France.

3. Cette Princesse êtoit fille naturelle du Roy Louis XIV.

 

                                                                                                            [184]

 

Calmeroit aisement les plus ardens ... transports.

 

Envoy

 

J'ay quitté sans regret tous les plaisirs du monde4,

Les honneurs et les biens pour moy n'ont point d'atraits

Mais pour vôtre Portrait, Princesse5 sans seconde,

            Je n'y renonceray jamais,

Quoiqu'un destin jaloux ait puni l'avantage,

Du Prince fortuné qui vous eut en partage,

            Je trouve son sort glorieux,

            Et pour avoir seulement la Copie

            De la beauté qui sceut charmer ses yeux

            Sans balancer, je risquerois ma vie.

 

4. apparemment l'auteur de ce Sonnet êtoit quelque Prestre

retirée du monde. On n'en scait pas le nom.

5. Lisez l'article 6. des 1ers. de ces Sonnets fait sur cette

Princesse.

6. Louis-Armand de Bourbon Prince du sang et de Conty

mort de la petite vérole à Fontainebleau le 9. Novembre

1685.

 

                                                                                                            [185]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même, sur les mêmes rimes.

 

Qu'on fasse voir, Conty, seulement vôtre ... buste1,

Dans les tristes Climats où regnent les ... glaçons,

Combien l'amour par vous feroit il de ... moissons

Quel cœur contre vos traits peut être assez ... robuste.

 

Ce Poëte si galant qui vivoit sous .... Auguste2,

Et qui de l'art d'aimer a donné des ... leçons3,

Seul auroit pû pour vous composer des ... chansons,

Et pour vous sa louange auroit seul êté... juste.

 

Lorsque de vôtre sang4 brille le noble ... orgueil

Vos attraits malgré vous font un riant ... accueil,

Et la raison contre eux n'est qu'une foible ... digue.

 

Vos yeux trouvent des cœurs les plus secrets ... ressorts;

Mais la haute vertu que le Ciel vous ... prodigue,

Scait changer en respects les plus ardents ... transports.

                                                                                                Par Mlle. Bernard

 

1. C'est à dire seulement une partie de vos graces.

2. Ovide Chtr Romain Poëte fameux qui vivoit sous l'Empr.

Auguste.

3. Ovide avoit fait un ouvrage qui s'apelloit l'art d'aimer

où il en donnoit des leçons.

4. Le sang de Louis XIV. Roy de France, dont la Princesse

Douairiere de Conty, êtoit fille maternelle.

5. Lisez l'article 6. du Commentaire du sonnet précédent.

                                                                                                Envoy.

 

 

                                                                                                            [186]

 

Envoy

 

Que l'on est malheureux dans un sujet sublime

De laisser enchaisner sa raison par la rime,

            Que le bout rimé nous prescrit;

Mais sa difficulté me peut servir d'excuse,

Et si j'ay le Portrait qu'a vos vers on promet5,

Vous pourez m'inspirer beaucoup mieux qu'une muse,

            Les graces le brillant esprit,

            Que le bout rimé me refuse.

 

5. Voyez cet article qui est à la page cy devant.

 

                                                                                                            [187]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même et sur les mesmes rimes.

 

Pourquoi tant célébrer un si fragile .... Buste1,

Ces beaux feus quelque jour ne seront que ... glaçons,

La Parque en doit grossir ses funestes ... moissons

C'est le destin affreux du foible et du ... robuste.

 

Elle n'epargne pas le front le plus .... auguste,

Princesse pensez y, profitez des .... leçons

Qu'un monde corrompû fait passer pour ... Chansons,

Rien n'est grand devant Dieu que l'umble et le ... juste.

 

Craignez vôtre beauté c'est un sujet d' ... orgueil

Elle trouve partout un dangereux ... écueil

A ces Encens flateurs opposez une ... digue.

 

Employez des vertus les innocens ... ressorts,

Tant de riche trésors que le Ciel vous ... prodigue,

Doivent fixer vers lui vos plus ardens ... transports.

 

                                                                                    l'Abbé Brunet

 

1. Ce Sonnet est dévot, et Chrestien, et l'auteur trouva a

redire qu'on ait fait tant de Sonnets galans sur cette

Princesse.

 

 

                                                                                                            [189]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même, sur les mesmes rimes.

 

Les Muses a l'envie couronnent vôtre ... buste,

Il naist pour vous des fleurs au milieu des ... glaçons

Et l'amour qui des cœurs vous fait d'amples ... moissons,

Pour défendre le sien n'est pas assez ... robuste.

 

A vôtre air en connoît vôtre naissance ... auguste1,

La politesse emprunte et dicte vos ... leçons,

Et qui scait vous offrir d'heroiques ... chansons.

Ne peut à la vertu rendre un tribut trop ... juste.

 

Sur vôtre front charmant où brille un noble ... orgueil,

L'amour et le respect se font un doux ... acceuil,

Et pénetrent nos cœurs sans obstacle et sans ... digue.

 

Ils en scavent mouvoir et regler les ... ressorts

Et de ces traits pour vous l'esprit toujours ... prodigue,

Ne peut vous exprimer nos innocens... transports.

 

 

Envoy

 

Si je n'ai pas adorable Princesse

                                                Vôtre

 

1. La Princesse Douairiere de Conty êtoit fille naturelle du Roy

Louis XIV.

 

                                                                                                            [190]

 

Votre Portrait qu'on promet au vainqueur2;

Celui que vos vertus ont tracé dans mon cœur,

Passe ce que Mignard3 trace avec tant d'adresse.

 

2. Lisez l'article 6. du 1er. de ces sonnets sur cette Princesse.

3. Mignard êtoit un peintre fameux qui faisoit des

Portraits admirables.

 

 

                                                                                                            [191]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

A la même, sur les mesmes rimes.

 

Princesse que te sert qu'on admire ton .... buste1,

Dans les tristes Climats où regnent les .... glaçons,

Lorsqu'on t'en leve icy les plus cheres ... moissons2,

                                                                                    Et

 

1. C'est a dire son Portrait.

2. Pour l'intelligence de cecy, et de tout ce sonnet, il faut scavoir

que ..... Comte de Clermont de Chate, Enseigne des

Gendarmes du Roy êtoit assez heureux pour être aimé de

la Princesse Douairiere de Conty et être en commerce avec elle

Madlle. de Chouin l'une de ses filles d'honneur et en qui elle se

fioit absolument, recevoit et rendoit les Lettres de part et d'autres,

mais elle aimoit le Comte de Clermont de son côté et en êtoit

aimeé, de maniere qu'elle trahissoit sa maitresse, qui toute

aimable qu'elle êtoit ne savoit que de pretexte aux amours

de Clermont de de la Chouin trés laide, et tres puante créature.

La pauvre Princesse de Conty vivoit dans cette ignorance

et êtoit en même tems trahie par la dite Chouin et son amant, Car

celui cy sacrifioit à la Chouin les Lettres de la Princesse, et les

lui renvoyoit de l'Armée. Par malheur une de ces Lettres

sacrifiées avec celle de Clermont fut interceptée par le Roy

pendant la Campagne de 1694. et ce Prince surpris comme

on peut s'imaginer aprenant les amours de la Princesse de

Conty, et la perfidie des deux autres, envoya querir cette Princesse

et lui montra les Lettres. Elle ne pût soûtenir cet affront, et

tomba évanouie sur le canapé du Roy, et ce Prince tout en colere

qu'il étoit, de la conduite de la Princesse, fut attendri de son

état. Il la releva, l'embrassa et lui promit qu'il ne lui en parleroi

jamais de cette affaire. Elle de son côté suplia le Roy de chasser sur

le champ Mlle. de Chouin, et d'esloigner le Comte de Clermont afin qu'elle

ne le vist plus, ce qui fut executé sur le champ.

 

                                                                                                            [192]

 

Et que de tes amans tu perds les plus robuste3.

 

Cet ingrat4 sans respect pour ta naissance ... auguste,

Que d'un Bizarre amour escoutant les ... leçons5,

A traité tes bienfaits, tes soupirs de .... Chansons

Et fait de tes faveurs un sacrifice in ... juste.

 

Toy dont nombre d'amans avoit flaté l' .... orgueil6,

Qui contre les regards ton séduisant .... accueil7,

N'auroit point rencontré d'assez puissante digue,

 

D'un amour méprisé tu ressens les ...transports,

Tu vois que les soins dont tu te rends ... prodigue,

Pour enchainer les cœurs se sont de foibles... ressorts.

 

Envoy

 

Pardonne à ma témérité

Il m'auroit êté plus facile

                                                De

 

3. Le Comte de Clermont

4. Le meme Comte de Clermont.

5. L'amour qu'il avoit pour Mlle. de Chouin la plus laide et la

plus puante créature de france.

6. tous les hommes de la Cour auroient aimé la Princesse Douairiere

de Conty sans la crainte qu'on avoit du Roy et malgré cette

crainte plusieurs lui auroient fait connoitre leur trendresse.

7. La Princesse de Conty de son côté avoit le cœur tendre, et êtoit

                                                                                                            ravie

 

                                                                                                            [193]

 

De louer ton esprit, de vanter ta beauté,

            Mais j'ay crû qu'il êtoit utile

Que quelqu'un te parlast selon la vérité.

 

ravie de plaire, mais la crainte du Roy la retenoit aussy;

cependant elle ne pouvoit s'empescher de témoigner de la joye

et de la satisfaction à ceux à qui elle scavoit qu'elle plaisoit

C'est ce que l'auteur apelle séduisant acceuil.

 

 

                                                                                                            [195]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

Sur les mêmes rimez que les précedentes

à Charlotte de Bautru, femme de Jean-

Baptiste-Armand de Rohan Prince de

Montauban.

 

Ce qu'on veu tes amants au desseus de ton .... buste1,

A rendu tous les cœurs plus froids que des glaçons

Pour faire de l'amour avec toy les ... moissons

Est il quelque morte qui soit assez ... robuste.

 

Est-ce à toy d'habiter dans un Palais ... auguste2,

Tu devrois au B.... enseigner tes .... leçons,

M ..... tu remplis le Pontneuf de .... Chansons3,

La satire toujours contre toy paroist .... juste.

 

Priape4 desormais devenu sans .... orgueil5.

                                                                        Malgré

 

1. l'auteur veut parler icy du C.... de la Princesse de

Montauban qui étoit énorme aussi avoit il êté bien frequenté.

2. Philippes de France Duc d'Orleans avoit donné un tres

joly apartement à la Princesse de Montauban dans le Palais

Royal à Paris.

3. Il est aisé de voir dans tous les Volumes de ce Recueil combien

il y a de chansons et de Vers Satiriques sur la Princesse de

Montauban.

4. Priape selon les Payens êtoit le Dieu des Jardins, fils de

Venus. Il presidoit aussi à la débauche, et par lui on entendoit

le V .... c'est dans ce sens qu'il faut l'entendre icy.

5. C'est dire ne pouvant plus bander pour toy qui est à present

laide et trop vieille.

 

                                                                                                            [197]

 

Malgré toy languissant, te fait un triste ... accueil6,

Ta figure à ses feux est une seure ... digue.

 

Ne crois plus de nos nerfs faire agir les ... ressorts,

Car ce C... dont nature est pour toy si ... prodigue,

Nous donne de l'horreur, et jamais de .... transports.

 

 

Envoy.

 

Pour te peindre à l'Univers,

Belle, bonne, jeune, et sage,

Il faudroit mettre en mes vers,

Tout le fard de ton visage7.

 

6. C'est à dire de baiser mal.

7. Elle se fardoit extraordinairement.

 

                                                                                                            [197]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

Sur les mesmes bouts rimés que les précédents.

 

A Marie-Anne Mancini, femme de

Godefroy-Maurice de la Tour d'Auvergne

Souverain Duc de Bouillon, Duc d'Abret,

et de Chateauthierry &ca. Pair et Grand Cham=

=bellan de France, Gouverneur d'Auvergne.

 

Ton cœur est plus mal fait1. que ton vieux petit .... buste2

Cabre3 est le seul pour toy qui n'a point de .... glaçons,

Et quand tu mets a prix tes vieillottes .... moissons4,

On voit paslir d'effroy le nez le plus .... robuste.

 

Médiocrement Princesse5, et point du tout ... auguste,

                                                                                                En

 

1. La Duchesse de Bouillon n'aimoit rien du tout que son

plaisir, ou que ce qui lui en pouvoit donner.

2. Elle êtoit petite, vieille, et fort passée.

3. Cabre Gentilhomme Provençal amant de la Duchesse de

Bouillon, qu'elle entretenoit pour ses plaisirs.

4. On a desja dit qu'elle commençoit a vieillir, et par moissons

l'auteur entend ses faveurs.

5. Les Bouillons avoient rang de Prince en France, depuis

l'an 1652. que le Roy Louis XIV. en Echange des Provinces

de Sedan, et de Raucour, leur donna dans des tems facheux

les Duchez d'Albret, et de Châteauthierry, et le Comté

d'Evreux. auparavant ils n'etoient que Gentilshommes

qualifiez, puisqu'ils sont de la Maison de la Tour d'Auvergne.

Voila pourquoi l'auteur apelle la Duchesse de Bouillon medio=

=crement Princesse.

 

 

                                                                                                            [198]

 

En critiquant toujours et faisant des .... leçons6,

Tu te crois a couvert de toutes les .... chansons,

Quand de t'en accabler rien ne seroit si ... juste.

 

Sert on à tes plaisirs ! on te trouve l'accueil

Doux, flateur, attrayant, et bien loin de l'orgueil

Dont le Ciel, aux Bouillons7 fut amplement prodigue.

 

Mais dés que la fureur agite tes .... ressorts8,

Il n'est pour l'arrester ny barriere, ny ... digue

Tu te ris du Cocu9, sans borner tes .... transports.

 

6. Cette Duchesse êtoit fort aigre, et fort contrariante.

7. La gloire des Bouillons sur la Principauté chimérique

êtoit infinie, et leur faisoit tous les jours des affaires on

la peut voir par plusieurs pieces dans ce Recueil.

8. C'est à dire la fureur du C... la rage de baiser, car elle y

êtoit fort adonnée.

9. Du Duc de Bouillon son mary qui êtoit bien certainement

cocu.

 

 

                                                                                                            [199]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

Sur les mesmes bouts rimés que les précédents.

 

Sur la Maison Abbatiale de {l'Abbaye de} St. Martin

de Pontoise appartenant à Emanuel-Théodose

de la Tour-d'Auvergne de Bouillon Cardl.

Grand Aumosnier de France.

 

Tout plaît à Saint Martin jusque au moindre ... buste1,

Il me paroist fleuri même au tems des ... glaçons,

Mon Estomach y fait de fertiles .... moissons2,

Et s'en revient toujours plus sain et plus ... robuste.

 

Est-il un Cardinal plus grand, et plus ... auguste3,

Que celuy qui bien loin de faire des ... leçons

Entre dans nos plaisirs, écoute nos ... Chansons4

Et ne dit jamais rien que de vray, que de ... juste.

                                                                                    Magnifique

 

1. C'est dire jusques aux moindres ornemens.

2. C'est à dire y mange beaucoup.

3. Que le Cardinal de Bouillon cette abbaye êtoit sa

Maison de plaisance.

4. Ce Sonnet est fait par Philippes-Emanuel de Coulanges

fameux faiseur de Chansons qui divertissoient le Cardinal

de Bouillon.

 

 

                                                                                                            [200]

 

Magnifique sans art, glorieux sans ... orgueil5,

Au mérite toujours il fait un bon ... accueil,

Pour ses amis son cœur, n'a ni rempart, ni ... digue.

 

La raison seule en fait mouvoir tous les... ressorts,

Enfin pour lui le Ciel fut en dons si ... prodigue,

Que qui le connoît bien, l'aime jusqu'aux ... transports.

 

5. Cela est faux, il êtoit glorieux au souverain degré, et

plus lui seul, que toute sa famille ensemble. Lisez le 7e.

article du Commentaire du précédent Sonnet.

 

 

                                                                                                            [201]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

de Mr. de la Feuillade pour la bonne

Gouvernante de Madlle. d'Armagnac.

 

A l'aspect gracieux d'un si charmant ... visage

L'Esprit le plus chagrin cesse d'estre ... bouru,

Heureux qui jouira d'un si beau... pucelage,

Il sera trop payé, d'eut il estre... connu.

 

Plût au Ciel qu'un mary qui sentist le ... fromage,

Vilain, ladre, impuissant, jaloux, et ... malotru,

Avec tous ces défauts digne du ... cocuage,

A mon ardent amour, fit ceder ta vertu.

 

Que j'aurois de plaisir si devenant ... coquette

Tu voulois avec moy mon aimable... folette

Pour répondre à mes vœux t'ecarter dans ces ... bois,

 

Je te ferois sentir jusqu'où va ma ... tendresse,

Et l'on n'a jamais fait pour aucune ... maîtresse

L'effort que je ferois pour ton joly ... minois.

 

                                                                                                            [203]

 

Epitre                                                                                                              1695.

 

A Louis-Joseph Duc de Vendosme, de

Mercœur, et d'Estampes, Pair de France, Prce.

d'Anet et de Martigues, Chevalier des Ordres

du Roy, Lieutenant général de ses Armées, Gd.

Séneschal et Gouverneur des païs et Comté de

Provence, Gouverneur particulier des Tours de

Toulon, Colonel d'un Régiment d'Infanterie,

nommé par le Roy à la Charge de Général

des Galeres de France.

 

Vendosme malgré moy je cede aux doux transports,

            Du Dieu des vers qui m anime,

            Je sens malgré mes efforts,

            Que d'une involontaire rime,

            Ce Dieu va former les accords,

            C'estoit assez que la prose

            Modeste et sans ornement,

            De Toy nous dit quelque chose

            Pour te louer dignement,

            Car mon Prince1, c'est d'un songe

            Tirer des réalitez,

                                                                        D'emprunter

 

1. Cette Epitre est faite par l'Abé de Chanlieu attaché au Duc

de Vendosme, des affaires duquel il prenoit soin.

 

 

                                                                                                            [204]

D'emprunter les vanitez,

Du langage des mensonges,

Pour te dire tes véritez.

 

Laissons à la Renommée

Publier tes actions,

Qui paroîtroient fictions,

Si tu n'avois dans l'Armée

A nostre perte animée

Pour témoins vingt nations2;

C'est cette seule Déesse3,

Qui partout suivit tes pas,

Qui doit chanter ta sagesse,

Ton sang froid dans les Combats,

Et qui seule peut bien dire

Jusques où va ton ardeur,

Et ce que doit cet Empire

A ton bras, et ta valeur.

 

C'est elle qui dans les airs

Pour toy déployant ses aisles

                                                            Porte

 

2. L'auteur veut parler de la Bataille de la Marsaille, où le Duc de

Vendosme servoit de Lieutenant general sous le Mareschal de

Catinat et fit fort bien son devoir. Elle se donna, comme on peut

voir, le 4. Octobre 1693 en Piémont, et le Duc de Savoye y

commandoit contre nous l'armée Confédérée contre la France,

composée de plusieurs nations. Lisez les pieces qui ont êté faites

sur cette Bataille l'an 1693.

3. La France.

 

 

                                                                                                            [205]

 

Porte tes grandeurs nouvelles

Aux deux bouts de l'univers.

Qui planant sur la Marsaille4,

Te vit à cette Bataille,

Couvrir de morts les Sillons

Ou dans un êtroit passage

S'oposoient à ton courage

Les plus épais Bataillons5.

 

Icy6, c'est plutost aux hommes,

C'est à tout tant que nous sommes

Qui ressentons ta bonté,

D'aller publier sans cesse;

Quel air haut, quelle noblesse

Brille en ta simplicité,

De quel prix inestimable

Pour nous est un Prince aimable,

Que scait accorder si bien,

Loin de toute fieté vaine,

Aux talens d'un Capitaine

Les vertus d'un Citoyen7.

                                                            Quoi

 

4. Lisez l'Article 2.

5. le Duc de Vendosme poussa l'Infanterie des Ennemis.

6. à Paris.

7. Jamais homme, fut-ce un simple Bourgeois, n'a êté d'unne societé

si douce et d'un commerce si égal et si simple que l'étoit le Duc de

Vendosme.

 

 

                                                                                                            [206]

 

Quoi donc, ce Dieu qui m'enflame,

Et qui bien ou mal m'apris,

L'art de louer ta grande ame

Ne dit rien de ton esprit,

Pour te plaire d'avantage

Apollon l'a fait exprés.

Il scait combien tu te plais

Dans un simple badinage

Toy même à l'oublier,

Et croiroit commettre un Crime,

Tout grand qu'il est, tout sublime

D'ozer l'aller publier.

 

Mais ou suis-je, Qu'elle yvresse

Hors de moy ma transporté;

J'entends des cris d'allegresse,

Quel bruit d'un autre côté

Vient de fraper mon oreille;

Je vois du Port de Marseille8,

Tout le pompeux appareil,

Et nos Galeres parcés

Faire briller au soleil

                                                            Leurs

 

8. Galeres se tenoient dans le Port de Marseille, et l'auteur

parle icy de la Charge de General des Galeres que le Roy venoit

de donner au Duc de Vendosme.

 

                                                                                                            [207]

 

Leurs magnifiques livrées9,

J'entens ces Reines des Mers,

Descris de mille couplables,

Et des voix des misérables

Former de charmans Concerts10;

 

Je le vois, sur sa Galere

Ce Général est monté11;

Desja son humanité

Dans le sein de la misere

A fait naistre la gayeté12,

Et desja son air affable,

A dans ce séjour affreux

Consolez ces malheureux;

Sûrs que son cœur pitoyable

De leurs maux se touchera,

Et que sensible à leurs peines

Ne pouvant briser leurs chaines,

Sa main les relaschera.

                                                Fuyez

 

9. Les Galeres se parent de tentes de Damas Cramoisi dans les

occasions où il s'agît de paroistre.

10. L'Enthousiasme Poêtique fait voir icy à l'auteur le Duc de Vendosme

prenant possession du Generalat des Galeres, car faute d'argent pour

payer un Brevet de retenue de .... qui étoit sur cette Charge,

ce Prince n'en êtoit pas alors encoure pourveu, et l'auteur qui faisoit

ses affaires, le scavoit mieux que personne.

11. C'est la même chose que l'article précédent.

12. L'auteur parle icy aussi bien qu'a l'article 10. des Forçats des Galeres

qu'il pretend que l'arrivée du Duc de Vendoesme réjouit malgré leur

malheur. Toute cette strophe roule là dessus.

 

 

                                                                                                            [208]

 

Fuyez, Galeres d'Espagne,

Desormais loin de ces bords,

Allez cacher dans vos Ports

La peur qui vous accompagne,

Vendosme s'en va sur vous

Bientost lancer le Tonnerre,

Dont tant de fois sur la terre

Il a fait sentir les coups,

Et je vois déja Neptune13

Qui pour plaire à Jupiter14.

S'empresse de lui prester

Son Trident15 et sa fortune.

 

Ainsi par la bienveillance

De ce grand Roy des François16,

Qui deja dessous les Loix

Avoit remis la Provence17

Tu vois croire ta puissance,

                                                Et

 

13. Neptune selon les Payens êtoit le Dieu de la mer.

14. Jupiter selon les mesmes Payens, êtoit le Me. des Dieux que l'auteur

compare au Roy Louis XIV.

15. Les Poêtes et les anciens Payens peignoient toujours Neptune

avec un Trident. C'est a dire une Fourche à 3. dents, ou pointes

dans la main. Ils disoient que c'estoit avec ce Trident que ce

Dieu gouvernoit la mer.

16. Louis XIV.

17. Le Duc de Vendosme êtoit desja Gouverneur de Provence.

 

 

                                                                                                            [209]

 

Et l'un et l'autre Elément18,

Charmez de ton esclavage

Se disputer l'avantage

D'obeir aveuglement.

 

D'une telle confiance,

Mon Prince connoist le prix

C'est l'effet de la prudence,

Et des bontez de Louis20,

Ton Roy scait pour sa personne

Quel est ton attachement.

Qu'en lui tu crois sa Couronne

Son plus leger ornement,

Pour l'Etat quel est ton zele,

Et d'un sujet si fidelle

Il connoît le dévouement

Et c'est cette connoissance

Qui seule fait ton bonheur,

Et la digne récompense

Qui pouvoit flatter ton cœur.

 

 

Envoy

 

 A Hortence Mancini femme d'Armand-

-Charles de la Porte de Mazarini Duc de la

                                                                        Meilleraye

 

18. La Terre et la Mer.

19. .........

20. Louis XIV.

 

                                                                                                            [210]

 

Meilleraye, et de Mazarini Pair de France

Chevalier des Ordres du Roy &ca.

 

La divine Bouillon cette adorable sœur21,

Qui partage avec vous l'empire de Cythere22,

Et qui scait comme vous par cent moyens de plaire

            Séduire et l'Esprit et le cœur;

            Malgré tout ce que j'ay pû faire,

            Veut aujourd'huy que mes vers

            Au hazard de vous déplaire,

            Aillent traverser les Mers23;

            A cet insensé projet,

            Ma raison s'est oposée.

            Je fais devenir l'objet,

            Ai-je dit de la risée

            De cet homme si fameux24,

            De qui le goût seul décide

            Du bon, et du merveilleux,

                                                            Et

 

21. Marie-Anne Mancini femme de Godefroy-Maurice

de la Tour d'Auvergne, souverain Duc de Bouillon &ca. sœur

de la Duchesse de Mazarin à qui cet Epitre est envoyée par

l'auteur.

22. C'est a dire l'Empire de l'Amour, car l'Isle de Cythere êtoit

consacrée par les Payens à la Déesse Venus mere des amours.

Ces deux sœurs êtoient toutes 2. fort aimables et grandes putains.

23. La Duchesse de Mazarini êtoit depuis plusieurs années à

Londres en Angleterre, de peur de revenir avec son mary.

24. St. Evremont.

 

 

                                                                                                            [211]

 

Et qui plus galand qu'Ovide25,

Est comme lui malheureux26.

Ce sage qui se confie

Au secours seul du bon sens,

Et dont la Philosophie

Bravant l'injure des ans27,

Pour surprendre la vieillesse

Par de doux enchantements

Scait l'art de joindre sans cesse

Mille et mille amusemens,

Et même les enjouemens,

De la plus vive jeunesse28,

Ce critique si vanté,

Qui par sa délicatesse

Des Ouvrages de la Grece

Auroit eté redouté29

Ne scaura jamais peut estre

                                                            Que

 

5. Ovide Poëte latin qui vivoit à Rome du tems de l'Empereur

Auguste.

6. Ovide avoit êté exilé par Auguste en l'Isle de Thalassie pour

ses amours avec Julie fille de cet Empereur et St. Evremont avoit

êté obligé de sortir de France depuis pour avoir écrit et parlé trop

librement du Ministere et s'estoit retiré à Londres où il {^etoit} toujours

chez la Duchesse de Mazarini.

7. Il avoit alors plus de 80. ans, et avoit toujours un esprit admi=

=rable comme ses ouvrages admirables en font foy.

8. Ce Philosophe avoit conservé sa gayeté, aussi bien que son

esprit.

9. L'auteur a raison de dire que les Ouvrages de St. Evremont

auroient pû subir la Critique des anciens autheurs Grecs, pour en

convenir, il n'y a qu'a les lire.

 

 

                                                                                                            [212]

 

Que ces vers m'ont peu cousté,

Enfans de l'oisiveté,

L'amour seul les a fait naître,

Et sans vous la vanité

Leur defendroit de paroistre

Daignez donc, divine Hortense,

Par un regard de ces yeux

Qui desarmeroient des dieux

La colere et la vengeance,

Obtenir quelque indulgence,

Et d'un accueil gracieux

Payez mon obéissance.

 

                                                                                                            [213]

 

Epigramme                                                                                                                 1695.

 

Sur le Dictionnaire de la langue Françoise,

composée par l'Accademie Francoise lequel

commença de paroistre au jour, au commencemt.

de l'année 1695. et qui êtoit commencé dès

l'année 16... .

 

Il court un bruit fâcheux du grand Dictionnaire,

Qui malgré ses Auteurs et leurs noms importans.

            Doit bien allarmer le Libraire;

On dit que pour le vendre il faudra plus de tems

            Qu'il n'en a fallu pour le faire.

 

* C'est qu'on pretend que ce Livre n'estoit pas trop bon.

 

                                                                                                            [215]

 

Chanson

 

Sur l'Air: des Ennuyeux.

 

Sur Achilles de Harlay 1er. President du

Parlement de Paris.

 

Les Bard.... sont à present

Une marchandise si chere

Que nôtre premier President,

A si fort gasté ses affaires*

Qu'il en a vendu le Mesnil

Qui de Beaumont sera suivy.

 

* Le 1er. Presdient faisoit sembland que ses affaires êtoit

gâtées, ou elles l'etoient en effet, et comme il êtoit accusé d'estre

grand Sod ... l'auteur veut attribuer ce desordre à la dépense

qu'il faisoit a cela.

 

                                                                                                            [217]

 

Epigramme                                                                                                                 1695.

 

Sur la Déclaration du Roy Louis XIV

donnée le 18. Janvier 1695. pour l'etablissemt.

de la Capitation générale par toute la France,

par laquelle chacun de ses sujets de sa Majesté

sans exception êtoit taxé selon sa condition

à une Contribution annuelle pour le besoin de

l'Estat pendant le cours de la Guerre seulement.

 

La Ligue1 s'est bien abusée,

De croire que la France alloit estre épuisée,

Et de Finances, et de Soldats2.

Louis3 qui dans nos cœurs à des ressources prestes,

Luy fait voir en taxant nos testes.

Combien il peut armer de bras.

 

1. La Ligue des Roy et Princesses Confédérez, fui faisoient

alors la guerre à la France.

2. Si ceci n'est ironique, l'auteur, n'est qu'un sot, car la Capita=

=tion êtoit une marque de l'épuisement où êtoit la France

et qu'on ne pouvoit plus trouver d'autres Expediens pour

avoir de quoy soutenir la guerre, les Edits et Déclarations

qui l'ont precedé en font foy.

 

 

                                                                                                            [219]

 

Sonnet                                                                                                             1695.

 

En bouts rimez à ...... de Harlay,

femme d'Adrien-Alexandre de Hanivel

de Menivillette Sr. de Crevecœur President

à Mortier du Parlement de Paris.

 

Nota; Que ce Sonnet a êté fait par ..... de

Castelnau Comtesse de Murat, laquelle êtoit amoureuse

de la Presidente de Crevecœur, qu'elle vouloit dégouter de son

mary, qui êtoit un fort honneste homme, et qu'elle méprise

injustement dans ce Sonnet.

 

Telle que vous Venus1 au gracieux ..... visage

Eut un vilain époux, soubçonneux et .... bouru2,

Souvenez vous Iris3, qu'il eut son .... pucelage;

Mais que pour s'en vanger elle le fit ... cornu4.

 

C'est au Nectar des Dieux5 préférer le ... fromage,

Qu'abandonner l'amour pour l'himen ... malotru;

                                                                        Faites

 

1. Venus selon les payens êtoit la Déesse de la beauté, et de la volupté.

2. Les Payens disoient que Venus avoit épousé le Dieu Vulcain fils de

Jupiter et de Junon lequel vint au monde si laid, et si difforme, que

Jupiter le voyant tel le jetta d'un coup de pied du haut du Ciel en terre,

en telle sorte qu'il se rompit une jambe, et en demeura boiteux. Il

êtoit avec raison jaloux de sa femme Venus qui êtoit une vraye

louve, se prostituant à chacun.

3. C'est la Presidente de Crevecœur que l'auteur nomme IRis.

4. C'est à dire Cornard, Cocu.

5. Le Nectar êtoit selon les payens, le Breuvage de leurs Dieux.

 

 

                                                                                                            [220]

 

 

Faites par vos appas fleurir le ... cocuage,

C'est être trop longtems dupe de la ... vertu,

 

Quelle divinité n'a point esté ... coquette6,

Diane7 au cœur si fier devint même ... folette,

Et suivit un chasseur jusques au fond des ... bois8.

 

Que ne devez vous point Dieu de la ... tendresse9,

De l'Univers entier pour vous rendre ... maîtresse;

Il vous donna ses traits, son arc, et son ... minois10.

 

6. Il ne faut que scavoir tant soit peu la Fable pour être informé que

toutes Déesses des Payens passoient chez eux pour avoir estés

Coquettes, excepté Pallas et peu d'autres.

7. Diane sœur d'Apollon, et fille comme luy de Jupiter et de Laione.

8. Diane devint amoureuse du Pasteur Endymion que Jupiter avoit

condamné à un sommeil perpetuel pour la familiarité qu'il prenoit

avec Junon fille de ce Dieu, et elle le cacha dans une montagne

pour le mettre a couvert de sa colere.

9. L'amour.

10. Le bout-rimé de minois ne peut être employé plus heureusement

qu'il l'est icy, et il est vray que la presidente de Crevecœur en

avoit un fort joly et fort aimable.

 

                                                                                                            [221]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air......

 

Faite par Louise-Françoise de Bourbon

Legitimée de France, femme de Louis Duc de

Bourbon Prince du Sang &ca. sur Françoise-

-Marie de Bourbon Legitimée de France

sa sœur puînée, femme de Philippes dOrleans

Duc de Chartres.

 

Belle Princesse1,

Belle Princesse,

Ou les autres ont le nez,

Pourquoi mettez vous {vos} fesses2.

Belle Princesse

Belle Princesse.

 

1. Cela est dit ironiquement car la Duchesse de Chartres à qui

cette Chanson s'adresse êtoit fort laide et fort desagréable.

2. La Duchesse de Chartres avoit 2. grosses joues qui ressembloient

a des fesses.

 

                                                                                                            [223]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: Amis sans regretter Paris.

 

Sur plusieurs personnes de l'un et de l'autre

sexe.

 

Pourquoi blasmer l'amour nouveau,

Ou Bauffrémont1 s'engage,

Si Sassenage2 n'est pas beau,

Il est discret et sage.3

 

Tonnerre4 et de Vienne5 en tous lieux

Menent les Sassenage6;

Mais on dit que ce n'est pas eux,

Qui sentent le fromage7.

 

1. ...... de Bauffremont vieille fille et fort laide, que Jacques-

-Henry de Durfot Duc de Dura Mareschal de France &ca.

entretenoit et aimoit depuis longtems et qui comme on voit ne lui

êtoit pas fidelle.

2. ... Comte de Sassenage premier Gentilhomme de Chambre

de Philippes de France Duc d'Orleans &ca. que Mlle. de Bauffremont aimoit

alors depuis quelque tems.

3. C'est par contreverité car le Comte de Sassenage êtoit un étourdi.

4. De Hannivel de Menevilette, femme de ...... de Clermont

Comte de Tonnerre.

5. ....... Mitte de Miolons de St. Chaumont femme de

Charles-Emanuel de la Vieuville Comte de Vienne.

6. ...... Comte de Sassenage dont il vient d'être parlé, et .....

de Sassenage son frere.

7. On disoit des Comtesses de Tonnerre et Vienne, {qu'elles avoient le C. puant et c'est} ce que l'auteur/ veut dire icy.

 

 

                                                                                                            [225]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: de la Rochelle

 

Sur ..... du Prat Sr. de Barbanson 1er. Me.

d'Hostel de Philippes de France Duc d'Orleans.

 

Les Maris qu'on met en Chanson1,

S'en prennent tous à Barbanson2,

Qui ne songe plus à médire;

Car sa femme la convaincu

Qu'il n'est pas honneste de rire,

D'un pauvre Diable de Cocu3.

 

1. C'est a dire les maris sur les femmes desquels il y a tant de

Chansons dans ce Recueil.

2. Barbanson êtoit un des hommes du Royaume qui avoit le

plys d'esprit, il êtoit Satirique et faisoit bien des vers, et il

certain qu'il avoit fait plusieurs Chansons contre le tiers et

le quart et de fort salées.

3. Il avoit épousé depuis quelques années et êtant déja vieux

....... Colbert du Terron, grande joueuse, folle et putain.

 

 

                                                                                                            [227]

 

Madrigal                                                                                                          1695.

 

Sur ce que François de Salagnac de la

Mothe-Fenelon précepteur de Louis Duc de

Bourgone, et de l'Accadémie Françoise;

ayant êté nommé à l'Archevesché de Cambray

le .... Fevrier 1695. remit au Roy l'Abaye

de St. Valery en Picardie, dont sa Majesté

l'avoit pourveu au mois de Décembre 1694.

 

            Du gros Clergé la troupe est êbaye1,

De voir qu'en recevant un gros Archevesché2,

            On rende une grosse Abaye3,

A deviner pourquoy chacun est empéché4,

Les uns sans y vouloir chercher tant de mistere,

Disent que le Prélat à {de} la piété;

Mais d'autres croyans voir plus clair dans ses affaires

Jugent qu'il ne l'a fait que par malignité

Pour faire enrager ses Confreres.

 

1. Les Prelats qui composent le Clergé de France.

2. L'Archevesché de Cambray.

3. L'Abbaye de St. Valery.

4. Cela fit parler toute la Cour, car cela êtoit nouveau pour ne pas dire

inusité, les Prelats se trouvans fort bien d'avoir plusieurs

benefices, et le croyant permis en conscience, puisque les plus

vertueux d'entre eux êtoient dans le cas.

5. Pour faire enrager les autres Prelats qui avoient plusieurs

bénéfices.

 

 

                                                                                                            [229]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: Il a battu son petit frere.

 

Sur Louis-Joseph Duc de Vendosme &ca.

 

Vendosme animé par son frere1;

Par Chemeraut2, par Barbeziere3,

Devient d'un Commerce fâcheux;

Sans raison il s'emporte, il gronde;

Mais quand il n'agit plus par eux,

C'est le meilleur bougre du monde4.

 

1. Philippes de Vendosme grand Prieur de France.

2. ..... de Barbeziers Comte de Chemeraut, Colonel d'un Regiment.

d'Infanterie.

3. ..... Marquis de Barbeziers Mareschal des Camps et Armées

du Roy, Cousin germain de Chemerault.

4. Ce vers cy veut dire deux choses, la 1re. que le Duc de Vendosme

êtoit le meilleur homme du monde, ce qui est tres vray. La 2de.

qu'il êtoit sodomite; Mais il eut êté a souhaiter qu'au lieu de

Bougre, l'auteur eut pû mettre Bardache, car le grand plaisir

de ce Duc êtoit de se faire enculer, et se servoit pour cela de Valets

et de paysans, faute de plus gentils ouvriers. On dit même que

les paysans des environs de sa belle Maison d'Anet, se tenoit

avec soin sur son chemin lorsqu'il y alloit à la chasse, parcequ'il

les écartoit souvent dans les bois pour se faire f ..... et leur

donnoit à chacun une Pistole pour le prix de leur travail. Cela

leur aidoit a payer la Taille.

 

                                                                                                            [231]

 

Epigramme                                                                                                     1695.

 

Sur la Tragédie de Judith mise au Théatre

pendant le Caresme de 1695. et composée par

Claude Boyer de l'Accademie Françoise.

 

Nota; Que cette piece fut d'abord fort aplaudie, parce=

=qu'on est pour ainsi dire affamé de Tragédies depuis que le

grand Corneille, et J. Racine n'en composoient plus; mais enfin

son peu de mérite la fit tomber tout d'un coup, et ceux qui y êtoient

venus pendant le Caresme, la sifflerent dés qu'elle reparut aprés

Pasques. Les Commediens surpris d'un tel changement ne purent

s'empescherent d'en demander la raison aux spectateurs. Ceux du

Parterre répondirent que pendant le Caresme leurs sifflets avoient

êté occupez à siffler à Versailles les Sermons de l'Abbé Boileau

qui preschoit devant le Roy; mais qu'ils êtoient revenus avec Pasques.

 

 

A sa Judith Boyer par avanture,

Etoit assis prés d'un riche Caissier,

Bien aise êtoit, Car le bon financier

Aplaudissoit et pleuroit sans mesure;

Bon gré vous scais lui dit le vieux rimeur,

Le beau vous touche, et ne seriez d'humeur

A vous saisir pour une baliverne.

Le Financier soupirant répondit;

Je pleurs helas ! de ce pauvre Holopherne

Si méchamment mis à mort par Judith.

 

                                                                                                            [233]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: J'aime la lan lire lan la.

 

Sur .... de Hanyvel de Menevilette,

femme de ..... de Clermont Comte de

Tonerre.

 

Tonnerre se promenant

Sous ce naissant feuillage,

A la Vienne alloit disant

Regrettant Sassenage;

Il faut avoir plus d'un amant,

Par tout sert un ménage.

 

A la Vienne alloit disant

Regrettant Sassenage,

Clermont valloit bien autant;

Mais ailleurs il s'engage,

Il faut &ca.

 

Clermont valloit bien autant;

Mais alleurs il s'engage,

Passerai-je le printemps

Sans qu'amour me soulage,

Il faut &ca.

 

                                                                                                            [234]

Passerai-je le printems

Sans qu'amour me soulage,

Je lorgne indifferemment,

Et le fol et le sage.

Il faut &ca.

 

Je lorgne indifferamment

Et le fol et le sage;

Mais pas un jusqu'a present

N'écoute ce langage;

Il faut &ca.

 

Mais pas un jusqu'a present

N'écoute ce langage;

La Vienne répond; vrayment

Je plains vostre veuvage;

Il faut &ca.

 

La Vienne répond; vrayment

Je plains vostre veuvage;

Vous perdez infiniment

En pendant Sassenage;

Il faut &ca.

 

Vous perdez infiniment

En pendant Sassenage;

Son frere est meilleur enfant;

Mais je le tiens en cage.

Il faut &ca.

 

                                                                                                            [235]

 

Son frere est meilleur enfant;

Mais je le tiens en cage.

Lors la Guime survenant

Conclut pour cet usage;

Il faut &ca.

 

                                                                                                            [237]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: de Mais.

 

Faite par un Breton sur Charles d'Albert

d'Ailly Duc de Chaulnes, Pair de France,

Chevalier des Ordres du Roy &ca.lorsqu'il

échangea son gouvernement de Bretagne

contre celuy de Guienne, avec Louis-Alexandre

de Bourbon Comte de Toulouze légitimé

de France.

 

Quand le Bourgeois s'attroupe, et se mutine1,

Il ne vaut rien2, ny quand Bombe fulmine3;

Mais,

De meilleur pour la Cuisine4,

Nous n'en trouverons jamais5.

 

1. C'est a sire quand il y a des révoltes, comme celle qu'il y eut

en Bretagne l'an 1674. lisez les pieces de cette année dans ce

Recueil.

2. C'est a dire, il fait mal son devoir pour réprimer les seditions.

lisez les mêmes pieces de 1674.

3. l'Auteur veut icy parler du dessein que le Prince d'Orange

forma l'an 1693. sur la ville de St. Malo, lorsqu'une flotte

ennemie s'en aprocha et la Bombarda. Le Lecteur est

renvoyé à la Chanson de cette année au mois de Novembre

laquelle parle de cette entreprise. Le Duc de Chaulnes se jetta dans

cette place, et l'auteur pretend qu'il y témoigna peu de courage,

mais il se trompe. Ce Duc y parut ferme, se promena sur les

remparts pendant qu'on Bombardoit la ville, et donna de sang

froids les Ordres necessaires.

4. C'est a dire pour faire bonne chere.

5. C'est une chose prodigieuse que la Depense que le Duc de Chaulnes

                                                                                                            faisoit

 

                                                                                                            [238]

 

faisoit en Bretagne pour la Table et le Détail en paroîtroit fabuleux,

aussi bien que trop long. Il suffit de dire que pendant les Estats de cette

Province;  Il a tenu jusqu'a 8. Tables soir et matin, et qu'il avoit

jusqu'a 30. Cuisiniers. Ceux qui avoient apresté le disner ne pouvant

suffire pour le souper l'auteur malin n'a gardé de parler des auteurs

magnificences de ce Duc. Mais il est pourtant vray que le Duc de

Chaulnes a répandu un argent infiny en Bretagne pour secourir les

pauvres et mettre la paix dans les familles à quoi il s'apliquoit avec

une grande charité, et beaucoup de succés. En un mot il n'y à jamais

eu un plus digne Gouverneur de Province aussi à la reserve de quelque

esprit malin, comme l'auteur, tous les Bretons l'ont regretté.

 

Nota. Que cet Echange du Gouvernement de Bretagne contre

celui de Guienne, se fit malgré le Duc de Chaulnes et même à son insceu.

On prevoyoit depuis longtems qu'a sa mort le Gouvernement de

Bretagne seroit donné au Comte de Toulouze qui êtant Admiral

de France, trouvoit un grand avantage a avoir ce Gouvernement auquel

l'Amirauté de cette Province êtoit jointe; mais comme ce Duc se partoit

bien à 70. ans qu'il avoit, l'affaire ne paroissoit pas preste à se conclure;

Charles-Honoré d'Albert Duc de Chevreuse et de Luines, Pair de

France &ca. et neveu à la mode de Bretagne du Duc de Chaulnes et

son héritier en partie, d'ailleurs devot de Profession et par consequents

fourbe, se chargea de proposer de la part du Roy, l'Eschange des 2.

Gouvernemens, et stipula dit on qu'il auroit la survivance de celuy

de Guienne lorsque le Duc de Chaulnes en seroit revestu. Cela fut

éxécuté et ce dernier n'ayant osé desobeir aux Ordres du Roy,

échangea la Bretagne contre la Guienne, et le Duc de Chevreuse

en eut la survivance.

 

 

                                                                                                            [239]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air des Triolets. [X]

 

Sur François de Neufville Duc de Villeroy

Pair et Mareschal de France, Chevalier des

Ordres du Roy, Capitaine de la 1re. et plus

ancienne Compagnie Françoise des Gardes du

Corps de sa Majesté, Gouverneur de la ville

de Lion, païs Lionnois, Forez et Beaujollois,

Ville et Château de Corbeil, et nommé par le

Roy pour être Général de son Armée en

Flandres.

 

Du choix du nouveau Général1,

Toutes les Dames sont chamées2,

Pour Nous3, sans vouloir juger mal

Du choix du nouveau Général.

Nous l'aimerions mieux voir au bal.

Qu'a la teste de nos Armées4,

                                                            Du

 

 

1. Le Mareschal Duc de Villeroy que le Roy venoit de nommer

Général de son Armée en Flandres.

2. Il est beau, bienfait, et fort galant, et il est certain que les Dames

prenoient plus d'interrest en lui que les hommes.

3. L'auteur fait icy parler les gens de guerre.

4. Il est constant que le Mareschal Duc de Villeroy avoit parû

jusqu'icy plus propre à la Cour, et à la galanterie, qu'à la

guerre, quoiqu'il fut fort brave homme, et qu'il eut servi

toute sa vie. Il dansoit fort bien; voila pourquoi l'auteur parle

du Bal.

 

                                                                                                            [240]

 

Du choix du nouveau Général,

Toutes les Dames sont charmées.

 

Sur l'éclat de son Baudrier5,

Villeroy se croit un Pompée6,

A l'entendre on peut tout risquer

Sur l'eclat de son Baudrier.

Où est donc le tems qu'un guerrier,

N'étoit grand que par son Espée?

Sur l'eclat de son Baudrier

Villeroy se croit un Pompée.

 

Nassau7 ne s'y méprend pas,

En heros il doit se connoistre;

Il voit Conty8 dans les Combats,

                                                Nassau

 

5. La mode des Baudriers êtoit passée, et le Mareschal Duc

de Villeroy en portoit toujours, soit qu'ayant la taille Belle, et

qu'il crut que cela lui seroit bien, soit comme quelques uns le

prétendoient qu'il eut une épaule plus haute que l'autre, et que le

Baudrier lui cachast cette imperfection. Quoiqu'il en soit, il

faut convenir qu'il se mettoit bien et qu'il paroissoit l'homme de

la Cour le mieux fait à plus de 50. ans qu'il avoit alors.

6. Tout le monde scait ce que c'est que le Grand Pompée.

7. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange qui devoit cette

année comme les precedentes, commander l'Armée des Alliez

oposée à celle de France dont le Maāl Duc de Villeroy êtoit

nommé Général.

8. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du Sang, &ca.

Prince d'une valeur parfaite, et d'un génie superieur qui devoit

servir de Lieutenant général dans l'Armée commandée par

le Mareschal Duc de Villeroy les Gens de guerre, les Soldats,

                                                                                                le peuple

 

                                                                                                            [241]

Nassau ne s'y méprend pas,

Sans l'apuy d'un si puissant bras

Nous pourrions bien changer de maistre9.

Nassau ne s'y méprend pas,

En héros il doit se connoistre.

 

le peuple et toute la France aimoit ce Prince jusqu'a l'adoration,

et eussent êté ravis de le voir à la teste des Armées, persuadez

que personne n'en êtoit plus capable que lui, mais le Roy le

haissoit et lui portoit envie, et plus il connoissoit l'amour du

peuple pour lui, plus il l'éloignoit des Emplois où il auroit

signalé son Courage, et sa conduitte.

9. L'auteur veut dire icy, que si le Mareschal Duc de Villeroy

avoit eu le Prince de Conty pour le seconder, le Prince d'Orange

auroit batu ce Mareschal et envahy la France.

 

                                                                                                            [243]

 

Chanson [X]                                                                                                     1695.

 

Sur le même sujet, et le même air que la

précédente.

 

Pour representer Luxembourg1,

On fait Villeroy Capitaine2,

C'est lui qui commence le tour;

Pour representer Luxembourg;

On espere que Ventadour3,

Commandera l'année prochaine4;

Pour representer Luxembourg

On fait Villeroy Capitaine.

 

1. François-Henry de Montmorency-Luxembourg Duc de

Piney, Pair et Mareschal de France &ca. qui avoit commandée

les Armées du Roy en Flandres, depuis l'an 1690. jusqu'en

1695. qu'il mourut le .... Janvier.

2. On a veu dans la Chanson precedente que le Mareschal Duc

de Villeroy venoit d'etre nommé pour succeder au Maāl

Duc de Luxembourg dans le commandement des Armées,

mais pour l'intelligence de cette Chanson cy, il faut scavoir,

que la plaisanterie en consiste, en ce que, Mr. de Luxembourg

portoit toujours un Baudrier, parce qu'il êtoit bossu, et que Mr.

de Villeroy en portoit aussi toujours un parcequ'il avoit une

Epaule plus haute que l'autre, et c'est par rapport à ce Baudrier

que l'auteur dit qu'on a fait Villeroy Capitaine pour representer

Luxembourg.

3. Louis-Charles de Levy Duc de Ventadour, Pair de France

&ca.

4. La plaisanterie continuë toujours sur le Baudrier, le Duc

                                                                                                de

 

                                                                                                            [244]

 

 

de Ventadour êtoit bossu, boiteux et monstrueusement laid. Il

portoit aussi souvent un Baudrier pour cacher sa bosse, et

l'auteur veut par malignité que le Duc de Ventadour pour la seule

raison du Baudrier, succede dans le Commandement de l'Armée,

au Mareschal Duc de Villeroy, comme celui cy au Mareschal

Duc de Luxembourg. Cette imagination est dautant plus maligne

que le Duc de Ventadour quoique brave homme, n'etoit pas guerrier

& qu'affreux qu'il êtoit, on le compare icy au Mareschal Duc de

Villeroy, qui êtoit un des hommes de la Cour le plus beau, de la

meilleure mine, et le mieux fait, à cette Epaule prés qui ne parois=

=soit point, grace au Baudrier.

 

                                                                                                            [245]

 

Epigramme                                                                                                     1695.

 

A Louis Phelypeaux Comte de Pontchar=

=train, Ministre et Secretaire d'Estat, Controlr.

général des Finances.

 

Vous qui taxez Commis, Comptables, et Traittans,

Grand Ministre, écoutez quatre vers importans;

Pour faire dans l'Estat une recherche entiere,

Et qu'on se plaigne moins d'une si dure Loy,

Taxez la Montespan1, et taxez la Valliere2,

Elles ont manié les Affaires du Roy3.

 

1. François-Athenaise de Rochechouart de Mortemart

Marquise de Montespan, cy devant Maîtresse du Roy Louis

XIV. duquel elle a eu plusieurs enfans Bastards. Ceux qui

vivoient en cette année 1695. êtoient Louis-Auguste legitimé

de Bourbon Duc du Maine &ca. Louis-Alexandre Comte de

Toulouze &ca. Louise-Françoise Duchesse de Bourbon,

et Françoise-Marie Duchesse de Chartres.

2. Jeanne de la Baume-le Blanc, Duchesse de la Valliere

maîtresse du Roy avant Made. de Montespan, et alors

Carmelite sous le nom de Marie-Louise de la Misericorde.

de deux Enfans Bastards qu'elle avoit eu de sa Majesté

il ne restoit alors que Marie-Anne de Bourbon legitimée,

Princesse Douairiere de Conty.

3. Le Lecteur demeslera aisement le jeu de mot qui fait

la pointe de cette Epigramme.

 

                                                                                                            [247]

 

Chanson [X]                                                                                                     1695.

 

Sur l'Air: Landerirette.

 

Sur ce que François de Neufville Duc de

Villeroy Pair et Mareschal de France, Chtr des

Ordres du Roy, &ca. Général des Armées du

Roy Louis XIV. en Flandres, manqua le 14.

Juillet 1695. l'occasion de défaire prés de

Deinst, un Corps de 30000. hommes des Alliez,

commandé par Charles de Lorraine, Prince

de Vaudemont, Chevalier de la Toison d'Or

Grand d'Espagne, et Me. de Camp des païs

bas Espagnols.

 

De Villeroy vive le nom1,

Car il a battu Vaudemont2, } Il veut combattre Vaudemont,

            Landerirette.

Malgré le Prince de Conty2,

            Landeriri.

                                                            Un

 

 

1. Ce cy est dit ironiquement, aussi bien que tout le reste de cette

Chanson.

2. Autre ironie comme l'Argument le fait voir.

3. L'Auteur veut que François-Louis de Bourbon Prince de

Conty qui servoit de Lieutenant général dans cette Armée voulût

absolument attaquer les Ennemis en cette occasion, c'est de quoy

personne ne doute, mais ce Prince plus capable de commander

les Armées que personne, vit bien qu'il n'etoit pas possible au Ma=

=reschal Duc de Villeroy de faire autrement qu'il fit, et que si cette

                                                                                                favorable

 

                                                                                                            [248]

Un jour plustard rien ne tenoit,

Sous Baviere Nantur tombois4,

            Landerirette;

Mais ces coups l'en ont garenti,

            Landeriri.

 

Le glaive qu'il porte au costé5,

Le Roy6 veut qu'il soit aporté

            Landerirette,

Dans le Tresor de Saint Denis7,

            Landeriri.

 

De tes Ayeuls reprend l'employ

Tu serviras bien mieux le Roy;

            Landerirette,

Estant Secretaire à Paris

            Landeriri.

 

favorable occasion fut manquée, ce fut par la faute du

Duc du Maine, comme il a êté dit dans l'Argument.

4. On a {dit} dans l'Argument que Namur estoit lors assiegé par

le Prince d'Orange et le Duc de Bavieres, et que si le

Prince de Vaudemont avoit êté battu; Il falloit lever ce siege.

5. l'Espée du Mareschal Duc de Villeory.

6. Louis XIV. Roy de France.

7. Tout le monde scait que le Tresor de St. Denis en France à 2.

lieues de Paris, est plein de raretez; Que les Couronnes des

Rois y sont conservées, l'auteur qui continuë son ironie contre

                                                                                                            le

 

 

                                                                                                            [249]

 

le Mareschal Duc de Villeory veut que l'Epée de ce General y soit

aussi mise comme une rareté. Cette raillerie est cruelle; mais elle n'est

pas fondée. Ce Mareschal êtoit brave de l'aveu de tout le monde

et ne manquoit point d'envie d'acquerir de la gloire; mais il ne

fut pas secondé dans cette occasion, comme il a êté dit.

 

Nota; Que pour l'intelligence ce cecy, il faut scavoir que

Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange ayant commencé

la Campagne au mois de Juin 1695. par faire semblant de vouloir

forcer les Retranchemens qui couvroient les pais bas François,

afin d'attirer toute l'Armée Françoise de ce côté là, il vint camper

au village de Bisselaer, entre Menin et Ipres, et vis à vis le

centre des lignes êtoient d'une de ces villes à l'autre. Il fit en

même tems attaquer par le Duc de Virtemberg un Retranchement

qui êtoit sous le Fort de la Kenoque, et par le Duc Electeur de

Bavieres; celui qui êtoit de la Lys à l'Escaut. le Maā Duc

de Villeroy s'etant avancé derriere le retranchement qui va de

Menin à Ipres opposa un Corps de troupes au Duc de Virtemberg

sous les Ordres de Charles de Montfaunin Comte de Montal

Chevalier des Ordres du Roy, et Lieutenant general de ses armées,

tandis que Louis-François de Boussers, Mareschal de France

&ca. Gouverneur de Flandres soutenoit de son côté l'attaque du Duc

de Baviere entre la Lys et L'escaut avec l'Armée qu'il commandoit

sous les Ordres du Mareschal Duc de Villeroy son ancien. Celui

cy êtant ainsi oposé au Prince d'Orange le trouva si mal posté

à Besselaer, qu'il se persuada que s'il l'y alloit attaquer, et lui

donner Bataille il le battroit aisement. Il depescha un Courrier

au Roy pour en avoir la permission, car il lui êtoit deffendu de

rien hazarder. Sa Majesté ne lui ayant pas voulu le permettre, ce

genéral se contenta de soutenir l'attaque des lignes, mais elle ne fut

n'y longue ny vigoureuse, car le Prince d'Orange qui avoit son

dessein marcha au siege de Namur qu'il avoit fait investir le

1er. Juillet, par le Comte d'Athlone Anglois qui commandoit un

corps de ses troupes du côté de Liege, le Duc de Bavieres, et le

Duc de Virtemberg l'y suivirent, et le Prince de Vaudemont resta

sur la Lys avec un corps de 50. Bataillons et de 6000. Chevaux

pour couvrir les places des Espagnols qui sont du côté de la mer.

Le Mareschal Duc de Villeroy qui aprés le départ du Prince d'Orange

êtoit venu camper à Pot sur l'Escaut, entre Tournay et Oudenarde,

eut avis que le Prince de Vaudemont êtoit campé sur la petite

                                                                                                            Riviere

 

                                                                                                            [250]

Riviere de Mondelle de là la Lys un peu au dessus de

Deinse. Il obtint permission du Roy de l'aller attaquer, et,

pour cet effet, il partit de Pot le ..... Juillet, et ayant passé,

la Lys à Courtray, marcha droit à la Mandelle. le Prince de

Vaudemont en ayant eu avis abandonna le poste de Dauterghem

où êtoit la gauche de son Armée, il mit cette même gauche à la

Mandelle du côté de son embouchure dans la Lys, et étendit

sa droite jusqu'au Village d'Arselle pour faire face au Maāl

Duc de Villeroy. Il se retrancha dans ce camp profitant d'un petit

Marais et d'un petit bois qui étoient devant lui. Le Maāl Duc de

Villeroy dont l'Armée étoit forte de 85. Bataillons et de 15000.

Chevaux la sépara en deux. Il donna la gauche à commander à

Louis-Auguste de Bourbon Duc du Maine fils naturel du

Roy &ca. pour attaquer les Ennemis du côté d'Arselles, et lui avec

la droite possa la Mandelle et s'empara d'Auterghem pour

attaquer la gauche des Alliez. Les difficultez qu'il y avoit a

attaquer les Ennemis de ce côté, jointes à la marche outrée de

l'Armée Françoise qui avoit empesché l'Artillerie de suivre

fit qu'il la fallut attendre et reconnoître les Postes par où il falloit

aller à eux. Cela fit perdre 4 heures de tems, pendant lesquelles

le Prince de Vaudemont qui êtoit perdu sans ressource, s'il eut êté

attaqué, amusa le Mareschal Duc de Villeroy avec des Piques

mises sur ses retranchemens, des Tambours, et des Trompettes

qui battoient et sonnoient toujours et quelques petites pieces de

Campagne qui tiroient, tandis qu'il se retira sous Gand. Si le

Duc du Maine avec l'aisle gauche qu'il commandoit et qui n'avoit

aucun obstacle pour attacquer les Ennemis par leur droite eût

seulement marché à eux, il les tailloit en pieces sans combattre;

mais il demeura en Bataille vis à vis d'Ardelle, disant qu'il

n'avoit point ordre d'attaquer. Cela sauva le Prince de Vaudemont

qui se retira facilement; de maniere que lors que entra dans

son Camp on le trouva abandonné, et son Armée hors de portée de

pouvoir combattre. Les Officiers de l'Armée Françoise qui virent

de prés ce qui se passoit jetterent toute la faute de ce malheur

sur le Duc du Maine; mais le peuple de Paris qui rend toujours le

Général garant des Evenemens, fut irrité contre le Maāl Duc de

Villeroy, qu'il ni eut pas eu de seureté pour lui dans cette grande

ville, s'il y fut venu alors. On fit sur lui les Chansons suivantes.

En effet si le Prince de Vaudemont eut êté battu, comme il êtoit fort

aisé, il falloit que le Prince d'Orange leva le siege de Namur, dés

que l'Armée Françoise auroit marchée au secours, et c'eut êté un grand

acheminement à la Paix générale.

 

 

                                                                                                            [251]

 

Chanson [X]                                                                                                     1695.

 

Sur l'Air: Rochers vous êtes sourds.

 

Sur le même sujet que la précédente.

 

Nota; Que cette Chanson est adressée au Mareschal

Duc de Villeroy.

 

Dormez cher Général la grasse matinée1,

Et tenez N..... beau fils maintenant au grabat;

Mais ne vous couchez point la veille d'un Combat,

Et si vous m'en croyez dormez l'aprés disnée.

 

Tandis que Vaudemont2 vous l'a presentoit belle,

Que vos Guerriers brûloient d'ardeur et de couroux,

Falloit-il s'endormir au lieu d'aller aux coups,

Et doit on s'arrester lorsque la gloire apelle.

                                                                        Du

 

 

1. L'Autheur de cette Chanson prétend que ce fut la parresse

du Mareschal Duc de Villeroy, qui lui fit manquer l'occasion

de défaire l'Armée que commandoit le Prince de Vaudemont

et que ce Général s'etoit tenu trop longtems au lit, ce qui n'est

pas vray; On a veu au vray dans l'Argument de la Chan=

=son precédente le détail de cette Affaire, le Lecteur y est

renvoyé.

2. Charles de Lorraine Prince de Vaudemont Grand d'Esper.

Chevalier de la Toison d'or, Me. de Camp général des païs

bas Espagnols, et genéral de cette Armée.

 

                                                                                                            [252]

 

Du Pré3, Barcos4, et vous dans un bonnet trois testes5,

Vous êtes consolez par un doux avenir.

Mais en guerre, en amour y peut on revenir;

Il faut être plus prompt pour faire des Conquestes.

 

Vos diligens Courriers7 qui chantoient la Victoire,

Ont fait fumer l'Encens à la Cour, à Paris;

Mais la Montagne enfin enfante une Souris8

Et nous qui le voyons, avons peine à le croire9.

                                                                                    Epaulé.

 

3. Du Pré êtoit une espece de mauvais plaisant, joueur, et

néanmoins homme d'esprit, et honneste homme attaché

au Mareschal Duc de Villeroy qu'il avoit suivi a l'Armée.

4. Barcos êtoit le Secretoire du Mareschal Duc de Villeroy,

homme de beaucoup d'esprit.

5. L'autheur pretend que le Mareschal Duc de Villeroy ne

faisoit rien sans la participation de du Pré, et de Barcos,

ce qui n'est pas pas vray.

6. C'est a dire par l'esperance de trouver une autre occasion de

batre les Ennemis.

7. Les Courriers que le Mareschal Duc de Villeroy avoit envoyé

à la Cour, avoient asseuré qu'il battroit les Ennemis, et l'on s'y

attendoit.

8. Tout le monde scoit ce que c'est que la Fable de la Montagne,

qui ayant fait de grands cris pour accoucher, n'enfanta qu'une

Souris. Elle est d'Esope, et raportée par plusieurs Autheurs.

L'Auteur de cette Chanson compare les promesses que faisoit

le Mareschal Duc de Villeroy, de battre les Ennemis, aux cris

de la Montagne, et l'effet qui s'en ensuivit à l'enfantement d'une

souris.

9. Il est aisé devoir par ce vers que cette Chanson a êté faite

par un Officier de l'Armée Françoise qui êtoit à cette occasion,

et qui n'estoit pas prevenu en faveur du Général.

 

                                                                                                            [253]

 

Epaulé de Conty16, de Bourbon11, et du Maine12,

Vous voyez l'Ennemy dans ses retranchemens13,

Et l'a vous triomphez en beaux misonnemens

Sur l'évident peril d'une entreprise vaine14.

 

 

10. François-Louis de Bourbon Prince de Conty qui

servoit de Lieutenant général en cette Armée.

11. Louis Duc de Bourbon Prince du Sang &ca. qui servoit

aussi de Lieutenant general en cette Armée.

12. Louis-Auguste de Bourbon fils naturel du Roy Louis

XIV. Duc du Maine &ca. qui servoit aussi de Lieutenant gñal

en cette Armée. L'auteur étoit apparemment de ses amis,

car se fut lui qui manqua réellement, et de fait, l'occasion

de battre les ennemis, comme il a êté dit dans l'argument

de la Chanson precedente.

13. Il est vray que l'on voyoit l'Ennemy dans ses retranchems.

mais c'etoit à la gauche de nôtre Armée où êtoit le Duc

du Maine, et non à la droite où êtoit le Mareschal Duc

de Villeroy, car il y avoit un Bois et un Marais entre

lui, et les Retranchemens.

14. Il n'est pas vray que le Mareschal Duc de Villeroy;

perdist le tems en raisonnemens. Il cherchoit à passer;

mais pendant ce tems là les Ennemis se retirerent.

 

 

                                                                                                            [255]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: Reveillez vous belle endormie.

 

Sur le même sujet que les précédentes.

 

On a veu ce héros terrible1,

L'orgner fièrement Vaudemont2,

Il l'avoit percé comme un Crible

S'il eût êté un peu moins bon3.

 

Puisqu'autre fois une pucelle

Mit les Anglois en desarroy4,

Il faut tout espérer de celle5.

Que porte au costé Villeroy.

 

Son Baudrier6, son Equipage7,

                                                            Son

 

1. Le Mareschal Duc de Villeroy Général de l'Armée Françoise.

2. Le Prince de Vaudemont, qui commandoit le Corps d'Armée

des Alliez.

3. L'Auteur par le mot de bon, insulte à la valeur du Maāl

Duc de Villeroy, mais cela n'est pas fondé.

4. Tout le monde scait que sous le regne du Roy de France

Charles VII. Jeanne d'Arc dite la Pucelle d'Orleans, contribua

le plus à chasser les Anglais du Royaume, c'est d'Elle dont

l'auteur veut parler.

5. L'auteur traite l'Espée du Maāl Duc de Villeroy, de pucelle,

cette raillerie est fine et piquante, mais fausse.

6. Le Maāl Duc de Villeroy portoit toujours un Baudrier, bien

qu'ils ne fussent plus à la mode.

7. Il avoit un Equipage magnifique à la guerre.

 

                                                                                                            [256]

 

Son noble orgueil8, son air de bal9,

Son noeud d'Espeé10, et son beau page11,

Font les trois quarts du Général.

 

8. Il faut convenir qu'il avoit l'air vain et glorieux; mais plus qu'il

ne l'estoit.

9. Il faut {encore} convenir qu'il avoit plus l'air d'un courtisan

que d'un homme de guerre.

10. La mode êtoit alors de porter de fort gros nœuds de rubans

d'or et d'Argent à l'Espée, et le Mareschal Duc de Villeroy,

qui se piquoit d'etre toujours bien mis, en portoit toujours des

plus gros, et des plus magnifiques.

11. On ne scait pourquoi l'Auteur s'est étendu sur ce Page;

car le Mareschal Duc de Villeroy, n'estoit rien moins que

sodomite.

 

 

                                                                                                            [257]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: Il à batu son petit frere.

 

Sur le même sujet que les précédentes.

 

Ils n'y entendoient rien qui vaille,

Tous ces grands donneur de Bataille;

Le sage et prudent Villeroy

Trouve une bien plus grande gloire,

A garder les Troupes du Roy,

Qu'a remporter une Victoire.

 

Cette Chanson cy n'a pas besoin de Commentaire pour ceux

qui auront veu ceux des précédentes.

 

 

                                                                                                            [259]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air: de Lanturlu &ca.

 

Sur le même sujet que les précedentes.

 

Paris et Versailles

De moy parlent mal1,

Mais vaille que vaille

Je suis Géneral2;

Je me bats les fesses

D'un raisonnement cornu,

Lanturlu, lanturlu,

Lanturlu lanture.

 

Luxembourg3 ce brave,

Qu'on vante si fort,

Souvent du Batave4,

                                                A causé

 

1. Il est certain que tout le monde crioit à Paris, et à Versailles

contre le Mareschal Duc de Villeroy, sur la nouvelle qui vint

qu'il avoit manqué l'occasion de défaire le Prince de Vaudémont,

mais on lui rendit justice, quand on sceut de quelle maniere la

chose s'etoit passée. Elle est expliquée au long dans le Commentaire

de la 1re. des Chansons faites sur ce Chapitre.

2. C'est le Maāl Duc de Villeroy, que l'auteur fait parler dans

cette Chanson cy; Je suis General, c'est à dire je commande

les Armées du Roy.

3. Feu François-Henry de Montmorency-Luxembourg, Pair

et Mareschal de France &ca. qui commandoit les Armées du Roy

en Flandres, avant le Mareschal Duc de Villeroy.

4. Par le mot de Batave, l'auteur entend les Flamands et Hollan=

=dois.

 

                                                                                                            [260]

 

A causé la mort5.;

Mais dans ces Campagnes

Trop de sang fut répandu,

Lanturlu, lanturlu

Lanturlu, lanture.

 

Le grand Roy de France7,

Me fit Mareschal8,

La même prudence

Me fit général9,

Devoit il s'attendre,

A rien qu'a ce qu'on a veu10,

Lanturlu &ca.

 

Nos héros fidelles11,

Sans être tronquez12,

                                                Pourront

 

5. Par les Batailles qu'il a données et gagnées contre eux,

comme Fleurus, Liens, Steinkerque et de Neerwinde &ca. Il en a

êté parlé au long dans plusieurs endroits de ce Recueil.

6. Ce cy est une plaisanteries contre le Maāl Duc de Villeroy.

7. Louis XIV.

8. Le Mareschal Duc de Villeroy eut le baston au mois de Mars

1693.

9. General de l'Armée de Flandres.

10. L'auteur qui a fait cette Chanson contre le Maāl Duc de

Villeroy, prétend que du moment que le Roy lui a donné le

Commandement de ses Armées, on s'est dû attendre qu'il

s'en acquitteroit mal, et qu'il êtoit incapable de cet Employ.

11. C'est à dire les gens de guerre François.

12. C'est à dire sans être estropiez à la guerre par des coups de

Canon, et de Mousquet.

 

                                                                                                            [261]

 

Pourront de leurs belles

Se jetter aux pieds.

J'eusse sans le Sexe13,

Comme un Diable combattu;

Lanturlu &ca.

 

Je suis pacifique,

Gracieux, galant,

Et point ne me pique

D'aller pourfendant;

Laissons les vieux Reistres,

Donner de teste et de Cul,

Lanturlu &ca.

 

Qu'on mettre à la teste

De nôtre parly14,

Pour faire conqueste,

Vendosme15, et Conty.

                                                Pour

 

13. C'est à dire sans les femmes, c'est que le Mareschal Duc

de Villeroy, êtoit fort galant.

14. C'est à dire de nos Armées.

15. Louis-Joseph Duc de Vendosme Pair de France Chtr.

des Ordres du Roy, General des Galeres, qui commandoit

cette même année 1695. l'Armée Françoise en Catalogne.

16. François-Louis de Bourbon Prince de Conty qui

servoit de Lieutenant general dans l'Armée commandée

par le Mareschal Duc de Villeroy.

 

 

                                                                                                            [262]

 

Pour moy je déclare,

Que l'amour est ma vertu17;

Lanturlu, lanturlu,

Lanturlu, lanture.

 

17. On a déja dit que le Mareschal Duc de Villeroy êtoit

fort galand.

 

                                                                                                            [263]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air de la Rochelle.

 

Sur le même sujet que la précedente.

 

Que nostre Général est droit1;

Qu'il est beau, magnifique, adroit,

Disoit le Soldat la Riviere2

Ah Camarade que dis tu ?

Dit un vieux sergent en colere.

Je t'aimerois bien mieux bossu3.

 

1. Le Mareschal Duc de Villeroy General de l'Armée Françoise

en Flandres, qui êtoit fort droit, et de la plus belle taille du monde.

2. L'auteur fait parler un soldat de l'Armée commandée

par le Mareschal Duc de Villeroy.

3. L'auteur par le mot de bossu, entend parler de feu François

-Henry de Montmorency-Luxembourg Géneral de l'Armée

Françoise en Flandres avant le Mareschal Duc de Villeroy,

lequel êtoit bossu; ainsi ce dernier vers veut dire que le sergent

qu'on fait parler, aimeroit mieux le feu Mareschal Duc de

Luxembourg pour general, que le Mareschal Duc de Villeroy.

 

                                                                                                            [265]

 

Epigramme     [X]                                                                                           1695.

 

Sur le même sujet que les Chansons

précedentes.

 

Luxembourg1 en mourant l'ame encore occupée,

            De servir l'Estat et le Roy.

Laissa son Bandrier au galant Villeroy2

            Au brave Conty son Epée.

 

1. Feu François-Henry de Montmorency-Luxembourg

Duc de Piney, Pair et Mareschal de France &ca. General des

Armées Françoises en Flandres, avant le Mareschal Duc de

Villeroy.

2. Le feu Mareschal Duc de Luxembourg portoit toujours

un Baudrier, quoiqu'ils ne fussent plus à la mode le Maāl

Duc de Villeroy en portoit aussi toujours un. Voila pourquoi

l'auteur dit que le 1er. en mourant, avoit laissé son Baudrier

à celui cy.

3. L'auteur qui [a] escrit satiriquement ce Madrigal contre le

Mareschal Duc de Villeroy, dit avec malignité, que le feu

Mareschal Duc de Luxembourg, n'a laissé que son Baudrier

au Mareschal Duc de Villeroy; mais qu'il a laissé son Espée

à François-Louis de Bourbon Prince de Conty, dont la valeur

êtoit éclatante. Il veut dire par là que celle du Mareschal

Duc de Villeroy n'estoit pas de même.

 

                                                                                                            [267]

 

Epigramme                                                                                                     1695.

 

Sur le même sujet que la précédente.

 

Un Bastard autrefois a sauvé le Royaume1,

Un Bastard aujourd'huy sauve le Roy Gauillaume2.

 

1. L'Auteur de cette Epigramme veut parler en cet endroit

de Jean Bastard d'Orleans Comte de Dunois qui sous le

regne de Charles VIIe. chassa les Anglois qui avoient usurpé

la France.

2. L'Auteur veut parler icy de Louis-Auguste de Bourbon

légitimé de France, Bastard du Roy Louis XIV. Duc du

Maine, qui comme on a veu dans les Argumens et les Com=

=mentaires precedents, laissa échaper l'occasion de défaire

les Troupes de Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange,

Couronné Roy d'Angleterre, Commandées par le Prince

de Vaudemont.

 

Nota; Que l'auteur se prend de ce malheur au Duc du Maine,

et qu'il a en cela plus de raison que ceux qui en accusent le Mareschal

Duc de Villeroy, comme on a veu dans les pieces précédentes.

 

                                                                                                            [269]

 

Epigramme                                                                                                     1695.

 

Sur Achilles de Harlay 1er. President du

Parlement de Paris; au sujet d'une attaque

d'Apoplexie qu'il eut le .... du mois de 1695.

 

Ne saignés plus1, l'Emétique est meilleur,

Purgez, purgez, le mal est dans l'humeur.

 

1. On avoit d'abord beaucoup saigné le 1er. President, comme

on fait à ceux qui sont frapez d'Apoplexie.

2. Le 1er. President êtoit lhomme du monde le plus sujet à

son humeur bizarre, et inégale. Il êtoit le 1er. à l'avoüer

à ses amis, ce défaut êtoit connu de tout le monde et l'auteur

qui jouë sur le mot d'humeur, veut qu'on purge ce malade

pour lui oster ses mauvaises humeurs, au lieu de le saigner.

 

 

                                                                                                            [271]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Robin turelure.

 

Sur Armand-Jean de Joyeuse Mareschal

de France, Chevalier des Ordres du Roy;

Gouverneur des ville & Citadelle de Nancy,

&ca. Commandant l'Armée de France en

Allemagne.

 

Nota; Que ce Mareschal servoit en second dans cette année

sous Guy de Durfort de Lorge, Mareschal de France, Duc de

Quintin, Chevalier des Ordres du Roy, Capitaine des Gardes

de son Corps, Gouverneur de Lorraine, et qu'il ne commandoit

l'Armée qu'a cause que ce dernier êtoit malade.

 

Le gros Général Chicot1,

Général par avanture2.

Pour faire bouillir son pot3

Turelure.

                                                Nous

 

1. Les drilles de l'Armée apelloient le Mareschal de Joyeuse,

le Mareschal Chicot, parce que disoient ils, il ne faisoit que

chicoter, pour dire vetiller.

2. On a veu dans l'Argument qu'il ne commandoit l'Armée

en chef qu'a cause de la maladie du Mareschal de Lorge.

3. Le Mareschal de Joyeuse êtoit for interessé faisoit

profit de tout, il êtoit grand pillard, pendant qu'il commanda

l'Armée, il envoyoit la Cavallerie à la pasture, au lieu de

faire de bons et grands fourages. les troupes qui en soufroient

se persuaderent qu'il n'en usoit ainsi que pour tirer rétribution

de ceux dont il ne faisoit pas fourager les terres. Voila

                                                                                                pourquoi

 

 

                                                                                                            [272]

 

Nous envoye à la pasture4,

Robin, turelure.

 

Pour nous venger du brutal5,

Qui nous a fait cette injure,

Enuoyons-le comme un Cheval

Turelure.

Tous les jours à la pasture

Robin turelure.

 

pourquoi l'auteur de cette Chanson, dit que c'estoit pour faire

bouillir son pot, qu'il envoyoit à la pasture.

4. Lisiez l'Article précedent.

5. Le terme est trop fort, le Mareschal de Joyeuse n'estoit

point un brutal, au contraire, il êtoit fin délié, et tres habile

surtout pour ses interrest. Il êtoit même toujours amoureux,

tout vieux qu'il êtoit, il avoit entretenu longtems une maîtresse

à Paris qui êtoit morte alors, et qui s'apelloit Madame de St.

Seruin, Elle êtoit fort jolie, il l'amoit fort; mais il lui

donnoit peu, quoiqu'elle en eut besoin, pour y trouver son

compte, elle le voloit tant qu'elle pouvoit en faisant un

trou à l'une de ses poches lorsqu'il dormoit les jours chez

elle, et en ramassant les pistolles qui tomboient par ce trou.

 

 

                                                                                                            [273]

 

Parodie                                                                                                           1695.

 

De la Chanson précédente à laquelle elle sert

de réponse, par le Mareschal de Joyeuse lui

même.

 

Le gros Général Chicot,

Général par avanture,

Pouroit donner du Tricot

            Turelure.

Au Poëte de la Pasture,

Robin turelure lure.

 

Cette Parodie n'a pas besoin de Commentaire pour celui qui

aura leu la Chanson précédente, il suffit de dire que le Poëte

de la Pasture est l'auteur de cette Chanson.

 

                                                                                                            [275]

 

Epigramme.                                                                                                    1695.

 

De François de Harlay de Chanvallon

Archevesque de Paris, Duc et Pair de France,

Commandeur des Ordres du Roy, Coner. en

ses Conseils, Abé de Jumieges, Docteur, et

Proviseur de Sorbonne, Supérieur de Navarre;

nommé par le Roy Louis XIV. au Cardinalat,

cy devant Archevesque de Rouen; mort en sa

Maison de Conflans prés Paris le .... Aoust 1695.

 

Que la mort aime la surprise,

Elle en veut à tout les Harlais1,

Brusquement, elle va du singe du Palais2,

A la pagode de l'Eglise.3

 

1. On a veu dans l'Epigramme précédente que Achilles de

Harlay 1er. President du Parlement de Paris avoit eu une

Attaque d'apoplexie le .... François de Harlay Archevesque

de Paris, meurt le .... Aoust suivant. ainsy l'auteur de

cette Epigramme à raison de dire, que la mort en veut aux

Harlais.

2. L'auteur par ce mot de singe du Palais, entend le 1er. Presidt.

3. L'auteur veut dire par pagode de l'Eglise, l'Archevesque

de Paris.

 

                                                                                                            [276]

 

Epitaphes                                                                                                        1695.

 

De François de Harlay de Chanvallon,

            Archevesque de Paris.

 

Passant qui passés par ce lieu,

Venez jetter au nom de Dieu,

A Chanvallon de l'eau bénite;

Il en donna tant à la Cour;

Que c'est le moins qu'il mérite

Qu'on lui rende le double à son tour.

 

            Autre.

 

Chanvallon a plié bagage,

Il est pleuré par un chacun;

Mais ne pleurons pas d'avantage,

Puisqu'il nous a laissé d'un saint concubinage

Trois petits Chanvallons pour un.

 

            Autre.

 

Cy gist ce Chanvallon, cet adroit politique.

Qui fut aimé du sexe, et du Prince adoré;

Il ne pouvoit manquer de mourir hidropique,

Car il fut toujours plain et toujours altéré.

 

                                                                                                            [277]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air de Mais.

 

Sur la mort de François de Harlay de

Chanvallon Archevesque de Paris.

 

Harlay n'est plus

Ce Prince de l'Eglise

Qui pour Venus

Eut l'ame si soumise1,

Pais,

Le Pape le Canonise2,

L'Esdiguieres en fait les frais.

 

1. Cet Archevesque fut toujours un grand Paillard.

2. Ce cy est dit ironiquement, car bien que le Roy l'eût nommé

Cardinal, il êtoit fort hay à Rome, ayant toujours êté

le promoteur de tous les démeslez que le Clergé de France

avoit eu avec le St. Siege, comme on a pû voir dans toutes

les pieces precedentes au sujet des Contestations de {la Cour de} Rome

et celle de France.

3. L'auteur qui continua sa raillerie veut icy parler de

Paule-Marguerite-Françoise de Gondy Duchesse de

l'Ediguieres, qu'on dit que l'Archevesque de Paris aimoit

et chez laquelle il alloit tous les jours.

 

 

                                                                                                            [279]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: du Confiteor.

 

Sur ce que François de Neufville Duc de

Villeroy, Pair et Mareschal de France &ca.

Général des Armées du Roy Louis XIV. en

Flandres, ayant assiegé Dixmude qui se

rendit le 27. Juillet, et ensuitte la petite ville

de Deinse, qui se rendit le 31. du même mois,

recent ordre de sa M. de faire Bombarder

Bruxelles, pour répresailles de ce que les Alliez

contre la France avoit fait bombarder par leur

Flottes les villes de Dunkerque, Calais, St. Malo,

Ce que ce Général éxécuta en presence de l'Armée

de 30000. hommes que commandoit Charles

de Lorraine Prince de Vaudemont, et de

Maximilien-Marie Electeur de Bavieres

Gouverneur perpetuel des païs bas Espagnols,

qui êtoit accouru à Bruxelles ville de sa

residence, sur le bruit que l'Armée Françoise

marchoit de ce costé.

 

Nota: Que le Mareschal Duc de Villeroy êtant arrivé

le 11. Aoust 1695. à Anderleck, fauxbourg de Bruxelles,

et ayant poussé les Ennemis dans la ville, aprés les avoir

chassez de 2. postes qu'ils tenoient dans ce fauxbourg, fit

tirer sans discontinuation des Bombes et des Boulets

rouges sur la ville, depuis le 13. jusqu'au 15. à midy, ce qui

y fit un dommage épouvantable, cependant le Prince d'Orange

                                                                                                continuoit

 

 

                                                                                                            [280]

 

continuoit le siege de Namur qu'il avoit fait investir le

1er. Juillet precedent, et où la tranchée avoit êté ouverte le

IIe. du même mois.

 

Quand le superbe1 Villeroy,

Donne Bruxelles aux flammes en proye2,

L'on se souvient avec effroy

Du grand embrazement de Troye3;

On y voit même le Cheval4

En regardant ce Général5.

 

Grand Mareschal6 si tu m'en croy,

Quitte le métier de la guerre,

Tu rempliras bien mieux l'employ

De ton Ayeul le Secretaire7;

                                                            Reprend

 

1. Le Mareschal Duc de Villeroy avoit l'air vain et glorieux,

aussi l'etoit il, mais beaucoup moins qu'il ne le paroissoit.

2. C'est à dire, quand il fait bombarder Bruxelles, comme il

est expliqué dans le Commentaire.

3. Peu de gens ignorent ce que c'est que la guerre de Troye, chantée

par Homere et Virgile, et comme les Grecs aprés dix ans de

siege, la prirent par le Stratageme d'un grand Cheval de Bois

dans lequel il y avoit des guerriers enfermez, et là bruslerent.

4. L'auteur tres brutalement compare icy le Mareschal Duc de

Villeroy au Cheval dont se servirent les Grecs pour prendre Troye.

cette Comparaison est fausse et grossiere.

5. Le Mareschal Duc de Villeroy.

6. Ce cy s'adresse au Mareschal Duc de Villeroy que l'auteur

apelle grand pas dérision.

7. Nicolas de Neufville Sr. de Villeroy Secretaire d'Estat

                                                                                                sous

 

                                                                                                            [281]

 

Reprends la plume, Villeroy,

Tu serviras bien mieux ton Roy.

 

sous les Rois Charles IX. Henry III. Henry IV. et

Bisayeul du Mareschal Duc de Villeroy, dont il est parlé icy;

Il fut fait Secretaire d'Estat en 1567, destitué en 1588.

rétably en 1594. et mourut en 1616.

 

 

                                                                                                            [283]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: du Lanturlu.

 

Sur ce que François de Neuville Duc de

Villeroy, Pair et Mareschal de France, Chtr des

Ordres du Roy, &ca. Général des Armées

en Flandres; ayant receu ordre de sa Maj.

de tenter le secours de Namur, que Guillaume-

-Henry de Nassau Prince d'Orange tenoit

assiegé depuis le 1er. Juillet 1695 partit de ...

Bruxelles le 17. Aoust suivant, aprés l'avoir

bombardée, comme on a veu dans le Commentre.

de la Chanson precedente, et marcha en dessein

de secourir la place assiegée, ce qu'il ne pût

exécuter.

 

Nota; Que le Mareschal Duc de Villeroy allant de

Bruxelles à Namur, trouva que les Ennemis s'etoient saisis

d'un défilé au Village du Mazy, et qu'il êtoit impossible de

les en chasser, cela obligea a prendre à gauche et a gagner

les bords de la riviere de Mehaigne. Il campa aux grands

Rosiers le 30. Aoust, et fit passer cette Riviere dans

l'Abbaye de Bonneff à 10. Escadrons, pour en chasser 30.

des Ennemis qui êtoient de l'autre côté, et pouvoir ensuitte

reconnoître les lignes. Les 10. Escadrons François batirent

et pousserent les 30. des Ennemis jusques dans ces mêmes

lignes, avec beaucoup de valeur, mais comme la ville de

Namur s'etoit renduë dés le 17. Aoust qu'il n'y avoit plus

que le Château qui tenoit, qu'il êtoit à l'extremité, que les

Ennemis n'estoient plus obligez à circonvaller la ville, et

que d'ailleurs leurs êtoient excellentes, tous les Generaux

François convinrent qu'il êtoit impossible de les forcer

                                                                                                et

 

                                                                                                            [284]

 

et qu'ainsi le secours de Namur êtoit impraticable, ainsi le

Mareschal Duc de Villeroy qui n'avoit pas pû faire suivre ses

gros bagages et ses Caissons, et qui en partant de Bruxelles n'en

avoit pû prendre du pain que pour 7. ou 8. jours, fut obligé de se

retirer aprés ce Combat, et d'abandonner le secours du Château de

Namur, qui se rendit le 3. Septembre. Ce fut un grand malheur

pour le Royaume, car si ce siege eut êté levé, la Paix générale,

selon toutes les apparences, s'en seroit ensuivie, et la France

épuisée par la guerre en avoit grand besoin; aussi fut ce un

déchainement général contre le Mareschal Duc de Villeroy qui ne

le secourut pas, et Louis-François de Boufflers Maāl de France

qui défendoit cette place comme Gouverneur de Flandres, sur ce qu'on

prétend qu'il la defendit mal. On verra plus au long le détail de ce

siege dans les Chansons suivantes, cependant on peut dire en faveur

du Mareschal Duc de Villeroy, qu'il fit ce qu'il pût. Tout le monde

en convint par la suitte, et lui rendit justice.

 

D'une mine fiere

Villeroi partit1,

Suivant sa Carriere

Jusques au Mazy2;

Quand il vit Guillaume3,

Il cria comme un perdu;

Lanturlu, lanturlu,

Lanturlu, lanture.

                                                                                    Le

 

1. Partit de Bruxelles, qu'il venoit de bombarder.

2. Mazy est un village entre Bruxelles et Namur sur le

chemin de l'une à l'autre de ces villes.

3. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange s'etoit posté

au Mazy avec un Corps de troupes Ennemies, qui en rendoit

le passage impraticable, a cause d'un grand défilé qu'elles

occupoient en cet endroit.

 

 

                                                                                                            [285]

 

Le Roy qui m'estime4,

M'a fait genéral5;

J'ay fort bonne mine

A pied à Cheval6;

Pour donner Bataile

Mon glaive n'est pas pointu7

Lanturlu &ca.

 

Alors nostre Armée8,

Dit tout d'une voix;

Voyez son Espée,

Elle n'est que de bois9,

Le croyez vous brave ?

Ouy, quand il est bien vestu10,

Lanturlu &ca.

                                                            Les

 

4. Le Roy Louis XIV. aimoit et estimoit le Maāl Duc de

Villeroy, qui êtoit de tous ses plaisirs, ce qui êté elevé avec lui,

êtant fils de son Gouverneur. Nota, Que c'est le Maāl qui

parle en ce Couplet.

5. Général de ses Armées en Flandres.

6. Le Maāl Duc de Villeroy êtoit l'homme de la Cour qui avoit

la meilleure mine à pied et à cheval.

7. Cette médisance est aussi injuste qu'atroce si l'auteur avoit

dit que le Maāl Duc de Villeroy n'estoit pas un habile Général,

il auroit dit vray, mais on ne pouvoit lui faire de reproche

sur son courage.

8. l'Armée Françoise.

9. Lorsque le Maāl Duc de Villeroy fut nommé par le Roy

pour commander les armées de Flandres, on fit ce qui s'apelle

des logemens sur plusieurs personnes de la Cour, celuy de ce

Maāl êtoit, ruë Montorgueil a l'Espée de Bois; C'est ce que

l'auteur rapelle icy, mais tres mal à propos, comme on a dit à

l'article 7. de ce Commentaire.

10. Jeu de mot assez mauvais, et sans fondement.

 

 

                                                                                                            [286]

 

Les vaillans de Chartres11,

Conty12, et Bourbon13;

Ont voulu combattre14,

Malgré ce Poltron15;

Pour donner Bataille,

Leur glaive est ferme et pointu16,

Lanturlu &ca.

 

Vive de la France

Le sang précieux17;

Il passe en vaillance

Tous les demy Dieux;

                                                Pour

 

11. Philippes d'Orleans petit fils de France Duc de Chartres

Chevalier des Ordres du Roy &ca. qui servoit de Lieutenant gñal

en cette année.

12. Louis-François de Bourbon Prince de Conty, et du sang Chtr

des Ordres du Roy &ca. qui servoit aussi de Intendant, gñal

dans cette Armée.

13. Louis Duc de Bourbon Prince du sang, Pair et Grand Me. de

France, Chtr des Ordres du Roy qui servoit aussi de Lieutenant

géneral en cette Armée.

14. Il est certain que ces 3. Princes brusloient d'envie de trouver

une occasion de signaler leur valeur; mais ils convirent avec

le Maāl Duc de Villeroy que le secours de Namur estoit impra=

=ticable cela est de notoriété Publique le Prince d'Orange d'ailleur

n'avoit garde de hazarder une action gñale, voyant qu'en demeurant

dans ses lignes, il falloit que le Château de Namur qui êtoit aux

abois se rendist dans peu, comme il fit.

15. Cette Epithete que l'auteur donne au Maāl Duc de Villeroy n'est

pas plus véritable que polie.

16. Personne n'a jamais douté de la valeur de ces 3. Princes, surtout

des 2. derniers, ils en avoient donné trop de marques.

17. Les Princes de la Maison Royalle de France.

 

                                                                                                            [287]

 

 

Pour la Bastardise18,

Elle ne vaut pas un Escu19,

Lanturlu, lanturlu,

Lanturlu, lanture.

 

18. L'auteur veut parler des Princes legitimez de France,

fils naturels du Roy Louis XIV. qui sont Louis-Auguste

de Bourbon Duc du Maine, Comte d'Eu, Pair et Grand

Me. de l'Artillerie de France, Colonel gñal des Suisses, Chtr

des Ordres du Roy &ca. qui servoit de Lieutenant gñal dans

cette Armée. &ca. Louis-Alexandre de Bourbon Comte de

Toulouze, Duc de Damville, Pair et Admiral de France,

Chevalier des Ordres du Roy. &ca. tous deux Bastards du

Roy.

19. Ces 2. Princes manquoient certainement de mérite, à quoi

il faut ajouter, que le 1er. etoit tres malfaisant.

 

                                                                                                            [289]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: du Roy des Penons.

 

Sur le même sujet que le précédente.

 

Jeune Roy des Penons1,

Tes deux actions2,

Te font bien connoistre,

Digue rejetton,

Du bourgeois de Lion,

Qui t'a donné l'estre3.

 

1. Cette Chanson est la Parodie d'une autre Chansons sur le même

air, faite longtems avant celle cy, sur Nicolas de Neuville

Duc de Villeroy, Pari et Mareschal de France &ca. pere de François

sur lequel celle cy a êté faite. Voicy cette ancienne Chanson.

            Le Roy des Penons,

            Avec deux Canons,

            A pris Pignerole,

            Sa femme à Lion

            Avec deux Couillons

            A pris la vérole.

Il est inutile de Commentaire cette vieille Chanson qui ne fait

rien à nostre sujet. Il sufit de dire pour l'intelligence de celle

cy, que par maniere de raillerie, les habitans de la ville de

Lion sont apellez les Penons, on ne peut dire pourquoi leurs

Gouverneurs sont aussi nommez Rois des Penons. Le

Mareschal Duc de Villeroy êtoit Gouverneur de Lion, voila

pourquoi on l'apelle Roy des Penons. L'auteur l'apelle jeune

parce qu'etant encore jeune, il eut la survivance de ce Gouvernemt.

                                                                                                            que

 

 

                                                                                                            [290]

qui possédoit son pere {dès le tems de cette survivance on apelloit le pere} le vieux Roy des Penons, et son fils,

le jeune Roy des Penons. Il y a meme des Chansons dans ce

Recueil, faite sur celui cy ou il est appellé ainsy, de maniere

que jeune Roy des Penons, est comme qui diroit en apostrophant

le Mareschal Duc de Villeroy, oh Gouverneur de Lion.

2. L'auteur par ses 2. actions entend les 2. fautes que selon

lui le Mareschal Duc de Villeroy à faites dans cette Campagne.

La 1re. d'avoir laissé retirer devant son Armée, celle que Comman=

=doit le Prince de Vaudemont. La 2e. le Secours de Namur manqué;

Le détail des 2. en est plus haut.

3. Il passoit pour constant que le Mareschal Duc de Villeroy

n'etoit pas le fils du feu Mareschal Duc de Villeroy; mais d'un

bourgeois de Lion, nommé l'Abbé Charrier, Madelene de

Crequi de L'Esdiguieres Duchesse de Villeroy sa mere, morte en

1685. avoit êté grande putain dans sa jeunesse, et l'on prétend que

son mary n'estoit le pere de pas un des 8. Enfans qu'Elle avoit eu.

On disoit même qu'il êtoit impuissant. Quoiqu'il en soit, celui cy

êtoit fils de cet Abbé Charrier, auquel il ressembloit même parfaitemt.

Cet Abé êtoit galant homme, et valoit bien mieux que le Mareschal

Duc de Villeroy le pere.

 

                                                                                                            [291]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: J'ay perdu un bon amy.

 

A François de Neuville Duc de Villeroy,

Pair, et Mareschal de France &ca. sur le même

sujet que les pieces précédentes.

 

Si tu ne viens prés du Roy

            Villeroy,

Tu ne feras rien qui vaille,

Ayant si mal débuté,

            Cet Esté,

Fais du moins comme Noailles1,

 

Laissa là tes Baudriers2,

            Sans Lauriers,

                                                Et

 

1. On peut voir dans une Chanson faite sur ce même air

le printems de cette année, et qui commence par ces mots.

            Il revient donc ce héros

            De Rigaut.

Qu'Anne-Jules de Noailles Duc de Noailles Pair, et

Mareschal de France &ca. suplia le Roy de le décharger du

Commandement de l'Armée de Catalogue, ce que sa Maj.

lui avoit accordé. l'auteur de cette Chanson cy, veut que le

Mareschal Duc de Villeroy en fasse de même, et qu'il aban=

=donne le Commandement des Armées de Flandres.

2. On a veu dans une grande partie des Chansons faites sur le

Mareschal Duc de Villeroy et leurs Commentaires qu'il

                                                                                    portoit

 

                                                                                                            [292]

 

Et n'oublie pas ton Espée3,

Nous voyons icy4 fort clair,

            Ton grand air5,

N'est qu'une simple fumée,

 

Il faut contre des Anglois6,

            Des François

Suivans de meilleures traces7;

Ils sont tous en ce païs8,

            De l'avis

Qu'un bon chien chasse de race9.

 

portoit presque toujours un Baudrier, bien que cet ornement

ne fut plus à la mode.

3. Il est difficile de comprendre pourquoi les auteurs des Satires

contre le Mareschal Duc de Villeroy, en veulent toujours à son

Espée, et attaquent par là sa valeur, c'est sans doute sa meilleure

qualité. Pourquoi n'attaquent ils pas son esprit, sa capacité, son

scavoir, ils y trouveroient mieux leur compte.

4. A Paris et à la Cour.

5. Le Mareschal Duc de Villeroy avoit l'air haut et l'affectoit.

6. La plus grande partie de l'Armée des Alliez êtoit composée

d'Anglois, cette nation est tres courageuse, et a un souverain

mépris pour la mort.

7. C'est a dire des traces meilleures que celles que tu leur montres.

8. A Paris, et à la Cour.

9. La Maison de Neuville dont le Mareschal Duc de Villeroy êtoit

le Chef, venoit de bas lieu, Elle venoit de Richard de Neufville

vendeur de Poisson de mer à Paris, mort le 18. Fevrier 1401.

et enterré dans le Cimetiere des Sts. Innocens, le fils de ce

Richard s'apella Nicolas de Neufville, fut aussi vendeur

de Poisson de mer, puis Me. d'hostel de Philippes Duc de

                                                                                                Bourgogne

 

                                                                                                            [293]

Bourgogne et Receveur pour le Roy des Aydes et Taillon de

l'Election de Paris l'an 1469. Il avoit êté Echevin en la même ville

l'an 1436. Son fils apellé Nicolas comme luy, fut Sgr de Villeroy,

d'Alincourt, et de Magny, Secretaire des Finances, et Tresorier de

l'ordinaire des guerres. Il fut Prevost des Marchands à Paris l'an

1568. et mourut fort agé l'an 1599. Il fut pere d'un autre Nicolas

qui fut Secretaire d'Estat. Celuy cy fort connu par son esprit, et

son habileté, eut pour fils, Charles de Neufville Marquis d'Alin=

=court Grand Prevost de l'hostel, Chevalier des Ordres du Roy,

Gouverneur de la ville de Lion, pais de Lionnois, Forez et Beaujolois,

par son mariage avec Marguerite de Mandelot, fille unique de

François de Mandelot qui lui donna ce Gouvernement en mariage.

Du 2d. mariage du Marquis d'Alincourt avec Jacqueline de

Harlay, vint Nicolas de Neuville Duc de Villeroy, Pair et Maāl

de France, Chevalier des Ordres du Roy, Gouverneur du Roy

Louis XIV. Ministre d'Estat, et Chef du Conseil Royal de

Finances. Francois de Neuville Duc de Villeroy, Pair et Maāl

de France &ca. sur lequel cette Chanson cy a êté faite êtoit fils de

ce dernier, qui quoique Maāl de France, êtoit décrié du côté de la

valeur, et n'avoit presque pas êté à la Guerre, ou du moins y avoit

peu brillé, aussi n'eut il le baston que par ce que le Cardl. Mazarin

le vouloit mettre auprés du Roy, à cause de sa foiblesse et de son

aveugle obeissance pour lui, et comme il falloit un homme titre

et que les Ducs et Pair ne se faisoient pas alors si facilement

qu'ils se sont faits depuis. Il fut fait Mareschal de France

sans l'avoir mérité. On voit aisement par ce détail qu'il n'y à pas

de Grands Guerriers dans les Ancestres du Mareschal Duc de

Villeroy, et qu'ainsi suposé que ce Mareschal manquast de courage,

comme l'auteur le veut persuader; quoique sans fondement, il

auroit raison de dire que ce seigneur chasse de race.

 

                                                                                                            [293]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: Que j'estime mon cher voisin

            ou

Amy sans regretter Paris.

 

A François de Neuville Duc de Villeroy,

Pair et Mareschal de France &ca. au sujet de

la Prise de la ville et Chasteau de Namur.

 

La prudence de Villeroy

A Sauvé le Royaume1,

Il a fort bien servy le Roy,

{J'entends} Mais c'est le Roy Guillaume2.

 

Il eut par un coup sans égal3,

Bien fait voir qui nous sommes4,

                                                            Mais

 

1. Cela est ironique, car on verra par la suitte de ce Commentre.

que l'auteur ne pretend rien moins que de persuader que le

Mareschal Duc de Villeroy ait sauvé la France.

2. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange, Couronné Roy

d'Angleterre l'auteur prétend que le Mareschal Duc de Villeroy

à bien servi ce Prince, en servant mal la France, et en ne secourant

pas Namur comme il veut faire entendre que cela se pouvoit

faire, en hazardant une affaire généralle.

3. Vu Combat gñal, et éffectivement fatal à beaucoup de gens qui

y seroient demeurez.

4. C'est à dire quelle est la valeur des Troupes Françoises;

apparemment cette Chanson cy a êté faite par quelque Officier

de l'Armée que Commandoit le Mareschal Duc de Villeroy.

 

                                                                                                            [294]

Mais par malheur ce Général,

N'avoit que cent mil hommes5.

 

5. Il est constant que l'Armée Françoise êtoit bien de cent

mil hommes, mais celle des Ennemis êtoit pour le moins

aussi forte, à quoi il faut ajouter que le Mareschal Duc

de Villeroy, scachant bien ce qu'on disoit de lui aprés la

prise de Namur, aima mieux s'exposer aux discours du

public que de faire tuer inutilement 3. ou 4000. hommes

qui auroient vainement tenté de forcer les lignes des

Ennemis. Ce sacrifice de sa réputation, pour le bien de

l'Armée qu'il commandoit, lui fit un honneur, et lui

gagna le cœur des Troupes à un point qui ne se peut dire.

 

 

S'il avoit marché sur les pas

Du Prince de Vendosme;

Il auroit détruit les Estats

Du pauvre Roy Guillaume;

 

Villeroy presse son retour,

Il aime trop la gloire,

Il est seur en faisant l'amour,

De gagner la victoire.

 

                                                                                                            [297]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur le même air que le précédent.

 

Servant de reponse à la précédente; Nota;

que cette Chanson est ironique comme la

précédente.

 

Ouy, Namur est pris; mais au moins,

On peut le faire rendre,

On ne l'a pas pris sans témoins*

On peut les faire entendre} Il faut les faire entendre.

 

*L'auteur par témoins entend cent mil hommes dont

l'Armée Françoise êtoit composée, qui tous furent témoins

de la Prise de Namur, car cette Place se rendit presque

en leur presence.

Voyez la justification du Mareschal Duc de Vileroy

dans l'Article 5e. du Commentaire précédent.

 

                                                                                                            [299]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur de Lampon.

 

Sur Francois de Neuville Duc de Villeroy,

Pair et Mareschal de France &ca. au sujet

d'un nommé du Pré qui êtoit à luy, et qui

l'avoit servi pendant la Campagne de 1695.

en Flandres, où ce Mareschal Commandoit

les Armées du Roy.

 

Si du Pré suit Villeroy,

Si du Pré suit Villeroy,

C'est en imitant le Roy1,

C'est en imitant le Roy.

Pour escrire son histoire2,

Car il aime aussi la gloire3,

Lampon, lampon,

Camarade Lampon.

 

1. Le Roy de France Louis XIV.

2. Le Roy s'etoit fait suivre pendant les Campagnes qu'il avoit

faites par Jean Racine, et Nicolas Boileau Sr. des Preaux

tous deux de l'Accademie Françoise, qu'il avoit choisis pour écrire

son histoire. l'auteur de cette Chanson pour donner un ridicule

au Mareschal Duc de Villeroy, dit qu'il mene aussi du Pré

avec lui pour écrire sa vie, ce qu'il y a de plaisant à cela

c'est {ce} que ce du Pré étoit un homme d'une figure extraordre.

Joueur, mais plat, bouffon, sans aucune litterature.

3. Du Pré faisoit souvent de tres mauvaises plaisanteries

                                                                                                sur

 

                                                                                                            [300]

sur la gloire, quand il êtoit à l'Armée avec le Mareschal Duc

de Villeroy quand il y alloit ou qu'il en revenoit. Voila pourquoy

l'auteur dit icy qu'il est propre à louer le Mareschal Duc de

Villeroy, à quoi il faut ajouter que le Mareschal êtoit fort

glorieux. Cela n'est pas trop bon.

 

                                                                                                            [301]

 

Vers Irreguliers                                                                                               1695.

 

Sur la Prise des ville et Chateau de Namur

par l'Armée des Confédérez, contre la

France, commandée par Guillaume-Henry

de Nassau Prince d'Orange, couronné Roy

d'Angleterre &ca.

 

Nota; Que cette place fut investie le Juillet

par un Corps de troupes Hollandoises que commandoit

le Comte d'Athlone; que le Prince d'Orange y arriva

en personne le .... du même mois que la Tranchée fut

ouverte à la ville le ... suivant, qu'elle se rendit le 17.

Aoust; que la Tranchée fut ouverte au Château, où la

Garnison Françoise s'etoit retirée le .... du même mois;

qu'il se rendit le ... Septembre, et que la Garnison

en sortir le .... avec Armes et Bagages .. pieces de Canon,

Tambour battant, Enseignes deployées, et fut conduit à

Charleroy.

 

Par Guillaume une regnant1, Namur vient d'être pris, [X]

            Lui qui jamais n'a pris de ville2;

            Mais n'en soyons pas plus surpris,

A force d'en avoir veu prendre par Louis3,

                                                                        Il

 

1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange Couronné

Roy d'Angleterre et y regnant éffectivment, puisque Jacques

II. Roy legitime et son beau pere avoit êté detronné par lui, et

chassé hors de ses Estats.

2. Il est certain que jusqu'à lors le Prince d'Orange avoit manqué

toutes les places qu'il avoit assiegées, comme Woerden, Charleroy

deux fois &ca.

3. Louis XIV. Roy de France qui avoit pris un nombre

                                                                                    presque

 

                                                                                                            [302]

 

            Il est devenu plus habile,

            Il n'est pas tems de plaisanter,

Dira quelque Censeur dans l'estat où nous sommes,

A la teste de cent mil hommes

Villeroy pour Namur n'a rien osé tenter4,

            Comme Cuillaume il l'a veu rendre

            {Censeur tu purois te méprendre} Le cas n'est pas egal lorsque Namur fut pris,

            Par nostre invincible Louis6,

Nous n'etions point cachez7, il pouvoit entreprendre,

                                                                                                Nous

 

presque infiny de villes, les pieces contenuës dans ce Recueil en

parlent assez.

4. On a veu dans les pieces precedentes, ce que le Mareschal Duc de

Villeroy tenta pour secourir Namur, et ce qu'il ne put tenter le

Lecteur y est renvoyé.

5. On peut voir dans les pieces de 1692. sur la Prise de Namur par

le Roy Louis XIV. que cette ville s'etoit renduë à la vente de l'armée

des Alliez, forte de prés de cent mil hommes commandée par le

Prince d'Orange, comme elle se rendit en cette année 1695. presq.

à la veuë de l'Armée Françoise forte de prés de 100000. hommes,

commandée par le Mareschal Duc de Villeroy.

6. Louis XIV. Roy de France 1692.

7. L'auteur tire icy sur le Prince d'Orange qui marchant en

1692. pour secourir Namur, s'avança jusques sur le bord

de la Riviere de Mehagne, qu'il n'osa, ou ne voulut passer

devant l'Armée Françoise, commandée par feu le Maāl

Duc de Montmorancy-Luxembourg. Ce détail est plus

au long dans les pieces de cette année.

 

 

                                                                                                            [303]

 

Nous attaquer pour se défendre8,

Pour combattre nous courions tous9,

Si le Prince10 avoit fait aujourd'huy comme nous11,

Villeroy comme lui ne l'auroit pas veu prendre12.

 

8. Le feu Mareschal Duc de Luxembourg avoit laissé le

terrain libre au Prince d'Orange pour passer la Mehagne, et

se mettre en Bataille; mais ce Prince ne jugea pas à propos de le

faire, si en attaquant le Mareschal Duc de Luxembourg, il

l'avoit vaincu, le Roy êtoit obligé de lever le siege, ainsi Namur

êtoit secours.

9. Personne de doutoit dans l'Armée Françoise que le Prince

d'Orange ne hazardast la Bastille et tout ce qu'il y avoit de

gens distinguez au siege prés la personne du Roy qui y êtoit

demeuré pour le continuer, êtoient allez dans l'Armée du feu

Mareschal Duc de Luxembourg pour avoir part à la gloire

de cette journée.

10. Le Prince d'Orange.

11. C'est à dire si le Prince d'Orange êtoit sorty de ses lignes,

et qu'il {se} fut avancé sur les bords de la Mehagne come fit

en l'an 1692 le Mareschal Duc de Luxembourg à la teste

d'une Armée.

12. Le Mareschal Duc de Villeroy lui eut donné Bataille, ce qu'il

ne put entreprendre, car aprés avoir poussé les 40. Escadrons

Ennemis, et avoir reconnu les lignes du Prince d'Orange, il vit

qu'il êtoit impossible de les forcer. En quoy n'en déplaise a

l'auteur, il ne faut pas blâmer ce Prince qui ne voulut pas en

1695. rendre douteuse par une Bataille, la Prise de Namur

qu'il êtoit seur de prendre en se tenant dans ses lignes, comme

l'évenement le fit voir.

 

                                                                                                            [305]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: Ah qu'elle y va gayement.

 

Sur le même sujet que les vers précédents.

 

Nota; Que ceux qui auront leu les pieces de 1692. auront

veu une Chanson sur le même air, faite sur la Prise de

Namur par le Roy de France-Louise XIV. dont celle cy

est une Parodie.

 

Guillaume1 à son tour va2 menant,

Ah qu'il y va gayment.

Ses Troupeaux paissans vers Dinant3.

Tout le long de la riviere,

Ah qu'elle y va ma Bergere, {Ah ! qu'il y va le compere

Ah qu'elle y va gayement. {Ah ! qu'il y va gayment !

 

1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange, couronné

Roy d'Angleterre.

2. Ce cy est relatif à ce qui est dit dans l'Argument, où il est

parlé de la Chanson faite sur le même air, au sujet de la

Prise de Namur par sa Majseté en 1692. celle cy, comme il

a êté dit, en est une Parodie. Voila pourquoi l'auteur dit que

le Prince d'Orange va a son tour à Namur. Le Roy XIV.

y fut en 1692. le Prince d'Orange en 1695. à son tour.

3. Namur est sur la Meuse près Dinan, ainsi le Prince

d'Orange allant à Namur va vers Dinan. Quand l'Autr.

dit qu'il y mene ses Troupeaux paître, C'est une plaisanterie

pour dire qu'il y mene son Armée; mais cela est relatif à la

Chanson de 1692. Parodicé en celle cy, où il y a

            Berger et Bergere allant.

            Ah qu'il y va gayement.

            Ses Troupeaux paître vers Dinant.

 

                                                                                                            [306]

 

Ses Troupeaux paissans vers Dinant,

Ah qu'elle &ca.

Il voit Namur, chemin faisant,

Tout le long &ca.

 

Il voit Namur, chemin faisant,

Ah qu'elle &ca.

Dix fois plus fort qu'auparavant4,

Tout le long &ca.

 

Dix fois plus fort qu'auparavant,

Ah qu'elle &ca.

Tout Paris dit que s'il le prend,

Tout le long &ca.

                                                Tout

 

4. On avoit fait une dépense prodigieuse pour fortifier Namur

depuis que le Roy l'avoit pris; mais ce qu'il y eut d'extraordre.

C'est qu'on avoit fortifié tous les abords de cette place, à la

reserve de l'endroit le plus foible du Château, par où le Prince

d'Orange l'attaqua, et le prit, ce fut un entestement de Louis

de Vauban 1er. Ingenieur du Roy Lieutenant gñal de ses

Armées et Grand Croix de l'Ordre de St. Louis, lequel ne voulut

jamais travailler à cet endroit quelqu'effort qu'y fit, Michel le

Pelletier Cones. d'Estat ordre. et Intendant des Finances, et

Directeur gñal des Fortifications de France, aussi la Prise de cette

place fit elle un tort infiny à la réputation de cet Ingenieur, dont tout

le monde se moqua aprés la prise de Namur, jusques aux Ennemis.

Il avoit si peu connu cet endroit foible, qu'il fit en 1692. attaquer

ce Château par le plus fort contre l'avis des gens sensez qu'il

traita de ridicules, car il êtoit fort brutal. Et aprés que le Roy

en fut le maître, il négligea non seulement de le faire fortifier

                                                                                                mais

 

                                                                                                            [307]

 

Tout Paris dit que s'il le prend,

Ah qu'elle &ca.,

On lui donra un Merle blanc5;

Tout le long &ca.

 

On lui donra un Merle blanc,

Ah qu'elle &ca.,

L'offre lui plaist, et dans l'instant;

Tout le long &ca.

 

L'offre lui plaist, et dans l'instant,

Ah qu'elle &ca.,

Il devient Jupiter tonnant6;

Tout le long &ca.

 

Il devient Jupiter tonnant,

Ah qu'elle &ca.,

Pour Boufflers7, il fait le fendant;

Tout le long &ca.

 

Pour Boufflers, il fait le fendant;

                                                            Ah.

 

mais il s'oposa rudement à ceux qui le proposoient à Sa M. Cependant

ce fut par là que la fit attaquer Cohorn Hollandois Ingénieur du

Prince d'Orange qui en plaisanta fort avec raison.

+ 5. C'est une plaisanterie,

il est vray qu'a Paris les

gens peu informez ne doutoient

pas que Namur ne fut

presque imprenable, et

doutoient même qu'on le

prit.

6. C'est qu'il y avoit 120. pieces de Canon en baterie devant cette place,

sans compter un grand nombre de Mortiers. Jamais Artillerie

n'a êté mieux servie.

7. Louis-François de Bouflers Mareschal de France, Chtr des

                                                                                                Ordres

 

 

                                                                                                            [308]

Ah qu'elle &ca.,

Et Villeroy fait l'important8;

Tout le long &ca.

 

Et Villeroy fait l'important,

Ah qu'elle &ca.,

Avec cent mille Combattans9;

Tout le long &ca.

 

Avec cent mille Combattans,

Ah qu'elle &ca.,

Du pied ferme le Roy10 l'attend;

Tout le long &ca.

 

                                                            De

 

Ordres du Roy, Colonel du Régiment des Gardes Françoises

de sa Majesté, Gouverneur de Flandres &ca. s'etoit jetté dans

cette place qui êtoit de son Gouvernement, et la défendoit, ayant

sous lui ...... Comte de Guifeard Lieutenant général des Armées

du Roy, qui êtoit Gouverneur particulier de Namur, avec nombre de braves …

et de braves troupes, il y avoit un Régiment de Cavalerie, sept de

Dragons, 18. Bataillons, dont onze de Campagne.

8. Le Mareschal Duc de Villeroy qui s'etoit avancé pour secourir

cette place à la teste de l'Armée Françoise à l'air important.

9. L'Armée Françoise êtoit asseurement forte de 100000 hommes

ou environ, car on y avoit fait venir un gros détachement de

l'Armée d'Allemagne.

10. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange, Couronné

Roy d'Angleterre attendit le Maāl Duc de Villeroy de pied

ferme, car il ne sortit pas de ses lignes en quoi il fit tres sagemt.

 

                                                                                                            [309]

De pied ferme le Roy l'attend,

Ah qu'elle &ca.,

Et cependant Namur se prend11;

Tout le long &ca.

 

Et cependant Namur se prend,

Ah qu'elle &ca.,

Guillaume à t'il perdu son tems;

Tout le long &ca.

 

Guillaume à t'il perdu son tems,

Ah qu'elle &ca.,

Il a gagné le Merle blanc;

Tout le long &ca.

 

Il a gagné le Merle blanc,

Ah qu'elle &ca.,

Adieu François jusqu'au printemps12;

Tout le long &ca.

                                                            Adieu

 

11. Namur se rendit à peine le Mareschal Duc de Villeory

êtoit sorty d'auprés.

12. L'auteur fait icy parler les Ennemis qui promettent aux

françois de revenir au printems, attaquer quelqu'autre de

leurs Places.

 

                                                                                                            [310]

 

Adieu François jusqu'au printemps,

Ah qu'elle y va gayement,

Nous nous reverrons à Dinan13,

Tout le long &ca.

 

13. On croyoit qu'ils en voudroient à Dinan, plustost qu'a

une autre place, parceque elle êtoit aisée à prendre, difficile

à secourir, et qu'aprés cela ils n'avoient plus que Philipeville

et Roeroy à prendre pour pénétrer en France.

 

                                                                                                            [311]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Lampon

 

Sur le même sujet que les précédentes.

 

Mailly1 s'en va partout disant,

Mailly s'en va partout disant,

De quoy Boufflers se plaint il tant2,

De quoy Boufflers se plaint il tant;

Sa femme à fait plus de deffense

Que Namur3, n'y que Mayence4;

Lampon, lampon,

Camarade lampon.

 

C'estoit un morceau bien dur

C'estoit un morceau bien dur,

                                                            Que

 

1. ......... Comte de Mailly Mareschal des Camps et Armées

du Roy, Me. de Camp gñal des Dragons.

2. Louis François de Bouffles Maāl de France soupçonnoit le Comte de Mailly

d'etre amoureux de ..... Gramaut sa femme.

3. Tout le monde convenoit que le Mareschal de Boufflers avoit

mal défendu Namur, mais la raillerie qui tombe icy sur sa

femme n'etoit pas fondée. Le Comte de Mailly en pouvoit être

amoureux; mais jusqu'à lors, il n'en avoit pas eu de faveurs.

4. On scait la mauvaise défense que Nicolas du Blé Marquis

d'Huxelles Chevalier des Ordres du Roy, Lieutenant gñal

des Armées de sa Majesté, fit l'an 1689. dans Mayence

qu'il défendoit contre Charles Duc de Lorraine Général

de l'Armée de l'Empereur, et de l'Empire. Voyez sur cela

les pieces de l'année 1689. qui sont dans ce Recueil.

 

                                                                                                            [312]

 

Que le Château de Namur5,

Que le Château de Namur,

Mais avec du jus d'Orange6,

Est-il rien que l'on ne mange;

Lampon, lampon,

Camarade lampon.

 

5. La principale défense de Namur consistoit dans le Chasteau,

Car la ville ne valloit rien. L'auteur de cette Chanson prétend icy

que le Mareschal de Boufflers le pouvoit défendre mieux

qu'il ne fit, et il n'estoit pas le seul de cet avis.

6. Ce cy est un jeu de mot sur le nom de Prince d'Orange; mais

des plus mauvais.

 

                                                                                                            [313]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: des Triolets.

 

Sur le même sujet que les précédentes.

 

A Guillaume le Conquérant1,

Nulle place n'est imprenable,

Namur en est un seur garant2;

A Guillaume le Conquérant

Tout est perdu s'il entreprend,

De faire Boufflers Connestable3,

A Guillaume le Conquérant,

Nulle place n'est imprenable.

 

1. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange qui venoit

de prendre Namur.

2. Namur êtoit une place de si grande réputation, que l'auteur

croit avoir sujet de croire qu'aprés une Conqueste de telle importance,

il n'y a plus de Places imprenables pour ce Prince.

3. Aussitost aprés la Prise de Namur, le Roy Louis XIV. déclara

qu'il faisoit le Mareschal de Boufflers Duc, pour le recompenser

de la déffense de cette place. Cela surprit tous ceux qui ne croyoient

pas, comme le Roy, que cette défense fut assez bonne pour

mériter une telle dignité; car le nombre de ceux qui l'a trouvoient

mauvaise n'etoit pas petit. L'auteur qui est de cet avis, et qui est

surpris de la récompense comme bien d'autres, dit fort plai=

=samment, que tout est perdu si le Prince d'Orange entreprend

de foire le Mareschal de Boufflers, Connestable, parce que,

s'il est Duc pour avoir mal deffendu une place, le Prince

d'Orange le fera sans doute Connestable, à force de Places

                                                                                                qu'il

 

                                                                                                            [314]

qu'il prendra sur lui, et qui seront sans doutes des meilleures

de France, puisque la Flandres Françoise, dont ce Mareschal

est Gouverneur, est composée des Places les plus importantes, et

les mieux fortifiées du Royaume.

 

                                                                                                            [315]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air de Joconde.

 

Sur ce que le Roy Louis XIV. par Lettres

patentes données à Fontainebleau au mois

de Septembre 1695. registrées au Parlement

de Paris le 26. Novembre suivant, Erigea le

Comté de Cagny en Beauvoisis, avec les terres

de Bonnieres, Haucourt, Vrancourt, Bicourt,

et letiers de la Chastellerie de Milly, possédé

par indivis avec sa Majesté, leurs dépendances,

et apartenances, en Duché, pour ne composer

qu'une seule terre, sous le nom de Duché de

Boufflers; en faveur de Louis-François de

Boufflers Mareschal de France, Chevalier les

Ordres du Roy, Colonel du Regiment des Gardes

Françoises, Gouverneur de Flandres, des villes

et Citadelle de Lisle.

 

Nota; Que ce fut pour recompenser ce Seigr. de ce que la

ville et Comté de Namur, faisant partie de son Gouvernemt.

de Flandres, il se jetta dans cette ville par ordre du Roy

lorsque le Prince d'Orange là fit investir au mois de

Juillet 1695. et la deffendit comme on a veu dans les pieces

precedentes ayant .... Comte de Guiscard Lieutt.

general des Armées de sa Majesté qui êtoit Gouverneur

particulier de Namur.

 

Quoi! Boufflers Duc! on a grand tort

                                                            C'est

 

 

                                                                                                            [316]

 

C'est insulter la France1;

Guillaume2, l'auroit fait Milord3,

C'est sa vray récompense4;

Il auroit meme suplié

Qu'on le fit Grand d'Espagne5,

Ayant servy les Alliez6,

Toute cette Compagne7.

 

Nous esperons que l'an qui vient

Il commandera en Flandres8,

Et que nous perdrons par ses soins

Les places de la Sambre9,

                                                Et

 

1. Parceque comme il a êté dit dans la Chanson précédente, et dans

l'Argument de celle cy, le Mareschal de Boufflers avoit êté

fait Duc pour avoir deffendu Namur, et que selon l'auteur et

bien d'autres, il s'en êtoit for mal acquitté.

2. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange, couronné

Roy d'Angleterre.

3. La dignité la plus Eminente en Angleterre est celle de

Milord, comme Duc en France, et les Grands en Espagne.

4. L'auteur veut que la vraye récompense du Maāl Duc de

Boufflers, soit d'etre Milord, et vienne du Prince d'Orange,

parce qu'en deffendant Namur, comme il a fait, il a mieu servy

ce Prince, que le Roy son maître.

5. Voyez l'Article 3. de ce Commentaire.

6. L'Auteur continue de dire que la mauvaise deffense que le

Mareschal Duc de Boufflers est un service considérable qu'il

a rendu aux puissances alliées contre la France.

7. L'auteur ne veut pas seulement que ce soit en deffendant mal

Namur que ce Māal ait servy les alliez mais encore dans

toutes les demarches qu'il a faites pendt. toute la Campagne de 1695.

8. C'est à dire qu'il sera general des armées Francoises en Flandres.

9. Charleroy, Maubeuge, &ca.

 

                                                                                                            [317]

 

Et si par un rare bonheur

Il perd une Bataille10,

Le Roy11, consultant son grand cœur

Le fera Connestable12.

 

10. L'auteur est persuadé que si le Mareschalde Bouflers

commande les Armées, il sera aisé aux Ennemis de la

battre, et sur la dignité Ducale qu'on lui a donnée pour

avoir mal deffendu Namur, il juge que ce seroit un Grand

bonheur pour lui d'avoir perdu une Bataille, et qu'il en

seroit recompensé comme il l'a déja êté.

11. Le Roy de France Louis XIV.

12. L'Auteur prétend que si le Roy à fait le Maāl de

Bouflers Duc pour avoir déffendu Namur, il doit estre

Connestable pour avoir perdu une Bataille. Cela est

assez plaisant.

 

                                                                                                            [318]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Landerirette.

 

Sur ce que le Roy Louis XIV. fit Duc Louis-

-François de Boufflers-Mareschal de France

&ca. pour le récompenser de la déffense de Namur.

 

Nota; Qu'on verra le détail de ce Duché dans la

Chanson précédente.

 

Si les Places que nous perdons

Font Ducs tous ceux qui les rendront,

            Landerirette,

Nous en verrons grand nombre icy1,

            Landeriri.

 

1. L'autheur êtoit persuadé que le Roy avoit beaucoup de

Gouverneurs dans ses Places capables de les deffendre

aussi mal que le Mareschal de Boufflers avoit fait

Namur, et il dit que si on les fait tous Ducs, il y en aura

grand nombre à la Cour; parcequ'au temps qui couroit, le

Prince d'Orange êtoit en êtat d'en prendre beaucoup sur la

France.

 

                                                                                                            [319]

 

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air de Landerirette

 

A ........ Comte de Guiseard Lieutenant

general des Armées du Roy, Gouverneur parti=

=culier des ville et Château de Namur; lorsque le

Prince d'Orange l'assiegea, comme on a veu

dans l'Argument de la Chanson précédente, et

sur ce que le Roy Louis XIV. lui promit de le

faire Chevalier de ses Ordres pour le récompenser

de ce qu'il avoit deffendu Namur, sous le Maāl

de Boufflers.

 

Guiscard Mareschal1 tu seras,

Quand bonne place tu rendras2,

            Landerirette

Reims3 à ta femme là promis

            Landeriri.

 

1. Mareschal de France.

2. L'auteur de cette Chanson connoissoit Namur et scavoit

aparemment que quelque fut la réputation de cette place, il

y avoit un endroit qui n'etant pas fortifié, c'est ce qui lui fait

dire que le Comte de Guiscard sera Mareschal de France

quand il rendra une bonne place, puisqu'on l'a fait Cordon

bleu pour avoir contribué a en rendre une mauvaise.

3. Charles-Maurice le Tellier Archevesque Duc de Reims

1er. Pair de France, Commandeur des Ordres du Roy, qui etoit

amoureux de ......................... de Langlée Comtesse de

                                                                                    Guiscard

 

                                                                                                            [320]

Guiscard, cet Archevesque êtoit frere de feu François le Tellier

Marquis de Louvois, et par consequent Oncle de Louis Francois

le Tellier Marquis de Barbezieux, Chancelier des Ordres du Roy

et Secretaire d'Estat au Département de la Guerre. Voilà

pourquoi l'auteur prétend qu'il pouvoit promettre au marry de

sa maîtresse de le pousser à la guerre; en vérité il falloit

que ce Prelat fût de bien mauvais goût, car la Comtesse de

Guiscard êtoit toute des plus laides.

 

 

                                                                                                            [321]

Epigramme

 

[X] Sur les récompenses que le Roy Louis XIV.

donna l'an 1695. à ceux qui avoient déffendu

les ville et Château de Namur.

 

            Tourville est battu sur mer1;

            Le voila Mareschal de France2.

Boufflers rent-il Namur sans nulle résistance3,

            Le voila d'abord Duc & Pair4.

            Et Villeroy l'incomparable

            Court risque d'estre Connestable5.

 

1. On peut voir dans les pieces de ce Recueil de l'an 1692.

comme quoi Anne-Hilarion de Costentin Vice Amiral

et {de}puis Mareschal de France, Comte de Tourville, perdit la

Bataille que le Roy le força de donner le 29. et 30. Mars

1692. contre les Flottes d'Angleterre, et de Hollande, n'ayant

que 42. Vaisseaux, et les Ennemis 85.

2. Le Comte de Tourville fut fait Mareschal de France, au mois

de Mars 1693.

3. Voyez dans les pieces précédentes, et leurs Commentaires, quelle

fut la deffense que le Mareschal Duc de Boufflers fit dans

Namur, et comme il fut fait Duc.

4. L'Auteur se méprend icy, le Mareschal de Boufflers ne

fut pas fait Duc et Pair; mais Duc simple, registré au Parlemt.

de Paris.

5. L'Auteur veut que puisque le Comte de Guiscard a êté fait

Cordon bleu, et le Mareschal de Boufflers Duc, pour avoir

tous deux mal déffendu Namur; il veut dire que François

de Neuville Duc de Villeroy Pair et Mareschal de France

&ca. court risque d'estre Connestable pour n'avoir pas secouru

                                                                                                            cette

 

                                                                                                            [322]

cette place avec l'Armée qu'il commandoit, voyez sur cela les

pieces precendentes qui regardent le Mareschal Duc de Villeroy.

 

                                                                                                            [323]

Madrigal                                                                                                          1695.

 

Sur le même sujet que l'Epigramme précédente.

 

Oh qu'ils ont bien joué de Chance,

Ceux qui renfermés dans Namur

Ont si peu fait de résistance1,

Malgré l'épaisseur de son mur2;

Qu'on à bien remply leur attente,

Tous ont êté comblés d'honneur3,

Tel en a veu croître sa rente4,

Tel a obtenu bonne patente5,

                                                            Tel

 

1./2.} Voyez dans les pieces precendentes tout ce qui s'est dit sur la

deffense de Namur, et sur les Fortifications de cette Place.

3. Il n'y a presque personne parmy les Officiers de la Garnison de

Namur qui n'ait receu quelque grace du Roy, et S. M. faisoit

de grands Eloges de leur resistance, en quoy il êtoit le seul de son

Royaume.

4. Le Comte de Guiscard eut 12000livres. de pension; le Sr. de

Mesgrigny Mareschal de Camp et Ingénieur en Chef dans

la place, eut 6000livres. de pension, et une Commanderie de St. Louis

de 3000livres. de rente, et tous les Ingénieurs, qui êtoit sous lui

eurent chacun une Gratiffication plus ou moins considérable.

5. Le Mareschal de Boufflers fut Duc comme on a déja dit

plus haut, le Comte de Guiscard eut parolle d'estre Chevalier

de l'Ordre, et le fut le 1er. jour de l'année suivante, et le Sr. de

Mesgrigny fut fait Lieutenant general des Armées du roy,

les Srs. de Bragelogne Capitaine au Regiment des Gardes

Françoises, de Reynac Lieutenant de Roy de Charleroy

et Prince Lieutenant Colonel du Régiment d'Infanterie de

Mgr le Dauphin, qui êtoit dans Namur, furent faits Brigadiers

                                                                                                d'Infanterie

 

 

                                                                                                            [324]

 

Tel autre marque de faveur6;

Mais j'aurois un desir extrême

De scavoir d'Eux de bonne foy,

S'ils sont aussi contens d'Eux mêmes;

Comme ils doivent l'estre du Roy7.

 

d'Infanterie, des Comtes de Nogent, et de St. Hermincs,

Colonel de Dragons, furent faits Brigadiers de Dragons. Le

Comte de Horne Colonel de Cavalerie, fut fait aussi Brigadier

de Cavalerie, les Marquis de Quelus, et de Grammont, le Comte

de Leaumont, et le Sr. de St. Laurent Brigadiers, furent faits

Mareschaux de Camp. On donna des Commissions de Colonels

aux Srs. de Granval, la Fosse, Beaujeu, et des Rozeaux

Lieutenans Colonels de Dragons, Entragues Lieutenant au

Régiment des Gardes Françoises, qui êtoit aussi dans Namur,

eut le Régiment de Bugey, le Comte d'Erouvile Capitaine au

Régiment d'Infanterie de Mgr le Dauphin, eut le Régiment

de Haynault, le Chevalier de Pezeux Capitaine de Dragons

eut un Régiment d'Infanterie Francontois; En un mot tous les

Officiers qui y êtoient dans Namur, eurent presque tous quelque

récompense honarable, ou utile.

6. Les Eloges, les preférences, les distinctions, et toutes sortes

de marques de faveurs, ne manquerent à pas un de ceux qui

servirent à la déffense de cette Place.

7. C'est avec raison que l'auteur fait cette demande, car il est bien

certain parce qu'on vient de lire dans les articles de ce Commentre.

surtout dans les trois derniers, que ceux qui avoient deffendu

Namur devoient être contents du Roy, veu les biens qu'il leur

avoit fait, et qu'on vient de voir; mais en vérité leur deffense

fut médiocre; ils ne firent aucune action de vigeur; il n'y eut

qu'une seule sortie, où les soldats abandonnerent leurs Chefs

on se contenta de deffendre le terrain pied à pied, et même foiblemt.

et mollement; ainsi tous ces Officiers qui avoient tant de lieu de

se louer des bontez du Roy, avoient êté honteux de les recevoir

et convenir qu'ils ne les avoient pas méritées; c'est ce que quelques

un d'Eux avouoient de tres bonnefoy.

 

                                                                                                            [325]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air des Triolets.

 

Sur François de Neuville Duc de Villeroy, Pair

et Mareschal de France &ca. Général des Armées

du Roy en Flandres, à son retour de l'Armée.

 

Nota; Que cette Chanson récapitule ce qui a êté dit contre ce

Mareschal dans les Chansons precedentes qui ont êté faites

sur lui en sujet de la Prise de Namur; et du secours qu'il en

tenta vainement.

 

Villeroy ce fier Général

Revient triomphant de l'Armée,

Dieu daigne le garder de mal;

Villeroy ce fier général,

S'il n'eut retenu son Cheval,

La France alloit estre abismée1,

Revient triomphant de l'Armée.

 

Nassau2 dans ton retranchement3,

Tu croyois bien vanger Bruxelles4;

                                                            Mais

 

1. Il est aisé de juger que ce cy est une raillerie de l'Auteur, et que toute

cette Chanson n'est autre chose.

2. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange &ca.

3. Dans ses lignes de circonvalation et de contrevallation autour de

Namur.

4. Vanger Bruxelles, de ce qu'elle avoit êté Bombardée les 13. 14. et 15.

                                                                                                                        d'aoust.

 

 

                                                                                                            [326]

Mais quel fut ton ressentiment;

Nassau dans ton retranchement

D'avoir a prendre seulement

Une méchante Citadelle5;

Nassau dans ton retranchement

Tu croyois bien vanger Bruxelles.

 

Conty pour sauver un Château7,

Vouloit faire le diable a quatre8;

Il alloit engager sa peau;

Conty pour sauver un Chasteau.

Mais Villeroy repassant l'Eau9,

                                                            Dit

 

d'Aoust precedents, par le Māal Duc de Villeroy, comme il a

êté veu dans une des Chansons précedentes faites sur ce Bombardemt.

5. Le Château de Namur.

6. François-Louis de Bourbon Prince de Conty et du sang &ca.

7. Pour sauver le Chateau de Namur qui tenoit encore, quand

le Mareschal Duc de Villeroy y arriva avec son Armée, car

la ville êtoit rendue dés le 17. Aoust.

8. Il est certain que le Prince de Conty eut voulu de bon cœur

que l'on eut donné une Bataille pour y signaler son extrême

valeur; mais son bon esprit lui fit avouer dés qu'il eut

reconnu les lignes des Ennemis, qu'il ne falloit pas la hazar=

=der en attaquant les lignes, et ce fut l'avis de tous les Gñaux.

9. La Riviere de Mehagne qu'il avoit passée pour s'aprocher

des lignes, et les reconnoître, et au passage de laquelle 10. de

ses Escadrons en batirent 40. des Ennemis, comme il a êté

dit plus au long dans l'Argument d'une des Chansons

precedentes.

 

 

                                                                                                            [327]

 

Dit qu'on perdroit trop a se battre10;

Conty pour sauver un Chasteau,

Vouloit faire le Diable à quatre.

 

L'an qui vient dit-il, Monseigneur11,

Nous aurons bien plus d'avantage,

Sans doute il y fera meilleur;

L'an qui vient, dit-il, Monseigneur,

Le Roy n'aprouve pas l'honneur

Qui lui vient par trop de carnage12;

L'an qui vient, dit il, Monseigneur

Nous aurons bien plus d'avantage.

                                                            Condé

 

 

10. Cela est vray, et cela êtoit vray, malgré le ridicule que l'auteur

veut icy donner au Māal Duc de Villeroy, on n'etoit pas les

maîtres d'attirer les Ennemis à une Bataille; On ne pouvoit

qu'attaquer leurs lignes, et Elles êtoient si bonnes et si bien garnies

puisque les Assiegeans êtoient plus forts que les François, qu'on

eut perdu un monde infiny dans cette attaque, et qu'il êtoit

avec cela comme certain qu'on n'y reussiroit pas.

11. L'auteur fait icy parler le Mareschal Duc de Villeroy, au

Prince de Conty, et c'est toujours lui qui parle dans le reste

de la Chanson.

12. Quelque ridicule que l'Auteur veuille donner icy au Roy

Louis XIV. ou au Mareschal Duc de Villeroy ou à tous les 2.

Il est constant que l'esat des affaires du Royaume ne

demandoit pas ny qu'on risquast des Affaires generalles

n'y qu'on exposât trop les soldats. Les hommes commançoient

a manquer en France, et les recrües devenoient difficiles a

faire, surtout pour l'Infanterie.

 

 

                                                                                                            [328]

 

Condé13 fut par trop hazardeux,

Comment a t'il fait pour tant vivre?

Vous êtes aussi trop hargneux14;

Condé fut par vôtre nom fameux,

C'est mon modele qu'il faut suivre;

Condé fut par trop hazardeux,

Comment a t'il fait pour tant vivre?

 

Comme Turenne15, les soldats

Vont bientost me nommer leur pere16,

Luxembourg17 ne ménageoit pas

Comme Turenne les Soldats.

                                                Si

 

13. Louis de Bourbon Prince de Condé, 1er. Prince du Sang, &ca. mort

à Fontainebleau le 11. Decembre 1686. l'un des grands Capitaines de

son tems, fameux par un grand nombre d'actions éclatantes, et

hazardeuses.

14. Le Prince de Conty neveu de ce grand Prince, êtoit son image

par l'Esprit, le Courage et son génie pour la guerre, et il ne lui manquoit

que les occasions de se signaler qu'il cherchoit avec empressement,

et que la fortune lui avoit refusé avec cruauté, et pour le malheur

de la France; Le mot de hargneux, et de comment a t'il fait

pour tant vivre, sont des railleries tres froides de l'auteur, qui

soutient partoit son ironie, on a en a averti le lecteur dés l'art. 1er.

de ce Commentaire.

15. Henry de la Tour d'Auvergne Vicomte de Turenne, Māal de

France &ca., l'un des Grands Capitaines de son siecle, tué d'un coup

de Canon prés le village de Salsbach en Allemagne le 27. Juillet 1675.

16. Les Soldats que le Vicomte de Turenne ménageoit fort, et

qui l'adoroit , l'apelloit, le Pere Turenne, lorsqu'ils parloient

de lui.

17. François-Henry de Montmorency-Luxembourg, Duc de

                                                                                                Piney

 

                                                                                                            [329]

Si je leur fais voir des Combats

Ils verront ce que je scais faire,

Comme Turenne les Soldats

Vont bientost me nommer leur pere.

 

Piney, Pair et Mareschal de France &ca., mort à Versailles

le 4. Janvier 1695.

 

 

Autre

 

Sur l'air de Mais.

 

Sur la même personne, et le même sujet

que la précédente.

 

Du grand Louis tu soutiens la querelle1,

Du grand Créquy tu est le vray modele2;

Mais;

                                                Si

 

1. Le Mareschal Duc de Villeroy soûtenoit effectivement la

querelle de Louis XIV. Roy de France dit le Grand, puisqu'il

étoit General des armée du Roy en Flandres.

2. L'auteur amy du Mareschal Duc de Villeroy, le compare icy

à feu François Sire de Créquy Mareschal de France, qui

êtoit tres brave homme, et assez bon Capitaine.

 

 

                                                                                                            [330]

Si le Thomasseau3 s'en mesle,

Tu ne combatras jamais4.

 

3. Par le mot de Thomasseau l'auteur entend Louis-Auguste de

Bourbon légitimé France Duc du Maine &ca. et pour compren=

=dre pourquoi il lui donne le nom de Thomasseau. Il faut

scavoir que les Comediens François à Paris jouerent au

commencement de l'Autonne 1695. une farce apellée les

vendanges de suresnes dans laquelle un acteur sous le nom

de Madlle. Thomasseau faisoit le personnage d'une Naine

et pour cet effet marchoit sur ses genoux habillé en femme

avec une jupe courte par devant, et qui par derriere lui cachoit

les Jambes et les pieds, c'estoit une des plaisantes figures

qui ait jamais parû sur le Théatre, comme elle êtoit fort

petite, les plaisans la comparerent à Louise-Benedicte

de Bourbon Duchesse du Maine qui êtoit Naine, et firent

même des Vaudevilles sur cette Princesse, cans lesquels ils

l'appellerent Princesse Thomasseau; Il y en a dans ce Recueil.

éffectivement la Duchesse du Maine n'estoit pas plus grande

que la figure de Madlle. Thomasseau de la Comedie, comme

le Duc du Maine son mary êtoit universellement hay, qu'il

êtoit boiteux et tout contrefait, et que l'on ne songeoit qu'a lui

tirer des brocards, on l'apella aussi depuis Thomasseau. Voila

ce qu'il falloit scavoir pour l'intelligence de cecy.

4. Le Duc du Maine n'etoit pas en réputation de valeur, et l'on

a veu plus haut dans les pieces précédentes de cette année, comme

il fit perdre le 14. Juillet, l'occasion au Mareschal Duc de

Villeroy, de defaire a platte coûture 30 000. hommes des Ennemis

commandés par le Prince de Vaudemont, l'auteur qui s'en

souvient icy, avertit ce Mareschal que si le Duc du Maine

se mesle encore de commander sous lui, il lui fera perdre

les occasions de combattre, comme il a desja fait.

 

                                                                                                            [331]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air de Lampon [X]

 

Sur le choix que le Roy Louis XIV avoit

fait de François de Neuville Duc de Villeroy

Pair et Mareschal de France, pour commander

son Armée de Flandres pendant la Capgne

de 1695. Sur les Princes qui y servoient, et

sur les Ministres qui composoient le Conseil

de sa Majesté.

 

Ne blasmons pas Villeroy1,

Ne blasmons pas Villeroy,

Il fut choisi par le Roy,

Il fut choisi par le Roy,

Plaignons nous de ce grand Prince,

D'avoir fait un choix si mince;

Lampon, Lampon,

Camarade Lampon.

 

Souvent il choisi fort mal, bis.

                                                Temoin.

 

1. L'auteur de cette Chanson ne veut point qu'on prenne au

Mareschal de Villeroy de toutes les fautes faites en Flandres

pendant la Campagne de 1695. mais seulement au Roy, de

ce qu'il choisit de foibles Generaux et de mauvais Ministres.

Il met au rang des 1ers. le mareschal de Villeroy.

 

                                                                                                            [332]

 

Témoin ce grand Amiral2, bis

Témoin le boiteux du Maine3,

Témoin la Maintenon Reyne4;

Lampon, &ca.

 

Il laisse le sang Bourbon5, bis

Et c'est là que tout est bon. bis

N'est-ce pas une misere

De voir Conty volontaire6;

Lampon. &ca.

                                                L'Estat

 

2. Louis-Alexandre de Bourbon legitimé de France Comte

de Toulouze Duc de Damville, Pair et Admiral de France, Cher.

des Ordres du Roy. Gouverneur de Bretagne, fils naturel du

Roy Louis XIV. et servit dans l'Armée de Flandres, l'an 1695.

3. ... Louis-Auguste de Bourbon legitimé de France Duc du

Maine, Comte d'Eu, Pair Grand Maître, et Capitaine Général

de l'Artillerie de France, Colonel general des Suisses, Chtr des

Ordres du Roy, Gouverneur de Languedoc, fils naturel du Roy

Louis XIV. et servoit de Lieutenant general dans l'Armée de

Flandres l'an 1695. il êtoit né boiteux.

4. ... Françoise d'Aubigné Marquise de Maintenon, si bien

dans l'esprit du Roy, que l'Auteur l'apelle Reyne persuadé

qu'elle avoit grande part à tout.

5. ... Les Princes du sang que le Roy Louis XIV. n'aimoit pas et

ausquels sa Majesté preferoit ses Bastards en toutes occasion.

6. ... François-Louis de Bourbon Prince de Conty, et du sang,

Chtr des Ordres du Roy, il servoit de Lieutenant general dans

l'Armée de Flandres l'an 1695. et l'auteur prevenu en sa faveur

aussi bien que tout le reste du Royaume, trouvoit que c'estoit

servir de volontaire pour lui, que de servir en second, lui qu'on

croyoit capable de commander les Armées.

 

 

                                                                                                            [333]

 

L'Estat périt à grand train, bis

Depuis qu'il prit Pontchartrain7; bis

Que nostre sort est sinistre

De l'avoir pris pour Ministre8;

Lampon. &ca.

 

Le babillard Chancelier9, bis

Et le fade Pelletier10,   bis

Croissy11, le triste Pomponne12,

Sont l'apuy de la Couronne;

Lampon. &ca.

                                                A l'esgard

 

7. Louis Phelypeaux Comte de Pontchartrain Ministre et

Secretaire d'Estat, au département de la Maison du Roy, et de la

Marine, Controlleur general des Finances.

8. Il avoit succedé au Controle general des Finances l'an 1688, à

Claude le Pelletier, comme il a êté veu dans les pieces de cette année

qui sont dans ce Recueil. La guerre qui êtoit venue cruelle depuis

ce tems là, avoit obligé ce Ministre a chercher de lArgent par une

infinité de créations de Charges, de Taxes, d'Impositions, de

nouveautez, de recherche &ca. En telle sorte que l'Etat en souffroit

par raport à la justice, au Commerce, et aux Finances, ainsi il êtoit

vray de dire que le sort de la France êtoit sinistre de l'avoir pour

Ministre; mais la question est, de scavoir, si un autre en sa place

auroit pû faire autrement dans un tems si malheureux.

9. Louis Boucherat Chtr. Chaner. de France, cy devant Chaner. des

Ordres du Roy, c'estoit un homme tres incapable, et tres ignorant, et

fort grand parleur sans esprit.

10. Claude le Pelletier Ministre d'Estat cy devant Controlleur gñal

des Finances. Il êtoit ignorant et méchant et absolument incapable

d'aucun employ, pour petit qu'il fut.

11. Charles Colbert Marquis de Croissy, Ministre et Secretre. d'Estat

au Departement des affaires Estrangeres. Il êtoit sans esprit aussi bien

que sans capacité.

12. Simon Arnaud de Pomponne Ministre d'Estat, et Secretre.

                                                                                                d'Etat.

 

                                                                                                            [334]

 

A l'esgard de Barbezieux13, bis

On dit qu'il ne vaut pas mieux, bis

Ainsi de tous, on peut dire

Que qui choisit prend le pire;

Lampon, lampon,

Camarade Lampon.

 

d'Estat au Département des Affaires Estrangeres avant le

Marquis de Croissy, qui le déposseda par le crédit de Jean Battiste

Colbert son frere l'an 1679. comme on peut voir dans les pieces

de cette année, qui sont dans ce Recueil. Il êtoit depuis rentré dans

le Conseil avec le Titre le Ministre d'Estat l'an 1691. c'estoit

un homme fort sage, plein d'esprit, de scavoir, et de politesse;

mais médiocre Ministre, et fort triste, pour ne pas dire Ennuyeux.

13. Louis-François le Tellier Marquis de Barbezieux Secretre.

d'Estat au Département de la guerre. C'etoit un homme sans

experience, amy des plaisirs, Ennemy du travail, d'un génie

médiocre, sans veu ny aplication.

 

                                                                                                            [335]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: Creusons sous le Tombeau.

 

A Louise-Benedicte de Bourbon femme

de Louis-Auguste de Bourbon legitimé de

France, Duc du Maine, Chevalier des Ordres

du Roy &ca. sur le fils dont elle accoucha

le ..... du mois de .... 1695.

 

 

Princesse Thomasseau1

Qui accouchés sans peine2,

Dis nous, ton Jouvenceau,

                                                A t'il

 

1. Pour scavoir par quelle raison l'auteur apelle la Duchesse

du Maine, Princesse Thomasseau, il est necessaire de dire

qu'au commencement de l'Autonne 1695. les Comediens

François à Paris jouerent une farce qui s'apelloit les vendanges

de surêtte dans cette piece un acteur sous le nom de Mademlle.

Thomasseau et habillé en femme, jouoit le personnage d'une

naine. Il marchoit sur les genoux pour le representer, et sa jupe

qui par devant n'alloit qu'a fleur de terre, êtoit assez longue par

derriere pour lui couvrir les Jambes, et les pieds. C'estoit une

des plus plaisantes figures qui eut depuis longtems parû sur le

Théatre dés qu'on l'a vit les plaisans la comparerent à la ....

Duchesse du Maine qui est naine, et apellerent aussitost cette

Princesse, la Princesse Thomasseau.

2. L'auteur remarque ce cy, parceque la Duchesse du Maine

êtant naine. Elle devoit accoucher plus difficilement qu'elle

n'avoit fait.

3. C'est a dire le fils dont tu viens d'accoucher.

 

 

                                                                                                            [336]

 

A t'il figure humaine4,

Ou si dés le berceau

Il ressemble à la haine5.

 

4. La Duchesse du Maine avoit deja eu une fille qui avoit

vecu peu de jours et qui êtoit si petite qu'on la tint pendant

sa vie dans une assez petite boëte envelopée dans du cotton.

C'est ce qui oblige l'auteur a demander si l'enfant dont cette

Princesse vient d'accoucher à figure humaine, d'autant plus

que la mere êtoit naine, et le pere Boiteux.

5. Par la haine, l'auteur entend le Duc du Maine, hay

generalement de tout le monde pour sa malignité.

 

 

                                                                                                            [337]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Robin Turelure. [X]

 

A Louis-Auguste de Bourbon legitimée

de France Duc du Maine &ca.sur le même

sujet que la précédente.

 

S'il ressemble au grand Condé1,

J'estime ta géniture2;

Mais s'il tient de ton côté3

            Turelure,

C'est un monstre de nature

Robin Turelure.

 

1. Feu Louis de Bourbon Prince de Condé, 1er. Prince du

sang &ca. si fameux par ses Exploits.

2. L'auteur dit que si la géniture c'est a dire le fils qui vient

de naître au Duc du Maine ressemble au grand Condé Ayeul

de la Duchesse du Maine, Il en fait grand cas.

3. C'est à dire s'il ressemble au Duc du Maine son pere.

4. ... Le Duc du Maine êtoit boiteux et hay de tout le monde

generalement pour sa méchanceté, et les mauvais offices qu'il

rendoit à chacun. Voila pourquoi l'auteur dit que son

fils sera un monstre de nature, s'il lui ressemble.

 

 

                                                                                                            [339]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Landerirette. [X]

 

Au Roy de France Louis XIV.

 

Quand vous viviez en libertin1,

Vous étiez maître du destin2,

            Landerirette;

Vous avez changé de party3,

            Landeriri.

 

Voyez Jacques dépossédé4,

Le cagotisme est son pêché5.

                                                Landerirete

 

1. Le Roy Louis XIV. pendant les 1res. années de sa vie, fut

fort adonné aux plaisirs, comme ses Enfants naturels en font

foy.

2. Il est certain qu'il fut le Prince du monde le plus favorisé

de la fortune pendant qu'il vivoit dans les plaisirs; ce Recueil

n'est plein que des victoires qu'il remporta, et des Conquestes

qu'il fit pendant ce tems là.

3. Ce Prince s'etoit jetté dans une grande et dure dévotion, depuis

quelques années, et il est certain que depuis ce tems là tant lui

tournoit à mal.

4. Jacques II. Roy d'Angleterre dépossédé de ses Estats l'an

1688. par Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange

son gendre, comme on a pû voir dans les pieces de cette année

et plusieurs autres du depuis qui sont dans ce Recueil.

5. Le Roy fut chassé, parce que non seulement il êtoit Catholique

et que l'Angleterre est un Royaume protestant; mais parce qu'il

êtoit outré dans sa Religion et qu'il êtoit absolument gouverné

par les Jesuittes et autres moines qui lui faisoient faire des

sotises à tout bout de Champ.

 

                                                                                                            [340]

Landerirette,

Soyez sage au dépend d'autruy6,

Landeriri.

 

6. L'auteur de cette Chanson donne un avis au Roy Louis

XIV. qui est fort sensé; Il est certain que ce Prince prenoit

la dévotion trop à cœur, qu'elle lui faisoit faire un nombre

infiny de fautes dans le gouvernement de son Royaume, et

qu'il êtoit à craindre veu la guerre cruelle qu'il avoit alors

sur les bras, et ses autres foiblesses, que cela ne ruinast la

France comme la personne du Roy d'Angleterre, l'estoit

alors.

 

                                                                                                            [341]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air des gueux. [X]

 

Sur Louis Phelypeaux Comte de

Pontchartrain Ministre et Secretaire d'Estat

Controlleur general des Finances &ca.

 

Pontchartrain qui scait la vie

Que font les gueux1,

Que font les gueux,

A chaque moment s'escrie,

Qu'ils sont heureux2,

Qu'ils sont heureux,

Ils nous rendra tous comme eux3,

Vive les gueux.

 

1. Cecy est malin, et l'auteur reproche à Mr. de Pontchartrain

qu'il êtoit né avec peu de bien.

2. C'estoit avec raison que ce Ministre pouvoit alors s'ecrier que

les gueux êtoit heureux, par raport à luy, qui êtoit accablé

d'affaires desagréables.

3. L'auteur veut dire que Mr. de Pontchartrain ruinera la

France, et rendra tous les François gueux par les Impots

dont il chargeoit le Royaume pour soutenir la guerre.

 

 

                                                                                                            [343]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Tarareponpon. [X]

 

Dans laquelle l'auteur fait parler Jacques

II. Roy d'Angleterre.

 

Guidé par le soleil1, jamais je ne m'egare,

Dit Jacques, je mettray mon Gendre à la raison2,

Sur le ton de fanfare;

Guillaume3, lui répond,

Mon beaupere, tarare

Ponpon4.

 

1. Le Roy Louis XIV. avoit pour devise un Soleil sur un

Globe terrestre, avec ses mots latins, nec pluribus impar. Il

avoit sur cette heureuse devise prit le soleil pour son simbole,

de maniere que lorsque Jacques II. Roy d'Angleterre, dit icy

qu'il est guidé par le Soleil, c'est comme s'il disoit qu'il est

guidé par le Roy de France Loyis XIV. ce qui êtoit vray,

puisque celui cy entretenoit et conduisoit éffectivement celui là.

2. Ce cy est dit ironiquement, car il s'en falloit beaucoup alors

que ces deux Rois joints ensemble fussent en êtat de mettre

à la raison Guillaume Henry de Nassau Prince d'Orange

&ca. qui êtoit le Gendre du Roy d'Angleterre, et celui dont

l'auteur veut parler. C'est ce que l'expérience confirmoit tous

les jours de plus en plus.

3. .. L'auteur fait icy répondre Guillaume Henry de Nassau

Prince d'Orange.

4. Il est tres plaisant que l'auteur se serve d'une Chanson

et d'un Tarareponpon, pour toute réponse aux menances du

Roy d'Angleterre son beaupere. Cela marque un grand

mépris.

 

 

                                                                                                            [345]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Lampon. [X]

 

Dans laquelle l'Auteur fait parler Louis

XIV. Roy de France à Jacques II. Roy.

d'Angleterre, et répondre le Roy d'Angle=

=terre au Roy de France.

 

A Jacques disoit Louis,

A Jacques disoit Louis,

De Galles est-il vôtre fils1? ... bis

Oui de par Sainte Théreze2,

Comme vous de Louis treize3.

Lampon, lampon,

Camarade lampon.

 

1. Le Parlement et les peuples d'Angleterre, ne reconnoissant

pas le Prince de Galles pour fils du Roy Jacques II. et pour

autoriser cette désobeissance, ils avançoient une médisance

affreuse contre la Reine d'Angleterre, en disant que le Roy son

mary êtoit impuissant, et qu'elle s'estoit fait faire cet Enfant

par le P. Petters Jesuitte, d'autres disoient que c'estoit un Enfant

suposé. Et une partie de ceux qui composoient le Parlement

d'Angleterre avoient signé cet avis, et cela par l'intrigue du

Prince d'Orange qui avoit usurpé le Royaume, et qui avoit

interrest que cette Fable se débitast.

2. C'est le Roy d'Angleterre qui répond dans ces quatre

derniers vers. On ne scait pas bien pourquoi, il fait jurer ce

Prince par Ste. Tereze, si ce n'est pour rimer à Louis Treize.

3. .... Le Roy Louis XIII. épousa au mois de Mars 1612. la

Reine Anne d'Autriche, qui n'eut d'Enfans qu'au mois de

                                                                                                Sept.

 

                                                                                                            [346]

Septembre 1638. qu'elle accoucha du Roy Louis XIV. cela

donna lieu a des médisances sur la naissance de ce Prince presque

pareilles à celles qui se faisoient alors en Angleterre sur la

naissance du Prince de Galles, c'est aproprement parler ce qui fait

le sujet de cette Chanson.

 

On répandit un Livre intitulé Les Amours de Louis XIV. avec

la Reine d'Angleterre, dans lequel on prétendoit qu'ils avoient êté

bien ensemble pendant le voyage de son mary en Irlande, mais cela

est tres faux, ce qui donna lieu à la Chanson.

 

 

                                                                                                            [347]

Epigramme                                                                                                     1695.

 

Sur Mesdemoiselles Louison sœurs,

Bourgeoises de Paris.

 

Deux sœurs également bien faites1,

Qui de l'amour suivent les Loix2,

Et qui pour {bien} plumer Gentilhomme Bourgeois,

Passant les plus fines Coquettes3,

Estant à l'Opera pour faire des amans4,

Le visage couvert de mouches,

Et du vermillon sur leurs bouches;

Leurs habits tous brillans d'or et de diamans5.

Un des soldats gardant la porte6,

Autant gay qu'aucun de sa sorte,

Mon camarade, esperons tous

Dit-il, en regardant ces belles,

                                                            Vois-tu

 

1. Les petites Loisons, êtoient fort Jolies, l'aînée blonde, et

la Cadette brune.

2. Elles êtoient toutes deux grandes putains.

3. Elles êtoient fort habiles au metier de Courtisannes, et en vivoient

aidées en cela de l'habileté de leur mere qui les prostituoient.

4. Elles alloient souvent à l'Opera, et les filles de telle profession

ny vont guerres sans dessin.

5. Elles êtoient toujours extremements parées.

6. Il y avoit toujours une Escouade de soldats du Régiment

des Gardes Françoise qui gardoit la porte de l'Opera à

Paris.

 

                                                                                                            [348]

Vois-tu bien ces deux Demoiselles,

Ce sera dans quatre ans de la viande pour nous.

 

7. Les putains lorsqu'elles sont vieilles, ne laissent pas d'aimer

toujours le déduit, et comme l'age diminue le nombre des

pratiques, elles s'abandonnent d'ordre. à la Canaille faute

de mieux, ainsy, ce soldat que l'auteur fait parler icy êtoit

fondé a dire que les petites Loison deviendroient {de la viande} pour lui

et ses pareils dans quelques années. Cela êtoit vray semblable.

 

 

 

                                                                                                            [349]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air des Ennuyeux.

 

Sur .... de Bautru-Nogent femme

de Jean-Baptiste-Armand de Rohan

Prince de Montauban.

 

Montauban qui ne craindroit pas

Vôtre bouche et vôtre derriere?

L'un ment et médit en tout cas,

L'autre est toujours plein de Clistere,

Vous jettez la terreur partout,

Tant par l'un, que par l'autre bout.

 

Cette Chanson n'a pas besoin de Commentaire.

 

 

                                                                                                            [351]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air des Ennuyeux.

 

Faites les derniers jours de l'an 1695. sur ce=

=que ..... Comte de Guiscard Lieutenant

général des Armées du Roy, devoit ête receu

Chevalier du St. Esprit, à Versailles le Diman=

=che suivant, qui êtoit Gouverneur particulier

et cela pour récompense de la défaite qu'il

avoit faite dans les Ville et Château de

Namur dont il êtoit Gouverneur particulier

sous les Ordres du Mareschal Duc de

Bouflers Gouverneur general de la Province

de Flandres, comme il a êté dit dans les

pieces précédente, au sujet de ce siege.

 

 

Soyez sodomite1, et voleur {menteur}2,

Piqués vous d'être sans croyance3,

Soyez fourbe4, et Faux monnoyeur5,

Soyez seur d'une récompense,

Guiscard, qui mérite le feu,    | Noyon, qui mérite le feu,

Sera Dimanche Cordon bleu.  | Est honoré du Cordon bleu.

 

1. Le Comte de Guiscard êtoit grand sodomite.

2. Il friponnoit et excroquoit tout ce qu'il pouvoit.

3. Il n'avoit ny2 fois ny loix.

4. Il trompoit qu'il pouvoit.

5. Il êtoit aussi Faux Monnoyeur, ou débiteur de fausse monnoye,

                                                                                                            car

 

 

                                                                                                            [352]

 

car il fut verifié que dans un voyage qu'il fit en poste, il

ne paya les Chevaux et les Postillons qu'en fausse monnoye.

 

 

                                                                                                            [353]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'Air des Ennuyeux.

 

Sur ce que le 1er. jour de l'an 1696. le Roy Louis

XIV. donna l'Ordre du St. Esprit, vacant par la

mort de François de Harlay de Chanvalon

Archevesque de Paris, à François de

Clermont-Tonerre Evesque et Comte de

Noyon, Pair de France Coner. d'Estat.

 

Qu'a donc fait Noyon1, depyis peu?

Seroit-il point devenu sage2,

Il est devenu Cordon bleu,

Auroit il baisé quelque page3;

On dit; mais il n'est pas bien seur

Qu'il s'estoit jetté dans Namur4.

 

1. L'auteur apelle par dérision l'Evesque et Comte de Noyon,

le Noyon; Cela le dénigre d'autant plus que c'estoit l'homme

du monde le plus glorieux indépendamment de la dignité

Episcopale.

2. l'Evesque de Noyon êtoit un des grands foux qui eut la Clef

de sa Chambre, tout le monde le connoissoit pour tel, et avec cela

il faisoit à la Cour ce qu'il vouloit.

3. C'est a dire ne seroit il point sodomite, cecy a relation avec

l'Article suivant.

4. Cecy est plaisant, le Roy avoit recompensé tous les Officiers,

qui s'etoient trouvés dans Namur lorsqu'il fut assiégé, bien

que tout le monde fut convaincu qu'ils avoient mal deffendu

cette place .... Comte de Guiscard qui en êtoit

                                                                                    Gouverneur

 

                                                                                                            [354]

Gouverneur particulier fut fait Chtr de l'Ordre du St. Esprit

avec l'Evesque de Noyon le 1er. jour de l'an 1696. C'est pouquoy

l'auteur dit qu'il faut que ce Prélat se fut jetté dans Namur,

comme le Comte de Guiscard, puisque comme lui il est Chtr de l'Ordre

sans l'avoir mérité, Guiscard êtoit d'ailleurs grand Sodomite, c'est

pour cela que l'Auteur demande si l'Evesque de Noyon le seroit

aussy.

 

                                                                                                            [355]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air J'ay perdu un bon amy.

 

Sur ce que Anne-Jules Duc de Noailles, Pair

et Mareschal de France, Chtr des Ordres du Roy,

1er. Capitaine des Gardes de son Corps &ca. suplia

l'an 1695. sa Majesté de le décharger des Comman=

=demens de l'Armée en Catalogne, a cause que ses

infirmitez le mettoient hors d'estat de servir.

 

Nota: Que le Mareschal Duc de Noailles ayant fait

cette Déclaration au Roy dès le commencement du mois de May

1695. sa Majesté ne publia la chose que le .... Juin suivant

et donna le Commandement de cette Armée à Louis-Joseph Duc

de Vendosme &ca. Général des Galeres de France, et Lieutenant

general de ses Armées. le Roy attendit ce tems pour laisser partir

pour l'Armée tous les Princes de son sang, de peur que s'ils

êtoient prés de lui ils ne l'importunassent pour commander cette

Armée préferablement au Duc de Vendosme, ce qui eut êté tres

raisonnable.

 

Il revient1 donc ce héros

            de Rigaut2,

                                                Qu'a

 

1. C'est a dire le Maāl Duc de Noailles revient de Catalogne

car le Roy pour mieux couvrir son jeu, lui avoit commandé

de partir et d'assembler l'Armée qui devoit servir en Catalogne,

ce qu'il fit, puis il revint quand sa M. eut déclaré le Duc de

Vendosme Général de cette Armée.

2. Voyez une Chanson faite l'an 1694. sur le même Maāl Duc

de Noailles, qui commence ainsy.

                                                            Avez vous veu ce heros

                                                                        Chez Rigault .

depuis cette Chanson on ne l'apelloit presque plus que le heros de Rigaut.

 

 

                                                                                                            [356]

 

Qu'a jamais on le bénisse,

Il ne pouvoit sur ma foy

            Rendre au Roy,

De plus important service3.

 

Tel quand de l'usurpateur4,

            Le bonheur

Sembla ménacer la France5,

Le Pelletier6 finement,

            Promptement

Abandonna la France7.

 

Messieurs je répons du fruit

            Que produit.

                                    Une

 

3. L'Auteur veut dire icy que le Maāl Duc de Noailles êtoit si

peu capable de commander, qu'il ne pouvoit mieux servir le Roy

qu'en quittant le Généralat.

4. Guillaume-Henry de Nassau Prince d'Orange &ca.

5. L'an 1689. lorsque le Roy d'Angleterre Jacques II. fut

chassé de ses Royaumes par le Prince d'Orange qui s'en fit couronner

Roy, la consternation fut assez grande en France où l'on previt

d'abord que ce Prince porteroit ses Armes avec toutes les autres puis=

=sances de l'Europe, comme il arriva.

6. Claude le Pelletier Ministre d'Estat, cy devant Controlleur

général des Finances.

7. Ce Minsitre prévoyant que la Direction des Finances, devenoit

trop pezante, a cause de la guerre, s'en démit, avec permission du Roy,

entre les mains de Louis Phelypeaux Sr. de Pontchartrain lors

Intendant des Finances; voyez à propos de cette abdication du

Controlle gñal des Finances par Mr. le Pelletier 2. Fables, une Chanson

de 1689. et plusieurs autres pieces des années suivantes, le livre précédent

en est tout plein.

 

                                                                                                            [357]

Une conduitte semblable8

Vous verrez le Pelletier

            Chancelier

Et Noailles Connestable.

 

8. La conduitte du Mareschal Duc de Noailles semblable

à celle de Mr. le Pelletier, en ce qu'il quitte le commandement des

Armées, à ce que prétend l'Auteur, par incapacité, et trouvant

cet employ trop fort pour lui, comme ce Ministre abdica les

Finances aussi par incapacité. La vérité est que l'un et l'autre

en userent ainsy par cette raison, et que l'un êtoit aussi méchant

Ministre, que l'autre mauvais général.

9. Il y a bien de la malignité dans ces 3. derniers vers, où l'auteur

faisant le Prophete, veut que si on doit faire Mr. le Pelletier

Chancelier aprés la mort de Louis Boucherat, comme on le croyoit,

on fera aussi le Mareschal Duc de Noailles Connestable, cet

apariage, est peut être la chose du monde la plus offençante pour

celui cy, car Mr. le Pelletier tout Ministre d'Estat qu'il estoit,

êtoit peut être l'homme du Royaume le plus méprisé pour son

incapacité, et quantité d'autres imperfections, et l'auteur veut

que ce Māal soit entre les Généraux, ce que ce Ministre êtoit

parmy les Ministres, c'est à dire un ignorant, un trigaut un

hipocrite et avec cela un cœur pervers, et méchant.

 

 

                                                                                                            [359]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air.......

 

Aprés que Luxembourg eut terminé son sort,

Et payé le tribut qu'il devoit à la mort;

Villeroy dont l'Espée est sujette à la rouille,

Destiné pour son successeur,

Eut presque toute sa dépouille,

Il ne s'en faut que le bras et le cœur.

 

Autre

 

Sur l'air: des Triolets.

 

De pere en fils les Villerois

Ont tous êté des gens de plume;

Ils n'ont point eu d'autres Emplois,

Jamais on n'a veu leurs Exploits

Imprimez dans aucun volume.

De pere en fils les Villerois

Ont tous êté des gens de plume.

 

Le Général de nos Drapeaux,

Qui l'est contre toutes les regles,

                                                            A mis

 

                                                                                                            [360]

A mis nôtre gloire en lambeaux;

Le Général de nos Drapeaux,

Il montre bien que les Corbeaux

N'ont jamais fait éclore d'Aigles:

Le Général de nos Drapeaux,

Qui l'est contre toutes les regles.

 

                                                                                                            [361]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air: de Tanturelu.

 

Sur Mr. le Duc de Villeroy.

 

Ce n'est pas la mine

Qui fait un Guerrier,

Ni la frange fine,

Du grand {De son} Baudrier.

Le Diable l'emporte, et nous rende le bossu*

Lanturlu lanturlu.

 

* le Duc de Luxembourg.

 

                                                                                                            [363]

Chanson                                                                                                          1695.

 

Sur l'air.........

 

Beaux garçons chantez les louanges

Du Seigneur Maistre des Anges;

Marly reçoit la Montauban,

Philippe y mene la Momie,

C'est qu'il y veut asseurement

Faire regner la Sodomie.